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18/01/2016 | BELGIQUE | N°S.15.0040.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 janvier 2016, S.15.0040.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0040.F

OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile,

contre

BABYLISS FACO, societe privee à responsabilite limitee, dont le siegesocial est etabli à Liege (Wandre), avenue de l'Independance, 25,

defenderesse en cassati

on.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 d...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0040.F

OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile,

contre

BABYLISS FACO, societe privee à responsabilite limitee, dont le siegesocial est etabli à Liege (Wandre), avenue de l'Independance, 25,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 12 decembre2014 par la cour du travail de Liege.

Le 9 decembre 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* article 14, S: 1er, de la loi du 27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du28 decembre 1944 concernant la securite sociale des travailleurs ;

* article 19, S: 2, de l'arrete royal du 28 novembre 1969 pris enexecution de la loi du 27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du 28decembre 1944 concernant la securite sociale des travailleurs ;

* article 82, S: 3, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail ;

* articles 19, 20, 25 et 26 du Code judiciaire ;

* articles 6, 2051, 2052 et 2056 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel de la defenderesse recevable et fonde et,reformant le jugement entrepris et statuant par voie de dispositionsnouvelles, condamne le demandeur à rembourser à la defenderesse la sommeprincipale de 4.607,67 euros à titre de cotisations sociales indumentpayees, majoree des interets et des depens, aux motifs suivants :

« Monsieur V. W. a droit à son indemnite compensatoire de preavis sur labase de la convention de transaction signee entre les parties dans lestrict respect, non seulement de l'article 82, S: 3, mais egalement del'article 82, S: 1er, de la loi du 3 juillet 1978 prevoyant un preavisminimal ;

En effet, le droit à l'indemnite compensatoire de preavis est determinesoit par le juge, soit par l'accord des parties pour autant quel'indemnite compensatoire ne soit pas inferieure au minimum legal ;

Le droit du travailleur resulte donc d'une decision judiciaire passee enforce de chose jugee ou de l'accord des parties ;

Aux termes de l'article 82, S: 3, de la loi du 3 juillet 1978, aucunehierarchie n'est fixee entre une decision judiciaire - non definitive carsusceptible d'appel - et une convention prenant acte de l'accord desparties ;

Au sens meme de l'article 2044 du Code civil, la transaction a precisementpour but de mettre un terme definitif et amiable au litige qui opposemonsieur V. W. à la societe dans le strict respect de leurs obligationslegales, monsieur V. W. ayant effectivement perc,u une indemnitecompensatoire de preavis respectant l'article 82, S:S: 1er et 3, de la loidu 3 juillet 1978, y compris quant à son quantum ;

[...] En effet, la transaction trouve son fondement dans l'article 82, S: 3, de la loi du 3 juillet 1978. Cette transaction reflete la volonte desparties de fixer definitivement le montant de l'indemnite compensatoire depreavis en evitant une procedure d'appel ;

Le jugement du tribunal du travail n'etait pas passe en force de chosejugee et pouvait, des lors, faire l'objet d'un appel ou d'unetransaction ;

Les parties ont decide de transiger ;

Cette transaction prime le jugement du tribunal du travail en vertu del'article 2052 du Code civil puisque la transaction a, entre les parties,l'autorite de la chose jugee en dernier ressort ;

En application des dispositions legales precitees, la cour [du travail]considere que les cotisations dues par la [defenderesse] doivent etrecalculees sur le montant reellement exigible de six mois et non sur lesneuf mois erronement reclames par [le demandeur] ».

Griefs

En vertu de l'article 14, S: 1er, de la loi du 27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs, les cotisations de securite sociale sont calculees sur labase de la remuneration du travailleur et, conformement au paragraphe 2 decette disposition, la notion de remuneration est determinee par l'article2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la remunerationdes travailleurs.

Suivant l'article 19, S: 2, de l'arrete royal du 28 novembre 1969, cescotisations de securite sociale sont aussi calculees sur « les indemnitesdues aux travailleurs pour la rupture irreguliere du contrat de travailpar l'employeur ».

L'article 82 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail,dans sa version applicable aux faits, dispose que :

« S: 2. Lorsque la remuneration annuelle ne depasse pas 16.100 euros, ledelai de preavis à observer par l'employeur est d'au moins trois moispour les employes engages depuis moins de cinq ans.

Ce delai est augmente de trois mois des le commencement de chaque nouvelleperiode de cinq ans de service chez le meme employeur.

Si le conge est donne par l'employe, les delais de preavis prevus auxalineas 1er et 2 sont reduits de moitie sans qu'ils puissent exceder troismois.

S: 3. Lorsque la remuneration annuelle excede 16.100 euros, les delais depreavis à observer par l'employeur et par l'employe sont fixes soit parconvention conclue au plus tot au moment ou le conge est donne, soit parle juge.

Si le conge est donne par l'employeur, le delai de preavis ne peut etreinferieur aux delais fixes au paragraphe 2, alineas 1er et 2 ».

Monsieur V. W. a ete licencie le 6 fevrier 2006 alors qu'il avaitcommence à travailler pour la defenderesse à partir du 11 juin 1999(avis de l'auditorat general du 24 octobre 2014).

Le jugement du tribunal du travail de Gand du 1er decembre 2008 indiquequ'il n'y a aucune contestation entre les parties sur le fait que monsieurV. W. appartenait à la categorie des cadres superieurs visee àl'article 82, S: 3, ci-avant.

Le preavis auquel monsieur V. W. avait droit devait donc etre fixe parconvention entre les parties ou, à defaut, par le juge.

En l'espece, à defaut d'accord entre les parties, c'est precisement letribunal du travail de Gand qui, dans son jugement du 1er decembre 2008, aarrete à neuf mois la duree du preavis à laquelle monsieur V. W. adroit.

Le jugement du 1er [decembre] 2008 n'a certes pas ete signifie mais iln'en est pas moins un jugement definitif pour autant, dans la mesure ou ilepuise la juridiction du juge sur la question litigieuse de la duree dupreavis à accorder à monsieur V. W. à la suite de son licenciementpour motif grave (article 19 du Code judiciaire).

Toute decision definitive a, des son prononce, l'autorite de la chosejugee et celle-ci subsiste tant que la decision n'a pas ete infirmee(articles 25 et 26 du Code judiciaire).

Aux termes de l'article 20 du Code judiciaire, les voies de nullite n'ontpas lieu contre les jugements. Ceux-ci ne peuvent etre aneantis que surles recours prevus par la loi.

Le jugement du 1er decembre 2008 decide qu'une indemnite compensatoire depreavis correspondant à une duree de neuf mois est due par la societe àmonsieur V. W.

Ce jugement n'a pas ete aneanti.

Les parties ont certes conclu ulterieurement une transaction en vertu delaquelle monsieur V. W. accepte de renoncer à une partie de l'indemnitecompensatoire qui lui est due et de reduire celle-ci à six mois.

En vertu de l'article 2052 du Code civil, cette transaction a certes,entre la defenderesse et monsieur V. W., l'autorite de la chose jugee endernier ressort, mais la question dont etait saisie la cour du travailn'etait pas celle de l'effet de pareille transaction entre ces partiesmais, exclusivement, celle de la base de calcul des cotisations desecurite sociale au regard de l'article 14, S: 1er, de la loi du 27 juin1969 et de l'article 19, S: 2, de l'arrete royal du 28 novembre 1969,dispositions d'ordre public.

Or, en vertu de l'article 19, S: 2, de l'arrete royal du 28 novembre1969, ces cotisations de securite sociale sont calculees sur « lesindemnites dues aux travailleurs pour la rupture irreguliere du contrat detravail par l'employeur » et l'article 82, S: 3, de la loi du 3 juillet1978 dispose que les delais de preavis à observer par l'employeur et parl'employe sont fixes soit par convention conclue au plus tot au moment oule conge est donne, soit par le juge.

Si, comme l'enonce l'arret, « aux termes de l'article 82, S: 3, de laloi du 3 juillet 1978, aucune hierarchie n'est fixee entre une decisionjudiciaire - non definitive car susceptible d'appel - et une conventionprenant acte de l'accord des parties », il n'en demeure pas moins que,lorsque le delai de preavis à observer par l'employeur est fixe par lejuge parce qu'il n'y a pas d'accord entre les parties, c'est ce jugementqui est constitutif du droit de l'employe d'obtenir l'indemnitecompensatoire correspondante.

En principe, c'est donc sur ce montant que doivent etre calculees lescotisations sociales.

Or, ce montant a ete arrete par jugement et celui-ci n'a pas ete reforme :dans la transaction conclue posterieurement, la [defenderesse] renoncememe à demander la reformation de ce jugement.

Dans cette transaction du 2 avril 2009, les parties s'accordent certes surle paiement d'une indemnite plus reduite et cette transaction a entreelles l'autorite de la chose jugee en dernier ressort.

Mais il demeure que, vis-à-vis du demandeur et en vue du calcul descotisations sociales, le jugement du 1er decembre 2008 a decide de manieredefinitive que monsieur V. W. avait droit à une indemnite compensatoirede preavis de neuf mois et que les parties ont meme renonce à interjeterappel de cette decision, ce qui en consacre le caractere definitif.

En cette matiere, la defenderesse et monsieur V. W. pouvaient certestransiger entre eux sur les consequences du jugement qui, en applicationde l'article 82, S: 3, de la loi du 3 juillet 1978, a fixe l'indemnite depreavis due par l'employeur et sur la base de laquelle doivent alorsobligatoirement etre calculees les cotisations de securite sociale. Mais,si la fixation de l'indemnite par l'accord des parties doit etreprivilegiee, à partir du moment ou le juge a arrete celle-ci, precisementparce que les parties ne s'accordaient pas, c'est cette decision qui doitprimer un accord ulterieur des parties lorsque la decision du juge n'estpas aneantie ou reformee. Il en va d'autant plus ainsi lorsque, comme enl'espece, le demandeur n'est pas partie à cet accord, lequel ne lui estdonc pas opposable (article 2051 du Code civil).

Vainement, l'arret oppose-t-il que, selon l'article 2056 du Code civil,une transaction sur un proces termine par un jugement passe en force dechose jugee est valable à la seule condition que toutes les parties aujugement aient eu, comme en l'espece, connaissance de celui-ci.

Comme il est expose ci-dessus, une telle transaction est licite entre lesparties mais elle n'est pas opposable au demandeur.

Les parties pouvaient par une transaction remettre en cause entre ellesl'exigibilite de l'indemnite compensatoire de preavis fixee par lejugement du tribunal du travail de Gand mais cette transaction ne peutavoir pour effet de diminuer le montant des cotisations sociales dues surl'indemnite compensatoire de preavis fixee par ce jugement.

Plus precisement, la defenderesse et le sieur V. W. pouvaient transigerà propos du litige les opposant et auquel le demandeur n'etait pas partiemais ne pouvaient pas transiger à propos du montant des cotisationssociales dues au demandeur en consequence du jugement du tribunal dutravail de Gand.

Autrement dit, si la transaction conclue entre la defenderesse et le sieurV. W. a l'autorite de la chose jugee entre eux, elle n'est pas opposable[au demandeur] et n'a aucune autorite de chose jugee à son egard(articles 2051 et 2052 du Code civil).

En outre, en vertu de l'article 6 du Code civil, on ne peut deroger pardes conventions particulieres aux lois qui interessent l'ordre public. Lejugement non reforme qui a fixe, conformement à l'article 82, S: 3,precite, le montant sur la base duquel doivent etre calculees lescotisations sociales vaut loi d'ordre public et ne peut partant etrereforme par une transaction.

Il en resulte qu'en decidant que la transaction signee le 2 avril 2009entre la defenderesse et monsieur V. W. prime le jugement du tribunal dutravail de Gand du 1er decembre 2008 pour le calcul des cotisations desecurite sociale, l'arret viole l'article 14, S: 1er, de la loi du 27juin 1969 et l'article 19, S: 2, de l'arrete royal du 28 novembre 1969, qui imposent le calcul des cotisations de securite sociale sur l'indemnitede preavis due par l'employeur à l'employe, ainsi que l'article 82, S: 3, de la loi du 3 juillet 1978, qui precise qu'à defaut de conventionentre les parties, conclue au plus tot au moment ou le conge est donne, ledelai de preavis à observer par l'employeur est fixe par le juge, de memeque les articles 19, 20, 25 et 26 du Code judiciaire, des lors qu'enl'espece, le juge a precisement, à defaut d'accord entre les parties,fixe à neuf mois par jugement du 1er decembre 2008 le delai de preavis àobserver par la defenderesse et que ce jugement conserve son autorite dechose jugee dans la mesure ou il n'a ete ni infirme ni aneanti.

De plus, en considerant comme opposable [au demandeur] et ayant l'autoritede la chose jugee à son egard la transaction conclue entre ladefenderesse et le sieur V. W., l'arret viole tant les articles 2051, 2052et 2056 du Code civil que l'article 6 de ce code.

III. La decision de la Cour

Lorsque, apres qu'a ete rendue sur leur differend une decision definitivequi est encore susceptible d'appel, des parties litigantes concluent pourterminer cette contestation une convention par laquelle elles renoncent,l'une à des droits que lui reconnait cette decision, l'autre à celuid'en relever appel, l'existence de leur transaction s'impose aux tiers,qui sont tenus de reconnaitre les effets qu'elle produit entre les partiescontractantes.

Il s'ensuit que, si, en vertu de l'article 2051 du Code civil, latransaction ne fait naitre qu'au profit des parties le droit de s'opposerà la reiteration du litige, les tiers ne peuvent plus pretendre que lesdroits de celles-ci ou de l'une d'elles sont fixes par le jugement ensuiteduquel la transaction a ete conclue.

Des lors que l'objet de cette convention n'excede pas les choses dont onpeut disposer, la circonstance que les droits dont se prevalent les tiersinteressent l'ordre public n'affecte pas leur obligation de respecter leseffets externes de la transaction.

Le moyen, qui repose sur le soutenement contraire, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de trois cent nonante-huit euros vingt-deuxcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Martine Regout, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte,et prononce en audience publique du dix-huit janvier deux mille seize parle president de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Delange |
|-----------------+----------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
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18 JANVIER 2016 S.15.0040.F/2


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.15.0040.F
Date de la décision : 18/01/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-01-18;s.15.0040.f ?
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