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14/12/2015 | BELGIQUE | N°S.10.0216.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 décembre 2015, S.10.0216.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

Chose jugee-generalites - 366/01000

NDEG S.10.0216.F

P. D.,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

BPOST, societe anonyme de droit public, anciennement denommee La Poste,dont le siege social est etabli à Bruxelles, Centre Monnaie,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabl

i à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cou...

Cour de cassation de Belgique

Arret

Chose jugee-generalites - 366/01000

NDEG S.10.0216.F

P. D.,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

BPOST, societe anonyme de droit public, anciennement denommee La Poste,dont le siege social est etabli à Bruxelles, Centre Monnaie,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 22 juin 2010par la cour du travail de Bruxelles.

Le 26 octobre 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente trois moyens dont les deux premiers sont libellesdans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- articles 23 à 28 du Code judiciaire ;

- article 14 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnees le 12 janvier1973, tant avant qu'apres sa modification par la loi du 15 mai 2007 ;

- articles 32bis, 32decies et 32tredecies de la loi du 4 aout 1996relative au bien-etre des travailleurs lors de l'execution de leurtravail, dans la version inseree par la loi du 11 juin 2002 relative àla protection contre la violence et le harcelement moral ou sexuel au travail, avant leur modification par la loi du 10 janvier 2007 modifiantplusieurs dispositions relatives au bien-etre des travailleurs lors del'execution de leur travail, dont celles qui sont relatives à laprotection contre la violence et le harcelement moral ou sexuel autravail, et, pour autant que de besoin, si elle est applicable au litige,dans la version introduite par cette derniere loi ;

- articles 33, 107, 144, 145 et 159 de la Constitution ;

- principe general du droit suivant lequel les arrets d'annulation duConseil d'Etat sont assortis d'une autorite de chose jugee erga omnes ;

- principes generaux du droit de la continuite du service public et de laloi du changement.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque, apres avoir decide qu'à partir du 15 mars 2004 la defenderesse a commis une succession de faits constitutifs d'un processusde harcelement, a manque à ses devoirs d'employeur prudent etrespectueux du bien-etre de son personnel et a modifie unilateralementles conditions de travail du demandeur pour des motifs dont il n'est pasetabli qu'ils sont etrangers à la plainte, decide que « l'ensemble desdemandes de reparation du prejudice lie aux decisions qui ont faitl'objet de recours rejetes devant le Conseil d'Etat doit etre declare nonfonde » et que la mesure d'affectation au bureau de poste de Rumes du 29octobre 2004, dont il constate qu'« elle a ete annulee par le Conseild'Etat le 16 decembre 2008 pour incompetence de l'auteur de l'acte »,ne peut « donner lieu à reparation à titre individuel », en sorte quel'article 159 de la Constitution ne trouve pas à s'appliquer, pas plusque l'article 1382 du Code civil, et que le demandeur ne peut reclamer,sur la base de l'article 32tredecies de la loi du 4 aout 1996, aucun prejudice materiel pour « la reparation d'actes et de decisions prisisolement et legalement justifies », en sorte qu'il ne justifie d'aucunprejudice materiel et qu'il convient de le debouter de ce chef de demande, par tous ses motifs consideres ici comme integralement reproduitset plus particulierement par les motifs que :

« A. Remarques prealables

Le 7 avril 2003, (le demandeur) a depose plainte pour harcelement moral aupres de l'inspection medicale du service public federal de l'Emploi, duTravail et de la Concertation sociale. Il beneficie depuis la dated'introduction de la plainte motivee d'une protection durant une annee contre le licenciement et contre une modification unilaterale desconditions de travail, sauf pour des motifs etrangers à la plainte.

Avant la fin de cette echeance, (le demandeur) a lance citation contremonsieur Durand et (la defenderesse) les 22 et 23 mars 2004.

Il continue donc à beneficier de la protection jusqu'à trois anneesapres la prononciation du jugement passe en force de chose jugee.

(Le demandeur), etant agent statutaire, est soumis à toutes lesdispositions regissant la fonction publique devolue, en sorte que lanotion de modification unilaterale des conditions de travail doits'interpreter eu egard aux specificites de la nature de la relation detravail qui le lie à (la defenderesse).

A cet egard, le service public federal de l'Emploi, du Travail et de laConcertation sociale indique, dans son commentaire juridique de la loi du11 juin 2002 et de son arrete royal d'execution, que : `Contrairement aucontrat, la nomination d'un agent statutaire revet un caractereunilateral, elle soumet la personne nommee à toutes les dispositionsregissant la fonction publique devolue. A sa nomination, la personne estnommee à un grade particulier et est affectee à un emploi qui correspondà son grade. Un agent statutaire pourrait faire l'objet d'une mutation,c'est-à-dire d'un changement d'emploi (correspondant au meme grade) ausein d'une meme administration, sans accord ni condition de forme dans lamesure ou il s'agit d'une mesure d'ordre interieur prise dans l'interet duservice. Par contre, si cette mesure d'ordre interieur cache en realiteune mesure disciplinaire, l'agent pourrait la contester devant le Conseild'Etat'.

(Le demandeur) n'a pas demande sa reintegration sur la base de l'article32tredecies, S: 4, precite dans les trente jours qui suivent lamodification unilaterale des conditions de travail (ce qu'il considerecomme tel).

Il ne ressort pas du dossier de pieces des parties qu'une telle demandeaurait ete formulee par lettre recommandee à la poste. Les recoursintroduits par (le demandeur) aupres de la commission de recours etaupres du Conseil d'Etat ne peuvent tenir lieu de demande de reintegration au sens de l'article 32tredecies de la loi du 4 aout 1996.(La defenderesse) n 'a donc pu prendre position sur la demande dereintegration.

Pour determiner si (le demandeur) peut reclamer une indemnisation sur labase de l'article 32tredecies, il convient donc d'examiner au prealable si(la defenderesse) etablit que la modification unilaterale des conditionsde travail est justifiee par des motifs etrangers à la plainte.

La cour [du travail] examinera d'abord la realite du harcelement,c'est-à-dire l'ensemble des faits qui font l'objet de la plainte et del'action judiciaire dans leur ordre chronologique.

A partir de cet examen, elle est en mesure d'apprecier si la modification unilaterale des conditions de travail est justifiee par des motifsetrangers à la plainte et l'action judiciaire.

Pour ce faire, elle subdivise cet examen en deux periodes tenant compte del'intervention active de madame L., conseiller en prevention, laquelle,dans le cadre de la gestion de la plainte, dans son memorandum du 21octobre 2003, donne un conseil à (la defenderesse) : `Maintenir [ledemandeur] à son poste actuel et en tout etat de cause ne plus luidonner la gestion d'un bureau ou d'un service sans une formationcomplementaire en « people management »'.

(Le demandeur) a effectivement preste depuis mai 2003 son activite à Bruxelles, au centre Monnaie.

Dans le cadre de cette activite, il n'etait plus charge de gerer un bureaude poste. Il convient de souligner que la date de cette affectation (mai2003) est anterieure au rapport de madame L., conseiller en prevention,redige en ce sens (octobre 2003).

Neanmoins, la cour [du travail] retiendra mai 2003 comme date-charnierepuisque, à partir de cette date, (la defenderesse) a tente d'affecter(le demandeur) à une fonction ou les qualites en `people management' n'etaient plus requises puisqu'elle considerait que ces qualites faisaientdefaut (au demandeur).

Les deux periodes sont les suivantes : septembre 2002 - mai 2003 ; àpartir de mai 2003. (...)

B. En l'espece (...)

b) Deuxieme periode : mai 2003 jusqu'à aujourd'hui

Les faits faisant l'objet de cette deuxieme periode sont parfaitementresumes par le premier juge :

Lors de son occupation au centre Monnaie, depuis le 12 mai 2003, (le demandeur) a ete place dans la position humiliante du 15 mars 2004 au 25juin 2004 de se trouver astreint à etre present dans l'entreprisederriere son bureau mais sans aucune tache à accomplir.

La demande de renvoi (du demandeur) dans son bureau d'attache en avril 2004 a entraine une reaction negative mais justifiee des organisationssyndicales. Sur cette base, (la defenderesse) a decide de le transfererà Rumes, sans formation complementaire en `people management'. (Ledemandeur) a effectivement pris possession du bureau le 30 aout 2004.

L'audit mene au bureau de poste de Rumes fin 2004 a conduit à une evaluation negative (du demandeur) alors que l'evaluation portait sur lesderniers dix-huit mois. La commission de recours de [la defenderesse] arendu un avis unanime le 20 juin 2005 concluant que l'evaluation proposeeetait non fondee.

(Le demandeur) a rec,u un modele 9, le 12 janvier 2005, et quatre autresle 1er mars 2005 pour des affaires concernant des periodes largementrevolues.

Il a encore rec,u deux modeles 9 le 3 juin 2005, qui ont forme la based'une proposition de retrogradation contestee.

Il a ensuite ete utilise en sous-ordre dans des bureaux (Boussu I et Quaregnon I) geres par des employes n'ayant pas ses titres.

Le 4 mars 2005, il lui a ete annonce par telephone qu'il etait place enconge d'office pour trois semaines à partir du 7 mars. Apres sa perioded'incapacite de travail suite à un accident, il a encore ete mis enconge d'office jusqu'au 2 juin 2005.

Tant à Rumes qu'à Quaregnon et Boussu 1, il a ete occupe dans des lieux situes à une grande distance de son domicile alors que le medecin dutravail avait recommande qu'il soit rapproche de son domicile.

Sa demande de mutation ou de promotion dans le cadre `de la phase 1 de Refocus' a ete refusee en octobre 2005 sans motif legitime.

Il a fait l'objet d'une retrogradation et est actuellement occupe enqualite de redacteur à Wavre, ce qui a engendre une reductionsignificative de sa remuneration.

L'examen des pieces des dossiers fait apparaitre que, depuis son entreeen fonction jusqu'en 2003, (le demandeur) etait apprecie par la directionpour ses qualites d'executant. Divers rapports elogieux attestent du bontravail fourni par (le demandeur), sauf dans le domaine de la gestion etparticulierement en `people management'.

Comme l'a tres justement releve le tribunal du travail, c'est cettedifficulte relationnelle avec le personnel qui a justifie le blame avecmenace de retrogradation et le deplacement vers le centre Monnaie en mai2003.

La cour [du travail] considere que cette decision de deplacement a etetres adequatement prise par (la defenderesse) dans la mesure ou elleetait justifiee tant par la personnalite (du demandeur) que par lesexigences du service. A cet egard, il convient de relever qu'en octobre2003, madame L. en sa qualite de conseiller en prevention formulait unerecommandation en ce sens.

Jusqu'à cette date, aucun harcelement moral ne peut etre retenu dans lechef de (la defenderesse). Il en va autrement à partir du 15 mars 2004,date à partir de laquelle (le demandeur) a ete oblige d'etre present surson lieu de travail sans aucune tache à accomplir.

Il s'agit là d'un premier fait dans l'engrenage complexe du processus de harcelement.

En effet, le fait d'etre totalement inutile dans le cadre de l'exercice deses fonctions constitue un acte humiliant et degradant, d'autant plus quele travailleur a une personnalite dynamique et ne demande qu'à pouvoiraccomplir du travail.

A partir de ce fait, l'engrenage a ete enclenche et les faits, meme siapparemment ils ont donne lieu à des decisions administrativesjustifiees au regard de la satisfaction du service public, n'en sont pasmoins constitutifs d'actes recurrents d'humiliation (du demandeur) qui les subit.

Le fait de le deplacer dans le bureau de poste de Rumes, `petit bureaupour debutants', suite au refus des syndicats de le voir reintegrer lebureau de Braine-le-Chateau, alors qu'aucun acte ne pouvait lui etrereproche et que la commission de recours a donne un avis unanime concluant que cette mesure ne devait pas etre appliquee, constitue unemodification injustifiee des conditions de travail et cela, meme si ladecision a ete legalement prise par (la defenderesse) parce que (ledemandeur) a ete traite comme si ce deplacement constituait une sanctionet que cette decision a ete prise alors qu'il etait en periode deprotection.

Ainsi, en sa qualite d'employeur, (la defenderesse) avait l'obligationd'aider (le demandeur), soit en lui permettant de suivre une formationadequate en `people management' afin qu'il puisse exercer en qualite depercepteur de poste, soit en le maintenant dans une fonction qui ne lemettait plus en contact avec le personnel mais en veillant à lui fournirdu travail. Force est de constater que (la defenderesse) a pris unesuccession de decisions modifiant les conditions de travail (dudemandeur) en contradiction avec les conseils de madame L. chargeed'examiner la plainte deposee par (le demandeur) le 7 avril 2003.

Cette suite de decisions a eu pour effet de mettre (le demandeur) dans un environnement professionnel hostile ou il s'est senti tres mal à l'aiseet ou ses manquements gestionnaires ont tres rapidement refait surface.

L'evaluation suivant l'audit de fin 2004 lui octroyant un `C' a faitl'objet d'un recours devant la commission de recours de (ladefenderesse). Lors de sa seance du 21 juin 2005, elle a donne l'avissuivant :

`Qu'en ce qui concerne la justification des chefs immediats : les faitsdefavorables sont des elements d'appreciation qui doivent servir de baseà l'elaboration d'une evaluation C ou D (article 31) ; qu'il n'y aaucun fait defavorable inscrit pour la periode concernee, que le rapportd'audit est « une photo du bureau » et porte sur une periode allant du dernier audit jusqu'à celui qui a lieu le 16 decembre 2004, soit pourRumes, environ 18 mois, que (le demandeur) n'est en place que depuis le1er septembre 2004 et qu'en outre il etait absent lors de la visite de l'audit ;

Qu'en ce qui concerne le proces-verbal du CRC, il s'agit d'un preavis degreve consecutif à des faits qui remontent à sa gestion du bureau deBraine-le-Chateau, soit à plus de trois ans, et pour lesquels aucundetail ne figure dans le dossier ; que, suite à ce preavis de greve,depose en avril 2004, et en vue d'eviter des perturbations, (ladefenderesse) a estime necessaire de deplacer l'interesse par mesured'ordre ; que cette mesure n'a pas ete prise dans le but de lesanctionner (aucune mesure disciplinaire n'accompagnait la mesured'ordre) mais bien dans celui de mettre fin à une situation prejudiciable ; qu'elle ne peut donc entrer en ligne de compte pourjustifier une evaluation negative ;

Qu'en ce qui concerne le rendement quantitatif, les zone managers se sontbases uniquement sur la production annuelle alors que, comme precise plushaut, (le demandeur) n'a pris ses fonctions de percepteur à Rumes que le1er septembre 2004 ; qu'il ne peut etre tenu responsable des chiffresinsuffisants de ses predecesseurs puisqu'il s'agit de son evaluation etnon celle du bureau ; que, paradoxalement, les meilleurs resultats sontobserves dans les quatre derniers mois de l'annee ;

Que, par consequent, tous les membres estiment que l'evaluation C n'estpas basee sur des elements objectifs et que les irregularites de formerelevees ne peuvent etre ignorees ;

Que la commission de recours à l'unanimite est d'avis d'attribuerl'evaluation B pour la periode concernee'.

Le 12 janvier 2005, un premier `modele 9' a ete adresse (au demandeur). Cedernier y repond immediatement en s'excusant et en justifiant l'erreur quilui etait reprochee.

Le 1er mars 2005, cinq `modele 9' lui ont ete adresses. Le contenu deceux-ci donne l'impression que (la defenderesse) cherche le moindrepretexte pour faire des reproches (au demandeur) : absence des membres deson bureau à une reunion pour l'implantation PSV alors que (ledemandeur) etait absent pour maladie et a eu du mal à prevoir unereunion à temps pour tout son personnel ; critique qu'il auraitformule(e) concernant le poids d'un agent : (le demandeur) soulignequ'il aurait parle du `gabarit' de la personne dans un contexte bienprecis ; demande d'explications sur les graves manquements releves parl'audit : (le demandeur) conteste ce reproche, en outre, par la suite,la commission de recours lui donnera raison en ce qui concernel'evaluation ; intrusion dans les tiroirs-caisses : (le demandeur)explique les raisons qui l'amene(nt) à le faire ; demande dejustification d'un manquant de caisse de 350 euros constate le 2 decembre2004, soit trois mois auparavant.

Le 3 juin 2005, deux `modele 9' lui ont encore ete remis (dont un quisemble avoir ete redige pour des motifs inexistants) concomitamment à laremise de proposition de retrogradation basee en partie sur les reprochesformules dans ces derniers modeles 9, ne laissant pas la possibilite (audemandeur) de se defendre contre les reproches formules dans ces modeles9.

Pour justifier la proposition de retrogradation en juin 2005, les elementssuivants ont ete invoques : attribution de l'evaluation C suite à l'auditde decembre 2004 : `des conclusions de cet audit, il appert, sur la basedes faits refletant un serieux manque de conscience professionnelle, quevous constituerez un risque majeur pour la securite du bureau' ; manqueen caisse de 350 euros le 9 decembre 2004 ; trois guichetiers temoignentque (le demandeur) s'autorise des incursions dans les tiroirs-caisses aumepris de toute regle de securite ; oubli de commande des fondsnecessaires au paiement des pensions ; refus d'adherer au programme destimulation des ventes ; tentative d'intimidation envers votre guichetiere- remarques desobligeantes à un agent quant à son poids - mesuresvexatoires qui generent un stress exacerbe et un mal-etre chez sesagents.

La cour [du travail], comme le tribunal, observe que les motifs àl'origine de la proposition de retrogradation sont donc, d'une part, lesmanquements constates dans sa gestion et, d'autre part, son comportementvis-à-vis de ses collaborateurs.

Si la decision administrative de retrogradation du 24 janvier 2006, finalement confirmee par arret de Conseil d'Etat, apparait comme justifieedans la fonction de percepteur de poste dans laquelle (le demandeur)avait ete replace et dans laquelle objectivement ses deficiencesapparaissaient evidentes, il n'en demeure pas moins que la (defenderesse)a manque à ses devoirs d'employeur prudent et respectueux du bien-etrede son personnel en mettant (le demandeur) dans une fonction pourlaquelle il etait de l'avis unanime inapte.

(Le demandeur) etait manifestement mal adapte au nouveau mode de fonctionnement de la hierarchie dans le cadre d'un groupe de travail oucommunication et concertation constituent des notions qui l'emportent surcelle d'autorite primaire.

Il incombait à la (defenderesse), soit de lui donner les formationsadequates, soit de le maintenir dans un poste non gestionnaire.

Comme le tribunal du travail et le ministere public, la cour [du travail]considere que l'accumulation d'actes et de decisions objectivementjustifies a neanmoins eut pour effet de placer (le demandeur) dans uncontexte professionnel humiliant et hostile.

La cour [du travail] considere que les conditions de travail ont eteunilateralement modifiees par la (defenderesse) durant la periode deprotection et cela, independamment de la legalite des decisionsadministratives.

Des lors, bien que les diverses decisions attaquees devant le Conseild'Etat aient fait l'objet de recours rejetes, cet ensemble d'actes qui sesont succede à partir du 15 mars 2004 a eu pour effet de placer (ledemandeur) dans un environnement professionnel particulierement nefaste.

La succession de ces actes et decisions, meme s'ils sont objectivementjustifies dans l'interet du service, constitue une atteinte insidieuse etdestructrice à la personnalite d'un travailleur qui disposait dequalites professionnelles indeniables.

La (defenderesse) avait l'obligation de prendre les dispositions utilesdans la mesure de ses moyens pour permettre (au demandeur) d'executer sontravail dans les meilleures conditions.

A la suite de la plainte deposee par (le demandeur) le 7 avril 2003, la (defenderesse) etait parfaitement informee du probleme que posait lemaintien (du demandeur) dans une fonction gestionnaire, en rapport avecle `people management', mais a pris neanmoins une succession dedecisions inappropriees ou du moins tres critiquables eu egard aubien-etre au travail auquel (le demandeur) pouvait legalement pretendre.

L'ensemble de ces decisions prises sur plusieurs annees a eu pour effet d'atteindre psychologiquement (le demandeur) alors que, bien informee, la(defenderesse) aurait du etre sensible aux difficultes de ce travailleurcompetent et plein de ressources dans certains domaines mais difficile àgerer dans d'autres.

La cour [du travail] estime, d'abord, que l'ensemble de ces actes etdecisions, quoique objectivement justifies, constitue du harcelementmoral au sens de l'article 32ter de la loi precitee, ensuite que la(defenderesse) ne prouve pas que la decision de deplacement par mesured'ordre en qualite de percepteur au bureau de Rumes, le 20 octobre 2004,alors qu'elle etait bien informee de la necessite de maintenir (ledemandeur) dans une fonction de gestionnaire de dossiers, est etrangere audepot de la plainte pour harcelement moral aupres de l'inspection medicalele 7 avril 2003 et de l'introduction de l'action en justice le 22 mars2004.

Il en resulte que (le demandeur) peut reclamer l'indemnite de protectionvisee à l 'article 32tredecies de la loi precitee.

6.4.2. L'indemnisation (du demandeur)

L'indemnisation doit s'examiner au regard de l'article 32tredecies, S: 4,2DEG.

En l'espece, (le demandeur) fait choix d'une reparation du prejudice reellement subi. Dans ce cas, la charge de la preuve lui incombe.

La cour [du travail] a constate l'existence d'actes et de decisionsconstitutifs de harcelement moral à partir du 15 mars 2003 jusqu'au 28mars 2008 au moins, date à laquelle (le demandeur) a encore rec,u unmodele 9 alors qu'il exerce la fonction de redacteur au bureau de Wavre.

Prealablement, la cour [du travail] doit operer une distinction importante:

D'une part, le dommage resultant du processus de harcelement moral, etant en l'espece l'ensemble d'actes et de decisions administratives dont lalegalite est confirmee et intrinsequement non fautif dans le chef de (ladefenderesse).

Il s'agit du dommage moral s'analysant comme la souffrance, la penibilite d'un travail exerce dans un milieu hostile ou du moins inadapte à lapersonnalite de la victime ainsi que du dommage materiel lie à cettecirconstance.

D'autre part, le dommage lie à la decision de retrogradation dont lalegalite a ete confirmee par le Conseil d'Etat, lequel ne peut donnerlieu à reparation.

Ainsi, toutes les decisions administratives confirmees par le Conseild'Etat sont definitives et revetent l'autorite de la chose jugee.

(Le demandeur) ne peut pretendre à aucun dedommagement materiel dans le cadre de la reparation du harcelement, provoque par une decisionadministrative parfaitement legale.

L'ensemble des demandes de reparation du prejudice lie aux decisions qui ont fait l'objet de recours rejetes devant le Conseil d'Etat doit etredeclare non fonde.

La decision d'affectation par mesure d'ordre au bureau de poste de Rumes du 20 octobre 2004, bien qu'elle ait ete prise en contradiction avec leconseil de madame L., l'avis de la commission de recours du 14 septembre2004 et surtout le respect du bien-etre au travail par monsieur D. n'enconstitue pas moins une decision prise par la direction en raison decrainte d'actions syndicales et dans l'interet du service public.

Cette decision s'inscrit des lors dans l'ensemble du processus deharcelement sans qu'elle puisse donner lieu à reparation à titreindividuel.

L'article 159 de la Constitution ne trouve pas à s'appliquer en l'espece puisque, la cour [du travail] reconnait la legalite des actes litigieux.

L'article 1382 du Code civil ne peut etre invoque contre (la defenderesse) puisque, dans la situation dans laquelle (le demandeur) setrouvait, les decisions etaient justifiees.

A cet egard, aucune faute ne peut etre retenue contre (la defenderesse).

A. Prejudice materiel lie au harcelement

Force est de constater que (le demandeur) ne reclame aucun prejudice materiel lie au harcelement dans son ensemble.

Le prejudice materiel qu'il reclame concerne uniquement la reparation d'actes et de decisions pris isolement et legalement justifies.

(Le demandeur) ne justifie aucune depense ou frais exposes en raison duharcelement qu'il a subi.

La cour [du travail] considere que, sur le plan materiel, il ne justifieaucun prejudice reel au regard de la loi sur le harcelement moral. (...)

C. Reintegration

Il n'y (a) aucune possibilite de reintegrer (le demandeur) dans sesfonctions dans la mesure ou les decisions du Conseil d'Etat ont autoritede chose jugee et ne peuvent etre ecartees en application de l'article159 de la Constitution puisque la legalite des decisions administrativeslitigieuses est actuellement incontestable. (...)

2. Le harcelement moral dans le chef de la (defenderesse) est prouvedepuis le 15 mars 2004.

Il est constitue par une succession d'actes et de decisions legalementjustifies dans le cadre d'une relation statutaire au regard des exigencesdu service public mais portant gravement atteinte au bien-etre au travail(du demandeur) en tant qu'individu.

La (defenderesse) a ainsi modifie les conditions de travail (du demandeur)alors qu'il beneficiait de la protection legale.

La (defenderesse) doit mettre fin au comportement harcelant consistant à utiliser de maniere abusive l'arsenal de sanctions administratives enveillant à placer (le demandeur) dans un environnement adapte à sapersonnalite et à ses competences professionnelles.

3. (Le demandeur) peut pretendre à une indemnite, evaluee en equite, de 15.000 euros pour le harcelement moral subi depuis le 15 mars 2004.

Tout autre dommage est non prouve ».

Griefs

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur precisait qu'il reclamait, àtitre de reparation d'un prejudice materiel, « la perte des diversavantages par comparaison entre la situation (qu'il aurait) vecue (...)s'il etait reste affecte à La Hulpe en regard de ses affectations successives » ainsi que toutes les consequences liees à laretrogradation au rang 22 qui lui a ete notifiee le 31 janvier 2006 :perte de remuneration, perte de pension liee à son grade, perte de sa valeur sur le marche de l'emploi. Il soutenait que, sans la faute de ladefenderesse liee à son transfert à Rumes, il n'aurait jamais eteretrograde, que ce transfert avait ete annule par le Conseil d'Etat etque tout le prejudice subi depuis le jour de son deplacement force etfautif à Rumes etait en lien avec ce deplacement.

Quant aux decisions administratives ayant fait l'objet de recours rejetespar le Conseil d'Etat, il rappelait « que le Conseil d'Etat ne connaitpas du fait mais seulement de la forme et n'examine chaque acte attaqueque de fac,on individuelle, sans possibilite d'apprehension du contexte global qui a amene chaque decision à pouvoir etre prise », et que« seule la cour [du travail] est en mesure de statuer à la fois en faitet en tenant compte de l'ensemble des faits non pas pris isolement mais examines dans leur contexte et leur enchainement ». Il soutenait quel'article 159 de la Constitution devait etre applique aux actesadministratifs constitutifs de harcelement nonobstant l'existenced'arrets du Conseil d'Etat ayant rejete des recours en annulation,decisions ne pouvant qu'etre entachees d'exces de pouvoir des lorsqu'elles participaient au harcelement, ce que le Conseil d'Etat n'avaitpas apprehende.

Premiere branche

En vertu de l'article 14 des lois coordonnees sur le Conseil d'Etat,celui-ci statue par voie d'arret sur les recours en annulation pourviolation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine denullite, exces ou detournement de pouvoir, formes contre les actes etreglements des autorites administratives. En vertu de cette dispositionet du principe general du droit de l'autorite absolue de la chose jugeeattachee aux arrets d'annulation du Conseil d'Etat, consacre notammentpar les articles 23 à 28 du Code judiciaire, l'arret d'annulation a pourconsequence que l'acte annule l'est avec effet retroactif et qu'il estcense n'avoir jamais ete pris ; cette regle s'applique quels que soientles motifs de cette annulation et notamment si celle-ci est justifiee parl'incompetence de l'auteur de l'acte. Il s'en deduit que les cours ettribunaux de l'ordre judiciaire ne peuvent donner effet à cet acteinexistant en examinant s'il etait objectivement justifie dans l'interetdu service public.

L'arret attaque, qui admet que la decision de la defenderesse du 20octobre 2004 d'affecter definitivement le demandeur au bureau de poste deRumes, qui a ete attaquee devant le Conseil d'Etat, « a ete annulee le16 decembre 2008 pour incompetence de l'auteur de l'acte », n'a,partant, pu, sans violer ces dispositions, considerer que cette decision d'affectation avait ete « legalement prise par (la defenderesse) » etqu'elle etait « legalement justifie(e) » au motif qu'elle constituait« une decision prise par la direction en raison de craintes d'actionssyndicales et dans l'interet du service public », en deduire qu'aucunefaute ne pouvait etre retenue dans le chef de la defenderesse et en conclure que, sur le plan materiel, le demandeur ne justifiait d'aucunprejudice reel. Il viole, partant, l'article 14 des lois sur le Conseild'Etat, le principe general du droit suivant lequel les arretsd'annulation du Conseil d'Etat sont assortis d'une autorite de chose jugeeerga omnes consacre par les articles 23 à 28 du Code judiciaire et cesdispositions.

Il viole, par voie de consequence, l'article 32bis de la loi du 4 aout1996 qui interdit à l'employeur tout acte de harcelement moral,l'article 32decies de la meme loi qui ouvre de maniere generale autravailleur victime d'un harcelement moral la possibilite d'obtenir desdommages et interets sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civilet ces dispositions, ainsi que l'article 32tredecies qui reglespecifiquement l'indemnite de protection due au travailleur dont lesconditions de travail ont ete unilateralement modifiees pour des motifsn'etant pas etrangers au harcelement moral.

Deuxieme branche

En vertu de l'article 14 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnees le 12janvier 1973, celui-ci statue par voie d'arret sur les recours enannulation pour violation des formes soit substantielles, soit prescritesà peine de nullite, exces ou detournement de pouvoir, formes contre lesactes et reglements des autorites administratives, et n'est pas charge destatuer sur les droits subjectifs.

Lorsque la contestation a pour objet la reparation de la lesion d'undroit, soit un droit civil au sens des articles 144 et 145 de laConstitution, elle est du ressort exclusif du pouvoir judiciaire.Lorsqu'elle a pour objet le droit que le travailleur trouve dans lesarticles 32bis et suivants de la loi du 4 aout 1996 de ne pas subir deharcelement moral de la part de son employeur et de voir reparer lesconsequences dommageables du non-respect par ce dernier des obligationsque ces dispositions lui imposent, elle est, en vertu de l'article 578,11 DEG, du Code judiciaire, de la competence des tribunaux du travail.

Ni l'appreciation de la faute ni celle du prejudice cause par celle-ci n'echappent à la competence du pouvoir judiciaire au cas ou la lesion dudroit vante pourrait trouver sa source dans l'acte d'une autoriteadministrative, meme si le recours en annulation dirige contre cet acte aete rejete par le Conseil d'Etat. Ce recours en annulation institue parl'article 14 des lois sur le Conseil d'Etat ne porte pas atteinte à laregle de l'article 159 de la Constitution, aux termes duquel les cours ettribunaux n'appliqueront les arretes et reglements generaux, provinciauxet locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois, disposition quis'applique aux actes administratifs individuels.

L'autorite de la chose jugee au sens des articles 2 et 23 à 25 du Code judiciaire n'a lieu qu'à l'egard de ce qui a fait l'objet de la decision.

Il se deduit des regles de cette repartition de competences que, par aucundes arrets de rejet vises par l'arret attaque (arret du 7 juillet 2004,piece jointe nDEG 1 ; arret du 13 novembre 2006 ; arret du 16 decembre2008), le Conseil d'Etat n'a ete amene à verifier si, comme le soutenaitle demandeur devant les juridictions du travail, les decisionsadministratives qu'il invitait la cour du travail à ecarter sur la basede l'article 159 de la Constitution s'inscrivaient dans un processus deharcelement moral imputable à faute à son employeur, sans lequel ladecision de retrogradation pour laquelle il reclamait la reparation de sonprejudice materiel n'aurait pu etre prise. Il s'ensuit qu'aucune de cesdecisions ne pouvait avoir une autorite de chose jugee interdisant auxjuridictions du travail de reconnaitre au demandeur un « dedommagementmateriel dans le cadre de la reparation du harcelement ».

L'arret attaque admet : « que depuis son entree en fonction jusqu'en2003, (le demandeur) etait apprecie par la direction pour ses qualitesd'executant ; que divers rapports elogieux attestent du bon travailfourni par (le demandeur), sauf dans le domaine de la gestion etparticulierement en `people management' » ; que la defenderesse aaffecte le demandeur en mai 2003 dans « une fonction ou les qualites en`people management' n'etaient plus requises puisqu'elle considerait queces qualites faisaient defaut au demandeur » ; qu'en revanche, « à partir du 15 mars 2004 », date du « premier fait dans l'engrenagecomplexe du processus de harcelement », « l'engrenage a ete enclenche etles faits, meme si apparemment ils ont donne lieu à des decisionsadministratives justifiees au regard de la satisfaction du servicepublic, n'en sont pas moins constitutifs d'actes recurrents d'humiliation (du demandeur) qui les subit » ; qu'ainsi la defenderesse, apres avoirenclenche l'engrenage complexe du processus de harcelement en obligeantle demandeur à « etre present sur son lieu de travail sans aucune tacheà accomplir », a deplace le demandeur en qualite de percepteur dans lebureau de poste de Rumes alors qu'aucun acte ne pouvait lui etrereproche, alors qu'en sa qualite d'employeur, elle « avait l'obligationd'aider (le demandeur), soit en lui permettant de suivre une formationadequate en `people management' afin qu'il puisse exercer en qualite depercepteur de poste, soit en le maintenant dans une fonction qui ne lemettait plus en contact avec le personnel mais en veillant à lui fournirdu travail » ; que « cette suite de decisions a eu pour effet de mettre(le demandeur) dans un environnement professionnel hostile ou il s'estsenti tres mal à l'aise et ou ses manquements gestionnaires ont tresrapidement refait surface » ; que la decision de retrogradation a eteprise apres que cinq modeles 9 eurent ete adresses au demandeur le 1ermars 2005, dont « le contenu (...) donne l'impression que (la defenderesse) cherche le moindre pretexte pour (lui) faire desreproches » ; que, « le 3 juin 2005, deux `modeles 9' lui ont encoreete remis (dont un qui semble avoir ete redige pour des motifsinexistants) concomitamment à la remise d'une proposition de retrogradation basee en partie sur les reproches formules dans cesderniers modeles 9, ne laissant pas la possibilite (au demandeur) de sedefendre contre les reproches formules dans ces modeles 9 » ; « que lesmotifs à l'origine de la proposition de retrogradation sont donc, d'unepart, les manquements constates dans sa gestion et, d'autre part, soncomportement vis-à-vis de ses collaborateurs » ; que, si cettedecision de retrogradation « apparait comme justifiee dans la fonctionde percepteur de poste dans laquelle (le demandeur) avait ete replace et dans laquelle objectivement ses deficiences apparaissaient evidentes, iln'en demeure pas moins que la (defenderesse) a manque à ses devoirsd'employeur prudent et respectueux du bien-etre de son personnel enmettant (le demandeur) dans une fonction pour laquelle il etait de l'avisunanime inapte » ; « qu'il incombait à la (defenderesse), soit de luidonner les formations adequates, soit de le maintenir dans un poste nongestionnaire » ; « que les conditions de travail ont ete unilateralementmodifiees par la (defenderesse) durant la periode de protection ».

En decidant neanmoins qu'il ne peut faire droit aux « demandes dereparation du prejudice lie aux decisions qui ont fait l'objet de recoursrejetes devant le Conseil d'Etat », ces decisions etant definitives etrevetues de l'autorite de chose jugee, en sorte que l'article 159 de la Constitution ne trouve pas à s'appliquer, l'arret attaque viole des lorsles articles 14 des lois sur le Conseil d'Etat, 144, 145, 159 de laConstitution, 2, 23 à 25 et 578, 11 DEG, du Code judiciaire. Par voie deconsequence, il viole les articles 1382 du Code civil, 32decies et32trededies de la loi du 4 aout 1996, qui ouvrent au travailleur victimed'un harcelement moral le droit à la reparation de tout le prejudice enrelation avec ce harcelement.

Troisieme branche

En vertu de l'article 32bis de la loi du 4 aout 1996, tout employeur esttenu de s'abstenir de tout acte de harcelement moral au travail ; envertu de l'article 32decies de cette loi, tout travailleur victimed'actes de harcelement peut demander des dommages et interets sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil. L'article 32tredecies de la memeloi interdit à l'employeur de modifier unilateralement les conditions detravail d'un travailleur qui a depose plainte pour harcelement, sauf pourdes motifs etrangers à la plainte, et lui impose de reparer lesconsequences de ces modifications s'il n'a pas reintegre le travailleur.

Les principes generaux du droit de la continuite du service public et dela loi du changement n'ont pas pour consequence de degager l'employeurpublic des obligations que lui impose ladite loi, en sorte que le jugene peut refuser au travailleur la reparation du prejudice materielresultant de decisions administratives, dont l'arret attaque admetqu'elles sont la consequence de ce que l'employeur a procede à desaffectations au mepris de ses obligations relatives au bien-etre des travailleurs, au motif que ces decisions sont alors prises dans l'interetdu service public et par cela objectivement justifiees.

L'arret attaque admet « que, depuis son entree en fonction jusqu'en 2003,(le demandeur) etait apprecie par la direction pour ses qualitesd'executant ; que divers rapports elogieux attestent au bon travailfourni par (le demandeur), sauf dans le domaine de la gestion etparticulierement en `people management' » ; que la defenderesse aaffecte le demandeur en mai 2003 dans « une fonction ou les qualites en`people management' n'etaient plus requises puisqu'elle considerait queces qualites faisaient defaut au demandeur ; qu'en revanche, ladefenderesse a pris à partir du 15 mars 2004 des decisionsadministratives qui, si elles etaient « justifiees au regard de lasatisfaction du service public », n'en etaient pas moins constitutives« d'actes recurrents d'humiliation » ; qu'ainsi la defenderesse, apresavoir enclenche l'engrenage complexe du processus de harcelement enobligeant le demandeur à « etre present sur son lieu de travail sans aucune tache à accomplir », a deplace le demandeur en qualite depercepteur dans le bureau de poste de Rumes alors qu'aucun acte nepouvait lui etre reproche ; qu'en sa qualite d'employeur, elle « avaitl'obligation d'aider (le demandeur), soit en lui permettant de suivre une formation adequate en `people management' afin qu'il puisse exercer enqualite de percepteur de poste, soit en le maintenant dans une fonctionqui ne le mettait plus en contact avec le personnel mais en veillant àlui fournir du travail » ; que « cette suite de decisions a eu poureffet de mettre (le demandeur) dans un environnement professionnelhostile ou il s'est senti tres mal à l'aise et ou ses manquements gestionnaires ont tres rapidement refait surface » ; que la decision deretrogradation a ete prise apres que cinq modeles 9 eurent ete adressesau demandeur le 1er mars 2005, dont « le contenu (...) donne l'impressionque (la defenderesse) cherche le moindre pretexte pour (lui) faire desreproches » ; que, « le 3 juin 2005, deux `modeles 9' lui ont encoreete remis (dont un qui semble avoir ete redige pour des motifsinexistants) concomitamment à la remise d'une proposition de retrogradation basee en partie sur les reproches formules dans cesderniers modeles 9, ne laissant pas la possibilite (au demandeur) de sedefendre contre les reproches formules dans ces modeles 9 » ; « que lesmotifs à l'origine de la proposition de retrogradation sont donc, d'unepart, les manquements constates dans sa gestion et, d'autre part, soncomportement vis-à-vis de ses collaborateurs » ; que si cette decision« apparait comme justifiee dans la fonction de percepteur de poste danslaquelle (le demandeur) avait ete replace et dans laquelle objectivementses deficiences apparaissaient evidentes, il n'en demeure pas moins quela (defenderesse) a manque à ses devoirs d'employeur prudent etrespectueux du bien-etre de son personnel en mettant (le demandeur) dans une fonction pour laquelle il etait de l'avis unanime inapte ».

S'il doit etre interprete en ce sens qu'il decide que lesdites decisions,etant objectivement justifiees par l'interet du service, ne peuvent, entant que telles, ouvrir au demandeur le droit à la reparation d'undommage materiel, l'arret attaque viole les articles 32bis, 32decies, 32tredecies de la loi du 4 aout 1996, 1382 et 1383 du Code civil, etdonne des principes generaux du droit de la continuite du service publicet de la loi du changement dans l'interet du service, tels qu'ils sont consacres par les articles 33 et 107 de la Constitution, une portee qu'ilsn'ont pas, en violation de ces dispositions et de ces principes generauxdu droit.

Deuxieme moyen

Dispositions legales violees

- articles 32bis et 32decies de la loi du 4 aout 1996 relative aubien-etre des travailleurs lors de l'execution de leur travail, dans laversion inseree par la loi du 11 juin 2002 relative à la protectioncontre la violence et le harcelement moral ou sexuel au travail, avantleur modification par la loi du 10 janvier 2007 modifiant plusieursdispositions relatives au bien-etre des travailleurs lors de l'executionde leur travail, dont celles relatives à la protection contre la violenceet le harcelement moral ou sexuel au travail, et, pour autant que debesoin, si elle est applicable au litige, dans la version introduite parcette derniere loi ;

- articles 1382 et 1383 du Code civil ;

- articles 23 à 28 du Code judiciaire ;

- article 14 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnees le 12 janvier1973, tant avant qu'apres sa modification par la loi du 15 mai 2007 ;

- articles 33, 107, 144, 145 et 159 de la Constitution ;

- principe general du droit suivant lequel les arrets d'annulation duConseil d'Etat sont assortis d'une autorite de chose jugee erga omnes ;

- principes generaux du droit de la continuite du service public et de laloi du changement.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque, statuant sur l'appel incident du demandeur tendant àvoir ordonner sa reintegration retroactivement à son rang de percepteuret avec son anciennete, le declare non fonde par tous ses motifsconsideres ici comme integralement reproduits et, plus particulierement,sous l'intitule « C. Reintegration », par le motif qu'« il n'y a aucunepossibilite de reintegrer (le demandeur) dans ses fonctions dans lamesure ou les decisions du Conseil d'Etat ont autorite de chose jugee etne peuvent etre ecartees en application de l'article 159 de laConstitution puisque la legalite des decisions administrativeslitigieuses est actuellement incontestable ».

Griefs

Dans ses conclusions d'appel, le demandeur, à l'appui de sa pretention àse voir reintegrer dans les fonctions qu'il occupait avant que ladefenderesse ait commis une succession d'actes constitutifs deharcelement, soutenait que l'article 159 de la Constitution interdisaitaux juridictions du travail d'appliquer des decisions illegalesn'existant pas dans l'ordonnancement juridique, que ces decisions etaientcensees n'avoir jamais existe, en sorte qu'il devait « etre reintegre par application directe de l'article 159 de la Constitution, le casecheant combine avec l'article 1382 du Code civil », au rang depercepteur.

En vertu de l'article 14 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnees le 12janvier 1973, celui-ci statue par voie d'arret sur les recours enannulation pour violation des formes soit substantielles, soit prescritesà peine de nullite, exces ou detournement de pouvoir, formes contre lesactes et reglements des autorites administratives et n'est pas charge destatuer sur les droits subjectifs.

Lorsque la contestation a pour objet la reparation de la lesion d'undroit, soit un droit civil au sens des articles 144 et 145 de laConstitution, elle est du ressort exclusif du pouvoir judiciaire.Lorsqu'elle a pour objet le droit que le travailleur trouve dans lesarticles 32bis et suivants de la loi du 4 aout 1966 de ne pas subir deharcelement moral de la part de son employeur et de voir reparer lesconsequences dommageables du non-respect par ce dernier des obligationsque ces dispositions lui imposent, elle est, en vertu de l'article 578,11DEG, du Code judiciaire, de la competence des tribunaux du travail.

Ni l'appreciation de la faute ni celle du prejudice cause par celle-ci n'echappent à la competence du pouvoir judiciaire au cas ou la lesion dudroit vante pourrait trouver sa source dans l'acte d'une autoriteadministrative, meme si le recours en annulation dirige contre cet acte aete rejete par le Conseil d'Etat. Ce recours en annulation institue parl'article 14 des lois sur le Conseil d'Etat ne porte pas atteinte à laregle de l'article 159 de la Constitution, aux termes duquel les cours ettribunaux n'appliqueront les arretes et reglements generaux, provinciauxet locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois, disposition quis'applique aux actes administratifs individuels.

L'autorite de la chose jugee au sens des articles 2 et 23 à 25 du Code judiciaire n'a lieu qu'à l'egard de ce qui fait l'objet de la decision.

Il se deduit des regles de cette repartition de competences que par aucundes arrets de rejet vises par l'arret attaque, le Conseil d'Etat n'a eteamene à verifier si, comme le soutenait le demandeur devant lesjuridictions du travail, les decisions administratives qu'il invitait lacour du travail à ecarter sur la base de l'article 159 de la Constitution s'inscrivaient dans un processus de harcelement moralimputable à faute à son employeur, sans lequel la decision deretrogradation que le demandeur contestait en invitant la cour du travailà ordonner sa reintegration n'aurait pu etre prise. Il s'en deduitqu'aucune de ces decisions ne pouvait avoir une autorite de chose jugeeinterdisant aux juridictions du travail d'ordonner cette reintegration.

L'arret attaque admet « que, depuis son entree en fonction jusqu'en 2003,(le demandeur) etait apprecie par la direction pour ses qualitesd'executant, que divers rapports elogieux attestent du bon travail fournipar (le demandeur), sauf dans le domaine de la gestion et particulierementen `people management' » ; que la defenderesse a affecte le demandeur enmai 2003 dans « une fonction ou les qualites en `people management' n'etaient plus requises puisqu'elle considerait que ces qualitesfaisaient defaut au demandeur » ; qu'en revanche, « à partir du 15 mars2004 », date du « premier fait dans l'engrenage complexe du processusde harcelement », « les faits, meme si apparemment ils ont donne lieuà des decisions administratives justifiees au regard de la satisfactiondu service public, n'en sont pas moins constitutifs d'actes recurrentsd'humiliation (du demandeur) qui les subit » ; qu'ainsi la defenderesse,apres avoir enclenche l'engrenage complexe du processus de harcelement enobligeant le demandeur à « etre present sur son lieu de travail sans aucune tache à accomplir », a deplace le demandeur en qualite depercepteur dans le bureau de poste de Rumes alors qu'aucun acte nepouvait lui etre reproche ; qu'en sa qualite d'employeur, elle « avait l'obligation d'aider (le demandeur), soit en lui permettant de suivre uneformation adequate en `people management' afin qu'il puisse exercer enqualite de percepteur de poste, soit en le maintenant dans une fonctionqui ne le mettait plus en contact avec le personnel mais en veillant a luifournir du travail » ; que « cette suite de decisions a eu pour effet demettre (le demandeur) dans un environnement professionnel hostile ou ils'est senti tres mal à l'aise et ou ses manquements gestionnaires onttres rapidement refait surface » ; que la decision de retrogradation aete prise apres que cinq modeles 9 eurent ete adresses au demandeur le1er mars 2005, dont « le contenu (...) donne l'impression que (la defenderesse) cherche le moindre pretexte pour (lui) faire desreproches » ; que, « le 3 juin 2005, deux `modeles 9' lui ont encoreete remis (dont un qui semble avoir ete redige pour des motifsinexistants) concomitamment à la remise d'une proposition de retrogradation basee en partie sur les reproches formules dans cesderniers modeles 9, ne laissant pas la possibilite (au demandeur) de sedefendre contre les reproches formules dans ces modeles 9 » ; « que lesmotifs à l'origine de la proposition de retrogradation sont donc, d'unepart, les manquements constates dans sa gestion et, d'autre part, soncomportement vis-à-vis de ses collaborateurs » ; que, si cette decision« apparait comme justifiee dans la fonction de percepteur de poste danslaquelle (le demandeur) avait ete replace et dans laquelle objectivementses deficiences apparaissaient evidentes, il n'en demeure pas moins que la(defenderesse) a manque à ses devoirs d'employeur prudent et respectueuxdu bien-etre de son personnel en mettant (le demandeur) dans une fonctionpour laquelle il etait de l'avis unanime inapte ».

En decidant neanmoins qu'« il n'y (a) aucune possibilite de reintegrer(le demandeur) dans ses fonctions dans la mesure ou les decisions duConseil d'Etat ont autorite de chose jugee et ne peuvent etre ecartees enapplication de l'article 159 de la Constitution puisque la legalite desdecisions administratives litigieuses est actuellement incontestable »,l'arret attaque viole des lors les articles 14 des lois sur le Conseild'Etat, 144, 145, 159 de la Constitution, 2, 23 à 25 et 578, 11DEG, duCode judiciaire, ainsi que le principe general du droit suivant lequelles arrets d'annulation du Conseil d'Etat sont assortis d'une autorite dechose jugee erga omnes. Par voie de consequence, il viole les articles1382, 1383 du Code civil et 32decies de la loi du 4 aout 1996, qui ouvrentau travailleur victime d'un harcelement moral le droit à la reparationde tout le prejudice en relation avec ce harcelement, reparation qui peutetre ordonnee en nature par la reintegration dans les fonctions.

III. La decision de la Cour

En vertu de l'article 32tredecies, S: 1er, de la loi du 4 aout 1996relative au bien-etre des travailleurs lors de l'execution de leurtravail, l'employeur ne peut modifier de fac,on injustifiee et unilateraleles conditions de travail du travailleur qui a depose une plainte motiveeou intente une action en justice tendant à faire respecter lesdispositions relatives à la protection contre le harcelement au travail.

Conformement à l'article 32tredecies, S: 4, de la meme loi, l'employeurqui procede à une modification unilaterale des conditions de travailcontraire aux dispositions du paragraphe 1er doit payer au travailleur uneindemnite qui, si ce dernier en fait le choix et s'il en prouve l'etendue,est egale au prejudice reellement subi.

L'arret attaque decide que la defenderesse a modifie les conditions detravail du demandeur, qui est son agent statutaire, en violation del'article 32tredecies, S: 1er, precite. Il considere que la defenderesse aprocede à cette modification notamment par le deplacement du demandeurdans le bureau de poste de Rumes et par « une succession de decisionsmodifiant ses conditions de travail en contradiction avec les conseils de[la conseillere en prevention] ».

Il enonce que le demandeur demandait « la reparation [du prejudicemateriel cause par les] actes et decisions [de la defenderesse] »,c'est-à-dire, d'une part, « la decision d'affectation par mesure d'ordreau bureau de poste de Rumes », d'autre part, l'ensemble des « decisionsqui ont fait l'objet de recours rejetes devant le Conseil d'Etat ».

Il constate que, sur recours du demandeur, le Conseil d'Etat a annule ladecision de la defenderesse du 20 octobre 2004 affectant le demandeur aubureau de poste de Rumes et qu'il a, en revanche, rejete les recours ensuspension de la mesure conservatoire du 21 juin 2004 l'affectantprovisoirement au bureau de Rumes et ceux en suspension et annulation dela decision du 24 janvier 2006 de retrogradation disciplinaire.

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen, en cette branche, par ladefenderesse, et deduite de ce qu'il est nouveau :

N'est, en principe, pas nouveau le moyen, meme etranger à une dispositiond'ordre public ou imperative, qui critique un motif que le juge a donnepour justifier sa decision.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen, en cette branche :

Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire est valablement saisie sur labase de l'article 1382 du Code civil d'une demande en responsabilitefondee sur l'exces de pouvoir resultant de la meconnaissance parl'autorite administrative des regles constitutionnelles ou legales luiimposant de s'abstenir ou d'agir d'une maniere determinee et que cet excesde pouvoir a ete sanctionne par l'annulation de l'acte administratif parle Conseil d'Etat, la juridiction de l'ordre judiciaire doitnecessairement decider, en raison de l'autorite absolue de la chose jugeequi s'attache à pareille decision d'annulation, que l'autoriteadministrative, auteur de l'acte annule, a, sauf cause de justification,commis une faute et que cette faute donne lieu à reparation à lacondition que le lien causal entre l'exces de pouvoir et le dommage soitprouve.

L'arret attaque enonce que le demandeur demandait, sur la base del'article 1382 du Code civil, des indemnites en reparation du dommagemateriel cause par les actes et decisions de la defenderesse.

Il considere que la decision affectant le demandeur au bureau de poste deRumes, annulee par le Conseil d'Etat, a ete « prise par la [defenderesse]en raison de [la] crainte d'actions syndicales et dans l'interet duservice public ».

Il decide pour ce motif qu'« aucune faute [de la defenderesse] ne peutetre retenue » à l'egard de cette decision et qu'elle ne peut « donnerlieu à reparation à titre individuel ».

En statuant de la sorte, sans examiner si les circonstances qu'il prend enconsideration constituent une cause de justification de la responsabilitede la defenderesse ni exclure le lien causal entre l'exces de pouvoir etle dommage invoque par le demandeur, l'arret attaque meconnait le principegeneral du droit relatif à l'autorite absolue de la chose jugee quis'attache aux arrets du Conseil d'Etat annulant un acte administratif.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Quant à la deuxieme branche :

En vertu des articles 144, dans sa redaction applicable en l'espece, et145 de la Constitution, une contestation qui a pour objet la reparation dela lesion d'un droit releve de la competence exclusive des tribunaux.Lorsqu'elle a pour objet le droit, que le travailleur puise dans l'article32tredecies, S: 4, de la loi du 4 aout 1996, à la reparation du dommagecause par la modification de ses conditions de travail durant la periodede protection en matiere de harcelement au travail, la contestation releveen vertu de l'article 578, 11DEG, du Code judiciaire de la competence desjuridictions du travail.

Conformement à l'article 14, S: 1er, des lois coordonnees sur le Conseild'Etat, la section du contentieux administratif statue par voie d'arretssur les recours en annulation pour violation des formes, soitsubstantielles, soit prescrites à peine de nullite, exces ou detournementde pouvoir, formes contre les actes et les reglements des autoritesadministratives.

Le rejet d'un tel recours par le Conseil d'Etat n'implique pas que l'actelitigieux est depourvu de toute illegalite ou que son adoption est denueede toute faute.

L'autorite de la chose jugee n'a lieu qu'à l'egard des memes faitsapprecies en fonction de la meme norme juridique.

Il ressort des arrets nDEG 133.625 du 7 juillet 2004, nDEG 164.674 du 13novembre 2006 et nDEG 188.834 du 16 decembre 2008, rejetant respectivementles recours du demandeur en suspension de la mesure conservatoire du 21juin 2004 l'affectant provisoirement au bureau de Rumes, en suspension eten annulation de la decision du 24 janvier 2006 de retrogradationdisciplinaire, que le Conseil d'Etat n'a pas apprecie la legalite de cesdecisions administratives au regard de l'article 32tredecies, S: 1er,precite.

L'arret attaque examine sur la base des articles 32tredecies, S: 4, de laloi du 4 aout 1996 et 1382 du Code civil la demande du demandeur enpaiement d'indemnites pour la reparation du dommage materiel cause par lesactes et decisions de la defenderesse qui contribuent à la modificationdes conditions de travail effectuee, selon l'arret, en violation del'article 32tredecies, S: 1er, precite.

L'arret attaque deboute le demandeur de sa demande d'indemnites aux motifsque les arrets du Conseil d'Etat rejetant les recours du demandeur ontl'autorite de la chose jugee, que les decisions administratives sont« confirmees par le Conseil d'Etat, [...] definitives » et« justifiees », que « la cour [du travail en] reconnait la legalite »et que, « à cet egard, aucune faute [de la defenderesse] ne peut etreretenue ». Il considere en particulier que « la legalite [de la decisionde retrogradation] a ete confirmee par le Conseil d'Etat, [de sorte que ledommage lie à cette decision] ne peut donner lieu à reparation ».

En statuant de la sorte, l'arret attaque viole les articles 144 et 145 dela Constitution, 14, S: 1er, des lois coordonnees sur le Conseil d'Etat et578, 11DEG, du Code judiciaire.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur le deuxieme moyen :

Ainsi qu'il est dit en reponse à la deuxieme branche du premier moyen, lerejet d'un recours en annulation par le Conseil d'Etat n'implique pas quel'acte litigieux est depourvu de toute illegalite ou que son adoption estdenuee de toute faute ; l'autorite de la chose jugee n'a lieu qu'àl'egard des memes faits apprecies en fonction de la meme norme juridique.

L'arret attaque examine sur la base des articles 32tredecies, S: 4, de laloi du 4 aout 1996 et 1382 du Code civil la demande du demandeur de « lereintegrer retroactivement à son rang [precedant la retrogradation] etavec son anciennete » en reparation du dommage cause par la modificationde ses conditions de travail.

Il ressort des arrets rejetant les recours du demandeur que le Conseild'Etat n'a pas apprecie la legalite des decisions administrativeslitigieuses au regard de l'article 32tredecies, S: 1er, precite.

L'arret attaque deboute le demandeur de sa demande de reintegration auxmotifs que « la legalite des decisions administratives litigieuses estactuellement incontestable » et qu' « il n'y a aucune possibilite dereintegrer [le demandeur] dans ses fonctions dans la mesure ou lesdecisions du Conseil d'Etat ont autorite de chose jugee ». Il considereen particulier que « la legalite [de la decision de retrogradation] a eteconfirmee par le Conseil d'Etat [de sorte que le dommage lie à cettedecision] ne peut donner lieu à reparation ».

En statuant de la sorte, l'arret attaque viole les articles 144 et 145 dela Constitution, 14, S: 1er, des lois coordonnees sur le Conseil d'Etat et578, 11DEG, du Code judiciaire.

Le moyen est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a lieu d'examiner ni la troisieme branche du premier moyen ni letroisieme moyen, qui ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur les demandes du demandeuren reintegration et en indemnisation du prejudice subi ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Koen Mestdagh, Mireille Delange et Antoine Lievens, etprononce en audience publique du quatorze decembre deux mille quinze parle president de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+----------------------------------------+
| L. Body | A. Lievens | M. Delange |
|-------------+------------+-------------|
| K. Mestdagh | D. Batsele | Chr. Storck |
+----------------------------------------+

14 DECEMBRE 2015 S.10.0216.F/32


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.10.0216.F
Date de la décision : 14/12/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 18/03/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-12-14;s.10.0216.f ?
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