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15/02/2016 | BELGIQUE | N°S.14.0071.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 février 2016, S.14.0071.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.14.0071.F

OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile,

contre

SPLIN, anciennement denommee Sports Loisirs Industries, societe anonymedont le siege social est etabli à Liege, rue du Gay-Village, 12,

defenderesse en cassatio

n,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet es...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.14.0071.F

OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile,

contre

SPLIN, anciennement denommee Sports Loisirs Industries, societe anonymedont le siege social est etabli à Liege, rue du Gay-Village, 12,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 mars 2014par la cour du travail de Liege.

Le 28 janvier 2016, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente trois moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'article 14, S:S: 1er et 2, de la loi du 27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs dispose que les cotisations de securite sociale sontcalculees sur la base de la remuneration du travailleur et que la notionde remuneration est determinee par l'article 2 de la loi du 12 avril 1965concernant la protection de la remuneration des travailleurs.

Si l'article 2 de la loi du 12 avril 1965 entend par remuneration, àl'alinea 1er, 1DEG et 3DEG, le salaire en especes et les avantagesevaluables en argent auxquels le travailleur a droit à charge del'employeur en raison de son engagement, cet article prevoit, toutefois,à l'alinea 3, 1DEG, c), que ne sont pas à considerer comme remunerationpour l'application de la loi les indemnites payees directement ouindirectement par l'employeur qui doivent etre considerees comme uncomplement aux avantages accordes pour les diverses branches de lasecurite sociale.

L'article 2, alinea 3, 1DEG, c), precite exclut sans restriction lesindemnites ainsi definies de la notion de remuneration.

Doit etre consideree comme un complement aux avantages accordes pour lesdiverses branches de la securite sociale, l'indemnite qui a pour objet decompenser la perte des revenus du travail ou l'accroissement des depensesprovoques par la realisation d'un des risques couverts par les diversesbranches de la securite sociale, meme si son octroi est soumis parailleurs à des conditions etrangeres à ces risques.

Le moyen, qui soutient que, lorsqu'un avantage completant les allocationsfamiliales perc,ues pour les enfants de leur menage est reserve auxtravailleurs satisfaisant par ailleurs à des conditions de fonction etd'anciennete, etrangeres aux conditions d'octroi des allocationsfamiliales, cet avantage ne peut etre considere comme un complement auxavantages accordes pour cette branche de la securite sociale, manque endroit.

Sur le deuxieme moyen :

Quant aux trois branches reunies :

En vertu de l'article 45, alinea 1er, de la loi du 27 juin 1969, toutemployeur qui accorde volontairement à son personnel des avantagesd'ordre social complementaires de ceux qui resultent de ladite loi doitles accorder sans distinction à tous les travailleurs de son entrepriseappartenant à la meme categorie.

Cette disposition, qui impose une obligation aux employeurs, n'affecte pasla notion de remuneration definie à l'article 14, S:S: 1er et 2, de laloi du 27 juin 1969.

L'article 2, alinea 3, 1DEG, c), de la loi du 12 avril 1965, auquelrenvoie l'article 14, S:S: 1er et 2, precite, exclut sans restriction dela notion de remuneration les indemnites, payees directement ouindirectement par l'employeur, qui doivent etre considerees comme uncomplement aux avantages accordes pour les diverses branches de lasecurite sociale.

Elle en exclut donc l'indemnite, payee directement ou indirectement parl'employeur en complement d'un avantage accorde par une des branches de lasecurite sociale, meme si cette indemnite est reservee à certainstravailleurs en violation de l'article 45 de la loi du 27 juin 1969.

Le moyen, qui repose tout entier sur le soutenement contraire, manque endroit.

Sur le troisieme moyen :

Quant aux trois branches reunies :

L'article 2, alinea 3, 1DEG, c), de la loi du 12 avril 1965 exclut sansrestriction de la notion de remuneration les indemnites qu'il vise.

Il en exclut donc l'indemnite, payee directement ou indirectement parl'employeur en complement d'un avantage accorde par une des branches de lasecurite sociale, meme si cette indemnite est reservee à certainstravailleurs en violation des regles prohibant la discrimination.

Le moyen, qui revient tout entier à soutenir le contraire, manque endroit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de quatre cent soixante-cinq eurossoixante-quatre centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du quinze fevrier deux mille seize par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general JeanMarie Genicot, avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

+------------------------------------------+
| F. Gobert | M.-Cl. Ernotte | M. Delange |
|-----------+----------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+------------------------------------------+

Premier feuillet

POURVOI EN CASSATION

POUR: L'Office National de Securite Sociale, etablissement public instituepar l'arrete-loi du 28 decembre 1944, inscrit à la Banque Carrefour desEntreprises sous le nDEG 0206.731.645 dont le siege social est etabli à1060 Bruxelles, Place Victor Horta, 11,

assiste et represente par Maitre Geoffroy de FOESTRAETS, avocat à la Courde cassation, dont le cabinet est sis à 1000 Bruxelles, rue de la Vallee,67, ou il est fait election de domicile,

demandeur en cassation

CONTRE: La societe anonyme SPLIN (anciennement SPORTS LOISIRS INDUSTRIES),dont le siege social est etabli à 4020 Liege, rue du Gay Village, 12A,inscrite à la Banque Carrefour des Entreprises sous le nDEG0403.881.472,

defenderesse en cassation

Deuxieme feuillet

A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

* * *

Messieurs, Mesdames,

Le demandeur a l'honneur de soumettre à votre censure l'arret renducontradictoirement le 21 mars 2014 par la huitieme chambre de la cour dutravail de Liege, section de Liege (cause : 2013/AL/201).

Les faits de la cause et les antecedents de la procedure peuvent etreresumes comme suit.

Lors d'un controle du service inspection du demandeur, il a ete constateque la defenderesse octroyait à certains membres de son personnel uncomplement extralegal aux allocations familiales.

Ce complement n'etait octroye qu'aux membres du personnel investis d'unposte de direction ou de confiance, qui comptent au moins cinq ansd'anciennete au meme poste, et etait egal au montant des allocationsfamiliales perc,ues pour les enfants faisant partie du menage dutravailleur, pour le mois qui precede celui à la fin duquel le complementest attribue.

Troisieme feuillet

Le demandeur a considere que pareil complement doit etre considere commede la remuneration et, comme tel, assujetti à la securite sociale.

Un avis rectificatif d'un montant de 24.205,15 EUR a en consequence etenotifie à la societe, qui l'a conteste par citation.

Par jugement du 18 fevrier 2013, le tribunal du travail a considere queledit complement ne constituait pas de la remuneration et il a enconsequence declare cette action fondee.

Sur appel du demandeur, la cour du travail de Liege a, par l'arretattaque, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions etcondamne en outre le demandeur à payer à la defenderesse une somme de2.200 EUR à titre d'indemnite de procedure d'appel

* * *

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Les dispositions legales violees

* Les articles 1er S:1er, 14 S:S: 1 et 2 de la loi du 27 juin 1969revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securitesociale des travailleurs ;

Quatrieme feuillet

* L'article 2 alinea 3, 1DEG, c) de la loi du 12 avril 1965 concernantla protection de la remuneration des travailleurs ;

* les articles 40 et 51 de la loi generale relative aux allocationsfamiliales du 19 decembre 1939.

La decision attaquee

L'arret attaque en ce que, statuant sur l'action principale de l'actuelledefenderesse en cassation et l'action reconventionnelle de l'actueldemandeur en cassation, il decide, par confirmation du jugement entrepris,que l'avantage consistant en un complement aux allocations familialesversees depuis 2001 aux membres du personnel de la defenderesse investisd'un poste de direction ou de confiance et comptant au moins 5 ansd'anciennete au meme poste, doit, pour le calcul des cotisations sociales,etre considere comme un complement aux avantages accordes pour lesdiverses branches de la securite sociale et non comme une remuneration etordonne en consequence la restitution de tous versements effectues envertu de la decision du 7 juin 2011 de l'ONSS ainsi que de l'avis deregularisation du 29 juin 2011, à majorer des interets tout en condamnantle demandeur aux depens des deux instances.

Cinquieme feuillet

Les motifs:

(p. 5) « La societe depose l'avenant au contrat de travail signe par lestravailleurs qui beneficie(nt) de l'avantage extra legal (...).

« Cet avenant type dispose que :

« Article 1

A dater du 1er janvier 2001, la societe a decide d'accorder un avantagesocial aux membres du personnel qui sont consideres comme des personnesinvesties d'un poste de direction ou de confiance, defini selon l'A.R. du10/02/1965, et qui comptent au moins cinq annees d'anciennete au memeposte dans l'entreprise.

« Article 2

Cet avantage social est constitue d'un complement extralegal auxallocations familiales.

« Article 3

Le complement sera egal au montant des allocations familiales qui ont eteperc,ues pour les enfants faisant partie du menage du travailleur, pour lemois qui precede celui à la fin duquel le complement est attribue.

Sixieme feuillet

« Il resulte de l'examen de ce texte que ces criteres sont conformes avecles articles 14 et 45 de la loi du 27/06/1969.

En effet :

* l'avantage extralegal depend de la qualite de l'enfant en tant quebeneficiaire des allocations familiales legales,

* l'avantage est lie exclusivement au nombre d'enfants faisant partie dumenage du travailleur et non au travail preste.

Pour le surplus, l'avantage est soumis à un double critere objectif :

* il n'est accorde qu'aux travailleurs de la categorie visee (personnesinvesties d'un poste de direction de confiance - A.R. du 10/02/1965) ;

* le travailleur appartenant à cette categorie doit avoir uneanciennete de 5 ans ».

(...)

(p.7) « La Cour considere, comme le premier juge, que la decisionadministrative litigieuse doit etre annulee.

Septieme feuillet

L'O.N.S.S. doit rembourser le montant de 24.215,15 EUR verse par lasociete le 15 aout 2011 en execution de la decision litigieuse du 7 juin2011 et d'un avis rectificatif du 29 juin 2011 ».

Les griefs

En application de l'article 14, S:1er, de la loi du 27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs, « les cotisations de securite sociale sont calculees surbase de la remuneration du travailleur ».

Le deuxieme paragraphe de cet article dispose que: « La notion deremuneration est determinee par l'article 2 de la loi du 12 avril 1965concernant la protection de la remuneration des travailleurs ».

Cet article 2 precise en son alinea trois que :

« (...) Ne sont pas à considerer comme remuneration pour l'applicationde la presente loi :

1DEG les indemnites payees directement ou indirectement par l'employeur :

(...)

c) qui doivent etre considerees comme un complement aux avantages accordespour les diverses branches de la securite sociale ».

Huitieme feuillet

Pour la definition de la notion de «remuneration» à prendre en comptepour le calcul des cotisations sociales, l'article 14 de la loi du 27 juin1969 concernant la securite sociale renvoie expressement à l'article 2 dela loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la remuneration destravailleurs.

En vertu de cet article 2, alinea 3, 1DEG, c), ne sont pas à considerercomme remuneration les indemnites payees par l'employeur « qui doiventetre considerees comme un complement aux avantages accordes pour lesdiverses branches de la securite sociale ».

Pour decider qu'une indemnite ne doit pas etre consideree comme uneremuneration pour le calcul des cotisations sociales, mais comme uncomplement des avantages accordes pour les diverses branches de lasecurite sociale, le juge doit examiner les criteres correspondantobjectivement aux avantages accordes pour les diverses branches de lasecurite sociale et non le critere subjectif et relatif à la seulevolonte des parties.

En vertu de l'article 40 de la loi generale relative aux allocationsfamiliales, les montants mensuels d'allocations familiales accordes sontidentiques pour chaque premier, deuxieme ou troisieme enfant et, enapplication de l'article 51, le travailleur de l'entreprise est, pour sesenfants, attributaire des allocations familiales au taux prevu par cetarticle 40, quel que soit le poste dont il est lui-meme investi dansl'entreprise.

Neuvieme feuillet

L'arret constate en l'espece que « le complement est alloue aux membresdu personnel investis d'un poste de direction ou de confiance qui ont unou des enfants, alors qu'il n'est pas alloue aux autres travailleurs, quiont egalement un ou des enfants » (page 6).

Contrairement au regime legal qu'il pretend completer par l'octroi d'unavantage social « complementaire », le complement d'indemnite n'est doncpas accorde selon les criteres objectifs d'octroi des allocationsfamiliales (c'est à dire en fonction du nombre d'enfants du beneficiairede pareil complement), mais en fonction d'un critere subjectif relatif auposte dont le travailleur attributaire des allocations familiales estinvesti dans l'entreprise et de son anciennete à ce meme poste.

Les conditions d'octroi de l'avantage complementaire different enconsequence fondamentalement de celles du regime legal des allocationsfamiliales dans lequel les allocations familiales sont accordees à touttravailleur qui a un ou des enfants, quand bien meme il ne serait pasinvesti d'un poste de direction ou de confiance et independamment de sonanciennete dans l'entreprise.

Des lors, en decidant que l'indemnite ainsi payee par l'employeur àcertains travailleurs qui ont un ou plusieurs enfants (et non à tous ceuxqui ont un ou

Dixieme feuillet

plusieurs enfants) doit etre consideree comme un complement aux avantagesaccordes par les diverses branches de la securite sociale alors qu'ellen'est octroyee qu'à certains de ces travailleurs selon des criteresobjectivement etrangers à l'octroi de l'avantage legal, l'arret attaquemeconnait les dispositions legales visees en tete du moyen et plusspecialement, l'article 2, alinea 3, de la loi du 12 avril 1965 et lesarticles 14, S:S: 1er et 2 de la loi du 27 juin 1969 ainsi que lesarticles 40 et 51 de la loi generale du 19 decembre 1939 relative auxallocations familiales qui definissent les conditions objectives d'octroides allocations familiales, et donc de leur complement à titre d'avantagesocial.

DEVELOPPEMENTS

Afin que les sommes payees par l'employeur soient exclues de la notion de« remuneration », au titre de « complements aux avantages accordes pourles diverses branches de la securite sociale », « il doit ressortirclairement des raisons d'octroi, de la nature et de la fac,on dont il estcalcule qu'il s'agit effectivement d'un complement à l'avantage social »(MORSA, La notion de remuneration en securite sociale, Larcier, p. 48).

Pour decider, par application de l'article 2 de la loi du 12 avril 1965,qu'une indemnite ne doit pas

Onzieme feuillet

etre consideree comme une remuneration mais comme un complement desavantages accordes pour les diverses branches de la securite sociale, «le juge ne peut limiter son examen à un seul des avantages prevus par lalegislation qui regit la securite sociale » (Cass., 21 janvier 2008,J.T.T. 2008, p. 190).

Comme le precisait à cette occasion Mr l'avocat general Genicot : « Enoutre, en visant non les indemnites qui « sont ou peuvent etreconsiderees » mais celle qui « doivent etre considerees » commecomplement d'avantages, le texte me parait implicitement imposer la priseen compte de criteres correspondant objectivement aux avantages accordespour les diverses branches de securite sociale et non du critere subjectiflie à la seule volonte des parties ».

En vertu de l'article 40 de la loi generale relative aux allocationsfamiliales, les montants mensuels d'allocations familiales accordes sontidentiques pour chaque premier, deuxieme ou troisieme enfant et, enapplication de l'article 51, le travailleur de l'entreprise est, pour sesenfants, attributaire des allocations familiales au taux prevu parl'article 40, quel que soit le poste dont il est lui-meme investi dansl'entreprise.

La seule derogation à l'egalite entre tous les enfants, consacree par leregime legal des allocations familiales, est liee à certaines situationsdes enfants, et non à celle de leurs parents dans

Douzieme feuillet

l'entreprise dont ils sont des travailleurs. Il en va ainsi notamment desenfants handicapes et des orphelins pour lesquels les taux prevus àl'article 40 sont majores en fonction de leur sante ou de leur propresituation familiale et non en fonction de la situation professionnelle deleurs parents (articles 40, 50 bis, 56 bis et 63 de la loi generaleprecitee).

Dans le regime legal, les categories d'attributaires de l'avantage socialsont donc determinees en fonction de la situation particuliere des enfantset non de celle de leurs parents.

En l'espece, l'avantage en cause n'est pas octroye à tous lestravailleurs beneficiaires d'allocations familiales qui ont un ouplusieurs enfants, mais seulement à certains d'entre eux, en fonction decriteres subjectifs lies à la seule volonte des parties et non enfonction des criteres correspondant objectivement à l'octroi desallocations familiales selon le regime legal.

L'employeur est libre d'accorder des avantages à certains travailleurs etpas à une autre. Mais s'il souhaite que cet avantage soit reconnu comme« avantage social complementaire », et donc exclu de la notion deremuneration pour le calcul des cotisations sociales, il doit accordercelui-ci, à tous les travailleurs attributaires de l'avantage socialoctroye par le regime legal qu'il pretend completer.

Treizieme feuillet

A defaut, il ne s'agit pas d'un avantage social complementaire mais toutsimplement d'un complement de remuneration accorde par l'entrepreneur àcertains travailleurs choisis par lui pour leurs fonctions dansl'entreprise et pour leur anciennete dans cette fonction, criteresobjectivement etrangers à ceux de l'avantage du regime legal desallocations familiales.

L'octroi d'un avantage à certains de ces attributaires en fonction deleur propre situation dans l'entreprise et sans egard à la situation desenfants beneficiaires du regime legal ne saurait etre considere comme unavantage social complementaire de ce regime legal sans violer les articles40 et 51 de la loi generale precitee.

L'arret attaque constate expressement, que les criteres d'octroi ducomplement ne correspondent objectivement pas à ceux des avantagesaccordes par le regime legal des allocations familiales puisque cetavantage n'est pas accorde objectivement à tous les travailleurs qui ontdes enfants mais « qu'aux travailleurs de la categorie visee (personnesinvesties d'un poste de direction et de confiance) » et ayant « uneanciennete de 5 ans » (p. 6).

Il en resulte qu'en decidant qu'un tel avantage doit etre considere commeun complement aux avantages accordes par le regime legal des allocationsfamiliales et, à ce titre, etre exclu de la remuneration qui doit servirde base de calcul pour les cotisations sociales de la defenderesse,l'arret

Quatorzieme feuillet

attaque viole les dispositions legales visees en tete du moyen.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Les dispositions legales violees

* Les articles 1er S:1er, 14 S:S: 1 et 2, et 45 de la loi du 27 juin1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securitesociale des travailleurs ;

* les articles 1, 2 et 3 de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail;

* l'article 2 alinea 3, 1DEG, c) de la loi du 12 avril 1965 concernantla protection de la remuneration des travailleurs.

La decision attaquee

L'arret attaque en ce que, statuant sur l'action principale de l'actuelledefenderesse en cassation et l'action reconventionnelle de l'actueldemandeur en cassation, il decide, par confirmation du jugement entrepris,que l'avantage consistant en un complement aux allocations familialesversees depuis 2001 aux membres du personnel de la defenderesse investisd'un poste de direction ou de confiance et comptant au moins 5 ansd'anciennete au meme poste, doit, pour le calcul des cotisations sociales,etre considere comme

Quinzieme feuillet

un complement aux avantages accordes pour les diverses branches de lasecurite sociale et non comme une remuneration et ordonne en consequencela restitution de tous versements effectues en vertu de la decision du 7juin 2011 de l'ONSS ainsi que de l'avis de regularisation du 29 juin 2011,à majorer des interets tout en condamnant le demandeur aux depens desdeux instances.

Les motifs:

(p. 5) « La societe depose l'avenant au contrat de travail signe par lestravailleurs qui beneficie(nt) de l'avantage extra legal (...).

« Cet avenant type dispose que :

« Article 1

A dater du 1er janvier 2001, la societe a decide d'accorder un avantagesocial aux membres du personnel qui sont consideres comme des personnesinvesties d'un poste de direction ou de confiance, defini selon l'A.R. du10/02/1965, et qui comptent au moins cinq annees d'anciennete au memeposte dans l'entreprise.

« Article 2

Cet avantage social est constitue d'un complement extralegal auxallocations familiales.

Seizieme feuillet

« Article 3

Le complement sera egal au montant des allocations familiales qui ont eteperc,ues pour les enfants faisant partie du menage du travailleur, pour lemois qui precede celui à la fin duquel le complement est attribue.

« Il resulte de l'examen de ce texte que ces criteres sont conformes avecles articles 14 et 45 de la loi du 27/06/1969.

En effet :

* l'avantage extralegal depend de la qualite de l'enfant en tant quebeneficiaire des allocations familiales legales,

* l'avantage est lie exclusivement au nombre d'enfants faisant partie dumenage du travailleur et non au travail preste.

Pour le surplus, l'avantage est soumis à un double critere objectif :

* il n'est accorde qu'aux travailleurs de la categorie visee (personnesinvesties d'un poste de direction de confiance - A.R. du 10/02/1965) ;

* le travailleur appartenant à cette categorie doit avoir uneanciennete de 5 ans ».

(...)

Dix-septieme feuillet

(p.7) « La Cour considere, comme le premier juge, que la decisionadministrative litigieuse doit etre annulee.

L'O.N.S.S. doit rembourser le montant de 24.215,15 EUR verse par lasociete le 15 aout 2011 en execution de la decision litigieuse du 7 juin2011 et d'un avis rectificatif du 29 juin 2011 ».

Les griefs

En application de l'article 14, S:1er, de la loi du 27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs, « les cotisations de securite sociale sont calculees surbase de la remuneration du travailleur ».

Le deuxieme paragraphe de cet article dispose que: « La notion deremuneration est determinee par l'article 2 de la loi du 12 avril 1965concernant la protection de la remuneration des travailleurs ».

Cet article 2 precise en son alinea trois que :

« (...) Ne sont pas à considerer comme remuneration pour l'applicationde la presente loi :

1DEG les indemnites payees directement ou indirectement par l'employeur :

(...)

Dix-huitieme feuillet

c) qui doivent etre considerees comme un complement aux avantages accordespour les diverses branches de la securite sociale ».

Il resulte en outre de l'article 45 de la loi du 27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs, que l'indemnite payee directement ou indirectement parl'employeur aux travailleurs au titre de complement aux avantages accordespour les diverses branches de la securite sociale, ne peut pas etrediscriminatoire:

« Tout employeur qui accorde volontairement à son personnel desavantages d'ordre social complementaire à ceux qui resultent de lapresente loi doit les accorder sans distinction à tous les travailleursde son entreprise appartenant à une meme categorie ».

Ne peuvent donc etre considerees comme « complementaires » aux avantagesaccordes pour les diverses branches de la securite sociale (en l'espece,les avantages accordes par le regime legal des allocations familiales) queles indemnites accordees sans distinction par l'employeur « à tous lestravailleurs de son entreprise appartenant à une meme categorie ».

Premiere branche

L'article 1er, S: 1er de la loi du 27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du28 decembre 1944 concernant la securite sociale des travailleurs preciseque « la

Dix-neuvieme feuillet

presente loi est applicable aux travailleurs (...) lies par un contrat delouage de travail ».

Lors de la mise en application de l'article 45 de la loi du 27 juin 1969,les travailleurs de l'entreprise etaient repartis en trois categories, lesouvriers (loi du 10 mars 1900), les employes (loi du 20 juillet 1955) etles representants de commerce (loi du 30 juillet 1965).

Cette division subsiste encore conformement aux articles 1 à 3 de la loidu 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

A tort l'arret entrepris soutient que l'arrete royal du 10 fevrier 1965 adefini une nouvelle categorie de travailleurs, à savoir les personnesinvesties d'un poste de direction et de confiance.

Comme l'indique son intitule, cet arrete royal n'a pas cree une nouvellecategorie de travailleurs, mais a seulement « designe » les personnesinvesties d'un poste de direction ou de confiance « pour l'application dela loi sur la duree du travail ».

Autrement dit, pour l'application de l'article 45 de la loi du 27 juin1969 et de l'article 2 de la loi du 12 avril 1965, les personnes investiesd'un poste de direction ou de confiance font, comme auparavant, partied'une des categories de travailleurs lies à

Vingtieme feuillet

l'employeur par un contrat de travail au sens des articles 1 à 3 de laloi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. Plusparticulierement, l'article 1er, paragraphe 1er de la loi du 27 juin 1969dispose en termes expres que la presente loi est applicable auxtravailleurs et aux employes « lies par un contrat de louage de travail», ce qui tend à confirmer qu'au sens de l'article 45 de cette meme loi,il n'existe que les categories de travail definies aux articles 1 à 3 dela loi du 3 juillet 1978.

Des lors, en faisant droit à l'action de la defenderesse en remboursementdes cotisations sociales payees sur le complement d'avantages sociauxaccordes à son personnel investi d'un poste de direction ou de confianceau motif que ces personnes appartiendraient à une categorie distincte decelles visees par les articles 1 à 3 de la loi du 3 juillet 1978 relativeaux contrats de travail, l'arret attaque a viole les dispositions legalesvisees en tete du moyen et plus specialement l'article 45 de la loi du 27juin 1969.

Deuxieme branche

Subsidiairement, devrait-on considerer -quod non- que les personnesinvesties d'un poste de direction ou de confiance appartiennent à unecategorie differente de celle des employes, ouvriers, ou representants decommerce ordinaires de la defenderesse, il demeure que selon l'article 45precite de la loi du 27 juin 1969,

Vingt-et-unieme feuillet

l'employeur qui accorde à son personnel des avantages d'ordre socialcomplementaire doit les accorder « sans

distinction à tous les travailleurs de son entreprise appartenant à unememe categorie ».

Or, il ressort des motifs et constatations de l'arret attaque que lecomplement extralegal d'allocations familiales litigieux n'est en toutehypothese accorde par la defenderesse qu'aux personnes investies d'unposte de direction ou de confiance «qui comptent au moins cinq anneesd'anciennete au meme poste dans l'entreprise ».

Cette limitation du complement d'allocations familiales au seul personnelde cadre ayant occupe un meme poste pendant cinq ans au moins meconnaitl'obligation que l'employeur a, en vertu de l'article 45 precite,d'accorder le meme avantage « sans distinction » à « tous lestravailleurs de son entreprise appartenant à une meme categorie » soit,dans ce cas, à tous les travailleurs investis d'un poste de direction oude confiance (violation de l'ensemble des dispositions legales visees entete du moyen et plus specialement de l'article 45 de la loi du 27 juin1969).

Troisieme branche

Pour que le complement aux allocations familiales litigieux puisse ne pasetre considere comme une remuneration (article 2, alinea 3, de la loi du12

Vingt-deuxieme feuillet

avril 1965), il faut en premier chef qu'il soit accorde à tous lestravailleurs appartenant à la categorie attributaire.

A supposer que le personnel cadre de la defenderesse, attributaire desallocations familiales legales, constitue une categorie de travailleurs ausens de l'article 45 de la loi du 27 juin 1969, distincte de celle desemployes, ouvriers ou representants de commerce, encore faut-il constateravec l'arret attaque, que tous les travailleurs de cette «categorie» nebeneficient pas de l'avantage extralegal en question, celui-ci etantreserve aux seuls attributaires qui, au sein de cette categorie, comptentau moins cinq annees d'anciennete au meme poste dans l'entreprise.

Le seul fait que le complement aux allocations familiales soit reserve auxseuls cadres ayant au moins cinq ans d'anciennete dans le meme postedemontre que cet avantage n'est pas un complement aux allocationsfamiliales legales dont ils sont attributaires en vertu du regime legalmais un complement de remunerations pour le travail accompli dansl'entreprise.

S'il s'agissait reellement d'un complement aux allocations familiales, cecomplement serait alors octroye selon les criteres correspondantobjectivement aux avantages accordes par le regime legal des allocationsfamiliales et non en fonction d'un critere subjectif lie à la seulevolonte des parties.

Vingt-troisieme feuillet

En decidant que cet avantage complementaire ne serait pas lie au travailpreste mais est un simple complement accorde au personnel cadre quibeneficie des allocations familiales legales, l'arret attaque meconnaitles dispositions legales visees en tete du moyen et plus specialement,l'article 2, alinea 3, de la loi du 12 avril 1965 et les articles 14, S:S:1er et 2, et 45 de la loi du 27 juin 1969.

DEVELOPPEMENTS

Pour pouvoir etre considere comme un avantage social complementaire ilfaut, par application de l'article 45 precite, que cet avantage soitaccorde sans distinction à tous les travailleurs de l'entrepriseappartenant à une meme « categorie ».

L'employeur est libre d'accorder des avantages à une categorie detravailleurs et pas à une autre. Mais s'il souhaite que cet avantage soitreconnu comme « avantage social complementaire », et donc exclu de lanotion de remuneration pour le calcul des cotisations sociales, il doitaccorder celui-ci, sans distinction, à tous les travailleurs relevant del'une des trois categories de « travailleurs » prevues par la loi du 13juillet 1978 sur les contrats de travail à laquelle renvoie expressementl'article 1er de la loi du 27 juin 1969 concernant la securite sociale destravailleurs ou, à tout le moins, à tous les

Vingt-quatrieme feuillet

travailleurs appartenant à la categorie choisie pour l'attribution del'avantage.

En d'autres termes, s'il accorde des avantages extralegaux à certains deses travailleurs, ces avantages ne pourront etre reconnus comme« avantage social complementaire » par application de la loi concernantla securite sociale que s'ils sont accordes sans distinction à l'ensemblede la categorie beneficiaire.

A defaut, il ne s'agit pas d'un avantage social complementaire mais toutsimplement d'un complement de remuneration accorde par l'entrepreneur àcertains travailleurs choisis par lui pour leurs fonctions dansl'entreprise.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Les dispositions legales violees

* Les articles 3, 4 alinea 1er, 1DEG, 3DEG, 4DEG, 6DEG à 9DEG et 15DEG,ainsi que les articles 5, 7, 9, 10, 14 et 15 de la loi du 10 mai 2007tendant à lutter contre certaines formes de discrimination ;

* les articles 10 et 11 de la Constitution ;

* les articles 1er S:1er, 14 S:S: 1 et 2, et 45 de la loi du 27 juin1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securitesociale des travailleurs ;

Vingt-cinquieme feuillet

* les articles 40 et 51 de la loi generale relative aux allocationsfamiliales du 19 decembre 1939.

La decision attaquee

L'arret attaque en ce que, statuant sur l'action principale de l'actuelledefenderesse en cassation et l'action reconventionnelle de l'actueldemandeur en cassation, il decide, par confirmation du jugement entrepris,que l'avantage social consistant en un complement aux allocationsfamiliales versees depuis 2001 aux seuls membres du personnel de ladefenderesse investis d'un poste de direction ou de confiance et comptantau moins 5 ans d'anciennete au meme poste, doit etre legalement considerecomme un complement aux avantages accordes pour les diverses branches dela securite sociale et etre exclu à ce titre de la base de calcul descotisations sociales et ordonne en consequence la restitution de tousversements effectues en vertu de la decision du 7 juin 2011 de l'ONSSainsi que de l'avis de regularisation du 29 juin 2011, à majorer desinterets tout en condamnant le demandeur aux depens des deux instances.

Les motifs:

(p. 5) « La societe depose l'avenant au contrat de travail signe par lestravailleurs qui beneficie(nt) de l'avantage extra legal (...).

Vingt-sixieme feuillet

« Cet avenant type dispose que :

« Article 1

A dater du 1er janvier 2001, la societe a decide d'accorder un avantagesocial aux membres du personnel qui sont consideres comme des personnesinvesties d'un poste de direction ou de confiance, defini selon l'A.R. du10/02/1965, et qui comptent au moins cinq annees d'anciennete au memeposte dans l'entreprise.

« Article 2

Cet avantage social est constitue d'un complement extralegal auxallocations familiales.

« Article 3

Le complement sera egal au montant des allocations familiales qui ont eteperc,ues pour les enfants faisant partie du menage du travailleur, pour lemois qui precede celui à la fin duquel le complement est attribue.

« Il resulte de l'examen de ce texte que ces criteres sont conformes avecles articles 14 et 45 de la loi du 27/06/1969 ».

(...)

Vingt-septieme feuillet

(p. 6) « Comme le premier juge, la Cour considere que les criteres de lasociete sont objectifs : l'avantage est accorde à une categorie detravailleurs.

« La Cour considere que l'objectif de la societe d'accorder une aidefinanciere complementaire uniquement au personnel de direction ou deconfiance n'est pas contraire à la loi dans la mesure ou celle-ci nedispose pas que l'avantage doit etre accorde à tous les travailleurs.

« La distinction par categories de travailleurs constitue un critereobjectif.

« Il importe peu au regard de la loi, qu'une categorie de travailleursaux revenus moins eleves ne soit pas visee par l'octroi de l'avantage.

« La loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes dediscrimination, invoquee par l'O.N.S.S. pour justifier son point de vue,ne trouve pas à s'appliquer en l'espece.

« En effet, l'article 4,4DEG de cette loi enumere 12 criteres dedifferentiation qui sont interdits : la race, l'orientation sexuelle,l'Etat civil, la naissance, la fortune, la conviction religieuse ouphilosophique, la conviction politique, la langue, l'Etat de santeactuelle ou future, un handicap, une caracteristique physique ougenetique, l'origine sociale.

Vingt-huitieme feuillet

« Force est de constater qu'aucun de ces criteres n'a ete transgresse parla societe lorsqu'elle a determine la categorie de travailleurs quientrent en ligne de compte pour beneficier du complement d'allocationsfamiliales ;

« La Cour de ceans ne partage pas l'opinion de la Cour du travail de Gandqui a considere, dans son arret du 3 janvier 2013, dans une causesimilaire, que l'avantage octroye etait constitutif de discriminationentre travailleurs sur base du critere « fortune » estimant que « etantdonne que le revenu et la fortune sont en principe en partie determinespar les revenus du travail, une interdiction indirecte de discriminationpeut egalement en etre deduite. Les cadres perc,oivent en effet(habituellement) une remuneration plus elevee que les employes ordinaireset les ouvriers ».

« Selon la Cour de ceans, le legislateur a opte pour une liste fermee decriteres proteges ; ce choix s'explique, selon la doctrine, par le faitqu' ` outre qu'un tel systeme est conforme aux directives europeennes, ilelimine le risque d'une insecurite juridique : selon le gouvernement, lecaractere ferme de la liste se recommandait àux fins d'eviter, que la loine puisse servir de fondement à un nombre potentiellement infini derevendications en justice, en ce compris les plus farfelues'

Vingt-neuvieme feuillet

« Le critere `fortune' vise ce qu'en termes economiques, on nomme lescapitaux alors qu'il s'agit, en l'espece, de revenus du travail. Il visele patrimoine et non la remuneration consistant en revenus du travail.

« La Cour considere, comme le premier juge, que la decisionadministrative litigieuse doit etre annulee.

« L'O.N.S.S. doit rembourser le montant de 24.215,15 EUR verse par lasociete le 15 aout 2011 en execution de la decision litigieuse du 7 juin2011 et

d'un avis rectificatif du 29 juin 2011 » (arret attaque, pages 6 et 7 -soulignement ajoute).

Les griefs

L'arret attaque considere que l'avantage extralegal accorde par ladefenderesse à certains travailleurs de l'entreprise est conforme auxarticles 14 et 45 de la loi precitee du 27 juin 1969. Cette decision estattaquee dans les deux premiers moyens.

Dans le troisieme moyen, le demandeur reproche à titre subsidiaire àl'arret attaque d'avoir decide que, quand bien meme cet avantageextralegal serait conforme à l'article 45 precite en ce qu'il aurait ete« accorde sans distinction à tous les travailleurs de son entrepriseappartenant à une meme categorie », il importe peu « au regard de laloi, qu'une categorie de travailleurs au

Trentieme feuillet

revenu moins eleve ne soit pas visee par l'octroi de l'avantage » et quecet avantage social, « bien qu'accorde uniquement au personnel dedirection ou de confiance n'est pas contraire à la loi dans la mesure oucelle-ci ne dispose pas que l'avantage doit etre accorde à tous lestravailleurs » (page 6).

Premiere branche

La loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes dediscrimination a pour objectif « de creer, dans les matieres visees àl'article 5 un cadre general pour lutter contre la discrimination, fondesur (...) la fortune ».

L'article 5,S:1er de cette loi precise qu'elle s'applique « à toutes lespersonnes (...) en ce qui concerne : (...) 3DEG les avantages sociaux(...) 5DEG les relations de travail » et le S:2 precise que « en ce quiconcerne la relation de travail, elle s'applique, entre autres, mais pasexclusivement, aux : (...) 2DEG dispositions et pratiques concernant lesconditions de

travail et la remuneration, y compris entre autres, mais pas exclusivement(...) - l'octroi et la fixation de tous les avantages actuels ou futurs enespeces».

L'article 15 de cette loi prevoit que : « sont nulles, les dispositionsqui sont contraires à la presente loi ».

Par « dispositions » il faut entendre notamment « les clauses figurantdans des conventions individuelles » (article 15).

En vertu de l'article 7 « Toute distinction directe fondee sur l'un descriteres proteges constitue une discrimination directe ».

Trente-et-unieme feuillet

La « distinction directe » est definie comme : « la situation qui seproduit lorsque sur la base de l'un des criteres proteges, une personneest traitee de maniere moins favorable qu'une autre personne ne l'est, nel'a ete ou ne le serait dans une situation comparable » (article 4,6DEG).

La « discrimination directe » est en consequence definie comme : « ladistinction directe, fondee sur l'un des criteres proteges, qui ne peutetre justifiee sur la base des dispositions du titre II » (article4,7DEG).

Enfin, la « fortune » est expressement identifiee comme un des «criteres proteges » par la loi (article 4, 4DEG).

Il resulte de ces differentes dispositions legales qu'une distinctiondirecte sur la base de la fortune en ce

qui concerne l'octroi d'avantages sociaux dans la relation de travailconstitue en principe une discrimination directe contraire à la loitendant à lutter contre certaines formes de discrimination, et qui estdonc nulle par application de l'article 15 lorsqu'elle figure dans desconventions individuelles concernant les relations de travail.

L'arret attaque constate que, par convention individuelle, la defenderesseaccorde aux « seules personnes investies d'un poste de direction ou deconfiance » un «avantage social (...) constitue d'un complementextralegal aux allocations familiales » (page 5) et « qu'il importe peu,au regard de la loi, qu'une categorie de travailleurs aux revenus moinseleves ne soit pas visee par l'octroi de l'avantage » (page 6) des lorsque «le critere `fortune' vise ce qu'en termes economiques, on nomme lescapitaux alors qu'il s'agit, en l'espece, de

Trente-deuxieme feuillet

revenus du travail. Il vise le patrimoine et non la remunerationconsistante en revenus du travail » (page 7).

Contrairement à ce que soutient l'arret attaque, le critere de «fortune » vise par la loi precitee du 10 mai 2007 ne vise pasexclusivement « ce qu'en termes economiques, on nomme les capitaux » ou« le patrimoine » à l'exclusion de « la remuneration consistant enrevenus du travail » 7). Rien dans la loi ne permet de reduire de lasorte la definition du critere de « fortune » qu'il y a des lors lieud'entendre dans son sens general, c'est-à-dire comme englobant lasituation financiere generale de la personne visee, quelle que soitl'origine de cette « fortune » (patrimoine ou revenus du travail).

Il en resulte qu'en decidant que l'octroi d'un avantage socialexclusivement reserve aux travailleurs de l'entreprise « investis d'unposte de direction de confiance » et non aux autres travailleurs « aurevenu moins eleve » n'est pas « contraire à la loi » au motif que lecritere de la « fortune » exclut de maniere generale et absolue lesrevenus du travail pour ne se baser que sur le « patrimoine », l'arretattaque viole les dispositions legales visees en tete du moyen, etparticulierement l'article 4,4DEG de la loi du 10 mai 2007 tendant àlutter contre certaines formes de discrimination.

En decidant ensuite qu'un tel avantage n'est pas une remuneration, maisbien un avantage social conforme à la loi, et plus precisement unavantage « accorde pour les diverses branches de la securite sociale »au sens de l'article 2 alinea 3, 1DEG, c) de la loi du 12 avril 1965concernant la protection de la remuneration des

Trente-troisieme feuillet

travailleurs, de sorte que cet avantage est exclu de la base de calcul descotisations de securite sociale du travailleur qui en beneficie, l'arretattaque viole les autres dispositions legales visees en tete du moyen.

Deuxieme branche

La meme loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes dediscrimination precise en son article 9 que « Toute distinction indirectefondee sur l'un des criteres proteges constitue une discriminationindirecte ».

La « distinction indirecte » est definie comme : « la situation qui seproduit lorsqu'une disposition, un critere ou une pratique apparemmentneutre est susceptible d'entrainer, par rapport à d'autres personnes, undesavantage particulier pour des personnes caracterisees par l'un descriteres proteges » (article 4, 8DEG).

La « discrimination indirecte » est en consequence definie comme : « ladistinction indirecte, fondee sur l'un des criteres proteges, qui ne peutetre justifiee sur la base des dispositions du titre II » (article4,9DEG).

Enfin, la « fortune » est expressement identifiee comme un des «criteres proteges » par la loi (article 4, 4DEG).

Il resulte de ces differentes dispositions legales qu'une distinctionindirecte sur la base de la fortune en ce qui concerne l'octroid'avantages sociaux dans la relation de travail constitue en principe une

Trente-quatrieme feuillet

discrimination indirecte contraire à la loi tendant à lutter contrecertaines formes de discrimination, et qui est donc nulle par applicationde l'article 15 lorsqu'elle figure dans des conventions individuellesconcernant les relations de travail.

L'arret attaque constate que, par convention individuelle, la defenderesseaccorde aux « seules personnes investies d'un poste de direction ou deconfiance » un « avantage social (...) constitue d'un complementextralegal aux allocations familiales » (page 5) et « qu'il importe peu,au regard de la loi, qu'une categorie de travailleurs aux revenus moinseleves ne soit pas visee par l'octroi de l'avantage » (page 6).

L'arret attaque decide qu'un tel avantage n'est pas une remuneration, maisbien un avantage social, et plus precisement un avantage « accorde pourles diverses branches de la securite sociale » au sens de l'article 2alinea 3, 1DEG, c) de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection dela remuneration des travailleurs, de sorte que cet avantage est exclu dela base de calcul des cotisations de securite sociale du travailleur quien beneficie.

Cet avantage, bien que social, n'est pas accorde à tous les travailleursde l'entreprise ni à tous les travailleurs qui beneficient dejà duregime legal d'allocations familiales parce qu'ils ont un ou plusieursenfants. En sont exclus tous les membres du personnel qui ne sont pasconsideres comme des personnes investies d'un poste de direction ou deconfiance.

Trente-cinquieme feuillet

Or, etant donne que le revenu et la fortune sont en principe en partiedetermines par les revenus du travail, une interdiction indirecte dediscrimination peut egalement en etre deduite. Comme le constate l'arretattaque, les cadres perc,oivent en effet (habituellement) une remunerationplus elevee que les employes ordinaires et les ouvriers.

C'est precisement parce que l'arret attaque decide que l'avantage octroyeen l'espece aux seuls travailleurs qui perc,oivent habituellement uneremuneration plus elevee est un « avantage social constitue d'uncomplement extralegal aux allocations familiales » et non un complementde remuneration que l'octroi de pareil avantage aux seuls cadres«comptant cinq annees d'anciennete au meme poste dans l'entreprise»entraine une discrimination indirecte au sens de la loi precitee.

Dans le regime legal, les allocations familiales ne sont en effet pasoctroyees aux travailleurs de maniere differenciee selon leur remuneration(faible ou elevee) ou selon leur etat de « fortune », mais en fonctiondu nombre d'enfants.

Octroyer à titre d'avantage social un « complement » d'allocationsfamiliales à certains travailleurs en fonction de criteres etrangers àceux du regime legal qu'il pretend completer, et donc exclure de pareil« complement » les cadres et autres travailleurs n'ayant pas cinq anneesd'anciennete dans la meme fonction et ne jouissant donc pas d'une fortune(au sens de revenus du travail) comparable est susceptible d'entrainerpour ces derniers un

Trente-sixieme feuillet

desavantage particulier puisque, charges du meme nombre d'enfants, ilsseront desavantages par rapport aux autres travailleurs qui, pour couvrircette meme charge, recevront un avantage social complementaire.

En d'autres termes, quand bien meme l'octroi à certains cadres quibeneficient dejà du regime legal d'allocations familiales d'une «aidefinanciere complementaire» reservee au personnel de direction ou deconfiance ayant cinq annees d'anciennete dans la meme fonction ne seraitpas en soi discriminatoire, il n'en va pas de meme si, comme le decidel'arret attaque, ce complement n'est pas un complement de remunerationmais doit etre considere comme un complement d'avantage social et quepareil complement est octroye selon un critere totalement etranger àcelui qui preside à l'octroi du regime legal qu'il pretend« completer ».

Il en resulte qu'en decidant que l'octroi d'un avantage socialexclusivement reserve aux travailleurs de l'entreprise « investis d'unposte de direction ou de confiance » et non aux autres travailleurs «aux revenus moins eleves » (cf. l'arret attaque, p. 6/8) n'est pas« contraire à la loi » au motif que « la loi du 10 mai 2007 tendant àlutter contre certaines formes de discrimination invoquee par l'O.N.S.S.pour justifier son point de vue, ne trouve pas à s'appliquer enl'espece », l'arret attaque viole les dispositions legales visees en tetedu moyen, et particulierement l'article 4, 8DEG et 9DEG de la loi du 10mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discriminationpuisque cette situation est susceptible de creer un desavantage (et doncune discrimination indirecte) entre travailleurs de l'entreprise, pour lacouverture d'une meme charge d'enfants, en fonction de leur etat de

Trente-septieme feuillet

« fortune » et, accessoirement, les articles 40 et 51 de la loi generalerelative aux allocations familiales du 19 decembre 1939 qui, dans leregime legal, prevoient que les allocations familiales sont octroyees enfonction du nombre d'enfants et non en fonction de la « fortune » del'attributaire.

En decidant ensuite qu'un tel avantage n'est pas une remuneration, maisbien un avantage social conforme à la loi, et plus precisement unavantage « accorde pour les diverses branches de la securite sociale »au sens de l'article 2 alinea 3, 1DEG, c) de la loi du 12 avril 1965concernant la protection de la remuneration des travailleurs, de sorte quecet avantage est exclu de la base de calcul des cotisations de securitesociale du travailleur qui en beneficie, l'arret attaque viole les autresdispositions legales visees en tete du moyen.

Troisieme branche

La regle de l'egalite des Belges devant la loi et celle de lanon-discrimination dans la jouissance des droits et libertes reconnus auxBelges, impliquent que tous

ceux qui se trouvent dans la meme situation soient traites de la mememaniere, mais n'excluent pas qu'une distinction soit faite entredifferentes categories de personnes pour autant que le critere dedistinction soit susceptible de justification objective et raisonnable;l'existence d'une telle justification doit s'apprecier par rapport au butet aux effets de la mesure prise; le principe d'egalite est egalementviole lorsqu'il est etabli qu'il n'existe pas de

Trente-huitieme feuillet

rapport raisonnable de proportionnalite entre les moyens employes et lebut vise.

Dans la mesure ou l'arret attaque decide que l'avantage reserve aux seulscadres est en l'espece un avantage d'ordre social complementaire de ceuxqui resultent de la loi concernant la securite sociale, et plusparticulierement du regime legal des allocations familiales, et qu'à cetitre il n'est pas considere comme un complement de remuneration pour lecalcul des cotisations sociales, cet arret viole les articles 10 et 11 dela Constitution.

Alors que les allocations familiales sont, en vertu du regime legal,octroyees à tous les travailleurs qui ont un ou plusieurs enfants, lecomplement octroye par la defenderesse est en effet reserve, parmiceux-ci, aux seuls cadres.

Aucun element objectif et raisonnable ne justifie d'accorder un telavantage social complementaire aux allocations familiales à la seulecategorie des cadres, alors que ceux-ci perc,oivent dejà habituellementune remuneration plus elevee que les employes « ordinaires » et lesouvriers.

Que l'on soit en face d'un employe cadre ou d'une autre categorie detravailleurs, l'emportent tant l'interdiction de faire une distinctionentre les travailleurs selon leur etat de fortune que l'obligation derespecter l'egalite entre tous les enfants, consacree par

Trente-neuvieme feuillet

les articles 40 et suivants de la loi generale relative aux allocationsfamiliales, du 19 decembre 1939.

Si le regime legal d'octroi des allocations familiales ne permet pas dediscriminer entre les travailleurs qui ont des enfants, on aperc,oit paspour quel motif il devrait en aller autrement des « complements » à ceregime legal qui revendiquent d'etre eux-aussi consideres comme unavantage social exclu de la base de calcul des cotisations sociales et noncomme un complement de remuneration.

Il en resulte qu'en decidant d'exclure de la base de calcul descotisations sociales un avantage octroye aux travailleurs par ladefenderesse, au motif qu'il s'agirait d'un avantage « d'ordre socialcomplementaire » de ceux qui resultent de la loi concernant la securitesociale des travailleurs, alors que cet avantage social n'est pas octroyeà tous les travailleurs qui beneficient du regime legal que cet avantagevient pretendument « completer », l'arret attaque viole les articles 10et 11 de la Constitution.

DEVELOPPEMENTS

Un arret definitif de la cour du travail de Gand du 3 janvier 2013 (R.G.2011/AR/265) decide que : « Etant donne que le revenu et la fortune sonten principe en partie determines par les revenus du travail, uneinterdiction indirecte de discrimination peut egalement en etre deduite.Les cadres perc,oivent en effet (habituellement) une

Quarantieme et dernier feuillet

remuneration plus elevee que les employes ordinaires et les ouvriers ».

A CES CAUSES,

l'avocat à la Cour de cassation soussigne, pour le demandeur, conclutqu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser et annuler l'arret attaque,renvoyer la cause et les parties devant une autre Cour du travail etstatuer comme de droit sur les depens.

Annexe :

1./ Il est joint à l'original du present pourvoi en cassation une copiede l'arret de la cour du travail de Gand du 3 janvier 2013 (2011/AR/265)cite dans les developpements du second moyen.

Bruxelles, le 14 juillet 2014

Geoffroy de FOESTRAETS

15 FEVRIER 2016 S.14.0071/F1

Requete/53


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.14.0071.F
Date de la décision : 15/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-02-15;s.14.0071.f ?
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