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11/03/2016 | BELGIQUE | N°F.15.0118.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 mars 2016, F.15.0118.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.15.0118.F

P. F.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il

estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.15.0118.F

P. F.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 11 fevrier 2015par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

Le premier avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Aux termes de l'article 93undecies C, S: 1er, alinea 1er, du Code de lataxe sur la valeur ajoutee, en cas de manquement, par une societe ou unepersonne morale visee à l'article 17, S: 3, de la loi du 27 juin 1921 surles associations sans but lucratif, les associations internationales sansbut lucratif et les fondations, assujettie à la taxe sur la valeurajoutee, à son obligation de paiement de la taxe, des interets ou desfrais accessoires, le ou les dirigeants de la societe ou de la personnemorale charges de la gestion journaliere de la societe ou de la personnemorale sont solidairement responsables du manquement si celui-ci estimputable à une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, qu'ils ontcommise dans la gestion de la societe ou de la personne morale.

Ledit article 93undecies C, dispose, en son paragraphe 2, alinea 1er, quele non-paiement repete par la societe ou la personne morale de la detted'impot susvisee, est, sauf preuve du contraire, presume resulter d'unefaute visee au S: 1er, alinea 1er, et, en son paragraphe 3, qu'il n'y apas presomption de faute au sens du S: 2, alinea 1er, lorsque lenon-paiement provient de difficultes financieres qui ont donne lieu àl'ouverture de la procedure de reorganisation judiciaire, de faillite oude dissolution judiciaire.

Quant à la premiere branche :

La charge de la preuve que le non-paiement de la taxe provient dedifficultes financieres qui ont donne lieu à l'ouverture de la procedurede reorganisation judiciaire, de faillite ou de dissolution judiciaireincombe au dirigeant de la societe concernee.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutenement contraire,manque en droit.

Quant à la deuxieme branche :

Il suit de l'article 93undecies C, S: 1er, du Code de la taxe sur lavaleur ajoutee que le dirigeant est solidairement responsable du paiementde la taxe sur la valeur ajoutee due lorsqu'il a commis une faute dans lagestion de la societe ou de la personne morale ayant contribue aumanquement à l'obligation de paiement par la societe ou la personnemorale.

La presomption de l'article 93undecies C, S: 2, du meme code vaut preuved'une faute de gestion en lien causal avec le defaut de paiement de lataxe.

Le moyen, qui, en cette branche, soutient que la presomption legale porteuniquement sur l'existence d'une faute du dirigeant de la societe, manqueen droit.

Quant à la troisieme branche :

Il ressort des conclusions d'appel du demandeur qu'apres avoir fait valoirun moyen deduit du caractere subsidiaire de l'article 93undecies C du Codede la taxe sur la valeur ajoutee et repondu à la defense opposee par ledefendeur à ce moyen, le demandeur reproduisait les motifs pour lesquelsle jugement du premier juge avait rejete ce moyen et indiquait qu'il« s'en refer[ait] à l'appreciation de la cour [d'appel] sur ce point ».

Des lors que le demandeur ne formulait aucune critique precise àl'encontre des motifs du jugement du premier juge fondant le rejet dumoyen precite, l'arret n'etait pas tenu de repondre auxdites conclusions.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de quatre cent quarante-quatre eurosseptante-six centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillersMartine Regout, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du onze mars deux mille seize par lepresident de section Albert Fettweis, en presence du premier avocatgeneral Andre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| M. Lemal | M. Regout | A. Fettweis |
+----------------------------------------------+

REQUETE EN CASSATION

POUR : Monsieur P. F.,

demandeur en cassation,

assiste et represente par Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 1050-Bruxelles, avenueLouise, 149 (Bte 20), ou il est fait election de domicile.

CONTRE : L'Etat belge, represente par le Ministre des Finances, qui faitelection de domicile pour les besoins de la cause, au service d'instancede la Direction Regionale de la TVA de Mons, dont les bureaux sont etablisà 7000 Mons, Chemin de l'Inquietude, bloc 2,

defendeur en cassation.

* *

*

A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation de Belgique, 2eme feuillet

Messieurs,

Mesdames,

Le demandeur en cassation a l'honneur de deferer à votre censure l'arretrendu contradictoirement entre parties, le 11 fevrier 2015, par la 18emechambre de la cour d'appel de Mons (R.G. nDEG 2013/RG/171).

*

Les faits et les antecedents de la cause, reproduits par l'arret attaqueaux pages 3 à 5, peuvent etre resumes comme il suit.

1. Le litige porte sur la responsabilite personnelle et solidaire de M. P.F. (ici, le demandeur en cassation), mise en cause par l'Etat belge (ici,le defendeur en cassation) en application de l'article 93undecies C duCode de la taxe sur la valeur ajoutee (T.V.A.), en sa qualited'administrateur-delegue de la S.A. Standing Clothes, pour defaut depaiement repete de la T.V.A. due par la societe sur une periode d'un an.

L'Etat belge reclamait à M. P. F. le paiement des montants de T.V.A. etd'interets resultant, d'une part, d'un releve de regularisation signe pouraccord le 4 novembre 2008, portant sur des infractions commises en 2005 et2006 et, d'autre part, d'un compte special relatif au non-paiement destaxes dues sur les declarations des deuxieme et troisieme trimestres 2009.

Apres avoir adresse à M. P. F. l'avertissement prealable prevu parl'article 93undecies C, S: 5, du Code de la TVA, l'Etat belge l'a assignele 13 juillet 2010 devant le tribunal de commerce de Mons en paiementdesdites contraintes sur base de la responsabilite solidaire fondee surl'article 93undecies C du Code de la TVA.

Le 16 juillet 2010, la S.A. Standing Clothes a conclu un accord amiableavec la recette de la TVA de Mons et les contributions directes de Mons,conformement à l'article 15 de la loi du 31 janvier 2009 relative à lacontinuite des entreprises. Le 14 decembre 2010, l'Etat belge a denoncel'accord en raison de son inexecution par la S.A. Standing Clothes. 3emefeuillet

Le 31 octobre 2011, la S.A. Standing Clothes fut declaree en faillite parle tribunal de commerce de Mons.

Reformant la decision dont appel qui avait dit la demande de l'Etat belgenon fondee, la cour d'appel de Mons, dans son arret du 11 fevrier 2015,condamne solidairement M. P. F. au paiement des T.V.A. figurant sur lescontraintes, en application de l'article 93undecies C du Code de la T.V.A.et le condamne aux frais et depens des deux instances.

*

A l'appui du pourvoi qu'il forme contre cet arret, le demandeur al'honneur d'invoquer le moyen unique de cassation suivant.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions legales violees

- l'article 93undecies C du Code du 3 juillet 1969 de la taxe sur lavaleur ajoutee, tel qu'il etait en vigueur tant avant qu'apres samodification par l'arrete royal du 19 decembre 2010 ;

- l'article 1315 du Code civil ;

- l'article 870 du Code judiciaire ;

- l'article 149 de la Constitution ;

- les articles 1382 et 1383 du Code civil.

Decision et motifs critiques

L'arret attaque condamne solidairement le demandeur au paiement des T.V.A.figurant sur les contraintes, articles de CTRI nDEG 308/1124/20304 et309/1127/46948, en application de l'article 93undecies C du Code de laT.V.A., à concurrence des montants de T.V.A. et interets suivants :

Article CTRI nDEG 308.1124.20304

- à titre de T.V.A. 89.157,64 euros 4eme feuillet

- à titre d'interets 5.705,60 euros (calcules jusqu'au 20/11/2011)

Article CTRI nDEG 309.1127.46948

- à titre de T.V.A. 40.120,54 euros

- à titre d'interets 8.758,80 euros (calcules jusqu'au 20/11/2011)

montants majores des interets de retard à calculer à partir du21/11/2011 conformement à l'article 91, S: 1er du Code de la T.V.A. et lecondamne aux frais et depens des deux instances.

L'arret fonde sa decision sur les motifs qu'il indique sous le titre III« Fondement de l'appel - Discussion » (pp. 5 à 9), consideres ici commeintegralement reproduits, et plus particulierement sur les considerationssuivantes:

« Les procedures de reorganisation judiciaire, de faillite ou dedissolution judiciaire ont pour effet d'ecarter la presomption prevue àl'article 93undecies C S: 2 du Code de la T.V.A., meme si leur ouvertureest posterieure à l'introduction de l'action en responsabilite dirigeecontre les organes de la societe (...).

Cette « exception » à la presomption de faute instituee par l'article93undecies C du Code de la T.V.A. ne signifie toutefois pas que laresponsabilite pour dettes fiscales impayees tombe automatiquement en casde reorganisation judiciaire, de faillite ou de dissolution judiciaire dela societe debitrice (...).

En pareil cas, la presomption ne peut etre ecartee que « lorsque lenon-paiement de la dette T.V.A. provient de difficultes financieres quiont donne lieu à l'ouverture de la procedure de reorganisationjudiciaire, de faillite ou de dissolution judiciaire ».

Il appartient ainsi au dirigeant d'etablir, non pas l'existence dedifficultes financieres ayant donne lieu à l'ouverture de la procedure,lesquelles sont necessairement presentes en cas de reorganisationjudiciaire ou de faillite, mais que le defaut de paiement de la T.V.A.provient de ces difficultes financieres.

A cet egard, c'est à tort que les premiers juges ont ecarte lapresomption de l'article 93undecies C S: 2 du Code de la T.V.A. au seulmotif que la faillite de la societe etait due à des difficultesfinancieres alors qu'il convenait egalement d'examiner si le defaut depaiement des dettes fiscales provenait des difficultes qui ont donne lieuà la faillite. 5eme feuillet

Comme dejà expose ci-avant, les dettes fiscales dont (le defendeur)reclame le paiement (au demandeur), sur base de la responsabilitesolidaire prevue par l'article 93undecies C du Code de la T.V.A.,representent des T.V.A. et des interets resultant, d'une part, d'un relevede regularisation signe pour accord le 4 novembre 2008, portant sur desinfractions commises en 2005 et 2006 et, d'autre part, d'un compte specialrelatif au non-paiement des taxes dues sur les declarations des deuxiemeet troisieme trimestres 2009.

L'anciennete de la periode litigieuse par rapport à la date de ladeclaration de faillite, le 31 octobre 2011, soit deux à trois ans apresla naissance des dettes T.V.A., suffit à demontrer que le defaut depaiement ne resulte pas des difficultes financieres qui ont donne lieu àl'ouverture de la procedure de faillite (...).

Il en est d'autant plus ainsi qu'il s'agit de taxes qui, en regle sontsupportees par les beneficiaires des livraisons de biens ou desprestations de services, pour etre ensuite reversees au Tresor parl'assujetti.

(Le demandeur) ne produit aucune decision judiciaire qui aurait fixe ladate de cessation des paiements à une date anterieure à celle de ladeclaration de faillite, soit le 31 octobre 2011.

(Le defendeur) fait valoir, à juste titre, que les difficultesfinancieres rencontrees par la S.A. Standing Clothes ne peuvents'expliquer par un redressement de T.V.A. en 2008, portant sur les annees2005 et 2006, demeure impaye, puisqu'un tel redressement constitue laconsequence d'un manquement par l'assujetti de ses obligations fiscales.

(Le demandeur) ne soutient nullement qu'une circonstance malheureuse,telle la faillite d'un ou plusieurs de ses principaux clients ou le defautde paiement d'une creance importante, aurait entraine des difficultes depaiement dans le chef de la societe, dejà en 2008 et 2009, et auraitjustifie le defaut de paiement de ses dettes fiscales en raison d'undeficit de tresorerie.

Il ne demontre pas davantage que sa situation etait oberee durant lesannees 2008 et 2009 au point de justifier le non-paiement des dettesfiscales T.V.A. de la societe et aurait entraine la faillite de celle-ciplusieurs annees plus tard, soit à la fin de l'annee 2011.

La cour releve, à la consultation des comptes annuels de la S.A. StandingClothes clotures au 31 decembre 2008 et 31 decembre 2009, que le chiffred'affaires de la societe à la fin de ces exercices comptables s'elevait6eme feuillet

respectivement à 1.155.404 euros et 944.338 euros, ce qui devait luipermettre de faire face à ses obligations fiscales.

En sa qualite de dirigeant de la S.A. Standing Clothes, (le demandeur) aainsi choisi d'utiliser à d'autres fins les fonds revenant de droit (audefendeur), alors qu'il n'est pas etabli que la societe se trouvait dejàdans des difficultes financieres, creant de la sorte, par cette faute degestion, une apparence trompeuse de credit.

Au sujet de ce qui precede, il a ete juge à bon droit par la Cour d'appelde Liege, dans un arret du 16 fevrier 2012, que : « La T.V.A. estcalculee sur le chiffre d'affaire de la societe et supportee par leconsommateur final qui s'est acquitte de la taxe en payant sesconsommations, ses lec,ons d'equitation ou la location d'un box. Quellesque soient les activites envisagees, les intimes ont du encaisserimmediatement la T.V.A. pour compte de la societe qui devait la conserveret s'acquitter de ses obligations envers l'appelant. La situation auraitete differente si la societe avait du faire face à des clientsinsolvables auxquels elle avait precedemment facture des livraisons debiens ou des prestations de services avec application de la T.V.A., ce quin'est pas le cas en l'espece. En choisissant d'utiliser à d'autres finsces fonds qui revenaient de droit à l'appelant, les intimes ne peuventpretendre ne pas avoir commis de faute de gestion » (...).

Il resulte de la lecture combinee des S:S: 1er et 2 de l'article93undecies C du Code de la TVA que la presomption porte tant sur la fautedu dirigeant que sur le lien causal entre la faute et le dommage (...).

Ainsi, des que les conditions d'application de la presomption de l'article93undecies C du Code de la T.V.A. sont reunies, l'administration n'a plusà demontrer la faute et le lien de causalite avec le dommage, ceux-cietant presumes.

En consequence, à defaut pour (le demandeur) de demontrer que le defautde paiement des arrieres de T.V.A. de la societe, dont l'origine remontepour partie aux annees 2005 et 2006, provient de difficultes financieresqui ont abouti à la faillite à la fin de l'annee 2011, il doit etredeclare solidairement responsable du manquement de la S.A. StandingClothes à son obligation d'acquitter ses dettes T.V.A.

Le dommage est certain des lors qu'il est constant que les T.V.A. et lesinterets dus sur les articles litigieux n'ont pas ete payes au Tresorpublic (...). 7eme feuillet

Il convient donc de reformer le jugement entrepris et de declarer (ledemandeur) solidairement tenu au paiement des contraintes T.V.A., articlesde CTRI nDEG 308/1124/20304 et 309/1127/46948, en application de l'article93undecies C du Code de la T.V.A., à concurrence des montants de T.V.A.et interets suivants :

Article CTRI nDEG 308.1124.20304

- à titre de T.V.A. 89.157,64 euros

- à titre d'interets 5.705,60 euros (calcules jusqu'au 20/11/2011)

Article CTRI nDEG 309.1127.46948

- à titre de T.V.A. 40.120,54 euros

- à titre d'interets 8.758,80 euros (calcules jusqu'au 20/11/2011)

à majorer des interets de retard à calculer à partir du 21/11/2011conformement à l'article 91, S: 1er du Code de la T.V.A. » (pp. 6 à 9).

Griefs

Premiere branche

1. L'article 93undecies C du Code de la taxe sur la valeur ajouteeinstaure une responsabilite solidaire des dirigeants en cas denon-paiement des dettes en matiere de taxe sur la valeur ajoutee de lasociete.

En vertu du paragraphe 1er de cette disposition, les dirigeants charges dela gestion journaliere de la societe sont solidairement responsables dumanquement si celui-ci est imputable à une faute, au sens de l'article1382 du Code civil, qu'ils ont commise dans la gestion de la societe.

En vertu du paragraphe 2 de cette disposition, le non-paiement repete parla societe de la dette d'impot susvisee est, sauf preuve du contraire,presume resulter de cette faute.

Le paragraphe 3 de cette disposition dispose qu'il n'y a pas presomptionde faute lorsque le non-paiement provient de difficultes financieres quiont donne lieu notamment à l'ouverture de la procedure de faillite.

2. L'article 1315 du Code civil dispose, en son premier alinea, que celuiqui reclame l'execution d'une obligation doit la prouver et, en son second8eme feuillet

alinea, que, reciproquement, celui qui se pretend libere doit justifier lepaiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

L'article 870 du Code judiciaire generalise la regle consacree parl'article 1315.

3. Il resulte de ces dispositions que l'administration qui se prevaut dela presomption de faute prevue à l'article 93undecies C, S: 2, du Code dela taxe sur la valeur ajoutee doit demontrer que les conditionsd'application de la presomption sont reunies, à savoir que lenon-paiement ne resulte pas de difficultes financieres de la societe quiont donne lieu notamment à l'ouverture de la procedure de faillite.

4. D'ou il suit qu'en decidant qu' « il appartient au dirigeant d'etablir(...) que le defaut de paiement de la T.V.A. provient de ces difficultesfinancieres » et en refusant d'ecarter la presomption de fauteconsiderant que le demandeur ne demontre pas que le defaut de paiement desarrieres de TVA de la societe, dont l'origine remonte pour partie auxannees 2005 et 2006, provient de difficultes financieres qui ont abouti àla faillite à la fin de l'annee 2011, l'arret attaque :

- renverse illegalement la charge de la preuve (violation des articles1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire) ;

- et, en consequence, ne justifie pas legalement sa decision declarant ledemandeur solidairement responsable du manquement de la S.A. StandingClothes à son obligation d'acquitter ses dettes T.V.A. (violation del'article 93undecies C du Code de la taxe sur la valeur ajoutee).

Deuxieme branche

1. En vertu de l'article 93undecies C, S:S: 1er et 2, du Code de la taxesur la valeur ajoutee, les dirigeants charges de la gestion journaliere dela societe sont solidairement responsables du manquement si celui-ci estimputable à une faute, au sens de l'article 1382 du Code civil, qu'ilsont commise dans la gestion de la societe et le non-paiement repete par lasociete de la dette d'impot susvisee est, sauf preuve du contraire,presume resulter de cette faute.

Il suit des termes de ces dispositions que la presomption porte uniquementsur l'existence d'une faute dans le chef des dirigeants en cas de nonpaiement repete de la taxe sur la valeur ajoutee, mais pas sur l'existenced'un lien de causalite entre la faute et le dommage. 9eme feuillet

2. D'ou il suit qu'en decidant que « la presomption porte tant sur lafaute du dirigeant que sur le lien causal entre la faute et le dommage »,en sorte que « des que les conditions d'application de la presomption del'article 93undecies C du Code de la T.V.A. sont reunies, l'administrationn'a plus à demontrer la faute et le lien de causalite avec le dommage,ceux-ci etant presumes », l'arret attaque

- meconnait la portee de la presomption legale de faute prevue àl'article 93undecies C, S: 2, du Code de la taxe sur la valeur ajoutee quiporte uniquement sur l'existence d'une faute dans le chef des dirigeantsen cas de non paiement repete de la taxe sur la valeur ajoutee (violationdes articles 1382 et 1383 du Code civil et 93undecies C, S: 2, du Code dela taxe sur la valeur ajoutee) ;

- et, en consequence, ne justifie pas legalement sa decision declarant ledemandeur solidairement responsable du manquement de la S.A. StandingClothes à son obligation d'acquitter ses dettes T.V.A. (violation del'article 93undecies C du Code du 3 juillet 1969 de la taxe sur la valeurajoutee).

Troisieme branche

1. En vertu de l'article 149 de la Constitution, tout jugement est motive.N'est pas regulierement motivee la decision qui laisse sans reponse unedefense regulierement proposee en conclusions.

2. Le demandeur faisait valoir, en termes de conclusions, ce qui suit :

« 3.1. A titre liminaire : Caractere subsidiaire de l'article 93undeciesC du Code de la TVA

1.

Attendu que l'article 93undecies du Code de la TVA sur lequel le demandeurfonde son action a un caractere subsidiaire.

Qu'en effet, ce n'est que dans l'hypothese ou le demandeur ne parvient pasà recuperer sa creance aupres de son debiteur principal, la SA StandingClothes, que l'action a de la pertinence à l'egard du delegue à lagestion journaliere.

Que dans cette perspective, il appartenait au demandeur d'agir àl'encontre de la SA Standing Clothes. 10eme feuillet

Que le demandeur a denonce l'accord amiable le 14 decembre 2010.

Qu'aucune mesure ne semble avoir ete prise par le demandeur pour tenter derecuperer sa creance à l'egard de son debiteur principal, à savoir la SAStanding Clothes.

Que dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire application del'article 93undecies du Code de la TVA et de dire la demande non fondee.

Que des lors, la condition prevue à l'article 93undecies du Code de laTVA, à savoir le manquement par la personne morale de son obligation depaiement de la TVA, des interets et des frais accessoires n'est pasrencontree.

Que les montants suivants ont notamment ete payes depuis le mois dedecembre 2010 :

- decembre 2010 : 13.807,93 EUR

- janvier 2011 : 5000 EUR

- fevrier 2011 : 15.000 EUR

- mars 2011 : 15.000 EUR

- avril 2011 : 23.367,98 EUR

- mai 2011 : 15.000 EUR

- juin 2011 : 9.860,88 EUR

- juillet 2011 : 10.000 EUR

Qu'en outre le concluant depose en piece 7 le detail de tous les paiementseffectues depuis le 4eme trimestre 2009 jusque juillet 2011.

Que les montants verses sont plus importants que les 38.000 EUR vantes parla TVA en termes de conclusions.

Qu'en termes de conclusions, la partie demanderesse reconnait elle-memequ'un montant de pres de 40.000 EUR a ete verse en faveur de la recette dela TVA.

Que les arguments vantes en termes de citation (point 5) et de conclusions(page 12) par l'Etat belge pour justifier de la reunion des conditionsprevues à l'article 93undecies C du Code de la TVA ne sont pas fondes,dans la mesure ou les paiements des trimestres ont ete effectues.

2.

Attendu qu'en page 9 de ses conclusions de premiere instance,l'administration de la TVA pretend qu'elle ne pouvait agir à l'encontrede la SA Standing Clothes en raison de l'application de l'article 30 de laloi du 31 janvier 2009 relatif à la 11eme feuillet

continuite des entreprises en vertu duquel toutes les mesures d'executionsont stoppees devaient etre suspendues.

Que cependant, l'Administration de la TVA reconnait elle-meme qu'elledenonce l'accord amiable le 14 decembre 2010 :

- des le moment ou l'accord amiable etait denonce, elle avait toutelatitude pour agir à nouveau à l'encontre de son seul et unique debiteurprincipal, à savoir la SA Standing Clothes.

Que le demandeur au principal n'a rien fait.

Que l'Administration de la TVA pouvait effectuer une saisie ou une vented'objets saisis le cas echeant.

3.

Attendu que le tribunal de commerce de Mons a estime dans le cas d'espece,à l'instar de ce qu'avait soutenu l'Etat Belge, qu'une execution forceeà charge de la SA Standing Clothes n'aurait fait qu'anticiper la faillitede la societe.

Que dans le cas d'espece, l'absence d'execution contre la SA StandingClothes n'etait pas un motif pour rejeter la demande de l'Etat Belge »(conclusions additionnelles et de synthese d'appel du demandeur, p. 8-10).

Le demandeur invoquait ainsi le caractere subsidiaire de l'article93undecies C du Code de la taxe sur la valeur ajoutee et reprochait audefendeur de ne pas avoir entame l'execution forcee contre la societeavant la faillite.

2. L'arret attaque laisse sans reponse ce moyen formule par le demandeurdans ses conclusions d'appel.

Il n'est des lors pas regulierement motive et viole, de ce chef, l'article149 de la Constitution. 12eme feuillet

Developpements du moyen unique de cassation

1. L'article 93undecies C du Code de la taxe sur la valeur ajouteeinstaure une responsabilite solidaire des dirigeants en cas denon-paiement des dettes en matiere de taxe sur la valeur ajoutee de lasociete.

La responsabilite encourue par les dirigeants est une responsabilite pourfaute : le texte requiert explicitement l'existence, dans leur chef, d'unefaute au sens de l'article 1382 du Code civil commise dans la gestion dela societe ou de la personne morale (art. 93undecies C, S: 1, du Code dela taxe sur la valeur ajoutee).

Le legislateur a toutefois introduit dans l'article 93undecies C, S: 2, duCode de la taxe sur la valeur ajoutee une presomption de faute refragabledans le chef des dirigeants en cas de « non-paiement repete » de laT.V.A.

La presomption de faute ne s'applique toutefois pas « lorsque lenon-paiement provient de difficultes financieres qui ont donne lieu àl'ouverture de la procedure (...) de faillite (...) » (art. 93undecies C,S: 3 du Code de la taxe sur la valeur ajoutee).

2. La premiere branche du moyen critique l'arret attaque en ce qu'ilimpose au demandeur la charge de prouver que le defaut de paiement desarrieres de T.V.A. de la societe, dont l'origine remonte pour partie auxannees 2005 et 2006, provient de difficultes financieres qui ont abouti àla faillite à la fin de l'annee 2011.

Or, c'est à l'administration qui se prevaut de la presomption de fauteprevue à l'article 93undecies C, S: 2 du Code de la taxe sur la valeurajoutee de demontrer que les conditions d'application de la presomptionsont reunies, à savoir que le non-paiement ne resulte pas de difficultesfinancieres de la societe qui ont abouti à la faillite (voy. en ce sens,T. Afschrift, « Les dispositions fiscales des lois du 20 juillet 2006(premiere partie). Responsabilite des dirigeants pour certaines dettesfiscales de la societe et obligation solidaire de paiement dans certainscas de fraude à la T.V.A. », J.T. 2006, p. 735 et 736 ; S. Vertommen, «Les gerants d'une societe peuvent-ils etre tenus pour responsables, envertu de l'article 93undeciesC du CTVA, de la taxe restant due par leursociete en faillite ? », Cour. Fisc. 2011, 446-448 ; A. Jansen, «Responsabilite des dirigeants de societes à l'egard de l'Administrationfiscale (loi-programme du 20 juillet 2006) : l'Administration ouvre le feu! », D.A.O.R. 2010, nDEG 94, 198-199 ; D. Deschrijver, « Enkelevraagpunten met betrekking tot het nieuwe stelsel inzake de 13eme feuillet

aansprakelijkheid van bestuurders in fiscale zaken », R.G.C.F. 2008, nDEG3, 202-203 ; D. Deschrijver, "Door een vennootschap of een vzw onbetaaldgebleven bedrijfsvoorheffing en/of btw - Aspecten van de persoonlijkeaansprakelijkheid van bestuurders na de programmawet van 20 juli 2006",T.R.V. 2007, 101-102 ; S. De Geyter, "Bestuurdersaansprakelijkheid vooronbetaalde bedrijfsvoorheffing, btw en socialezekerheidsbijdragen : deProgrammawet van 20 juli 2006", Acc. Bedr., 2007, liv. 3, 18-25).

Contraindre les dirigeants à etablir que l'absence de paiement de laT.V.A. est du aux difficultes financieres ayant conduit à la faillitereviendrait en pratique à les obliger à faire la preuve qu'ils n'ontcommis aucune faute. Or, un texte legal doit toujours etre interpreted'une maniere permettant de lui donner quelque effet.

3. La deuxieme branche du moyen critique l'arret attaque en ce qu'ilconsidere que la presomption de faute prevue à l'article 93undecies C, S:2 du Code de la taxe sur la valeur ajoutee porte tant sur la faute dudirigeant que sur le lien causal entre la faute et le dommage.

Si le legislateur avait voulu inclure le lien de causalite dans lapresomption, il aurait du ecrire clairement que le dommage du fisc estpresume resulter d'une faute dans le chef du dirigeant. En l'absenced'intention claire du legislateur, le texte doit etre interprete en faveurdu contribuable et la portee de la presomption doit etre limitee à lafaute. L'administration devra alors demontrer que la faute du dirigeant acontribue au non-paiement de la dette fiscale (Voy. en ce sens, J.-P.Bours et X. Pace, « La responsabilite des dirigeants de societes oud'associations vis-à-vis de l'Administration fiscale », C&FP 2008, nDEG4, 175-176 ; J. Goffin et G. de Sauvage, « La responsabilite civile desdirigeants de societe en matiere fiscale », R.G.C.F., 2008, liv. 5,375-376 ; M. De Roeck, « Verzwaarde persoonlijke aansprakelijkheid vanbestuurders - De Programmawet van 20 juli 2006 », T. Fin. R., 2008, nDEG1, 4-19 ; T. Afschrift, « Les dispositions fiscales des lois du 20juillet 2006 (premiere partie) - Responsabilite des dirigeants pourcertaines dettes fiscales de la societe et obligation solidaire depaiement dans certains cas de fraude à la T.V.A. », J.T. 2006, nDEG6245, 736 ; J. Bekaert, « De nieuwe bestuurdersaansprakelijkheid voorfiscale schulden : slapeloze nachten voor de bestuurders of much ado aboutnothing ? », R.W. 2006-07, nDEG 43, 1753 ; A. Jansen, « Responsabilitedes dirigeants de societes à l'egard de l'Administration fiscale(loi-programme du 20 juillet 2006) : l'Administration ouvre le feu ! »,D.A.O.R. 2010, nDEG 94, 204). 14eme feuillet

Cette position est d'ailleurs confirmee par les travaux preparatoires quimentionnent que la seule nouveaute de la loi consiste dans l'introductionde la presomption de faute (Doc. Parl., Chambre 2005-2006, 51, nDEG2517/012, 18).

En outre, la loi deroge au droit commun et est donc de stricteinterpretation (Voy. sur ce principe not. Cass. 18 decembre 2006, Pas.2006, nDEG 658).

4. La troisieme branche du moyen souligne que l'arret attaque omet derepondre aux conclusions du demandeur relatives au caractere subsidiairede l'article 93undecies C du Code de la taxe sur la valeur ajoutee etn'est, des lors, pas regulierement motive.

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocat à la Cour de cassation soussigne, pour le demandeur encassation, conclut, Messieurs, Mesdames, qu'il vous plaise, recevant lepourvoi, casser l'arret attaque, ordonner que mention de votre arret soitfaite en marge de l'arret casse, statuer comme de droit sur les depens etrenvoyer la cause devant une autre cour d'appel.

Bruxelles, 9 juillet 2015

Pour le demandeur en cassation,

son conseil,

Paul Alain Foriers

Piece jointe :

1. Copie de l'exploit de signification de l'arret attaque comportantelection de domicile.

2. Il sera joint à la presente requete en cassation, lors de son depot augreffe de la Cour, l'original de l'exploit constatant sa signification àla partie defenderesse en cassation.

11 MARS 2016 F.15.0118.F/1

Requete/14


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.15.0118.F
Date de la décision : 11/03/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-03-11;f.15.0118.f ?
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