La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2016 | BELGIQUE | N°D.15.0017.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 février 2016, D.15.0017.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG D.15.0017.F

A. S.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

Institut professionnel des agents immobiliers, dont le siege est etabli àBruxelles, rue du Luxembourg, 16 B,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou

il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige con...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG D.15.0017.F

A. S.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

Institut professionnel des agents immobiliers, dont le siege est etabli àBruxelles, rue du Luxembourg, 16 B,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre la decision rendue le 1erjuillet 2015 par la chambre d'appel d'expression franc,aise de l'Institutprofessionnel des agents immobiliers.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Le moyen ne precise pas en quoi la sentence attaquee violerait le principegeneral du droit relatif au respect des droits de la defense.

Il n'existe pas de principe general du droit en vertu duquel le delaiauquel est soumis un acte est proroge lorsque l'auteur de l'acte s'esttrouve, par suite d'un cas de force majeure, dans l'impossibilite d'agirdans ce delai.

Les presomptions constituent un mode de preuve d'un fait inconnu ; lesarticles 1349 à 1353 du Code civil, qui reglent ce mode de preuve, sontetrangers à l'appreciation de la valeur probante des elements de faitsoumis au juge.

La force majeure justifiant la recevabilite d'une opposition formee apresl'expiration du delai legal ne peut resulter que d'une circonstanceindependante de la volonte de la partie opposante et que celle-ci nepouvait ni prevoir ni conjurer.

La sentence attaquee decide, sur la base de considerations qui gisent enfait, que le demandeur ne s'est pas trouve dans un cas de force majeure.

Le juge apprecie en fait si les circonstances invoquees constituent un casde force majeure. La Cour a pour seule competence d'examiner si le juge apu deduire legalement un cas de force majeure des circonstances qu'il arelevees. Elle ne saurait en revanche, sans exceder ses pouvoirs,substituer son appreciation à celle du juge qui exclut l'existence depareil cas.

La violation pretendue de l'article 53 de l'arrete royal du 20 juillet2012 determinant les regles d'organisation et de fonctionnement del'Institut professionnel des agents immobiliers est, pour le surplus, toutentiere deduite de la violation vainement invoquee des articles 1349 à1353 du Code civil et des principes generaux du droit relatifs àl'administration de la preuve en matiere repressive.

Le moyen est irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de sept cent cinquante et un euros quarantecentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Martine Regout,Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique dudix-neuf fevrier deux mille seize par le president de section ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean Marie Genicot, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|-----------------+----------------+-------------|
| M. Regout | A. Fettweis | Chr. Storck |
+------------------------------------------------+

Requete

Requete en cassation

Pour

S. A.,

demandeur en cassation,

assiste et represente par Me Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 6000 Charleroi, rue del'Athenee, 9, ou il est elu domicile.

Contre

Institut Professionnel des Agents Immobiliers, cree par l'arrete royal du6 septembre 1993, dont le siege est etabli à 1000 Bruxelles, rue duLuxembourg, 16b,

defendeur en cassation.

A Messieurs les premier president et president, Mesdames et Messieurs lesconseillers qui composent la Cour de cassation,

Messieurs,

Mesdames,

Le demandeur a l'honneur de soumettre à votre censure la sentence renduele 1er juillet 2015 par la chambre d'appel d'expression franc,aise del'Institut Professionnel des Agents Immobiliers, notifiee au demandeur parlettre recommandee à la poste du 6 juillet 2015, en cause de lui-meme(decision 956).

Dispositions legales violees

Articles 1147, 1148, 1349 et 1353 du Code civil ;

article 53, specialement alineas 6 et 7, de l'arrete royal du 20 juillet2012 determinant les regles d'organisation et de fonctionnement del'Institut Professionnel des Agents Immobiliers ;

principe general du droit aux termes duquel le delai auquel un acte estsoumis est proroge lorsque l'auteur de l'acte s'est trouve, par suite d'uncas de force majeure, dans l'impossibilite d'agir dans ce delai ;

principe general du droit du respect des droits de la defense ;

principes generaux du droit relatifs à l'administration de la preuve enmatiere repressive.

Decision attaquee et motifs critiques

Apres avoir constate que le demandeur, stagiaire à l'Institut, a etepoursuivi du chef de diverses infractions d'ordre deontologique, que lasentence enonce, et condamne par defaut par la chambre executived'expression franc,aise de l'Institut à la sanction de radiation, quecette decision lui a ete notifiee le 2 juin 2014, qu'il a forme oppositionen date du 2 octobre 2014 et que, par la decision entreprise du 16 janvier2015, la chambre executive a declare cette opposition irrecevable, lasentence attaquee confirme cette decision notamment par les motifssuivants :

« La chambre executive retenait la motivation suivante :

`La decision de la chambre executive du 27/05/2014 (DDI 122) prononc,antpar defaut à l'encontre (du demandeur) la sanction de la radiation a etenotifiee à ce dernier par lettre recommandee du 02/06/2014, conformementà l'article 53 de l'A.R. du 20/07/2012 determinant les regled'organisation et de fonctionnement de l'Institut professionnel des agentsimmobiliers ;

Par acte date du 02/10/2014 et confie à la Poste le meme jour, (ledemandeur) a fait opposition à cette decision ;

Pour rappel, en vertu de l'article 53 de l'A.R. du 20/07/2012 determinantles regles d'organisation et de fonctionnement de l'Institut professionneldes agents immobiliers, le delai legal d'opposition est de trente jours àdater de la notification de la decision, sauf à l'opposant de demontrerqu'il en a pris regulierement connaissance à une date ulterieure, soitdans un delai extraordinaire, auquel cas le delai de trente jours pourintroduire le recours commence à courir à dater de cette prise deconnaissance effective ;

Dans le cas d'espece, l'opposant ne demontre pas à suffisance avoir prisconnaissance de cette decision à une date ulterieure en raison d'une oude circonstances determinantes et probantes, la seule pretention selonlaquelle il ne recevrait pas regulierement, en raison selon luid'errements de la poste, tout son courrier à l'adresse de la notificationde la decision dont question ici etant insuffisante pour lui permettre dejustifier d'une prise de connaissance dans un delai extraordinaire, aucunepiece constituant ne (fut-ce) qu'un debut de preuve de ce qu'il avance(par exemple une ou des `'plainte(s)'' anterieure(s) aupres des servicesde la poste de son lieu de residence) n'etant produite ;

En consequence, il convient de constater que cet acte d'opposition a eteforme hors du delai legal puisqu'il a ete introduit plus d'un mois apresla notification reguliere de la decision dont question ici ;

Aussi, l'opposition sera declaree irrecevable' ;

La chambre d'appel fait sienne cette judicieuse motivation ;

La validite de la notification effectuee le 02 juin 2014 n'est pascontestee, l'article 53 de l'arrete royal du 20 juillet 2012 determinantles regles d'organisation et de fonctionnement de l'Institut professionneldes agents immobiliers indiquant d'autre part clairement le delai danslequel une opposition peut etre formee ;

Les regles relatives à ce recours etant d'ordre public, et les delaispour former un recours etant prescrits à peine de decheance (art. 860,al. 2, C. jud.), cette disposition est d'interpretation stricte et laprorogation eventuelle de ces delais impliquerait l'existence d'un cas deforce majeure, autrement dit d'un evenement independant de la volonte del'interesse et que celui-ci n'a pu prevoir ni conjurer, les articles 50 et51 du Code judiciaire interdisant au juge de proroger les delais en dehorsdes hypotheses qu'il determine (...) ;

Dans le cas d'espece, (le demandeur) ne peut manifestement se prevaloird'un evenement independant de sa volonte qu'il n'a pu prevoir ni conjurer,le dossier mettant en evidence que les multiples correspondances adressees(au demandeur) tant par les services de l'Institut que par Monsieurl'assesseur juridique, par voie simple ou recommandee, durant une longueperiode ne susciterent à aucun moment la moindre reaction ;

Les pieces deposees par (le demandeur) sont posterieures au recoursintroduit et ne mettent pas en evidence une situation qui ne serait pasimputable (au demandeur), les copies deposees de correspondances adresseesà une autre personne et reprenant l'adresse (du demandeur) confirmantd'autre part la colocation signalee par (le demandeur) lors de sacomparution ;

Il y a donc lieu de dire l'appel recevable mais non fonde. »

Griefs allegues

Un delai de recours est proroge lorsque l'auteur du recours a ete empechede l'exercer par suite d'un cas de force majeure.

La force majeure est une circonstance independante de la volonte del'auteur du recours et que celui-ci n'a pu ni prevoir ni conjurer.

Et, si le juge apprecie en fait les elements constitutifs de la forcemajeure, votre Cour est autorisee à verifier si, de ses constatations, lejuge a pu legalement deduire l'absence ou l'existence de la force majeuresans meconnaitre cette notion legale.

L'ignorance, par l'auteur du recours, de l'acte qui a fait courir le delaipeut constituer un cas de force majeure, prorogeant ce delai.

Or il se deduit tant de la sentence attaquee que des pieces de laprocedure que la sentence entreprise, rendue par defaut par la chambreexecutive d'expression franc,aise de l'Institut, a ete notifiee audemandeur, par application de l'article 53 de l'arrete royal du 20 juillet2012, par simple lettre recommandee à la poste mais non par lettrerecommandee avec accuse de reception, ce qui eut assure qu'elle avait etepresentee au domicile du demandeur et à quelle date.

Or le demandeur, apres avoir explique en conclusions qu'il n'avait pas« receptionne » la convocation à comparaitre devant la chambreexecutive (ce qui explique qu'il ait fait defaut) « en raison deproblemes postaux dans son quartier » soutenait en conclusions (pages 3et s.) s'agissant de la sentence rendue par defaut à son encontre parcette chambre le 27 mai 2014 :

« (...) à ce stade (le demandeur) precise que ce n'est que suite à uncourrier du 30 septembre 2014 qu'il a pris connaissance de cette decisiondu 27 mai 2014 ; n'ayant pas receptionne les precedents courriers qui luiont ete adresses (dont la notification du 2 juin 2014) ; etant donne lesproblemes postaux dans son quartier.

(...)

En effet, comme expose, de nombreux problemes affectent la distribution ducourrier dans le quartier (du demandeur) (...) ; ce qui justifie (i) lefait qu'il n'ait pas receptionne la convocation datee du 10 fevrier 2014,en vue de l'audience du 21 mars 2014, et qu'il n'ait des lors pas comparulors de cette audience et (ii) le fait qu'il n'ait pas rec,u la decisionrendue par defaut le 27 mai 2014, qui lui aurait ete notifiee le 2 juin2014.

Ainsi, ces problemes affectant la distribution du courrier dans lequartier (du demandeur) sont demontres par les elements suivants :

et le demandeur d'enoncer les circonstances de fait de nature à etayerson assertion que la lettre recommandee du 2 juin 2014 lui notifiant lasentence de la chambre executive ne lui est pas parvenue : ainsi, lemanque de conformite de sa boite aux lettres (qui ne pouvait lui etreimpute à faute), les courriers de la poste des 22 octobre 2014 et 28octobre 2014 « suite aux plaintes deposees » par lui, dans lesquels laposte « reconnait expressement l'existence de problemes affectant ladistribution du courrier dans le quartier (du demandeur) », l'attestationd'un voisin, confirmant ces problemes de distribution, la circonstance quede nombreux courriers ont ete deposes dans sa propre boite aux lettresalors qu'ils ne lui etaient pas destines.

Et ces arguments etaient etayes par les pieces de son dossier auxquellesreference etait faite dans ses conclusions.

Il s'ensuit qu'en confirmant la sentence entreprise, tant par les motifsde la chambre executive que par ses motifs propres, la chambre d'appel nejustifie pas legalement sa decision.

Le demandeur a notamment verse aux debats, selon les termes memes de sesconclusions, devant le juridiction d'appel, les courriers de la posterepondant aux plaintes adressees à celle-ci (la juridiction d'appel n'adonc pu legalement s'approprier les motifs de la premiere sentence deniantl'existence de toute plainte du demandeur).

Il en est de meme de la circonstance que « de multiples correspondances -ont pu etre adressees (au demandeur) tant par les services de l'Institutque par Monsieur l'assesseur juridique, par voie simple ou recommandee,durant une longue periode ne susciterent à aucun moment la moindrereaction » : cette absence de reaction peut s'expliquer par le simplefait que ces « multiples correspondances, en raison des errements de laposte denonces par le demandeur, n'ont pas ete rec,ues par lui ».

Aussi des considerations de la sentence d'appel ecartant, sans aucunfondement plausible, les autres elements de fait invoques par ledemandeur.

Singulierement, en relevant que le demandeur ne demontre pas « àsuffisance » le cas de force majeure qu'il invoque (termes de la premieresentence que la sentence d'appel s'approprie), la chambre d'appel n'ecartepas la possibilite qu'en effet, comme il le soutient, le demandeur n'aitpas rec,u - ou ait rec,u tardivement - la notification de la premieresentence. A tout le moins, laisse-t-elle planer un doute à cet egard,qui, en matiere penale comme en matiere disciplinaire (la sanctionprononcee par la chambre executive et confirmee par la sentence attaqueeest la radiation - peine plus severe que de nombreuses peines en matierepenale), profite au prevenu ou à l'interesse poursuivi au plandisciplinaire et n'autorise pas l'instance disciplinaire à lesanctionner.

Il s'ensuit qu'en deboutant le demandeur de son recours par les motifscritiques, la chambre d'appel meconnait la notion de force majeure(violation des articles 1147 et 1148 du Code civil et les deux premiersprincipes generaux du droit vises).

Et, en ecartant comme non probants les elements de fait invoques par ledemandeur, etayes par les pieces versees aux debats, à l'appui de sacontestation, la sentence meconnait en outre les regles relatives à lapreuve par presomption (violation des articles 1349 à 1353 du Code civil)et les principes generaux du droit relatifs à l'administration de lapreuve en matiere penale (lesquels subordonnent la condamnation àl'exclusion de tout doute raisonnable).

Pour cette double raison, l'arret meconnait aussi, par le fait meme,l'article 53, specialement alineas 6 et 7 de l'arrete royal du 20 juillet2012.

PAR CES CONSIDERATIONS,

L'avocat à la Cour de cassation soussigne vous prie, Messieurs, Mesdames,casser la sentence attaquee, ordonner que mention de votre decision serainscrite en marge de la sentence cassee, renvoyer la cause et les partiesdevant la chambre d'appel d'expression francophone de l'Institutprofessionnel des agents immobiliers autrement composee et statuer commede droit quant aux depens.

Charleroi, le 21 mars 2016

Franc,ois T'Kint

Avocat à la Cour de cassation

19 FEVRIER 2016 D.15.0017.F/1

Requete/9


Synthèse
Numéro d'arrêt : D.15.0017.F
Date de la décision : 19/02/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-02-19;d.15.0017.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award