La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0011.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 février 2016, C.15.0011.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0011.F

ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITES CHRETIENNES, dont le siege est etabli àSchaerbeek, chaussee de Haecht, 579/40,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

SOCIETE DES TRANSPORTS INTERCOMMUNAUX DE BRUXELLES, dont le siege estetabli à Bruxelles, rue Royale, 76,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Br

uno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Montagne, 11, o...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0011.F

ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITES CHRETIENNES, dont le siege est etabli àSchaerbeek, chaussee de Haecht, 579/40,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,

contre

SOCIETE DES TRANSPORTS INTERCOMMUNAUX DE BRUXELLES, dont le siege estetabli à Bruxelles, rue Royale, 76,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Montagne, 11, ou il est faitelection de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 fevrier 2014par la cour d'appel de Bruxelles.

Par ordonnance du 28 septembre 2015, le premier president a decide que lacause serait traitee en audience pleniere.

Le 18 janvier 2016, l'avocat general Thierry Werquin a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat generalThierry Werquin a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1er, 10 et 29bis, specialement S:S: 1er et 3, de la loi du

21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabiliteen matiere de vehicules automoteurs, tels qu'ils etaient en vigueur avantleur modification par la loi du 19 janvier 2001 ;

- articles 10 et 11 de la Constitution ;

- article 26, S: 2, specialement alinea 2, 2DEG, et 28 de la loi specialedu

6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, modifiee par la loi specialedu

21 fevrier 2010 ;

- principe general du droit de la separation des pouvoirs.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate qu'une dame M., assuree de la demanderesse, a etevictime le 27 mars 1998 d'une chute dans un tram d'une ligne appartenantà la defenderesse, à la suite du freinage brutal du tram ; qu'aucunefaute du conducteur du tram n'est etablie ; que la demanderesse aindemnise son assuree, et que l'action de la demanderesse contre ladefenderesse tendant à la recuperation de ses debours se fonde, à titresubsidiaire, sur l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989, l'arretattaque declare cette demande non fondee et condamne la demanderesse auxdepens des deux instances.

L'arret attaque fonde cette decision, en substance, sur les motifssuivants :

a) Avant sa modification par la loi du 19 janvier 2001, l'article 29bisde la loi du 21 novembre 1989 ne visait que les accidents de lacirculation impliquant un vehicule automoteur, defini comme un vehiculedestine à circuler sur le sol et qui peut etre actionne par une forcemecanique sans etre lie à une voie ferree (article 1er, alinea 1er, de laloi du 21 novembre 1989).

Par arret du 15 juillet 1998, publie au Moniteur belge du 13 octobre 1998,la Cour constitutionnelle a vu dans l'exclusion des victimes d'accidentsimpliquant des vehicules sur rails une violation des articles 10 et 11 dela Constitution. Cet arret impliquait la constatation d'une lacuneinconstitutionnelle dans la loi du 21 novembre 1989 en ce que celle-ci n'apas prevu un debiteur d'indemnite dans le cas d'un accident impliquant unvehicule sur rails.

Par son arret du 26 juin 2002, la Cour constitutionnelle a considere quel'article 10, S: 1er, alineas 2 et 3, de la loi du 21 novembre 1989violait les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il neconcernait, en raison de sa combinaison avec l'article 1er de la meme loi,que les vehicules automoteurs appartenant aux organismes de transportqu'il visait ou immatricules à leur nom qui n'etaient pas lies à unevoie ferree.

b) « Il resulte des arrets de la Cour de cassation des 20 decembre 2007,5 juin 2008 et 29 septembre 2011, auxquels la cour [d'appel] se rallie,qu' `il appartient au pouvoir judiciaire, lors de l'interpretation de laloi, de fixer les effets dans le temps de la violation de la Constitutionà laquelle conclut la Cour constitutionnelle en reponse à une questionprejudicielle. Le juge qui constate ainsi l'effet dans le temps du defautde conformite à la Constitution constate par la Cour constitutionnelledoit tenir compte à cet egard de la confiance legitime de la societe dansles dispositions legales et des exigences imperatives de la securitejuridique'.

Or, les exigences de la confiance legitime de la societe dans lesdispositions legales et de la securite juridique s'opposent à ce quel'obligation d'indemnisation prevue à l'article 29bis, S: 1er, alinea1er, de la loi du

21 novembre 1989 s'applique aux accidents de la circulation impliquant desvehicules lies à une voie ferree qui, comme en l'espece, se sont produitsavant la publication de l'arret de la Cour constitutionnelle du 15 juillet1998 qui constate le defaut de conformite à la Constitution de cetarticle, dans la mesure ou il exclut ces vehicules du regimed'indemnisation qu'il prevoit. La [defenderesse] ne pouvaitraisonnablement s'attendre, avant la publication de l'arret de la Courconstitutionnelle du 15 juillet 1998, à etre concernee par la loi du 21novembre 1989 alors que la loi excluait expressement les vehicules surrails ».

c) « De plus, [...] l'inconstitutionnalite constatee par cet arretimplique la constatation d'une lacune inconstitutionnelle dans la loi ence qu'elle ne prevoyait pas qui etait redevable de l'indemnite. Au momentdes faits, l'article 10 de la loi du 21 novembre 1989, lu en combinaisonavec l'article 1er de la meme loi, ne visait pas les vehicules sur rails.La cour [d'appel] ne pourrait combler la lacune relative au debiteurd'indemnite en decidant pour un accident concernant un vehicule sur railssurvenu avant la publication de l'arret de la Cour constitutionnelle du 15juillet 1998 que l'obligation d'indemnisation prevue à l'article 29bis,S: 1er, de la loi du 21 novembre 1989, avant sa modification par la loi du19 janvier 2001, incombe au proprietaire de ce vehicule sans enfreindreles principes de confiance legitime et de securite juridique rappelesci-avant ».

Griefs

Premiere branche

Par l'arret nDEG 92/98 du 15 juillet 1998, publie au Moniteur du

15 octobre 1998, auquel se refere l'arret attaque, la Courconstitutionnelle (alors Cour d'arbitrage) a statue sur une questionprejudicielle posee par un tribunal de police dans un litige opposant unusager faible à la defenderesse à la suite d'un accident survenu en1995. Cet arret a decide que l'article 29bis de la loi du 21 novembre1989 « viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il exclutdes regimes d'indemnisation qu'il prevoit les vehicules qui sont lies àune voie ferree », exclusion qui resulte de l'article 1er de ladite loi,auquel se refere l'article 29bis, S: 3, et selon lequel, « pourl'application de la presente loi, on entend par vehicules automoteurs lesvehicules destines à circuler sur le sol qui peuvent etre actionnes parune force mecanique sans etre lies à une voie ferree ».

L'arret attaque se refere en outre à l'arret de la Cour constitutionnellenDEG 109/2002 du 26 juin 2002 qui statue sur une question prejudicielleposee par un tribunal dans un autre proces relatif à un accident cause àun usager faible par un tram de la defenderesse avant la modification del'article 29bis par la loi du 19 janvier 2001. Cet arret decide quel'article 10 de la loi du

21 novembre 1989 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en cequ'il ne concerne, en raison de sa combinaison avec l'article 1er de lameme loi, que les vehicules automoteurs appartenant aux organismes detransport qu'il vise ou immatricules à leur nom qui ne sont pas lies àune voie ferree. Cet arret implique que l'article 10 de la loi du 21novembre 1989 comporte une lacune en ce qu'il n'indique pas de personnetenue à reparation en cas de dommage cause à un usager faible par unvehicule sur rails de la defenderesse (voir, en termes plus explicites,l'arret nDEG 158/2003 du 10 decembre 2003, egalement relatif à unaccident cause par un vehicule sur rails à un usager faible avant quel'article 29bis ait ete complete par la loi du 19 janvier 2001).

A propos d'accidents survenus avant la loi du 19 janvier 2001, maisposterieurement à la publication de l'arret de la Cour constitutionnelledu

15 juillet 1998, la Cour de cassation a admis, par des arrets des 12decembre 2008 (C.07.0642.N) et 29 septembre 2011 (Pas., nDEG 512), qu'ilappartient au pouvoir judiciaire de combler cette lacune car « ladesignation comme debiteur de l'indemnite du proprietaire des vehiculeslies à des voies ferrees qui ne peuvent etre consideres comme desvehicules automoteurs au sens de l'article 1er de la loi du 21 novembre1989 et tombent des lors en dehors du champ d'application de cette loin'exige pas qu'une autre reglementation soit instauree qui exigerait unenouvelle pesee des interets, de sorte que la lacune constatee peut etrecompletee par le juge ».

Cette solution se fonde, d'une part, sur l'autorite des arrets de la Courconstitutionnelle rendus sur question prejudicielle à l'egard desjuridictions autres que celle qui a pose la question prejudicielle et lesautres juridictions appelees à statuer dans la meme affaire (autorite quise deduit de l'article 26, S: 2, de la loi speciale du 6 janvier 1989, quidispense les juges de soumettre à la Cour constitutionnelle une questionprejudicielle sur laquelle la Cour a dejà statue) et, d'autre part, surle principe que les lois doivent etre interpretees par les juges, pourautant que possible, dans le sens ou elles sont conformes à laConstitution.

Dans la mesure ou l'arret attaque decide, dans le motif reproduit supra,c), que l'inconstitutionnalite de l'article 10 de la loi du 21 novembre1989 constatee par la Cour constitutionnelle dans les arrets rendus surquestions prejudicielles auxquels il se refere « implique la constatationd'une lacune inconstitutionnelle dans la loi en ce qu'elle ne prevoyaitpas qui etait redevable de l'indemnite » en cas de dommage cause à unusager faible par un vehicule sur rails et ou l'arret en deduit que lacour d'appel « ne pourrait combler la lacune relative au debiteurd'indemnites en decidant que l'obligation d'indemnisation prevue àl'article 29bis, S: 1er, de la loi du

21 novembre 1989, avant sa modification par la loi du 19 janvier 2001,incombe au proprietaire de ce vehicule », l'arret attaque refused'interpreter les dispositions de la loi du 21 novembre 1989 visees entete du moyen dans le sens ou elles sont conformes aux articles 10 et 11de la Constitution (violation desdites dispositions de la loi du 21novembre 1989, des articles 10 et 11 de la Constitution et de l'article26, S: 2, alinea 2, 2DEG, de la loi speciale du 6 janvier 1989).

Seconde branche

Dans les motifs reproduits supra, b), l'arret attaque invoque quel'obligation d'indemnisation des usagers faibles prevue à l'article29bis, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 21 novembre 1989 ne peuts'appliquer aux accidents de la circulation impliquant les vehicules liesà une voie ferree lorsque, comme en l'espece, ils se sont produits avantla publication de l'arret rendu sur question prejudicielle par la Courconstitutionnelle le 15 juillet 1998 qui constate le defaut de conformiteà la Constitution de cet article dans la mesure ou il exclut cesvehicules du regime d'indemnisation qu'il prevoit.

A cet egard, l'arret attaque est conforme aux arrets de la Cour du

20 decembre 2007 (Pas., nDEG 65) et 5 juin 2008 (Pas., nDEG 346) dont ilreproduit les motifs et auxquels il se rallie.

Or, par l'arret precite nDEG 92/98 du 15 juillet 1998, publie au Moniteurdu 15 octobre 1998, la Cour constitutionnelle a statue sur une questionprejudicielle posee par un tribunal dans un litige opposant à ladefenderesse un usager faible à la suite d'un accident cause par un tramen 1995. Dans ce litige, le juge de renvoi devait se conformer à ladecision de la Cour constitutionnelle en vertu de l'article 28 de la loispeciale sur la Cour constitutionnelle en depit du fait que ladefenderesse ne pouvait s'attendre, avant l'arret du 15 juillet 1998, ouen tout cas avant la decision du juge de renvoi decidant de poser laquestion prejudicielle, à etre concernee par l'article 29bis de la loi du21 novembre 1989, qui excluait expressement les vehicules sur rails.

Au demeurant, toute decision rendue par la Cour constitutionnelle surquestion prejudicielle se rapporte necessairement à des faits anterieurs,non seulement à l'arret de la Cour constitutionnelle, mais encore à ladecision du juge de renvoi.

Etant donne qu'un juge autre que celui qui a pose la questionprejudicielle doit interpreter les dispositions de la loi du 21 novembre1989 dans le sens ou elles ne violent pas les articles 10 et 11 de laConstitution, comme le rappelle la premiere branche du moyen, il seraitincomprehensible que, dans le cas ou un usager faible a ete victime d'unaccident de tram survenu, comme en l'espece, en mars 1998 (posterieurementà l'accident de 1995 qui a donne lieu à l'arret de la Courconstitutionnelle du 15 juillet 1998), la meme defenderesse puisseechapper à son obligation d'indemnisation au motif que, cette fois, elle« ne pouvait raisonnablement s'attendre, avant la publication de cetarret, à etre concernee par la loi du 21 novembre 1989 ».

En l'absence de reforme legislative, l'article 6 du Code judiciaire, quiinterdit aux juges de « prononcer par voie de disposition generale etreglementaire sur les causes qui leur sont soumises », fait obstacle àce que la Cour de cassation limite dans le temps les effets d'unrevirement de sa jurisprudence.

Dans son arret nDEG 177/2005 du 7 decembre 2005 (B.19.8), la Courconstitutionnelle a releve que la loi ne permet pas à la Cour decassation de limiter dans le temps les effets des positions de principeadoptees par ses arrets lorsque celles-ci comportent un revirement dejurisprudence et, d'apres ces arrets, c'est ce qui peut justifier que lelegislateur intervienne à la suite de pareil revirement par une loiinterpretative ou retroactive pour retablir le regime anterieur.

La loi speciale permet à la Cour constitutionnelle de limiter dans letemps les effets de ses arrets d'annulation (article 8, alinea 2) mais nonles effets de ses arrets rendus sur question prejudicielle.

On ne peut des lors admettre que la Cour de cassation s'attribue, en cequi concerne les arrets rendus par la Cour constitutionnelle sur questionprejudicielle, un pouvoir qui ne lui appartient pas en ce qui concerne sespropres arrets et qui n'appartient pas à la Cour constitutionnelleelle-meme.

En fondant le rejet de l'action de la demanderesse sur les motifsreproduits supra, b), l'arret attaque meconnait l'autorite de l'arret dela Cour constitutionnelle nDEG 92/98 du 15 juillet 1998, qui n'a paslimite l'effet dans le temps de l'inconstitutionnalite qu'il a constatee(violation des articles 28 et 26, S: 2, specialement alinea 2, 2DEG, de laloi speciale du 6 janvier 1989) et edicte une regle generale sur leseffets dans le temps de cet arret (violation de l'article 6 du Codejudiciaire et du principe general du droit de la separation des pouvoirs).

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

Suivant l'article 29bis, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 21 novembre 1989relative à l'assurance obligatoire de la responsabilite en matiere devehicules automoteurs, avant sa modification par la loi du 19 janvier2001, à l'exception des degats materiels, tous les dommages resultant delesions corporelles ou du deces, causes à toute victime d'un accident dela circulation ou à ses ayants droit, dans lequel est implique unvehicule automoteur, sont indemnises par l'assureur qui couvre laresponsabilite du proprietaire, du conducteur ou du detenteur de cevehicule automoteur conformement à cette loi.

Conformement au paragraphe 3 de cet article, qui renvoie à l'article 1erde la loi, il faut entendre par vehicule automoteur tout vehicule destineà circuler sur le sol et qui peut etre actionne par une force mecaniquesans etre lie à une voie ferree.

Par l'arret prejudiciel nDEG 92/98 rendu le 15 juillet 1998, la Courconstitutionnelle a dit pour droit que l'article 29bis precite viole lesarticles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il exclut du regimed'indemnisation qu'il prevoit les vehicules automoteurs qui sont lies àune voie ferree.

En vertu de l'article 10, S: 1er, alineas 1er et 2, de la loi du 21novembre 1989, insere dans le chapitre consacre aux vehicules appartenantà l'Etat ou à certains organismes publics, ces derniers ne sont pastenus de contracter une assurance pour les vehicules leur appartenant ouimmatricules en leur nom et, en l'absence d'assurance, ils couvrenteux-memes conformement à la loi precitee la responsabilite civile àlaquelle le vehicule automoteur peut donner lieu. Suivant l'article 10, S:1er, alinea 3, premiere phrase, lorsqu'ils ne sont pas obliges de reparerle dommage, en raison de la responsabilite civile qui leur est propre, ilssont tenus, à l'egard des personnes lesees, dans les memes conditions quel'assureur.

L'article 10, S: 2, de la loi dispose que le Roi peut autoriser lesorganismes d'interet public de transport en commun nationaux ou regionauxqu'Il designe à beneficier du regime applicable à l'Etat.

Par l'arret prejudiciel nDEG 109/2002 rendu le 26 juin 2002, la Courconstitutionnelle a dit pour droit que l'article 10, S: 1er, alineas 2 et3, et S: 2, precite viole les articles 10 et 11 de la Constitution en cequ'il ne concerne, en raison de sa combinaison avec l'article 1er de lameme loi, que les vehicules automoteurs appartenant aux organismes detransport qu'il vise ou immatricules à leur nom qui ne sont pas lies àune voie ferree.

Le juge est tenu de remedier à toute lacune de la loi dont la Courconstitutionnelle a constate l'inconstitutionnalite, ou à celle quiresulte de ce qu'une disposition de la loi est jugee inconstitutionnelle,lorsqu'il peut suppleer à cette insuffisance dans le cadre desdispositions legales existantes pour rendre la loi conforme aux articles10 et 11 de la Constitution.

L'arret attaque, qui refuse d'etendre l'application de l'article 29bis dela loi du 21 novembre 1989 à un accident de la circulation impliquant unvehicule automoteur de la defenderesse lie à une voie ferree au motifqu'il « ne pourrait combler la lacune relative au debiteur d'indemnite endecidant [...] que l'obligation d'indemnisation prevue [par cettedisposition] incombe au proprietaire de ce vehicule », sans examiner sila defenderesse n'est pas tenue, en vertu de l'article 10 de la loi, àl'egard de la personne lesee dans les memes conditions que l'assureur, nejustifie pas legalement sa decision de rejeter la demande de lademanderesse.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Quant à la seconde branche :

Sur la premiere fin de non-recevoir opposee au moyen, en cette branche,par la defenderesse et deduite du defaut d'interet :

L'accueil de la premiere branche du moyen ote aux motifs que critique lemoyen, en cette branche, tout caractere surabondant.

Sur la seconde fin de non-recevoir opposee au moyen, en cette branche, parla defenderesse et deduite de ce qu'il n'indique pas comme violes lesprincipes de confiance legitime et de securite juridique :

Le moyen, en cette branche, fait grief à l'arret de meconnaitrel'autorite de l'arret nDEG 92/98 rendu le 15 juillet 1998 par la Courconstitutionnelle qui n'a pas limite l'effet dans le temps del'inconstitutionnalite qu'il a constatee et d'edicter une regle generalesur les effets dans le temps de cet arret.

La violation des dispositions legales qu'invoque le moyen, en cettebranche, suffirait, si celui-ci etait fonde, à entrainer la cassation.

Les fins de non-recevoir ne peuvent etre accueillies.

Sur le fondement du moyen, en cette branche :

Il ressort de la reponse à la premiere branche du moyen que, par l'arretprejudiciel nDEG 92/98 rendu le 15 juillet 1998, la Cour constitutionnellea dit pour droit que l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989, avantsa modification par la loi du 19 janvier 2001, viole les articles 10 et 11de la Constitution en ce qu'il exclut du regime d'indemnisation qu'ilprevoit les vehicules automoteurs qui sont lies à une voie ferree.

En vertu de l'article 28 de la loi speciale du 6 janvier 1989 sur la Courconstitutionnelle, la juridiction qui a pose la question prejudicielle,ainsi que toute autre juridiction appelee à statuer dans la meme affaire,sont tenues, pour la solution du litige à l'occasion duquel ont eteposees les questions, de se conformer à l'arret rendu par la Courconstitutionnelle.

Conformement à l'article 26, S: 2, alinea 2, 2DEG, de la loi speciale,lorsque la Cour constitutionnelle a dejà statue sur une question ou unrecours ayant un objet identique, la juridiction devant laquelle estsoulevee une telle question n'est pas tenue de la poser à nouveau.

Il resulte de la combinaison de ces dispositions que l'arret prejudicielconstatant l'inconstitutionnalite de l'article 29bis de la loi du 21novembre 1989, sans que la Cour constitutionnelle en ait limite les effetsdans le temps, est declaratoire et s'impose tant à la juridiction qui apose la question prejudicielle qu'à celle qui en est dispensee.

L'arret attaque, qui considere qu'« il appartient au pouvoir judiciaire,lors de l'interpretation de la loi, de fixer les effets dans le temps dela violation de la Constitution à laquelle conclut la Courconstitutionnelle en reponse à une question prejudicielle » et qu'enl'espece « les exigences de la confiance legitime [...] et de la securitejuridique s'opposent à ce que l'obligation d'indemnisation prevue parl'article 29bis, S: 1er, alinea 1er, s'applique aux accidents de lacirculation impliquant des vehicules lies à une voie ferree qui [...] sesont produits avant la publication de l'arret de la Cour constitutionnelledu 15 juillet 1998 », viole les articles 26, S: 2, alinea 2, 2DEG, et 28precites.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le premier president chevalier Jean de Codt, les presidents desection Christian Storck et Eric Dirix, le conseiller Didier Batsele, lespresidents de section Beatrijs Deconinck et Alain Smetryns, lesconseillers Koen Mestdagh, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique et pleniere du cinq fevrier deux mille seizepar le premier president chevalier Jean de Codt, en presence de l'avocatgeneral Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

+-----------------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | * M.-Cl. Ernotte | * M. Delange |
|-----------------+----------------------+------------------|
| K. Mestdagh | * A. Smetryns | B. Deconinck |
|-----------------+----------------------+------------------|
| D. Batsele | E. Dirix | Chr. Storck |
|-----------------+----------------------+------------------|
| | J. de Codt | |
+-----------------------------------------------------------+

5 FEVRIER 2016 C.15.0011.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0011.F
Date de la décision : 05/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-02-05;c.15.0011.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award