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11/12/2015 | BELGIQUE | N°C.14.0559.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 décembre 2015, C.14.0559.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0559.F

C. R.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

P & V ASSURANCES, societe cooperative à responsabilite limitee dont lesiege social est etabli à Saint-Josse-ten-Noode, rue Royale, 151,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 28 mai

2014par le tribunal de premiere instance du Hainaut, statuant en degred'appel.

Le conseiller Didier Batsele a...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0559.F

C. R.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

P & V ASSURANCES, societe cooperative à responsabilite limitee dont lesiege social est etabli à Saint-Josse-ten-Noode, rue Royale, 151,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 28 mai 2014par le tribunal de premiere instance du Hainaut, statuant en degred'appel.

Le conseiller Didier Batsele a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 1315 du Code civil ;

- articles 2, 780, 3DEG, et 870 du Code judiciaire ;

- articles 12.4 et 12.5 de l'arrete royal du 1er decembre 1975 portantreglement general sur la police de la circulation routiere ;

- principe general du droit relatif à l'administration de la preuve enmatiere repressive ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que, le 14 avril 2010, peu avant 18 heures, unaccident de la circulation est survenu à B., chaussee ..., que lesvehicules impliques etaient ceux d'un certain L. P., assure enresponsabilite civile par la defenderesse, et de la demanderesse, lequeletait conduit par son fils J. C., que « [l]es deux vehicules circulaientdans la meme direction » et que, « [a]lors qu'il venait de quitter sonstationnement, le vehicule conduit par monsieur P. a ete percute àl'arriere par le vehicule conduit par monsieur C. », le jugement attaque,saisi, d'une part, de l'action de la demanderesse dirigee contre ladefenderesse en reparation du prejudice qu'elle a subi à la suite del'accident, d'autre part, de l'action de L. P contre Axa Belgium, societeanonyme, assureur couvrant la responsabilite civile de la demanderesse, enreparation du prejudice qu'il avait lui-meme subi, dit chacune desdemandes non fondees et en deboute tant la demanderesse que L. P.

Apres un rappel des elements du dossier qu'il enonce, etant notamment lesdeclarations de chacun des conducteurs, le croquis des lieux redige parles verbalisants, les rapports d'expertise verses aux debats par lesparties, ces motifs etant tenus ici pour reproduits integralement, lejugement attaque ajoute :

« 4.3. Responsabilites

Les rapports des experts divergent sur de nombreux points :

- l'importance des deformations subies par les vehicules lors de l'impact,

- quel etait l'angle qui existait entre les axes longitudinaux desvehicules au moment du heurt,

- la localisation du point de choc entre les deux vehicules,

- la vitesse à laquelle circulait monsieur C.,

- le calcul des phases de demarrage, et enfin

- la position initiale du vehicule de monsieur P.

Le tribunal releve que les pieces du dossier ne lui permettent pasd'etablir avec certitude la position initiale du vehicule de monsieur P., qui est pourtant l'element premier sur lequel les calculs des experts sebasent et sur lequel ils ne sont pas d'accord.

Le croquis des verbalisants etablit avec certitude la localisation finaledes vehicules alors que la position initiale relevee ne peut etre deduited'aucune des declarations des protagonistes ni d'aucun temoin direct desfaits ».

Et le jugement attaque explique les raisons pour lesquelles ce croquis« ne peut etre rec,u comme element de preuve » et ajoute que :

« Des lors que la position initiale du vehicule de monsieur P. demeureinconnue, aucune des deux theses en presence ne peut etre accreditee l'uneplus que l'autre.

Surabondamment, le tribunal ne dispose d'aucun autre element objectif luipermettant de departager les experts sur les divergences issues de lamaniere d'utiliser les logiciels de calcul et d'en interpreter lesresultats.

Le tribunal constate qu'aucune faute en relation causale avec l'accidentn'est demontree dans le chef de l'une ou l'autre des parties ».

Griefs

Le conducteur qui quitte un emplacement de stationnement effectue unemanoeuvre et « doit ceder le passage aux autres usagers » (article 12.4du code de la route).

Cette obligation n'est pas limitee au seul moment ou la manoeuvre estentamee par le conducteur mais subsiste au cours de celle-ci jusqu'à ceque le conducteur, qui quitte un emplacement de stationnement, ait reprissa position normale dans la circulation.

Sans doute est-ce à la condition que la survenance de ces autres usagersne soit pas imprevisible, auquel cas leur comportement a pu tromper lesattentes legitimes du conducteur qui quitte l'emplacement destationnement, lequel serait alors decharge de cette obligation.

Par application des regles relatives à la charge de la preuve, en casd'accident, il incombe au conducteur qui quitte un emplacement destationnement et se pretend libere pour la ou les raison[s] indiquee[s]ci-avant d'apporter la preuve a) qu'il avait repris sa position normaledans la circulation ou b) que la survenance de l'usager qui le heurteetait imprevisible.

Premiere branche

[La demanderesse] avait soutenu en conclusions « qu'à partir du momentou [L. P.] reconnait lui-meme expressement avoir vu le vehicule de la[demanderesse] avant de s'engager, il lui devient impossible de plaiderl'obstacle imprevisible ».

Ni par les motifs critiques ni par aucun autre, l'arret ne repond à cemoyen de defense et [il] n'est donc [pas] regulierement motive (violationdes articles 2, 780, 3DEG, du Code judiciaire et 149 de la Constitution).

Seconde branche

Des lors qu'il se deduit des constatations du jugement attaque, d'une part- ceci etant, selon ses termes memes, le seul element de certitude pour letribunal -, que L. P. « venait de quitter son stationnement » lorsqu'il« a ete percute à l'arriere » par la voiture conduite par le fils de lademanderesse, sans qu'il soit etabli qu'il avait repris sa positionnormale dans la circulation, d'autre part, que la preuve n'est pasapportee par la defenderesse que la survenance du fils de la demanderesseetait imprevisible et a pu tromper les attentes legitimes de L. P. (« aucune faute en relation causale avec l'accident n'est demontree dansle chef » notamment du fils de la demanderesse), le tribunal n'a pulegalement decharger L. P. de la responsabilite qui etait la sienne parapplication des articles 12.4 et 12.5 du code de la route : en deboutantla demanderesse, le jugement attaque meconnait donc ces dispositionslegales et les regles relatives à la charge de la preuve (articles 1315,specialement alinea 2, du Code civil, 2 et 870 du Code judiciaire, etprincipe general du droit relatif à l'administration de la preuve enmatiere repressive).

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la seconde branche :

L'obligation imposee par l'article 12.4 du code de la route au conducteurqui veut effectuer une manoeuvre de ceder le passage aux autres usagerspresente un caractere general et est independante du respect desprescriptions de ce code par les autres usagers, à condition cependantque leur survenance ne soit pas imprevisible.

Le juge ne peut des lors decharger le conducteur debiteur de priorite detoute responsabilite qu'en constatant que le comportement du conducteurprioritaire a trompe les attentes legitimes du debiteur de priorite.

Le jugement attaque constate que l'accident litigieux met en cause deuxvehicules qui « circulaient dans la meme direction » et qu'« alorsqu'il venait de quitter son stationnement, le vehicule conduit par[l'assure de la defenderesse] a ete percute à l'arriere par le vehiculeconduit par [le fils de la demanderesse] ».

Le jugement attaque considere que « les rapports des experts divergentsur de nombreux points : l'importance des deformations subies par lesvehicules lors de l'impact, quel etait l'angle qui existait entre les axeslongitudinaux des vehicules au moment du heurt, la localisation du pointde choc entre les deux vehicules, la vitesse à laquelle circulait [lefils de la demanderesse], le calcul des phases de demarrage et [...] laposition initiale du vehicule de [l'assure de la defenderesse] ».

Le jugement attaque, qui releve que « les pieces du dossier ne luipermettent pas d'etablir avec certitude la position initiale du vehiculede [l'assure de la defenderesse], qui est pourtant l'element premier surlequel les calculs des experts se basent et sur lequel ils ne sont pasd'accord », considere que, « des lors, [...] aucune des deux theses enpresence ne peut etre accreditee l'une plus que l'autre » et qu'« aucunefaute en relation causale avec l'accident n'est demontree dans le chef del'une ou l'autre des parties ».

Des lors qu'il suit de ces enonciations qu'il n'est pas etabli que lecomportement du fils de la demanderesse, conducteur prioritaire, aittrompe les attentes legitimes de l'assure de la defenderesse, debiteur depriorite, dont le jugement attaque ne constate pas qu'il aurait repris saplace normale dans la circulation, ce jugement ne justifie pas legalementsa decision de dire « non fondee la demande [...] de [lademanderesse] ».

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Et il n'y a pas lieu d'examiner la premiere branche du moyen, qui nesaurait entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque en tant qu'il statue sur la demande de lademanderesse et sur les depens ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de premiere instancedu Brabant wallon, siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers MartineRegout et Sabine Geubel, et prononce en audience publique du onze decembredeux mille quinze par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Regout |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

11 DECEMBRE 2015 C.14.0559.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.14.0559.F
Date de la décision : 11/12/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 06/01/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-12-11;c.14.0559.f ?
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