La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0295.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 février 2016, C.15.0295.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0295.F

* 1. D.G. et

* 2. M.-P. W.,

* demandeurs en cassation,

* representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee,9, ou il est fait election de domicile,

* * contre

* * L'ANCIEN, societe privee à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Saint-Ghislain (Neufmaison), rue du Brun Culot,7,



* defenderesse en cassation.

* I. La procedure devant la Cour

* Le pourvoi en cassa

tion est dirige contre le jugement rendu le 4 mars2015 par le tribunal de premiere instance du Hainaut, statuant endegre d'...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0295.F

* 1. D.G. et

* 2. M.-P. W.,

* demandeurs en cassation,

* representes par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee,9, ou il est fait election de domicile,

* * contre

* * L'ANCIEN, societe privee à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Saint-Ghislain (Neufmaison), rue du Brun Culot,7,

* defenderesse en cassation.

* I. La procedure devant la Cour

* Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 4 mars2015 par le tribunal de premiere instance du Hainaut, statuant endegre d'appel.

Par ordonnance du 11 janvier 2016, le premier president a renvoye la causedevant la troisieme chambre.

Le 12 janvier 2016, l'avocat general delegue Michel Palumbo a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general delegueMichel Palumbo a ete entendu en ses conclusions.

* * II. Le moyen de cassation

* Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copiecertifiee conforme, les demandeurs presentent un moyen.

* * III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

* Quant à la premiere branche :

* * Aux termes de l'article 55 de la loi du 4 novembre 1969 contenantdes regles particulieres aux baux à ferme, en cas d'alienation dubien loue, l'acquereur est subroge aux droits et obligations dubailleur.

* Il suit de cette disposition, qui est applicable en cas d'apport ensociete d'un bien loue, que, des l'acte d'alienation, l'acquereur peutexercer tous les droits derivant du bail.

* En vertu des articles 66 et 302 du Code des societes, la decision del'assemblee generale d'une societe qui, comme la defenderesse, est unesociete privee à responsabilite limitee d'augmenter le capital de lasociete doit etre constatee dans un acte authentique.

* L'article 305, alinea 2, du meme code dispose que, dans ces societes,les parts sociales ou parties de parts sociales correspondant à desapports en nature doivent etre entierement liberees.

* L'apport d'un element de patrimoine entierement libere dans unesociete commerciale implique que cet element soit mis à ladisposition immediate de la societe afin que celle-ci realise son butet qu'il soit maintenu dans la societe en tant qu'element du capitalsocial, pour la valeur qui lui a ete attribuee, aux fins de participeraux risques de l'entreprise et à la formation du gage des creanciers.

* Il s'ensuit qu'à dater de la decision de l'assemblee generaled'augmenter le capital par l'apport d'un bien faisant l'objet d'unbail à ferme, la societe beneficiaire de cet apport peut exercer tousles droits derivant du bail et que, des lors que cette decision a eteconstatee dans un acte authentique, sa qualite de bailleur estimmediatement opposable au preneur.

* Le moyen, qui, en cette branche, soutient que cette qualite debailleur n'est opposable au preneur qu'à dater de la publication decette decision au Moniteur belge conformement aux articles 75 et 76 duCode des societes, manque en droit.

* Quant à la deuxieme branche :

* * En vertu de l'article 9, alinea 5, de la loi du 4 novembre 1969,les personnes morales dont les organes ou les dirigeants responsablessont admis à donner conge en vue d'une exploitation personnelle dubien loue, en application des articles 7, 1DEG, et 8, doivent etreconstituees conformement à la loi du 12 juillet 1979 creant lasociete agricole ou sous la forme d'une societe de personnes ou d'unesociete d'une personne à responsabilite limitee. En outre, lespersonnes qui dirigent l'activite de la societe en qualited'administrateur ou de gerant doivent fournir un travail reel dans lecadre de l'entreprise agricole.

* Il suit de cette disposition qu'en regle, une societe privee àresponsabilite limitee est, pour l'application de celle-ci, considereecomme une societe de personnes.

* Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutenement contraire,manque en droit.

* Quant à la troisieme branche :

* * En considerant qu'« aucun element ne permet de douter actuellementque le sieur F. exercera son activite de gerant fermier de manierepreponderante », le jugement attaque repond, en les rejetant, auxconclusions des demandeurs reproduites au moyen, en cette branche,contestant que l'exploitation de l'entreprise agricole dans laquelleles biens ruraux en question seront exploites constitue une partiepreponderante de l'activite professionnelle du gerant de ladefenderesse.

* Le moyen, en cette branche, manque en fait.

* * Par ces motifs,

* * La Cour

* * Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

* Les depens taxes à la somme de mille cent cinquante-neuf eurosdix-huit centimes envers les parties demanderesses.

* * * * * * Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, àBruxelles, ou siegeaient le president de section Christian Storck, lesconseillers Mireille Delange, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte etSabine Geubel, et prononce en audience publique du premier fevrierdeux mille seize par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general delegue Michel Palumbo, avec l'assistancedu greffier Fabienne Gobert.

+-----------------------------------------+
| F. Gobert | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------+------------+----------------|
| M. Lemal | M. Delange | Chr. Storck |
+-----------------------------------------+

* * Requete

Requete en cassation

Pour

G. D., agriculteur, domicilie ...

W. M.-P., agricultrice, domiciliee ...

demandeurs en cassation,

assistes et representes par Me Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 6000 Charleroi, ruede l'Athenee, 9, ou il est elu domicile.

Contre

L'Ancien, societe privee à responsabilite limitee, dont le siegesocial est etabli à Saint-Ghislain (7332 Neufmaison), rue du BrunCulot, 7, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous lenumero 0847 421 494,

defenderesse en cassation.

A Messieurs les premier president et president, Mesdames et Messieursles conseillers qui composent la Cour de cassation,

Messieurs,

Mesdames,

Les demandeurs ont l'honneur de soumettre à votre censure le jugementcontradictoirement rendu en degre d'appel entre parties le 4 mars 2015par la premiere chambre du tribunal de premiere instance du Hainaut -division Mons, dans la cause inscrite sous le numero 13 2457 A du rolegeneral.

Les faits de la cause et les antecedents de la procedure, tels qu'ilsresultent des pieces auxquelles votre Cour peut avoir egard, seresument comme suit.

Les demandeurs sont preneurs à ferme de parcelles de terres sises àChievres.

Par exploit d'huissier du 28 septembre 2012, la defenderesse, sedisant bailleresse des terres, leur a signifie un conge de deux ans envue de l'exploitation personnelle de ces terres.

Le tribunal etait saisi de la « procedure en validation » de ceconge, introduite par citation de la defenderesse du 5 decembre 2012devant le juge de paix du canton d'Enghien - Lens.

Le jugement attaque, mettant à neant le jugement entrepris rendu le20 aout 2013, dit la demande de la defenderesse fondee et valide leconge, prolongeant cependant sa duree d'un an.

A l'encontre du jugement, les demandeurs croient pouvoir vous proposerles moyens de cassation suivants.

Moyen unique de cassation

Dispositions legales violees

Article 780, 3DEG, du Code judiciaire ;

article 76 du Code des societes ;

articles 7, 8 et 9 de la loi du 4 novembre 1969 contenant des reglesparticulieres aux baux à ferme (inseree dans le Code civil) ;

article 149 de la Constitution.

Decision attaquee et motifs critiques

Le jugement attaque valide le conge signifie par la defenderesse auxdemandeurs, preneurs à ferme de terres sises à Chievres, notammentpar les motifs suivants :

« Par un acte d' àugmentation du capital par apport en nature -modification de l'objet social - demission nomination' rec,u le 26septembre 2012 par le notaire Durant, ces terres ont ete apportees enpleine propriete à la (future defenderesse) par le proprietaire -bailleur F. N., associe titulaire de 99 parts sociales sur 100.

Par ce meme acte un nouveau gerant est nomme, en la personne deMonsieur S. F. avec mandat à dater du meme jour pour une duree desix annees.

En outre l'objet social est remplace : il est prevu que la societe apour objet l'agriculture, l'elevage, l'horticulture ou les activitesconnexes de celle-ci.

Deux jours plus tard, la (defenderesse) signifie un preavis de congele 28 septembre 2012 en vue d'exploitation personnelle à partir du1er octobre 2014, exploitation à assurer de fac,on effective etcontinue par les organes de la societe, et plus specifiquement par songerant, Monsieur S.F..

(...)

(...) C'est à juste titre que le premier juge a considere que lepreneur à ferme n'est pas un tiers au sens de l'article premier de laloi hypothecaire, de sorte que les (demandeurs) ne peuvent considererque l'apport immobilier ne leur soit pas opposable, meme s'il n'etaitpas transcrit au moment de la signification du conge. Il suffit quel'acte de cession, qui avait date certaine, ait preexiste.

(...)

(...) c'est (...) à juste titre que le premier juge a decide qu'unesociete privee à responsabilite limitee, en tant que societe depersonnes, peut donner conge pour exploitation personnelle.

(...) Il faut encore considerer avec (la defenderesse) contre les(demandeurs) qu'aucun element ne permet de douter actuellement que lesieur F. exercera son activite de gerant fermier de manierepreponderante (...).

(...) Ceci etant, les faits de la cause revelent que le bailleur aentendu, non sans precipitation (apport en societe - modification del'objet social - nomination du gerant fermier le 26 septembre 2012 etsignification du conge le 28 septembre 2012) remplacer le fermierexploitant par un tiers nouvellement rendu partie prenante de lasociete en qualite de gerant, dont il n'est pas soutenu qu'il soit parailleurs en lien de famille quelconque avec lui.

(...)

(...) il convient par consequent de valider le conge (...). »

Griefs allegues

Premiere branche

Tout apport en nature, dans une societe privee à responsabilitelimitee, implique, necessairement, augmentation du capital de lasociete (article 312 du Code des societes) et, aux termes de l'article307 du meme Code, la « decision d'augmentation de capital doit etreconstatee par un acte authentique, qui fait l'objet d'un depot augreffe conformement à l'article 75 », cet acte devant mentionner si« la realisation de l'augmentation du capital est constatee en memetemps ».

Et, aux termes de l'article 75 du Code, mention du depot doit etrepubliee aux annexes du Moniteur belge, à l'initiative du greffier(voy. les articles 72 et 73 du meme Code) : la publication au Moniteurbelge est donc, necessairement, posterieure au depot de l'acte.

Et l'article 76 du Code dispose : « Les actes et indications dont lapublicite est prescrite ne sont opposables aux tiers qu'à partir dujour de leur publication par extraits ou par mention aux annexes duMoniteur belge ».

La notion de tiers a, dans ce texte, une portee large : est tierstoute personne qui n'est pas partie à l'acte.

Par ailleurs, seul le bailleur est en droit de donner conge aupreneur.

Or les demandeurs ont soutenu en conclusions (leurs conclusionsadditionnelles d'appel, p. 4, alinea 5), sans que cette assertion soitcontestee par la defenderesse, « que l'acte authentique d'apport desterres litigieuses, constitutif de leur transfert de propriete dubailleur anterieur à la defenderesse, n'a ete depose au greffe dutribunal de commerce que le 4 octobre 2012 » - c'est-à-dire apres ladate du conge litigieux du 28 septembre 2012.

Il s'ensuit que cet acte n'est pas opposable aux demandeurs,contrairement à ce que decide le jugement, meme s'il a date certaine.La consequence en est que la defenderesse, à la date à laquelle aete signifie le conge litigieux, n'etait pas - pas encore -bailleresse des terres à l'egard des demandeurs.

La defenderesse etait donc sans droit pour signifier ce conge auxdemandeurs.

Il s'ensuit qu'en validant neanmoins le conge, le tribunal ne justifiepas legalement sa decision (violation des articles 76 du Code dessocietes et 7, specialement 1DEG, 8, specialement S: 1er, et 9 de laloi du 20 novembre 1969 contenant des regles particulieres sur lesbaux à ferme).

Deuxieme branche

Aux termes de l'article 8, S: 1er, de la loi sur les baux à ferme, lebailleur est autorise à « mettre fin au bail en vue d'exploiterlui-meme l'ensemble du bien loue » et ce « au cours de chacune desperiodes successives de bail, à l'exclusion de la premiere et de ladeuxieme » et ce aux conditions et modalites enoncees à l'article 7,1DEG, de la loi.

Et, aux termes de l'article 9, l'exploitation personnelle peut etreinvoquee par une personne morale, aux conditions indiquees.

Et cet article ajoute (dernier alinea) : « Les personnes morales dontil est question au present article doivent etre constitueesconformement à la loi du 12 juillet 1979 creant la societe agricoleou sous la forme d'une societe de personnes ou d'une societe d'unepersonne à responsabilite limitee. »

Or la societe privee à responsabilite limitee, à tout le moinslorsqu'elle compte plusieurs associes, n'est pas une societe depersonnes mais une societe qui peut etre qualifiee de « mixte » :elle n'est pas visee à l'article 9, dernier alinea, de la loi, et estdonc sans droit à « mettre fin au bail en vue d'exploiter(elle-meme) l'ensemble du bien loue ».

Or la defenderesse est, selon constatations de l'arret, une societeprivee à responsabilite limitee qui compte deux associes (le bailleuranterieur des terres litigieuses etant l'un d'eux, « titulaire de 99parts sociales sur 100 », ce qui implique necessairement qu'un autreassocie est titulaire d'une part).

Il s'ensuit que la defenderesse, n'etant pas une societe de personnescontrairement à ce que releve le jugement, n'etait pas autorisee àsignifier le conge litigieux.

En validant celui-ci, le tribunal ne justifie pas legalement sadecision (violation des articles 7, specialement 1DEG, 8, specialementS: 1er, et 9, specialement dernier alinea, de la loi du 4 novembre1969).

Troisieme branche

Les demandeurs ont soutenu en conclusions, à titre subsidiaire (p. 11e t12 de leurs conclusions additionnelles d'appel) :

« Attendu que dans l'hypothese ou le conge ne serait point declarecaduc, le (demandeur) souleve l'application de l'article 12.6, alinea2, qui enonce :

` Quand le preneur exerce la profession agricole à titre principal,le juge ne pourra valider le conge en vue de l'exploitationpersonnelle que si l'exploitation de l'entreprise agricole danslaquelle les biens ruraux en question seront exploites, constitueraune partie preponderante de l'activite professionnelle de la personneou des personnes indiquees dans le conge devant assurer l'exploitationet, en outre, s'il s'agit de personnes morales, la ou les personnesqui dirigent l'activite en qualite d'administrateur ou de gerant' ;

Attendu que la preponderance de l'exploitation agricole doit etreexaminee au sein de la (defenderesse) dans le chef de Monsieur S.F. etnon pas dans le chef de la societe puisqu'il n'est pas conteste queles (demandeurs) exercent leur activite à titre principal ;

Que ce n'est pas l'objet social de la societe qui fait l'objet d'unexamen, mais bien l'exercice de l'exploitation dans le chef de lapersonne designee ;

Attendu que le dossier de la (defenderesse) revele que ce dernier setrouve à la tete d'une exploitation agricole de 70 hectares generantun benefice brut de 105.815 EUR, percevant des indemnites de 32.587,54EUR + 3.621,20 EUR ; ladite exploitation a vocation laitiereimportante etant composee de plus de 200 tetes de betail ;

Attendu que l'on imagine difficilement qu'au sein de la(defenderesse), Monsieur S.F. y passe une partie preponderante de sontemps (sur 12 ha), qu'il y exercerait ainsi une activitepreponderante, d'autant que cette derniere se ferait au sein de lasociete, par le biais du mandat qui lui a ete confie, à titre gratuitet que la (defenderesse) ne tient en exploitation que quelqueshectares ;

Attendu qu'il est d'evidence que Monsieur S.F. poursuivra sonexploitation agricole principale d'autant que celle-ci genere unbenefice brut de 105.815 EUR, qu'il perc,oit des indemnites de32.587,54 EUR + 3.621,20 EUR ; »

Ni par les motifs reproduits ni par aucun de ses motifs, le jugementne repond à cette defense circonstanciee des demandeurs, la seuleconstatation - au demeurant hypothetique - qu' « aucun element nepermet de douter actuellement que le sieur F. exercera son activite degerant fermier de maniere preponderante » ne constituant pas unetelle reponse au regard de l'exigence legale de motivation desjugements.

Le jugement n'est donc pas regulierement motive (violation desarticles 780, 3DEG, du Code judiciaire et 149 de la Constitution).

Developpement

Les demandeurs ont soutenu que l'acte d'apport des terres litigieusesdu 26 septembre 2012 « n'a ete depose au greffe du tribunal decommerce que le 4 octobre 2012 » - c'est-à-dire apres la date duconge litigieux du 28 septembre 2012 (leurs conclusions additionnellesd'appel, p. 4, alinea 5). Et cette assertion n'a pas ete contreditepar la defenderesse.

Or l'apport en nature dans une societe privee à responsabilitelimitee implique, necessairement, augmentation du capital de lasociete (article 312 du Code des societes) et, aux termes de l'article307 du meme Code, la « decision d'augmentation de capital doit etreconstatee par un acte authentique, qui fait l'objet d'un depot augreffe conformement à l'article 75 », cet acte devant mentionner si- comme c'est le cas en l'espece - « la realisation de l'augmentationdu capital est constatee en meme temps ».

L'acte du 26 septembre 2012 - qualifie par le jugement d'« augmentation du capital par apport en nature (...) » devait doncetre l'objet d'un depot au greffe.

Et, aux termes de l'article 75 du Code, mention du depot doit etrepubliee aux annexes du Moniteur belge, à l'initiative du greffier(voy. les articles 72 et 73 du meme Code).

Il en deduit de ce qui precede que l'acte d'apport des terreslitigieuses à la defenderesse n'a pu etre publie par extrait auMoniteur belge qu'apres le 4 octobre 2012.

Et l'article 76 du Code dispose : « Les actes et indications dont lapublicite est prescrite ne sont opposables aux tiers qu'à partir dujour de leur publication par extraits ou par mention aux annexes duMoniteur belge. »

Et la notion de tiers a, dans ce texte, une portee tres large : esttiers toute personne qui n'est pas partie à l'acte (J. Malherbe etautres, Droit des societes, Precis, 4e ed., Bruylant, 2011, nDEG 55,p. 38).

Il s'ensuit que les demandeurs etaient en droit de soutenir quel'apport ne leur est pas opposable. La consequence en est que lasociete, n'etant pas - pas encore - bailleresse, n'a pu notifier leconge aux demandeurs.

Seul, en effet, le bailleur est en droit de donner conge (voy.. P.Renier, op. cit., p. 61 et ref. cit.).

Le conge pour occupation personnelle peut etre le fait d'une personnemorale, aux conditions enoncees à l'article 9 de la loi sur les bauxà ferme, le texte precisant toutefois : « Les personnes morales dontil est question au present article [c'est-à-dire les seules personnesmorales rec,ues à notifier conge au preneur pour occupationpersonnelle] doivent etre constituees conformement à la loi du 12juillet 1979 creant la societe agricole ou sous la forme d'une societede personnes ou d'une societe d'une personne à responsabilitelimitee. »

Mais la societe privee à responsabilite limitee n'est pas une societede personnes, contrairement à ce que releve le jugement.

La doctrine parait bien considerer, il est vrai, que tel est le cas.E. Beghin l'ecrit expressement (op. cit., nDEG 385, p. 92). P. Renier(op. cit., nDEG 53, p. 91) et D. Gregoire et F. Vandermeulen, op.cit., 2009, nDEG 31, p. 111) excluent les « societes de capitaux ».

Reste que la loi ne definit pas ce qu'est une societe de personnes.

Et les demandeurs ont releve en conclusions que la societe privee àresponsabilite limitee est une societe « mixte ». J. Van Ryn, dontils ont cite, en conclusions, un extrait des Principes (1re ed., t. I,nDEG 304, p. 310) le releve.

Et on peut lire, dans l'ouvrage cite de J. Malherbe et autres (nDEG427, p. 219) :

« Dans les societes de personnes à responsabilite limitee, ou lesassocies n'engagent que leurs apports, le caractere intuitu personaen'a pas la meme portee [que dans les societes ou la responsabilite desassocies est illimitee] mais il justifie encore que les associes, dontla volonte de fonder la societe est stimulee par leur personnalite,soient identifiables et que les titres representatifs du capital nesoient pas, en principe, librement cessibles (...).

Parmi les societes de personnes, on distinguera des lors les societesde personnes à responsabilite illimitee (societes en nom collectif,societe en commandite simple, societes cooperatives à responsabiliteillimitee) et les societes de personnes à responsabilite limitee(societes privees à responsabilite limitee et societes cooperative àresponsabilite limitee), ces dernieres ayant ete qualifiees pard'aucuns de societes `mixtes' (...). »

Et le texte meme du Code des societes, sans retenir cettequalification (mais il ne retient aucune qualification pour lesdifferentes formes de societes) consacre plusieurs articles au capital« de la societe privee à responsabilite limitee ».

De surcroit, lorsqu'a ete insere le texte de l'article 9 de la loi surles baux à ferme (par la loi du 7 novembre 1988), la societe priveeà responsabilite limitee etait denommee societe de personnes àresponsabilite limitee. Et ce changement, sans etre fondamental, aneanmoins une importance significative : desormais une societe decapitaux peut etre associee d'une societe privee à responsabilitelimitee, ce qui n'etait pas le cas initialement.

De surcroit - et les demandeurs l'ont releve egalement - l'article 9fait reference expresse à la societe d'une personne à responsabilitelimitee. Or la societe privee à responsabilite limitee, dans l'etatactuel des textes, peut etre constituee, en effet, par un seulassocie. Pourquoi faire mention speciale d'une telle societe (lasociete d'une personne), si ce n'est pour ecarter la societe priveequi comporte plusieurs associes (en l'espece, il se deduit desconstatations du jugement que L'Ancien comptait deux associes, un seul- le bailleur anterieur des terres litigieuses - detenant, à laconstitution de la societe, 99% des parts).

Par un arret du 8 janvier 2010 (Pas., nDEG 11), votre Cour a decidequ'une societe privee à responsabilite limitee dont les seulsassocies sont des societes de capitaux, n'etait pas visee à l'article9 de la loi sur les baux à ferme : elle ne peut donc notifier congepour occupation personnelle au preneur.

Quelle est la portee de cet arret ?

Il est clair que la decision ne peut etre interpretee a contrario : laCour statue en se limitant à l'espece dont elle est saisie sans quesa decision puisse recevoir une interpretation a fortiori ou acontrario. Peut-on toutefois y voir une decision de nature à etayerla solution qu'ils defendent ? les demandeurs croient pouvoir lesoutenir.

Le moyen en sa troisieme branche n'appelle guere de developpement. Lepassage reproduit des conclusions des demandeurs se trouve aux pages11 et 12 de leurs conclusions additionnelles d'appel.

PAR CES CONSIDERATIONS,

L'avocat à la Cour de cassation soussigne vous prie, Messieurs,Mesdames, casser le jugement attaque, ordonner que mention de votrearret sera inscrite en marge de la decision annulee, renvoyer la causeet les parties devant un autre tribunal de premiere instance siegeanten degre d'appel et statuer comme de droit quant aux depens.

Charleroi, le 25 februari 2016

Annexe :

1. Declaration pro fisco conforme à l'arrete royal du 12 mai 2015

Franc,ois T'Kint

Avocat à la Cour de cassation

1 FEVRIER 2016 C.15.0295.F/5

Requete/16


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0295.F
Date de la décision : 01/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-02-01;c.15.0295.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award