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15/02/2016 | BELGIQUE | N°S.15.0020.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 février 2016, S.15.0020.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0020.F

SOYER & MAMET, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, avenue de la Foresterie, 2,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,

contre

P.C., defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 4 novembre 2014par la cour du travail de Bru

xelles.

Le 28 janvier 2016, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0020.F

SOYER & MAMET, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, avenue de la Foresterie, 2,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,

contre

P.C., defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 4 novembre 2014par la cour du travail de Bruxelles.

Le 28 janvier 2016, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 870 du Code judiciaire ;

- article 1315 du Code civil ;

- principe general du droit fraus omnia corrumpit ;

- articles 2 et 3 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail ;

- article 7 de la convention collective de travail nDEG 32bis concernantle maintien des droits des travailleurs en cas de changement d'employeurdu fait d'un transfert conventionnel d'entreprise et reglant les droitsdes travailleurs repris en cas de reprise de l'actif apres faillite,conclue le 7 juin 1985 au sein du Conseil national du travail et rendueobligatoire par l'arrete royal du 25 juillet 1985.

Decisions et motifs critiques

L'arret « declare l'appel recevable et fonde ; reforme le jugement du[premier juge], sauf en tant qu'il condamne [le defendeur] à payer à la[demanderesse] la somme de 702,04 euros net à augmenter des interets autaux legal depuis le 7 avril 2010 ; statuant à nouveau sur la demanded'indemnite compensatoire de preavis, la declare fondee ; par consequent,condamne la [demanderesse] à payer [au defendeur] une indemnitecompensatoire de preavis complementaire de 93.998,75 euros brut, dont ellededuira les retenues sociales et fiscales obligatoires à verser auxadministrations competentes ; la condamne aux interets sur le montantbrut, calcules au taux legal depuis le 17 septembre 2009 ; autorise lacompensation entre les sommes nettes que les parties se doivent l'une àl'autre ; condamne la [demanderesse] à payer [au defendeur] les depensdes deux instances, liquides à 6.600 euros (indemnites de procedure depremiere instance et d'appel) jusqu'[alors] ».

L'arret se fonde sur l'ensemble de ses motifs et en particulier sur lesmotifs suivants :

« Examen de la contestation

En fait : quant à la poursuite de l'occupation [du defendeur] par lasociete Pierre Persy entre le 30 septembre 2005 et la reprise duportefeuille par la [demanderesse]

L'occupation [du defendeur] au service de la societe Pierre Persy s'estpoursuivie pendant cette periode.

Cette decision est motivee par les raisons suivantes :

Les parties s'opposent à propos de ce fait, qui constitue le noeud dulitige.

Les pieces du dossier forment un faisceau d'indices qui convergent pouretablir, avec une certitude suffisant à convaincre la cour [du travail],que l'occupation [du defendeur] au service de la societe Pierre Persys'est bien poursuivie pendant la periode litigieuse.

Les indices convergents suivants permettent d'etablir la poursuite del'occupation :

- les messages adresses aux compagnies d'assurances entre octobre 2005 etmai 2006 via la plateforme « Portima » dans le cadre de la gestionquotidienne du portefeuille d'assurance de la societe Persy, dont un bonnombre portent le nom [du defendeur]. Ces pieces etablissent non seulementque [le defendeur] a continue à travailler pour la societe Persy durantcette periode, mais egalement que les activites de la societe n'ont pascesse le 30 septembre 2005 ;

- la lettre adressee le 1er aout 2006 par la [demanderesse] à laclientele du portefeuille repris, dans laquelle il est indique que [ledefendeur] resterait l'interlocuteur privilegie des clients ;

- la participation [du defendeur], en qualite de delegue commercial de lasociete Pierre Persy, à une formation le 27 janvier 2006.

La [demanderesse] y oppose l'absence de remuneration payee par la societePierre Persy [au defendeur] durant cette periode.

[Le defendeur] explique, avec une certaine credibilite, qu'etant l'epouxde l'administratrice deleguee, il avait accepte de ne pas etre paye durantplusieurs mois afin de permettre la survie de la societe et, à terme, lavente du portefeuille. Il etablit en outre que la [demanderesse] lui apaye directement une partie du prix du rachat du portefeuille, soit24.304,05 euros, et ce sur instruction de monsieur Pierre Persy.

Apres avoir nie l'existence de ce paiement, la [demanderesse], confronteeà des pieces probantes, a ete forcee de l'admettre et se montre incapablede fournir une autre justification à ce paiement que celle que [ledefendeur] lui donne, à savoir qu'il s'agissait des arrieres deremuneration.

Le fait que personne n'ait juge bon de declarer ce paiement auxadministrations sociale et fiscale ne l'empeche pas.

La [demanderesse] fait egalement valoir qu'aucun document officiel ne faitetat de l'occupation [du defendeur] par la societe durant la periodelitigieuse. La cour [du travail] observe à ce sujet que, d'une part, lefait que la remuneration n'ait pas ete dument declaree, qu'aucune feuillede paie n'ait ete delivree et qu'un bilan social n'ait pas ete etabli nefait pas disparaitre la realite de l'occupation dans le cadre d'un contratde travail, dut-elle etre qualifiee d'occupation non declaree. La[demanderesse] avait manifestement connaissance de la poursuite del'occupation, puisqu'elle a repris [le defendeur] à son service afind'assurer la continuite du service à la clientele du portefeuille.

D'autre part, aucun document officiel de l'epoque ne fait etat de lapretendue rupture du contrat de travail le 30 septembre 2005. Leformulaire C4 dont la [demanderesse] fait grand cas n'a ete etabli, parles soins du secretariat social, que le 14 juin 2006, soit de nombreuxmois apres le licenciement allegue et à une date posterieure à celle dela reprise du portefeuille d'assurance.

Il n'indique rien au sujet des modalites de rupture du contrat (avecpreavis ou indemnite ?) ni quant au motif precis du chomage. Compte tenudes nombreux elements du dossier qui plaident en sens contraire, cettepiece n'etablit pas la rupture du contrat de travail le 30 septembre 2005.

Consequences en droit

La [demanderesse] doit payer [au defendeur] une indemnite compensatoire depreavis de 93.998,75 euros brut, dont elle pourra deduire 702,04 eurosnet.

Cette decision est motivee par les raisons suivantes :

[Le defendeur] fait valoir que son anciennete acquise au service de lasociete Pierre Persy doit etre prise en consideration pour ladetermination de son droit à une indemnite compensatoire de preavis, etce sur la base de deux fondements juridiques :

- en vertu de la convention collective de travail nDEG32bis relative aumaintien des droits des travailleurs en cas de changement d'employeur dufait d'un transfert conventionnel d'entreprise, car la reprise duportefeuille d'assurance de la societe Pierre Persy par la [demanderesse]constitue un transfert d'entreprise entrant dans le champ d'application decette convention collective de travail, qui garantit notamment le maintiende l'anciennete des travailleurs ;

- en vertu de l'article 82 de la loi du 3 juillet 1978 relative auxcontrats de travail.

La [demanderesse] ne conteste pas qu'en l'occurrence, le transfert duportefeuille d'assurance a constitue un transfert d'entreprise au sens dela convention collective de travail nDEG 32bis. Tel est bien le cas eneffet, toutes les conditions d'application de cette convention collectiveetant remplies.

La contestation de la [demanderesse] porte sur l'existence du contrat detravail [du defendeur] au moment de la cession. En vertu de l'article 7 dela convention collective de travail nDEG 32bis, seuls les droits destravailleurs resultant de contrats de travail existant à la date dutransfert doivent etre respectes par ce cessionnaire.

En l'occurrence, la cour du travail estime etabli que le contrat detravail [du defendeur] au service de la societe Pierre Persy etait encours à la date du transfert.

La convention collective de travail nDEG 32bis trouve donc à s'appliquer.

En vertu de l'article 7 de la convention collective de travail, les droitset obligations resultant du contrat de travail [du defendeur] avec lasociete Pierre Persy ont ete transferes à la [demanderesse]. Celle-cidevait donc tenir compte de son anciennete, remontant au 27 mai 1983, pourdeterminer le preavis auquel il avait droit.

Il n'est pas conteste que la remuneration annuelle [du defendeur], encours à la date du licenciement, s'elevait à 46.125,94 euros brut.Compte tenu de sa fonction, de son age (49,33 ans) et de son anciennete(26,33 ans), c'est à juste titre que [le defendeur] evalue la duree deson preavis à 27 mois, ce à quoi correspond une indemnite compensatoirede preavis de 103.783,35 euros brut.

La [demanderesse] lui ayant paye une indemnite de 9.784,60 euros brut,elle reste redevable d'un complement d'indemnite compensatoire de preavisde 93.995,75 euros brut.

[Le defendeur] ne conteste pas devoir lui rembourser un montant net troppaye de 702,04 euros, à majorer des interets, qui pourra etre porte endeduction du montant net de l'indemnite compensatoire de preavis. »

L'arret en deduit donc, comme indique en exergue des differentes partiesde sa motivation, que :

(i) l'occupation [du defendeur] au service de la societe Persy s'estpoursuivie entre le 30 septembre 2005 et la reprise du portefeuille par[la demanderesse] ;

(ii) le transfert du portefeuille d'assurance constitue un transfertd'entreprise au sens de la convention collective de travail nDEG32bis ;

(iii) [la demanderesse] doit payer [au defendeur] une indemnitecompensatoire de preavis de 93.998,75 euros brut, dont elle pourra deduire702,04 euros net.

Griefs

Premiere branche

Pour l'application des articles 2 et 3 de la loi du 3 juillet 1978relative aux contrats de travail, un contrat de travail est un contrat delouage de travail par lequel une partie, le travailleur, s'engagevis-à-vis de l'autre partie, l'employeur, à effectuer un travail contreremuneration, dans un lien de subordination ou sous l'autorite d'unemployeur.

Quatre elements essentiels sont des lors requis pour que le contrat detravail se forme valablement : une convention, un travail, uneremuneration et un rapport d'autorite ou lien de subordination. Il n'y acontrat de travail que lorsque les elements precites sont reunis, et iln'y en [a] pas si un ou plusieurs de ces elements font defaut. La loi neprevoyant pas de presomption d'existence d'un contrat de travail,l'absence d'un contrat de travail ne doit pas necessairement ressortir defaits qui excluent l'existence d'un contrat de travail.

Aussi, la Cour decide-t-elle de maniere traditionnelle que l'existenced'un contrat de travail exige que les parties soient d'accord sur leselements principaux du contrat, parmi lesquels la determination de laremuneration.

Il n'est certes pas necessaire que le montant de la remuneration soitconvenu expressement : il suffit qu'il soit convenu qu'une remunerationsera payee et que son montant soit determinable.

Meme en l'absence de toute indication precise quant au montant de laremuneration à payer, la remuneration due suivant l'echelle baremique oula remuneration minimale doit etre consideree comme la remunerationconvenue.

En consequence, un contrat de travail à titre gratuit est impossible. Uneremuneration (meme minimale) doit etre prevue. Le fait qu'une partie n'estredevable d'aucune remuneration pour le travail effectue à son servicesuffit à exclure l'existence d'un contrat de travail. En outre, il nesuffit pas, pour qu'il y ait contrat de travail, qu'une personne se paieelle-meme pour executer un travail.

La question de savoir si les parties sont convenues d'un contrat detravail releve de l'interpretation de leur echange de consentements, etdonc de l'appreciation souveraine du juge du fond. Il est constant que lejuge du fond apprecie souverainement la portee, la pertinence ou lavraisemblance des faits allegues dans le cadre de tel ou tel procede depreuve, mais il appartient à la Cour de verifier si le juge, dans lecadre de l'appreciation des faits qui lui sont soumis, n'a pas viole lesregles gouvernant la charge de la preuve.

Aux termes des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire,c'est la partie qui se reclame de l'execution d'une obligation qui doit laprouver et, inversement, c'est la partie qui se pretend liberee qui doitjustifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de sonobligation.

La rigueur de cette regle est certes assouplie lorsqu'il s'agit pour ledemandeur de prouver un fait negatif puisque le juge peut considerer dansce cas que la preuve ne doit pas etre apportee avec la meme rigueur, maisil ne peut dispenser totalement la partie demanderesse de cette preuve etimposer à la partie adverse la preuve positive contraire.

En matiere de contrat de travail, par l'application des articles 1315 duCode civil et 870 du Code judiciaire, c'est la partie qui se prevaut del'existence du contrat de travail qui doit fournir la preuve des faitsqu'elle invoque à cette fin.

Il resulte des regles qui precedent que c'etait [au defendeur], sur quipese la charge de la preuve de l'existence d'un contrat de travail et doncd'une remuneration, de supporter les consequences de l'absence dedemonstration de cet element, et non à [la demanderesse] qui,precisement, soutenait le contraire.

Or, l'arret declare, quant au paiement de la somme de 24.304,05 euros [dela demanderesse au defendeur], qu'il s'agissait d'arrieres de remunerationpour le motif que [la demanderesse] « se montre incapable de fournir uneautre justification à ce paiement que celle que [le defendeur] lui donne,à savoir qu'il s'agissait des arrieres de remuneration ».

En considerant ainsi que [la demanderesse] devait supporter lesconsequences de l'impossibilite de demontrer que le paiement de24.304,05 euros representait autre chose qu'une remuneration, l'arretdispense, en realite, [le defendeur] d'avoir à prouver que ce paiementconstituait une remuneration. Des lors, l'arret renverse la charge de lapreuve de l'existence d'une remuneration et d'un contrat de travail.

En consequence, l'arret viole les articles 1315 du Code civil, 870 du Codejudiciaire et 2 et 3 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats detravail.

Seconde branche

Il est constant que le principe general du droit fraus omnia corrumpitprohibe toute tromperie ou deloyaute dans le but de nuire, de realiser ungain ou d'eviter une perte.

Par les motifs repris au present moyen, l'arret estime que le paiement dela somme de 24.304,05 euros par [la demanderesse au defendeur]representait des arrieres de remuneration et declare que « le fait quepersonne n'ait juge bon de declarer ce paiement aux administrationssociale et fiscale ne l'empeche pas ». De la sorte, l'arret fait droit àla demande [du defendeur] d'obtenir une indemnite compensatoire de preavisà charge de [la demanderesse], en se fondant sur l'existence, invoqueepar [le defendeur], d'une remuneration non declaree aux administrationssociale et fiscale. L'arret admet donc que [le defendeur] puissebeneficier d'une tromperie ou deloyaute dans le but de realiser un gain.

En consequence, l'arret viole le principe general du droit fraus omniacorrumpit.

Second moyen

Dispositions legales violees

* article 149 de la Constitution ;

* articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Decisions et motifs critiques

L'arret « declare l'appel recevable et fonde ; reforme le jugement du[premier juge], sauf en tant qu'il condamne [le defendeur] à payer à la[demanderesse] la somme de 702,04 euros net à augmenter des interets autaux legal depuis le 7 avril 2010 ; statuant à nouveau sur la demanded'indemnite compensatoire de preavis, la declare fondee ; par consequent,condamne la [demanderesse] à payer [au defendeur] une indemnitecompensatoire de preavis complementaire de 93.998,75 euros brut, dont ellededuira les retenues sociales et fiscales obligatoires à verser auxadministrations competentes ; la condamne aux interets sur le montantbrut, calcules au taux legal depuis le 17 septembre 2009 ; autorise lacompensation entre les sommes nettes que les parties se doivent l'une àl'autre ; condamne la [demanderesse] à payer [au defendeur] les depensdes deux instances, liquides à 6.600 euros (indemnites de procedure depremiere instance et d'appel) jusqu'[alors] ».

L'arret se fonde sur l'ensemble de ses motifs et en particulier sur lesmotifs suivants :

« En vertu de l'article 7 de la convention collective de travail, lesdroits et obligations resultant du contrat de travail [du defendeur] avecla societe Pierre Persy ont ete transferes à la [demanderesse]. Celle-cidevait donc tenir compte de son anciennete, remontant au 27 mai 1983, pourdeterminer le preavis auquel il avait droit.

Il n'est pas conteste que la remuneration annuelle [du defendeur], encours à la date du licenciement, s'elevait à 46.125,94 euros brut.Compte tenu de sa fonction, de son age (49,33 ans) et de son anciennete(26,33 ans), c'est à juste titre que [le defendeur] evalue la duree deson preavis à 27 mois, ce à quoi correspond une indemnite compensatoirede preavis de 103.783,35 euros brut ».

L'arret conclut que « la [demanderesse] lui ayant paye une indemnite de9.784,60 euros brut, elle reste redevable d'un complement d'indemnitecompensatoire de preavis de 93.995,75 euros brut ».

Griefs

Le juge doit avoir egard aux conclusions des parties. S'il rejette unedemande ou une defense, sa decision n'est regulierement motivee que s'ilrepond aux moyens proposes par la partie qu'il fait succomber.

[La demanderesse] faisait valoir en termes de conclusions d'appeladditionnelles et de synthese que « l'article 2 du contrat de travailconclu entre elle et [le defendeur] dispose comme suit : `La perioded'essai est de 3 mois' ». [Elle] en deduisait que « cette clause d'essaiindique à suffisance qu'il s'agit ici d'une nouvelle relation de travail,sans lien aucun avec le contrat ayant existe precedemment avec la societePierre Persy. Par ailleurs, s'il y avait eu transfert d'entreprise, commele pretendait [le defendeur], il n'y aurait pas eu lieu de conclure unnouveau contrat de travail, puisqu'il y aurait eu transfert automatique ducontrat de travail ».

Or, l'arret se borne à constater que le contrat de travail a etetransfere à [la defenderesse] et qu'il faut prendre en considerationl'anciennete de monsieur Leonard [lire : du defendeur], laissant ainsisans reponse ce moyen pertinent souleve par [la demanderesse]. En outre,l'arret declare que « [la demanderesse] ne conteste pas qu'enl'occurrence, le transfert du portefeuille d'assurance a constitue untransfert d'entreprise au sens de la convention collective nDEG 32bis ».Une telle contestation figurait pourtant explicitement dans lesconclusions precitees de [la demanderesse].

En consequence, l'arret n'est pas regulierement motive et viole l'article149 de la Constitution. Il meconnait en outre la foi due aux conclusionsd'appel additionnelles et de synthese de [la demanderesse] (violation desarticles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

L'arret retient des indices convergents permettant à ses yeux d'etablirla poursuite de l'occupation du defendeur au service de la societe PierrePersy du 30 septembre 2005 jusqu'à la reprise par la demanderesse duportefeuille d'assurance de cette societe, souligne qu' « aucun documentofficiel de l'epoque ne fait etat de la pretendue rupture du contrat detravail le 30 septembre 2005 » et enonce, s'agissant de la remuneration,que le defendeur explique avec une certaine credibilite avoir accepte dene pas etre paye pendant plusieurs mois, prouve que la demanderesse lui apaye directement une partie du prix du rachat du portefeuille d'assuranceet soutient qu'il s'agit d'arrieres de remuneration, et que, pour sa part,la demanderesse a ete forcee d'admettre ce paiement apres l'avoir nie et« se montre incapable de fournir une autre justification à cepaiement que celle que [le defendeur] lui donne ».

Il deduit de ces enonciations que « les pieces du dossier forment unfaisceau d'indices qui convergent pour etablir, avec une certitudesuffisant à convaincre la cour [du travail], que l'occupation [dudefendeur] au service de la societe Pierre Persy s'est bienpoursuivie pendant la periode litigieuse » et conclut que « le contratde travail [du defendeur] au service de la societe Pierre Persy etait encours à la date du transfert ».

Il ressort de ces enonciations que, pour qualifier de remuneration lasomme payee au defendeur, les juges d'appel se sont fondes sur un faisceaud'indices qui etablissent cette qualification avec une certitude suffisantà les convaincre, sans decharger le defendeur de la preuve de l'existenced'une remuneration.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

Le principe general du droit fraus omnia corrumpit ne prive pas celui quia rec,u une somme, non declaree comme remuneration aux administrationsfiscale et sociale, de faire valoir contre celui qui la lui a payeequ'elle constitue une remuneration rec,ue en contrepartie du travailfourni en execution d'un contrat de travail.

Le moyen qui, en cette branche, repose sur le soutenement contraire,manque en droit.

Sur le second moyen :

L'arret ne se borne pas à considerer que « [la demanderesse] ne contestepas [que] le transfert du portefeuille d'assurance a constitue untransfert d'entreprise au sens de la convention collective de travail nDEG32bis » mais il apprecie lui-meme que « tel est bien le cas ».

Fut-elle averee, la violation alleguee de la foi due aux conclusions de lademanderesse serait sans incidence sur la legalite de la decisionattaquee, qui statue sur la contestation comme elle eut du le faire sicette violation n'avait pas ete commise.

Dans cette mesure, le moyen est irrecevable à defaut d'interet.

Pour le surplus, apres avoir verifie, comme il est dit en reponse à lapremiere branche du premier moyen, que le contrat de travail du defendeurau service de la societe Pierre Persy etait en cours à la date dutransfert du portefeuille d'assurance, l'arret considere que « toutes lesconditions d'application de [la convention collective de travailnDEG 32bis sont] remplies ».

Il repond par cette consideration aux conclusions de la demanderesse qui,contestant l'application de la convention collective au motif qu'aucuncontrat de travail n'aurait existe à la date precitee, ajoutait que laconclusion entre elle et le defendeur, apres la reprise, d'un nouveaucontrat de travail avec clause d'essai indiquait qu'il s'agissait d'unenouvelle relation de travail et non du transfert d'un contrat de travailexistant.

Dans la mesure ou il est recevable, le moyen manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de quatre cent onze euros cinquante et uncentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Mireille Delange et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du quinze fevrier deux mille seize par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat general JeanMarie Genicot, avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

+------------------------------------------+
| F. Gobert | M.-Cl. Ernotte | M. Delange |
|-----------+----------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
+------------------------------------------+

15 FEVRIER 2016 S.15.0020.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.15.0020.F
Date de la décision : 15/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-02-15;s.15.0020.f ?
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