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12/02/2016 | BELGIQUE | N°C.14.0414.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 février 2016, C.14.0414.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0414.F

M. C. S.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. A. D. C.,

2. FRANCOFILMS PRODUCTIONS, societe anonyme anciennement denommeeBelgavideo, dont le siege social est etabli à Uccle, rue deVerrewinkel, 93,

3. C. V. P., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete anonyme Belgavideo Technology,r>
defendeurs en cassation,

4. F. J.,

5. M. J.,

6. A. J.,

7. V. J.,

8. E. J.,

9. C. J.,

10. L. J.,

...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0414.F

M. C. S.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

1. A. D. C.,

2. FRANCOFILMS PRODUCTIONS, societe anonyme anciennement denommeeBelgavideo, dont le siege social est etabli à Uccle, rue deVerrewinkel, 93,

3. C. V. P., avocat, agissant en qualite de curateur à la faillite de lasociete anonyme Belgavideo Technology,

defendeurs en cassation,

4. F. J.,

5. M. J.,

6. A. J.,

7. V. J.,

8. E. J.,

9. C. J.,

10. L. J.,

11. T. J.,

12. G. N.,

13. C. N.,

14. E. N.,

15. C. N.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 16decembre 2013 par le tribunal de premiere instance de Tournai, statuant endegre d'appel comme juridiction de renvoi ensuite de l'arret de la Cour du7 octobre 2010.

Le 22 janvier 2016, le premier avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et le premieravocat general Andre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Le moyen fait grief aux juges d'appel de ne pas avoir ecarte d'office,d'une part, les conclusions des defendeurs sub 1 à 3 deposees au greffele 4 janvier 2013 alors qu'elles auraient du l'etre le lundi 31 decembre2012, d'autre part, les conclusions additionnelles et de synthese desdefendeurs sub 4 à 15 deposees au greffe le mardi 1er octobre 2013 alorsqu'elles auraient du l'etre le lundi 30 septembre 2013.

Il ressort des pieces de la procedure que :

- les conclusions des defendeurs sub 1 à 3 ont ete, d'une part, adresseespar telecopie au greffe du tribunal, qui y a appose son cachet avec lamention « rec,u le 31 decembre 2012 » et, d'autre part, deposees enoriginal à ce greffe le 4 janvier 2013 ;

- les conclusions additionnelles et de synthese des defendeurs sub 4 à 15ont ete, d'une part, adressees par telecopie au greffe du tribunal, qui ya appose son cachet avec la mention « rec,u au greffe le 30 septembre2013 » et, d'autre part, deposees en original à ce greffe le 1er octobre2013.

Les conclusions peuvent etre remises au greffe par telecopie dans le delaifixe pour conclure.

Le moyen, qui revient tout entier à soutenir que les juges d'appeletaient tenus d'ecarter ces conclusions des debats en vertu de l'article747, S: 2, alinea 6, du Code judiciaire, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de deux mille neuf cent trente-deux euroshuit centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du douze fevrier deux mille seize par lepresident de section Albert Fettweis, en presence du premier avocatgeneral Andre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+-----------+-------------|
| M. Delange | M. Regout | A. Fettweis |
+-------------------------------------------+

Requete

Requete en cassation

Pour

S. M. C.,

demanderesse en cassation,

assistee et representee par Me Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 6000 Charleroi, rue del'Athenee, 9, ou il est elu domicile.

Contre

1. D. C. A.,

defenderesse en cassation,

2. Francofilms Productions, societe anonyme, anciennement Belgavideo,societe anonyme, dont le siege social est à 1180 Uccle, rue deVerrewinkel, 93, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sousle numero 0441 128 383,

defenderesse en cassation.

3. V. P. C., avocat, en sa qualite de curateur de la faillite de lasociete anonyme Belgavideo Technology, dont le siege social estetabli à 1180 Bruxelles, rue de Verrewinkel, 93, inscrite à labanque-carrefour des entreprises sous le numero 0458 408 637, declareepar jugement du tribunal de commerce de Bruxelles du 3 octobre 2011,

defendeur en cassation,

4. J. F.,

5. J. M.,

6. J. A.,

7. J. V.,

8. J. E.,

9. J. C.,

10. J. L.,

11. J. T.,

12. N. G.,

13. N. C.,

14. N. E.,

15. N. C.,

defendeurs en cassation,

A Messieurs les premier president et president, Mesdames et Messieurs lesconseillers qui composent la Cour de cassation,

Messieurs,

Mesdames,

La demanderesse a l'honneur de deferer à votre censure le jugementprononce sur renvoi apres cassation, en degre d'appel etcontradictoirement entre parties, par la septieme chambre civile dutribunal de premiere instance de Tournai (actuellement tribunal depremiere instance du Hainaut - division Tournai), le 16 decembre 2013(role general 12000 1135 A).

Les faits de la cause et les antecedents de la procedure, tels qu'ilsresultent des pieces auxquelles votre Cour peut avoir egard, se resumentcomme suit.

La demanderesse et un sieur S. P., alors maries sous le regime de laseparation de biens, exploitaient ensemble une ferme dont dependaientdiverses terres agricoles, certaines d'entre elles (pour une superficietotale de 10 hectares environ) etant louees selon bail à ferme concluentre les auteurs des defendeurs J.-N. et les consorts B.-D. C. qui, del'accord expres des bailleresses, les cederent, le 3 juillet 1976, auxepoux P.-S.

Les bailleresses originaires sont decedees respectivement les 8 septembre1981 et 2 novembre 1994.

Le 6 novembre 1996, les anciens locataires B.-D. C. et les heritiers desveuves J. et N. ont souscrit une convention par laquelle les premiers ontrenonce au bail à ferme portant notamment sur les terres dont ils avaientcede la jouissance aux epoux P.-S..

Le meme jour, les heritiers J.-N. ont vendu l'ensemble immobilier dit« Chateau de l'Escaille » et ses dependances, dont les terrainslitigieux, à la premiere defenderesse, pour ce qui concerne lanue-propriete et à la S.A. Belgavideo, s'agissant de l'usufruit,constitue pour une duree de quinze annees.

La demanderesse a divorce par consentement mutuel de S. P. et a continueà exploiter l'entreprise agricole et, singulierement, les terresdependant du domaine de l'Escaille, les conventions prealables à divorceprevoyant en effet que l'exploitation agricole, rien n'etant excepte,restait la propriete exclusive de la demanderesse.

Le 19 juillet 1996, les deux premieres defenderesses ont assigne lademanderesse et le sieur P. devant Monsieur le juge de paix du canton deSeneffe afin d'obtenir leur expulsion des terres litigieuses occupees,selon elles, sans titre ni droit.

En novembre 1997, la demanderesse a elle-meme fait citer tous lesdefendeurs (sauf la S.A. Belgavideo Technology, actuellement en faillite)devant le meme juge afin d'entendre dire pour droit qu'elle est titulaired'un bail à ferme, cede par les consorts B.-D. C., et d'obtenir lacondamnation des defendeurs J.-N. à lui payer une somme provisionnelle de750.000 francs belges à titre de dommages-interets.

Par jugement du 29 mars 2002, le juge de paix de Seneffe, apres avoirjoint les causes a fait droit à l'action des deux premieres defenderesses(role general 96 A 600), a ordonne le deguerpissement de la demanderesse,l'a condamne à payer à la deuxieme defenderesse une somme provisionnellede 20,000 euros pour privation de jouissance et a ordonne une expertisepour le surplus. Il a, par ailleurs, declare les actions de lademanderesse recevable mais non fondees (role general 98 A 401).

Ce jugement a ete signifie le 24 mai 2002 à la demanderesse à la requetedes deux premieres defenderesses.

La demanderesse a interjete appel par requete deposee le 17 juin 2002. Cetappel est dirige contre toutes les parties en cause devant le premierjuge. Cependant, par suite d'une erreur de plume, la demanderesse a intimeun certain « G. J., tant en nom personnel qu'en sa qualite derepresentant de Madame C. N., domicilie ... », au lieu de G. N., icidouzieme defendeur, qui avait comparu en premier degre. Cet appel portaitle numero de role 02 1683 A.

Par requete subsequente deposee le 18 octobre 2004, la demanderesse acependant rectifie cette erreur et a intime le douzieme defendeur. Cerecours fut inscrit sous le numero de role 04 3011 A.

Le 23 mai 2005, la societe anonyme Belgavideo Technology, actuellement enfaillite et representee ici par son curateur, le troisieme defendeur, afait intervention volontaire dans le litige inscrit sous le numero 02 1683A.

Par un premier jugement du 17 avril 2008, la troisieme chambre civile dutribunal de premiere instance de Charleroi, apres avoir rejete lesexceptions d'irrecevabilite de l'action originaire des deux premieresdefenderesses opposees par la demanderesse, apres avoir dit que lacitation ayant introduit cette action n'etait pas nulle et avoir decideque la signification du jugement entrepris realisee à l'initiative de cesdefenderesses, etait valable, reserve à statuer pour le surplus,specialement quant à la recevabilite des appels de la demanderesse, auregard de l'article 1053 du Code judiciaire.

Et, par jugement du 25 juin 2009, le tribunal de premiere instance deCharleroi a decide que lesdits appels etaient irrecevables des lors que,le litige etant indivisible et le jugement entrepris ayant ete valablementsignifie à la demanderesse, celle-ci aurait du intimer toutes les partiesà la cause ayant un interet oppose au sien, et plus particulierement ledouzieme defendeur, dans le delai d'appel ouvert par la signification dujugement a quo, ce qu'elle ne fit que hors delai par requete du 18 octobre2004.

La demanderesse a forme un pourvoi en cassation contre le jugement du 25juin 2009, à l'appui duquel elle a propose un moyen pris de la violationdes articles 31 et 1053 du Code judiciaire.

Ce moyen, vous l'avez accueilli par votre arret du 7 octobre 2010 (Pas.,2010, nDEG 584 et les concl. de M. l'avocat general Henkes), considerantque :

« Il ne serait pas materiellement impossible d'executer conjointementdeux decisions distinctes rendues, d'une part, entre les deux premieresdefenderesses et la demanderesse concernant l'action en expulsion pouroccupation sans titre ni droit des parcelles litigieuses et, d'autre part,entre la demanderesse et les defendeurs (...), les consorts J. et N.,concernant l'action en paiement de dommages-interets.

Partant, en considerant que le litige opposant la demanderesse auxdefendeurs est indivisible aux motifs qu'il `oppose une pretenduetitulaire d'un bail à ferme (au) proprietaire (actuel) ainsi qu'auxanciens proprietaires des terres sur lesquelles porterait ce bail à fermeet qu'il concerne precisement l'existence ou non de ce bail à ferme ainsique ses consequences, etant l'occupation fondee ou sans titre ni droitdesdites terres', qu' `en cas de decision distincte, leur executionmaterielle serait impossible' et que `la demanderesse n'a pas intime (ledefendeur sub [12]) lequel etait partie à la cause devant le premierjuge' le jugement attaque ne justifie pas legalement sa decision dedeclarer irrecevable l'appel forme par la demanderesse, le 17 juin 2002,concernant les autres defendeurs ».

Vous avez casse le jugement attaque du 25 juin 2009 et renvoye la cause etles parties devant le tribunal de premiere instance de Tournai, siegeanten degre d'appel.

Le jugement attaque, apres avoir rec,u les appels principal et incident,dit l'intervention volontaire de la S.A. Belgavideo Technology enfaillite et celle de la deuxieme defenderesse recevable, confirme lejugement entrepris en toutes ses dispositions, renvoie la cause devant lepremier juge et reserve à statuer quant aux frais et aux depens del'appel.

A l'appui du pourvoi qu'elle forme contre le jugement attaque, lademanderesse croit pouvoir proposer le moyen de cassation suivant.

Moyen unique de cassation

Dispositions legales violees

Articles 1317, 1319 et 1341 du Code civil,

articles 742, 745, 746, 747, specialement S: 2, alinea 6, et 748bis duCode judiciaire.

Decision attaque et motifs critiques

Le jugement attaque qui declare les interventions volontaires de ladeuxieme defenderesse et du troisieme defendeur qualitate qua recevables,dit l'appel de la demanderesse recevable mais non fonde, l'en deboute,confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et renvoie lacause devant le premier juge pour les suites de l'expertise, se fondantsur les moyens, arguments et faits invoques par les defendeurs aux termesdes conclusions d'appel qu'ils ont prises devant les juges de renvoi,alors que, apres avoir expressement vise l'ordonnance de mise en etat du23 octobre 2012, il releve authentiquement que :

« Vu les conclusions prises par l'appelante au principal deposees augreffe le 31 mai 2013.

Vu les conclusions prises par les intimes et intervenants volontaires(parties a à c, [ici premiere, deuxieme et troisieme defendeurs])deposees au greffe le 4 janvier 2013.

Vu les conclusions additionnelles et de synthese prises par les intimes auprincipal (parties 1 à 12 [ici defendeurs 4 à 15]) deposees au greffe le1er octobre 2013. »

Griefs

Tout jugement constitue un acte authentique qui, en vertu de l'article1319 du Code civil, fait foi de son contenu et des constatations qu'ilcontient, jusqu'à inscription de faux. Et, à defaut de pareilleinscription, aucune preuve n'est admise outre et contre le contenu de cetarticle.

Il resulte de la combinaison des articles 742, 745 et 746 du Codejudiciaire que chaque partie est tenue de deposer au greffe de lajuridiction qui connait de la cause, ses conclusions, ce depot valantsignification, en meme temps qu'elle en communique la copie aux autresparties et que, s'il lui est loisible de communiquer lesdites conclusionsà ses adversaires avant d'en assurer le depot de l'original au greffe, cedepot doit intervenir en toute hypothese dans le delai pour conclure telqu'il a ete fixe soit de l'accord des parties dument acte par le juge(article 747, S: 1er, dudit Code), soit en vertu de l'ordonnance de miseen etat judiciaire (article 742, S: 2).

Les conclusions qui ne sont pas deposees au greffe et adressees à lapartie adverse au plus tard à l'expiration de ces delais ainsi fixes,sauf accord expres contraire de cette derniere, doivent etre ecarteesd'office des debats par le juge, en vertu de l'article 747, S: 2, alinea6.

Ces conclusions doivent etre d'office rejetees des debats, que la partieadverse sollicite l'ecartement ou ne le requiere pas, le silence de cettepartie en cas de depot tardif ne valant pas renonciation au benefice desarticles 742, 745, 746 et 747, S: 2, alinea 6, du Code judiciaire, lesrenonciations ne se presumant pas et ne pouvant se deduire que de faits oude circonstances qui ne sont susceptibles d'aucune autre interpretation.

En outre, il importe peu que le defaut de deposer les conclusions dans lesdelais imposes ne cause à la partie qui s'en prevaut aucun grief, deslors que la sanction de l'ecartement est etrangere aux nullites des actesde procedure et n'est des lors pas regie par les articles 860 et suivantsdu Code judiciaire.

Enfin, l'article 748bis dudit Code dispose que « sans prejudice del'article 748, S: 2, sauf le cas de conclusions ayant pour unique objet dedemander une ou plusieurs mesures visees à l'article 19, alinea 2, desoulever un incident de procedure n'etant pas de nature à mettre fin àl'instance ou de repondre à l'avis du ministere public, les dernieresconclusions d'une partie prennent la forme de conclusions de synthese.Pour l'application de l'article 780, alinea 1er, 3DEG, les conclusions desynthese remplacent toutes les conclusions anterieures et, le cas echeant,l'acte introductif d'instance de la partie qui depose les conclusions desynthese ».

Il decoule des regles rappelees ci-dessus que le juge qui constate que desconclusions ont ete deposees au greffe apres l'expiration des delaisimperatifs imposes par une ordonnance de fixation doit obligatoirement lesecarter d'office et qu'il lui est interdit de s'en inspirer pour fonder sadecision.

L'ordonnance de mise en etat du 23 octobre 2012 à laquelle se refereexpressement le jugement attaque fixait les delais impartis à chaquepartie pour conclure, de la maniere suivante :

« Accordons aux intimes D. C., Francofilms Productions et Me V. P.qualitate qua, un delai pour conclure expirant le 30 decembre 2012.

Accordons aux intimes J. F., M., A., V., E., C., L. et T., N. G., C., C.et E., un delai pour conclure expirant le 28 fevrier 2013.

(...)

Accordons à la (demanderesse) un delai pour conclure expirant le 31 mai2013.

Accordons aux (defendeurs 1 à 3) un delai pour conclure en repliqueexpirant le 31 juillet 2013.

Accordons aux (defendeurs 4 à 15) un delai pour conclure en repliqueexpirant le 30 septembre 2013.

(...) »

Le jugement attaque constate que : 1) les defendeurs 1 à 3 ont deposeleurs conclusions au greffe du tribunal le vendredi 4 janvier 2013, alorsqu'ils auraient du effectuer le depot le lundi 31 decembre 2012 ; 2) lesdefendeurs 4 à 15 ont depose leurs conclusions additionnelles et desynthese (etant les seules auxquelles les juges du fond ont pu avoir etont effectivement eu egard) le mardi 1er octobre 2013, alors qu'ilseussent du les deposer le lundi 30 septembre 2013 et que 3) les defendeurs1 à 3 n'ont pas etabli de conclusions additionnelles et de synthese.

Bien que toutes ces conclusions aient ete deposees apres l'expiration desdelais determines pour le depot des conclusions par l'ordonnance de miseen etat, le jugement attaque non seulement ne les ecarte pas des debatsmais au contraire s'appuie sur elles et sur les contestations qu'ellescontiennent pour confirmer le jugement entrepris, decider que lademanderesse ne beneficiait d'aucun bail à ferme, occupait les lieux sanstitres ni droit et n'etait pas fondee à reclamer aux defendeurs 4 à 15des dommages-interets. De la sorte, il viole toutes les dispositionslegales visees au moyen.

Developpement

Par votre arret du 9 decembre 2005 (Pas., 2005, nDEG 654 les concl.partiellement conformes de M. l'avocat general Werquin), vous avez decideque lorsque le president ou le juge designe par celui-ci, fixe les delaispour conclure, la remise des conclusions au greffe et leur envoi simultaneà la partie adverse doivent avoir tous deux lieu dans le delai fixe. Ils'en deduit que le depot au greffe dans le delai, sans communication desconclusions dans le meme delai, à la partie adverse et, par ailleurs,cette communication utile sans depot des conclusions dans le meme delai,ne satisfont pas aux exigences de la loi, en sorte que le juge estimperativement tenu d'ecarter les conclusions, si elles n'ont pas etecommuniquees et deposees dans le delai.

Il est vrai que sous l'empire de l'ancien article 747 du Code judiciaire,la question pouvait preter à controverse en ce qui concernait le depot augreffe, puisque le texte prevoyait seulement que « ... les conclusionscommuniquees apres l'expiration des delais sont d'office ecartees desdebats ». Sur cette base, une importante doctrine considerait que lesconclusions ne pouvaient etre ecartees que si elles etaient communiqueesà la partie adverse en dehors des delais (voy., e. a., Van Compernolle,Closset-Marchal, Van Drooghenbroeck, « Examen de jurisprudence. Droitjudiciaire prive », R.C.J.B., 2002, p. 557, nDEG 553).

Cependant, l'enseignement de votre arret du 9 decembre 2005, vous l'aviezconfirme par vos arrets des 11 juin 2008 (Pas., 2008, nDEG 367) et 26septembre 2008 (Pas., 2008, nDEG 507), ce dernier ajoutant d'ailleurs que,d'une part, le juge qui fixe des delais pour conclure, impose des delaisimperatifs (voy. aussi cass., 18 mai 2000, Pas., 2000, nDEG 305 et cass.,10 octobre 2005, Pas., 2005, nDEG 492) et, d'autre part, que, en vertu del'article 747, S: 2, « une partie a interet à ce que les conclusionsdeposees tardivement soient ecartees d'office des debats ».

La controverse est maintenant eteinte car, en adoptant le nouvel article747 du Code judiciaire, le legislateur du 26 avril 2007 a consacre dansune tres large mesure la solution que vous aviez degagee : lacommunication et le depot dans les delais impartis sont dorenavant exigesau meme titre et sous la meme sanction. Seul le terme « simultane » n'apas ete repris dans le texte de la nouvelle disposition « afin d'eviterune erreur d'interpretation consistant à exiger, sous peine d'ecartementd'office, la simultaneite dans la remise des conclusions au greffe et lerenvoi à la partie adverse. Ce qui compte, c'est la date d'echeancefinale ; peu importe que ces formalites ne s'accomplissent pas en memetemps » (expose des motifs, Doc. Parl., Ch. repres., sess.ord. 2006-2007, nDEG 51-2811/001,12).

S'agissant du depot des conclusions au greffe, il peut certes intervenirpar envoi par la poste (et c'est l'original signe qui doit etre deposedans le delai et non une copie adressee, par exemple, par fax) mais il estindispensable que ces conclusions regulieres parviennent au greffe au plustard le dernier jour du delai « aux heures pendant lesquelles ce greffedoit etre accessible au public » (article 52, alinea 2, du Codejudiciaire) (voy., à ce sujet, l'interessant arret de la cour d'appel deBruxelles du 27 janvier 2011, role general 2004 1114 et 2004 1190,www.juridat).

Vous avez encore souligne qu'il n'appartient pas au juge appele àappliquer la sanction prevue par l'article 747, S: 2, alinea 6, du Codejudiciaire, d'apprecier si la partie adverse a ou non subi un prejudice dufait que des conclusions tardives sont admises (cass., 18 mai 2000, Bull.,2000, nDEG 305), la theorie des nullites, et singulierement l'article 867du Code judiciaire, ne s'appliquant pas (cass., 20 avril 2007, Pas., 2007,nDEG 196 ; cass., 12 fevrier 2009, Pas., 2009, nDEG 116), la sanction del'ecartement d'office des conclusions devant etre en toute hypotheseappliquee meme si elle n'est pas sollicitee par la partie adverse(Englebert, « Sanctions et pouvoirs du juge dans la mise en etat descauses », R.G.D.C., 1997, p. 264, nDEG 9).

Constatant authentiquement que les conclusions des defendeurs avaienttoutes ete deposees au greffe du tribunal de premiere instance de Tournaien dehors des delais imperatifs fixes par l'ordonnance de mise en etat, lejugement attaque se devait de les ecarter d'office des debats ; nonseulement, il ne fait pas, mais au contraire, il se fonde sur cesconclusions pour rejeter l'appel de la demanderesse. Il n'est paslegalement justifie.

PAR CES CONSIDERATIONS,

L'avocat à la Cour de cassation soussigne concluant, pour lademanderesse, qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser le jugementattaque, ordonner que mention de votre arret sera faite en marge de ladecision annulee, renvoyer la cause et les parties devant un autretribunal de premiere instance (ou une autre division d'un tribunal depremiere instance) et statuer comme de droit quant aux frais et auxdepens.

Charleroi, le 4 septembre 2014

Franc,ois T'Kint

Avocat à la Cour de cassation

12 FEVRIER 2016 C.14.0414.F/4

Requete/14


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.14.0414.F
Date de la décision : 12/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-02-12;c.14.0414.f ?
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