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12/02/2016 | BELGIQUE | N°F.14.0223.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 février 2016, F.14.0223.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.14.0223.F

Residence Lasnoise, association sans but lucratif anciennement denommeeInstitut Geriatrique Residence Lasnoise, dont le siege est etabli àLasne, rue du Champ des Vignes, 22,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
r>defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,do...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.14.0223.F

Residence Lasnoise, association sans but lucratif anciennement denommeeInstitut Geriatrique Residence Lasnoise, dont le siege est etabli àLasne, rue du Champ des Vignes, 22,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

Etat belge, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 7 janvier 2014par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

Le premier avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

Aux termes de l'article 440, alinea 2, du Code judiciaire, l'avocatcomparait comme fonde de pouvoirs, sans avoir à justifier d'aucuneprocuration, sauf lorsque la loi exige un mandat special.

Ce cas excepte, l'avocat qui, devant une juridiction de l'ordrejudiciaire, accomplit un acte de procedure et qui se borne, dans cet acte,à declarer agir au nom d'une personne morale dument identifiee par sadenomination, sa nature juridique et son siege social est legalementpresume avoir rec,u à cette fin un mandat regulier d'un organe competentde cette personne morale.

Cette presomption n'est pas irrefragable. Il est permis à une partied'affirmer que la decision d'accomplir l'acte de procedure n'a pas eteapprouvee par les organes de la personne morale et n'emane pas decelle-ci, mais la charge de la preuve incombe à la partie qui emet cettecontestation.

La presomption de l'article 440, alinea 2, du Code judiciaire, ne cessepas de s'appliquer lorsque la personne morale collabore à la charge de lapreuve.

Le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.

Quant à la deuxieme branche :

Il ressort des pieces de la procedure que l'appel a ete interjete parl'Etat belge, represente par le ministre des Finances.

L'arret considere que la demanderesse « affirme que l'appel litigieuxn'aurait pas ete approuve par [le defendeur], mais ne fournit aucunelement concret de nature à etablir ces affirmations » et « qu'aucontraire, le conseil [du defendeur] produit une lettre du 24 juillet 2012justifiant du mandat d'interjeter appel qui lui a ete donne parl'administrateur general de la fiscalite agissant au nom du ministre ».

Contrairement à ce que le moyen, en cette branche, soutient, il neresulte pas de ces considerations que, selon l'arret, la decisiond'interjeter appel a ete prise par l'administrateur general de lafiscalite plutot que par le ministre des Finances.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

Des lors que l'arret ne considere pas que l'administration centrale adonne mandat d'interjeter appel au conseil du defendeur par sa lettre du24 juillet 2012, il n'etait pas tenu de repondre au passage desconclusions de la demanderesse relatif à la portee limitee de cettelettre, qui etait devenu sans pertinence.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de trois cent cinquante-neuf eurosquatre-vingt-cinq centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du douze fevrier deux mille seize par lepresident de section Albert Fettweis, en presence du premier avocatgeneral Andre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+-----------+-------------|
| M. Delange | M. Regout | A. Fettweis |
+-------------------------------------------+

Requete

00140222

REQUETE EN CASSATION

POUR : L'A.S.B.L. Institut Geriatrique Residence Lasnoise, dont le siegesocial est etabli à 1380 Lasne, rue Champ des Vignes, 22, inscrite à laBCE sous le numero 0425.570.969,

demanderesse en cassation,

assistee et representee par Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 1050-Bruxelles, avenueLouise, 149 (Bte 20), ou il est fait election de domicile.

CONTRE : L'Etat belge, represente par Monsieur le Ministre des Finances,dont le cabinet est etabli à 1000 Bruxelles, rue de la Loi, 12,poursuites et diligences de Monsieur le Directeur du Centre de controle deNivelles, CC Nivelles, section 5, dont les bureaux sont etablis à 1400Nivelles, rue de l'Industrie, 1A,

defendeur en cassation.

* *

*

A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

Messieurs,

Mesdames,

La demanderesse en cassation a l'honneur de deferer à votre censurel'arret rendu contradictoirement entre parties, le 7 janvier 2014, par lavingt-deuxieme chambre de la cour d'appel de Liege (R.G. 2012/RG/1183).

*

Les faits et les antecedents de la cause peuvent etre resumes comme ilsuit.

Le litige porte sur un recours introduit par l'ASBL Institut GeriatriqueResidence Lasnoise (ci-apres denommee « l'ASBL ») devant le tribunal depremiere instance de Namur contre une decision par laquelle le directeurregional des contributions directes du centre de controle de Nivellesconfirmait son assujettissement à l'impot des societes plutot qu'àl'impot des personnes morales.

Par un jugement du 17 mars 2011, le tribunal de premiere instance de Namurs'est declare competent territorialement, a dit la requete recevable et aordonne la reouverture des debats pour permettre à l'Etat belge dedeposer des pieces.

Par un jugement du 15 septembre 2011, le tribunal de premiere instance deNamur a dit la requete recevable et fondee, a dit pour droit que l'ASBLdoit etre assujettie à l'impot des personnes morales pour les exercicesd'imposition 2002 et 2003 et a annule les cotisations à l'impot dessocietes etablies au nom de l'ASBL.

Statuant sur l'appel interjete par l'Etat belge, la cour d'appel de Liege,dans son arret du 7 janvier 2014, dit l'appel recevable et ordonne lareouverture des debats pour permettre aux parties de deposer desconclusions de synthese relatives, notamment, aux nouveaux moyens evoquespar l'ASBL.

Par un arret du 10 juin 2014, la cour d'appel de Liege dit l'appel nonfonde, dit qu'il y a lieu d'annuler les cotisations litigieuses, sansprejudice de l'application eventuelle de l'article 356 CIR 92 et deconfirmer les jugements deferes dans toutes leurs dispositions, sauf en ceque le jugement prononce le 15 septembre 2011 dit pour droit que larequerante doit etre assujettie à l'impot des personnes morales pour lesexercices d'imposition 2002 et 2003, point qui sera, le cas echeant,aborde dans le cadre de l'examen d'une eventuelle cotisation subsidiaire.

A la suite de cet arret, l'ASBL s'est vue notifier deux avis derectification en application de l'article 356 CIR 92.

*

A l'appui du pourvoi qu'elle forme contre l'arret du 7 janvier 2014, lademanderesse a l'honneur d'invoquer le moyen unique de cassation suivant.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions legales violees

* les articles 17, 440, alinea 2, 703, alinea 1er et 705, alinea 1er duCode judiciaire ;

* les articles 33, 149 et 159 de la Constitution ;

* le principe general du droit interdisant, en l'absence de texteexpres, à une autorite de deleguer ses pouvoirs.

Decision et motifs critiques

L'arret attaque declare recevable l'appel du defendeur, dont lademanderesse avait conteste la recevabilite, apres avoir constate que ladecision d'interjeter cet appel avait ete prise «par l'administrateurgeneral de la fiscalite agissant au nom du ministre» et qu'il resulte dutexte de la requete d'appel que cet appel porte egalement sur le jugementdu 15 septembre 2011.

L'arret fonde sa decision sur les considerations suivantes (p. 2-4) :

« Attendu que l'appel a ete interjete dans les formes et delais legaux ;

Que sa recevabilite est cependant contestee par (la demanderesse) au motifque la decision d'interjeter appel n'aurait pas ete prise par l'organelegalement competent et que l'Etat belge n'aurait pas decide d'interjeterappel du jugement prononce le 15 septembre 2011 ;

Qu'à l'audience du 15 octobre 2013, (le defendeur) a fait etat de ce queles conclusions de synthese d'appel de (la demanderesse), deposees augreffe le 13 septembre 2013, reprendraient des moyens relatifs au fond quin'ont pas ete invoques anterieurement, ce que la cour a effectivementconstate ;

Qu'afin d'eviter, le cas echeant, une remise inutile, la cour a decide,avec l'accord des parties, de statuer d'abord sur la recevabilite del'appel et de permettre, si cet appel etait declare recevable, aux partiesde deposer chacune un nouveau jeu de conclusions ;

Attendu que l'article 440, alinea 2, du Code judiciaire prevoit quel'avocat comparait comme fonde de pouvoirs sans avoir à justifierd'aucune procuration, sauf lorsque la loi exige un mandat special ;

Qu'hormis ce dernier cas, l'avocat qui accomplit un acte de proceduredevant une juridiction de l'ordre judiciaire et se limite à declarer agirau nom d'une personne morale dument identifiee par l'indication de sadenomination, de sa nature juridique et de son siege social, estlegalement presume avoir rec,u à cette fin un mandat regulier de l'organecompetent de cette personne morale ;

Que cette presomption peut etre renversee ;

Qu'une partie est en droit d'alleguer que la decision d'accomplir un actede procedure n'a pas ete approuvee par les organes de la personne moraleet n'emane pas de cette derniere, mais la preuve de son allegation luiincombe (...) ;

Attendu qu'en l'espece aucun mandat special n'est exige par la loi ;

Que (la demanderesse) affirme que l'appel litigieux n'aurait pas eteapprouve par l'Etat belge, mais ne fournit aucun element concret de natureà etablir ces affirmations ;

Qu'au contraire, le conseil de l'Etat belge produit une lettre du 24juillet 2012 justifiant du mandat d'interjeter appel qui lui a ete donnepar l'Administrateur general de la fiscalite agissant au nom du ministre(dossier de l'Etat belge piece 1) ;

Que l'appel a donc ete valablement forme, qu'il y a cependant lieu depreciser sa portee ;

Qu'en effet le tribunal de premiere instance de Namur a prononce dans lapresente cause deux jugements :

- un jugement du 17 mars 2011 par lequel le tribunal, apres avoir constateque certaines pieces manquaient au dossier de l'Etat belge, a dit lademande recevable et a ordonne la reouverture des debats pour permettre àl'Etat belge de deposer lesdites pieces ainsi que les deux avertissementsextraits de role litigieux ;

- un jugement du 15 septembre 2011 par lequel le tribunal dit la requeterecevable et fondee, dit que la requerante, actuelle (demanderesse) doitetre assujettie à l'impot des personnes morales et annule les cotisationsà l'impot des societes litigieuses ;

Que la requete d'appel enonce que l'appel est interjete contre le jugementrendu le 17 mars 2011 et ne cite donc pas de maniere expresse le jugementdu 15 septembre 2011 ;

Que, cependant, son texte reprend, sous le titre « le jugemententrepris », de longs extraits du texte figurant au point 3 du jugementdu 15 septembre 2011 intitule « quant à l'assujettissement de larequerante à l'impot des societes » ;

Qu'il resulte donc du texte de la requete d'appel que cet appel porteegalement sur le jugement du 15 septembre 2011, l'appel ayantimplicitement mais certainement forme contre les deux jugements (...) ;

Que l'appel est donc recevable et porte à la fois sur le jugement du 17mars 2011 et sur celui du 15 septembre 2011 ;

Qu'il y a des lors lieu de dire l'appel recevable et d'ordonner lareouverture des debats pour permettre aux parties de deposer desconclusions de synthese relatives, notamment, aux nouveaux moyens evoquespar (la demanderesse). »

Griefs

Premiere branche

1. Aux termes de l'article 440, alinea 2, du Code judiciaire, l'avocatcomparait comme fonde de pouvoirs, sans avoir à justifier d'aucuneprocuration, sauf lorsque la loi exige un mandat special.

Hormis ce dernier cas, l'avocat qui accomplit un acte de procedure devantune juridiction de l'ordre judiciaire et se limite à declarer agir au nomd'une personne morale dument identifiee par l'indication de sadenomination, de sa nature juridique et de son siege social, estlegalement presume avoir rec,u à cette fin un mandat regulier de l'organecompetent de cette personne morale.

Cette presomption est refragable. Une partie peut alleguer que la decisiond'accomplir un acte de procedure n'a pas ete approuvee par les organes dela personne morale et n'emane pas de cette derniere, mais la charge de lapreuve incombe à cette partie.

2. La presomption instituee par l'article 440 du Code judiciaire cessetoutefois de s'appliquer lorsque la partie qui s'en prevaut ne se limitepas à se retrancher derriere celle-ci mais produit ou fait valoir deselements aux fins d'etablir l'existence d'un mandat valable d'introduirela demande ou le recours en cause dans le delai legal.

Tel est le cas lorsque, comme en l'espece, une personne morale se prevaut,preuve à l'appui, d'une decision d'agir en justice ou d'exercer unrecours prise par un de ses organes qu'elle pretend competent ou par unepersonne qu'elle pretend nantie des pouvoirs necessaires.

3. En l'espece, il resulte des pieces de la procedure et notamment desconclusions de synthese d'appel du defendeur en cassation qu'il resultaitd'une lettre du 24 juillet 2012, signee au nom du ministre pourl'administrateur general de la fiscalite par le directeur de la divisionIV/1 que la decision d'agit en justice avait ete prise par l'organecompetent - le service IV « contentieux » comme le montreraient unorganigramme egalement produit ainsi que diverses circulairesadministratives (conclusions de synthese, p. 3 in fine et p. 4).

L'arret attaque decide cependant, apres avoir rappele les termes del'article 440, alinea 2 du Code judiciaire que la demanderesse quicontestait la recevabilite de l'appel ne fournissait aucun element concretde nature à etablir ces affirmations et donc ne renversait pas lapresomption de l'article 440, alinea 2, du Code judiciaire.

Il s'ensuit que, dans la mesure ou il se fonde sur l'article 440, alinea2, du Code judiciaire, pour declarer l'appel du defendeur recevable alorsque celui-ci ne s'etait pas borne à se retrancher derriere la presomptiondecoulant de cet article mais avait fait valoir et produit des elementsjustifiant l'existence d'une decision d'agir en justice par son organecompetent, l'arret attaque meconnait ledit article 440, alinea 2, du Codejudiciaire en l'appliquant à une hypothese dans laquelle il ne peut etreapplique et, partant, ne justifie pas legalement sa decision (violation del'article 440, alinea 2 du Code judiciaire).

Deuxieme branche

1. D'une part, l'article 703, alinea 1er, du Code judiciaire dispose queles personnes morales agissent en justice à l'intervention de leursorganes competents.

L'Etat ne peut agir en justice - en ce compris interjeter appel - qu'àl'intervention du ministre dans les attributions duquel est comprisl'objet du litige (voy. art. 705, al. 1er, C. jud.).

S'agissant d'un litige ayant pour objet l'annulation des cotisations àl'impot des societes, l'Etat n'est valablement represente que par leministre des Finances.

2. D'autre part, un ministre ne peut deleguer ses pouvoirs que dans lamesure ou un texte legal ou reglementaire l'y autorise (article 33 de laConstitution et principe general du droit interdisant, en l'absence detexte expres, à une autorite de deleguer ses pouvoirs).

3. Aucune disposition legale ou reglementaire ne confere ou ne delegue àl'administrateur general de la fiscalite la competence d'agir en justice.

La demanderesse faisait par ailleurs valoir, en termes de conclusions etde maniere circonstanciee, que le defendeur ne produisait en l'especeaucune delegation de pouvoir au profit de l'administrateur general de lafiscalite qui soit reguliere (conclusions additionnelles et de synthesed'appel, pp. 9-12).

4. L'arret attaque declare recevable l'appel du defendeur, dont lademanderesse avait conteste la recevabilite, apres avoir constate que leconseil du defendeur produit une lettre du 24 juillet 2012 justifiant dumandat d'interjeter appel qui lui a ete donne par l'administrateur generalde la fiscalite agissant au nom du ministre (p. 31).

L'arret attaque considere ainsi que la decision d'interjeter appel a eteprise «par l'administrateur general de la fiscalite agissant au nom duministre» (p. 3), alors que cette decision devait etre prise par leministre des Finances, et que l'arret ne constate au demeurant pas que leministre des Finances aurait regulierement delegue à l'administrateurgeneral de la fiscalite l'attribution bien definie d'interjeter l'appellitigieux ou aurait ulterieurement ratifie la decision de l'administrateurd'interjeter cet appel.

En statuant de la sorte, l'arret attaque qui reconnait à l'administrateurgeneral de la fiscalite la qualite d'organe competent pour decider d'agiren justice au nom de l'Etat belge viole les articles 17, 703, alinea 1er,et 705, alinea 1er, du Code judiciaire.

A tout le moins, l'arret attaque viole, d'une part, l'article 33 de laConstitution et le principe ... en admettant que le Ministre des Financesait pu deleguer son pouvoir de representer l'Etat belge en justice àl'administrateur general de la fiscalite, alors qu'aucun texte legal oureglementaire n'autorise cette delegation de pouvoirs et, d'autre part,l'article 159 de la Constitution en faisant application d'une delegationillegale, alors que cette disposition constitutionnelle lui imposait del'ecarter.

L'arret attaque n'est donc pas legalement justifie (violation de toutesles dispositions et du principe general du droit vises au moyen, àl'exception de l'article 149 de la Constitution et de l'article 440,alinea 2, du Code judiciaire).

A tout le moins, l'arret attaque ne contient pas, dans ses motifs, lesconstatations permettant à la Cour d'exercer le controle de legalite quilui est confie, specialement quant au pouvoir qu'aurait eul'administrateur general de la fiscalite de prendre la decisiond'interjeter appel ou, quant à une ratification, par le ministre desFinances, de l'appel forme à la suite de la decision de l'administrateurgeneral de la fiscalite. L'arret n'est des lors pas regulierement motive(violation de l'article 149 de la Constitution).

Troisieme branche

1. En vertu de l'article 149 de la Constitution, tout jugement est motive.N'est pas regulierement motivee la decision qui laisse sans reponse unedefense precise et circonstanciee qui invoquait des elements objectifsverifiables.

2. La demanderesse faisait valoir, dans ses conclusions additionnelles etde synthese d'appel (p. 14) :

« Qu'il vient encore d'etre demontre ci-avant, tel que cela ressort ducourrier du 24 juillet 2012 (produit par l'appelant), que la decisiond'interjeter appel prise par l'administration centrale concerne uniquementle jugement du 17 mars 2011 et non celui du 15 septembre 2011 ;

Attendu par consequent qu'aucun recours valable n'a donc ete regulierementintroduit à l'encontre de la decision rendue le 15 septembre 2011 par leTribunal de premiere instance de Namur ».

L'arret attaque se borne à relever qu' « il resulte du texte de larequete d'appel que cet appel porte egalement sur le jugement du 15septembre 2011 ».

Il laisse ainsi sans reponse les conclusions de la demanderesse relativesà l'etendue du mandat donne au conseil du defendeur par la lettre del'administrateur general de la fiscalite du 24 juillet 2012. Il n'est,partant, pas regulierement motive (violation de l'article 149 de laConstitution).

Developpements du moyen unique de cassation

1. La demanderesse contestait la recevabilite de l'appel du defendeur,considerant, d'une part, que la decision d'interjeter appel n'a pas eteprise par l'organe legalement competent au sein de l'Etat belge(conclusions additionnelles et de synthese d'appel, p. 4 à 13) et,d'autre part, que la requete d'appel est dirigee contre le jugementinterlocutoire du 17 mars 2011, alors qu'il aurait fallu critiquer lejugement definitif du 15 septembre 2011 et qu'ainsi que cela ressort ducourrier du 24 juillet 2012 produit par le defendeur, la decisiond'interjeter appel prise par l'administration centrale concerne uniquementle jugement du 17 mars 2011 et non celui du 15 septembre 2011 (conclusions additionnelles et de synthese d'appel, p. 13 et 14).

L'arret examine rejette les exceptions d'irrecevabilite soulevees par lademanderesse et dit l'appel recevable.

L'arret releve :

- que le conseil du defendeur produit une lettre du 24 juillet 2012justifiant du mandat d'interjeter appel qui lui a ete donne parl'administrateur general de la fiscalite agissant au nom du ministre,

- et qu'il resulte du texte de la requete d'appel que cet appel porteegalement sur le jugement du 15 septembre 2011.

2. Les personnes morales ne peuvent decider d'agir en justice qu'àl'intervention de leurs organes competents. Consacree par l'article 703 duCode judiciaire, la regle est d'application generale à l'intentement detoute action.

Aux termes de l'article 440, alinea 2, du Code judiciaire, l'avocatcomparait comme fonde de pouvoirs, sans avoir à justifier d'aucuneprocuration, sauf lorsque la loi exige un mandat special. La Cour decassation en deduit que, ce cas excepte, l'avocat qui, devant unejuridiction de l'Ordre judiciaire, accomplit un acte de procedure et quise borne dans cet acte à declarer agir au nom d'une personne moraledument identifiee par l'indication de sa denomination, de sa naturejuridique et de son siege social est legalement presume avoir rec,u àcette fin un mandat regulier d'un organe competent de cette personnemorale (Voy. Cass. 12 novembre 2008, P.08.0723.F ; Cass. 9 janvier 2007,P061175N ; Cass. 17 avril 1997, Pas. 1997, nDEG 189 ; Cass. 7 decembre1993, Pas., 1993, nDEG 503 ; Cass. 18 decembre 1984, Pas. 1985, nDEG 244 ;Cass. 9 fevrier 1978, Pas. 1978, 669 ; Cass. 22 decembre 1971, Pas. 1972,409 ; Cass. 22 octobre 1971, Pas. 1972, I, 182 et les conclusions de M. lepremier avocat general P. Mahaux).

Cette presomption n'est pas irrefragable. Il est permis à une partied'affirmer que la decision d'accomplir un acte de procedure n'a pas eteapprouvee par les organes de la personne morale et n'emane pas decelle-ci, mais la charge de la preuve incombe à la partie qui emet cettecontestation (voy. la jurisprudence citee ci-dessus).

Selon la Cour de cassation, l'article 440, alinea 2, du Code judiciairefonde ainsi une presomption qui porte à la fois sur l'existence du mandatad litem et sur le pouvoir d'agir de l'organe representant la personnemorale, ce qui permet à l'avocat de se retrancher derriere son mandat adlitem pour s'opposer à la demande d'une partie litigante tendant àexiger la preuve que la decision d'agir emane bien de l'organe legalementou statutairement competent. Il appartiendra à cette partie, pourrenverser cette presomption, de faire etat d'elements mettant serieusementen doute la competence de l'organe qui a decide d'agir.

Ce n'est le cas echeant que lorsque l'avocat declare agir au nom de lapersonne morale representee par ses organes nommement designes qu'il doit,en cas de contestation, justifier de la regularite du mandat qui lui a etedonne (Cass. 22 octobre 1971, Pas. 1972, I, 182).

3. En l'espece, apres avoir rappele la portee de la presomption deduite del'article 440, alinea 2, du Code judiciaire, l'arret releve

- qu'aucun mandat special n'est exige par la loi,

- que la demanderesse affirme que l'appel litigieux n'aurait pas eteapprouve par le defendeur, mais ne fournit aucun element concret de natureà etablir ces affirmations

- et qu'au contraire, le conseil du defendeur produit une lettre du 24juillet 2012 justifiant du mandat d'interjeter appel qui lui a ete donnepar l'administrateur general de la fiscalite agissant au nom du ministre.

La cour d'appel releve, par ces considerations, que la demanderesse nerenverse pas la presomption tiree de l'article 440, alinea 2, du Codejudiciaire mais qu'en revanche, le defendeur justifie de la regularite dumandat qui lui a ete donne.

4. La premiere branche du moyen critique l'arret en ce qu'il faitapplication de l'article 440, alinea 2, du Code judiciaire.

Le defendeur ne s'est en effet pas contente de se retrancher purement etsimplement derriere la presomption tiree de l'article 440, alinea 2, duCode judiciaire mais a produit une lettre du 24 juillet 2012 pourjustifier de la regularite du mandat qui lui a ete donne. La charge de lapreuve lui incombait des lors.

5. La deuxieme branche du moyen critique l'arret en ce qu'il considere quele defendeur justifie de la regularite du mandat qui lui a ete donne.

La lettre du 24 juillet 2012 produite par le conseil du defendeur estsignee par P. L., au nom du Ministre, pour l'administrateur general de lafiscalite, et indique ce qui suit : « Vous trouverez sous ce pli unecopie du jugement rendu par le Tribunal de premiere instance de Namur, endate du 17 mars 2011. L'Etat belge a decide d'interjeter appel de cettedecision et je vous prie de bien vouloir assurer la defense de sesinterets dans le cadre de cette procedure ».

Selon l'arret attaque, cette lettre justifie de la regularite du mandatd'interjeter appel qui a ete donne au conseil du defendeur parl'administrateur general de la fiscalite agissant au nom du ministre.

Or, s'agissant d'un litige ayant pour objet l'annulation des cotisationsà l'impot des societes, l'Etat n'est valablement represente que par leministre des Finances.

Aucune disposition de l'arrete royal du 17 fevrier 2002 portant creationdu Service public federal Finances ni de l'arrete royal organique du 3decembre 2009 des services operationnels du Service public federalFinances ni de l'arrete royal du 19 juillet 2013 fixant le reglementorganique du Service public federal Finances ainsi que les dispositionsparticulieres applicables aux agents statutaires ne confere àl'administrateur general de la fiscalite la competence d'agir en justice.

L'arret attaque declare recevable l'appel du defendeur, dont lademanderesse avait conteste la recevabilite, apres avoir constate que ladecision d'interjeter cet appel avait ete prise «par l'administrateurgeneral de la fiscalite agissant au nom du ministre», alors que cettedecision devait etre prise par le ministre des Finances.

La demanderesse faisait par ailleurs valoir en termes de conclusions et demaniere circonstanciee que l'Etat belge ne produisait en l'espece aucunedelegation de pouvoir au profit de l'administrateur general de lafiscalite qui soit reguliere (conclusions additionnelles et de synthesed'appel, pp. 9-12).

En droit constitutionnel et administratif, la delegation de pouvoir est letransfert, par une autorite à qui un pouvoir a ete attribue, del'exercice de tout ou partie de ce pouvoir à une autre autorite. Enprincipe interdite car la repartition de ces pouvoirs et competencesreleve de l'ordre public, la delegation peut toutefois etre expressementautorisee par les dispositions qui attribuent la competence à l'autoritedelegante et, en l'absence de texte à cet egard, la delegation estgeneralement admise pour autant qu'elle ne porte que sur des points dedetail ou d'importance secondaire ou encore qu'elle s'impose par la naturedes choses, tel le grand nombre de decisions à prendre dans une matiere(M. Leroy, Contentieux administratif, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 417),exceptions dont ne releve pas le droit d'ester en justice (principe del'interdiction, en l'absence de texte expres, de toute delegation. Voy.sur ce principe, D. Batsele, T. Mortier et M. Scarcez, Manuel de droitadministratif, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 472 ; M. Leroy, Contentieuxadministratif, Bruxelles, Bruylant, 2008, p. 417).

L'arret attaque declare recevable l'appel du defendeur, dont lademanderesse avait conteste la recevabilite, apres avoir constate que ladecision d'interjeter cet appel avait ete prise «par l'administrateurgeneral de la fiscalite agissant au nom du ministre», alors que cettedecision devait etre prise par le ministre des Finances, que l'arret neconstate au demeurant pas que le ministre des Finances aurait delegue àl'administrateur general de la fiscalite l'attribution bien definied'interjeter l'appel litigieux ou aurait ulterieurement enterine ladecision de l'administrateur d'interjeter cet appel.

Ce faisant, il encourt les griefs formules à la deuxieme branche dumoyen.

5. L'arret attaque laisse par ailleurs sans reponse les conclusions de lademanderesse relatives à l'etendue du mandat donne au conseil dudefendeur par la lettre de l'administrateur general de la fiscalite du 24juillet 2012. Il n'est, partant, pas regulierement motive (troisiemebranche du moyen).

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocat à la Cour de cassation soussigne, pour la demanderesse encassation, conclut, Messieurs, Mesdames, qu'il vous plaise, recevant lepourvoi, casser l'arret attaque, ordonner que mention de votre arret soitfaite en marge de l'arret casse, statuer comme de droit sur les depens etrenvoyer la cause devant une autre cour d'appel.

Bruxelles, le 12 decembre 2014

pour la demanderesse en cassation

son conseil,

Paul Alain Foriers

Pieces jointes :

1) Pour information : copie certifiee conforme par l'avocat à la Coursoussigne de la piece 1 du dossier depose devant la cour d'appel de Liegepar le defendeur en cassation (lettre du 24 juillet 2012 signee par P. L.,au nom du Ministre, pour l'administrateur general de la fiscalite etadressee au conseil du defendeur).

2) Il sera joint à la presente requete en cassation, lors de son depot augreffe de la Cour, l'original de l'exploit constatant sa signification àla partie defenderesse en cassation.

12 FEVRIER 2016 F.14.0223.F/4

Requete/15


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.14.0223.F
Date de la décision : 12/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-02-12;f.14.0223.f ?
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