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08/04/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0382.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 avril 2016, C.15.0382.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0382.F

F. F.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Montagne, 11, ou il est faitelection de domicile,

contre

C. C.,

defendeur en cassation,

en presence de

J. N. L.,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 31 mars2015 par le tribunal de premiere instance fr

ancophone de Bruxelles,statuant en degre d'appel.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0382.F

F. F.,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Montagne, 11, ou il est faitelection de domicile,

contre

C. C.,

defendeur en cassation,

en presence de

J. N. L.,

partie appelee en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 31 mars2015 par le tribunal de premiere instance francophone de Bruxelles,statuant en degre d'appel.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

1. Dans la mesure ou il invoque la violation de l'article 740 du Codejudiciaire, qui concerne la communication des memoires, notes et pieces àla partie adverse, le moyen, qui reproche au jugement attaque de ne pasecarter des debats des conclusions tardivement deposees au greffe, estetranger à cette disposition legale et est, partant, irrecevable.

2. Il ressort des pieces de la procedure que :

- par une ordonnance de mise en etat du 15 avril 2010, le tribunal a fixepour le defendeur comme dates ultimes pour deposer des conclusions augreffe le 20 mars 2011 pour ses « conclusions principales », le 20 juin2011 pour ses « conclusions additionnelles » et le 20 juillet 2011 pourses « ultimes repliques » ;

- le defendeur a depose le 21 mars 2011 des « conclusions » au greffe.

En considerant que le defendeur « disposait de plusieurs delaisposterieurs au 20 mars 2011 pour deposer des conclusions additionnelles etde synthese » et qu'« au regard des autres delais, les (seules)conclusions qu'il a deposees ne sont pas tardives », le jugement attaquene donne ni de l'ordonnance du 15 avril 2010 ni des conclusions dudefendeur deposees le 21 mars 2011 une interpretation inconciliable avecleurs termes.

Dans cette mesure, le moyen manque en fait.

3. Lorsque le juge fixe des delais pour conclure conformement à l'article747, S: 2, du Code judiciaire, les conclusions deposees au greffe apresl'expiration des delais determines sont d'office ecartees des debats.

L'economie de cette disposition n'est pas de priver necessairement lapartie qui neglige de deposer des conclusions dans le delai ainsi fixe dudroit de deposer des conclusions dans un delai ulterieur.

Toutefois, à la demande d'une autre partie, le juge peut sanctionner uncomportement procedural deloyal et, par ce motif, ecarter des conclusionsdes debats.

En considerant que « [le defendeur] disposait de plusieurs delaisposterieurs au 20 mars 2011 pour deposer des conclusions additionnelles etde synthese » et qu'« au regard de ces autres delais, les (seules)conclusions qu'il a deposees [le 21 mars 2011] ne sont pas tardives ;qu'en outre, en les deposant, [le defendeur] n'a pas fait preuve d'uncomportement procedural deloyal de nature à surprendre [la demanderesse],etant donne que [celle-ci] disposait, elle-meme, de delais ulterieurs poury repondre, qu'elle a d'ailleurs utilises en deposant des conclusionsadditionnelles et de synthese le 20 avril 2011 », le jugement attaquejustifie legalement sa decision de ne pas ecarter des debats lesconclusions litigieuses et les pieces qui y sont visees.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur la demande en declaration d'arret commun :

Le rejet du pourvoi prive d'interet la demande en declaration d'arretcommun.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de six cent douze euros quarante-cinqcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersMartine Regout, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du huit avril deux mille seize par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| M. Lemal | M. Regout | Chr. Storck |
+----------------------------------------------+

Requete

REQUETE EN CASSATION

Pour : Madame F. F.,

Demanderesse en cassation,

Assistee et representee par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour decassation, dont les bureaux sont etablis à 1000 Bruxelles, Central Plaza,rue de Loxum, 25, ou il est fait election de domicile.

Contre : Monsieur C. C.,

Defendeur en cassation,

En presence de : Madame J. N. L.,

Partie appelee en declaration d'arret commun.

* *

*

A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation,

Mesdames,

Messieurs,

La demanderesse à l'honneur de soumettre à votre censure le jugementrendu contradictoirement entre parties, le 31 mars 2015 par la 77emechambre du Tribunal de premiere instance francophone de Bruxelles (R.G.nDEG 09/10392/A).

Faits de la cause et antecedents de la procedure

1. Par convention signee le 29 mars 2002, le defendeur a donne enlocation à la demanderesse, dans le cadre d'un bail de residenceprincipale, un appartement au troisieme etage d'un immeuble sis rue... à ... Le bail, consenti pour une duree de trois ans, debutait le1er mai 2002. Le loyer etait fixe à EUR 340 par mois. Une garantielocative de EUR 1.020 devait etre constituee par le preneur. L'article13 du bail prevoyait que le bien ne pouvait etre sous-loue et lesdroits sur le bien ne pouvaient etre cedes qu'avec l'accord ecritprealable du bailleur. L'article 14 disposait: « Le preneur declareelire domicile dans l'appartement loue pendant toute la duree du bail.Il en sera de meme pour toutes les suites du bail, meme apres qu'ilaura quitte les lieux s'il n'a pas notifie au bailleur l'existenced'un nouveau domicile en Belgique (...) ».

Un etat des lieux d'entree a ete etabli entre parties le 2 mai 2002.

Par convention signee le 25 mars 2003, la demanderesse a cede le bail àMme N. L. « à partir du 1/4/2003 ».

Par courrier recommande du 15 avril 2003 envoye à l'adresse des lieuxloues, le defendeur a ecrit à la demanderesse en ces termes: « Nousvenons de recevoir votre convention de cession de bail de votreappartement. (...) Veuillez nous faire parvenir copie de la carted'identite de la cessionnaire etant donne que son adresse,.... ne sont pasmentionnes. De meme, veuillez nous indiquer votre nouvelle adresse.Rappelons que vous avez fait, vous-meme, la cession et choisi lacessionnaire; vous rester [sic] solidaire du bail et de toutes sesobligations,... pendant tout la duree de celui-ci (...) ».

Par courrier recommande du 7 juillet 2003 envoye à l'adresse des lieuxloues, le defendeur a ecrit, à nouveau, à la demanderesse, precisant: «A ce jour, vous n'avez toujours pas respecte les conditions de location etavez cede le bail (sous votre propre responsabilite) sans respecter lesregles. Nous n'avons toujours pas la garantie locative de la personne quevous avez installe dans l'appartement que vous occupiez rue ... Nousn'avons toujours pas l'identite complete de la personne (copie CI). Vousrefusez de nous donner votre nouvelle adresse! (...) La personne quioccupe l'appartement a cause des degats importants (...). Ils ont peint lavolee d'escalier interieur (à l'appartement) en couleur orange « splitee», par à coup et sans mettre de protection au sol!!! Le sol est maculede taches,... Les frais vont etre enormes. Par la presente, nous vousmettons en demeure (comme responsable) de: (...) nous verser les loyers dejuin et juillet 2003 (...) ».

Par courrier du 30 juillet 2003 (toujours envoye à l'adresse des lieuxloues), le conseil du defendeur a mis la demanderesse en demeure d'honorer(notamment) les loyers de juin et juillet et la consommation d'eau.

Par courrier du 1er aout 2003, la demanderesse a ecrit au defendeur afinde l'inviter à debloquer en sa faveur la garantie locative qu'elle avaitconstituee (sous deduction de la facture d'eau d'environ EUR 170). Elle ymentionne sa nouvelle adresse.

Par courrier du 22 aout 2003 (envoye à la nouvelle adresse de lademanderesse), le conseil du defendeur a, à nouveau, mis l'interessee endemeure de payer les arrieres de loyers et precise: « (...) La procedureest engagee devant Mme le Juge de Paix du canton d'Ixelles qui a fixel'affaire à son audience du 18 septembre prochain conformement à laconvocation que je joins à la presente. S'il est exact que vous avez cedevotre bail, il n'en reste pas moins que vous rester [sic] solidairementresponsable avec Mme N.. Dans ces conditions, il est hors de question deliberer la garantie locative puisqu'aussi bien Mme N. n'en a pas constituede nouvelle (...) ».

Le defendeur, la demanderesse et Mme N. L. ont comparu à l'audience deconciliation du 18 septembre 2003 à laquelle le Juge de Paix a actel'accord suivant: « Mme N. quittera les lieux pour le 30.09.03 au plustard. Le bail est donc resilie à cette date, tous droits des partiesrestant saufs. Mme F. refuse de signer. »

2. Par requete unilaterale deposee le 5 novembre 2003, le defendeur asollicite du Juge de Paix la designation d'un expert pour evaluer lesdegats locatifs.

Par ordonnance du 13 novembre 2003, le Juge de Paix, statuant sur larequete unilaterale deposee par le defendeur, a designe l'expert T. pourevaluer les degats locatifs.

L'expert T. a conclu son rapport le 17 novembre 2004, evaluant le montantdes degats locatifs à EUR 2.626,68 (dont EUR 2.043 de frais depeinture-tapissage et EUR 180 de frais d'evacuation des decombres et denettoyage) et estimant la duree des travaux de remise en etat à 15 joursouvrables.

Par jugement du 14 novembre 2006 (qui n'avait pas ete produit dans laprocedure en degre d'appel), le Juge de Paix, saisi par la demanderessedans le cadre d'une autre cause, a ordonne en faveur de l'interessee laliberation de la garantie locative constituee relativement aux lieuxlitigieux (qui s'elevait alors à EUR 1.101,50).

3. L'action principale originaire, mue par le defendeur par citation du10 novembre 2003, tendait à entendre condamner la demanderesse et MmeN. L. au paiement du montant de EUR 2.213, 48, d'une indemnite derelocation de EUR 1.020, prononcer la resolution du bail conclu entreparties aux torts de la demanderesse et Mme N. L. avec lesconsequences qui s'y attachaient et à condamner la demanderesse etMme N. L. aux interets judiciaires et aux depens de l'instance, en cecompris l'indemnite de procedure.

Dans son jugement du 9 aout 2005, le juge de paix d'Ixelles a declare lademande recevable mais non fondee telle que dirigee contre lademanderesse.

4. En degre d'appel, le defendeur a demande au tribunal de condamnersolidairement la demanderesse et Mme N. L. à lui payer les montantsde EUR 1.360 à titre d'arrieres de loyers, de EUR 680 à titred'indemnite d'occupation, de EUR 173, 48 à titre de consommationd'eau et de EUR 2.626,68 à titre de degats locatifs, à majorer desdepens des deux instances, en ce compris les frais et honoraires del'expert judiciaire. S'agissant des degats locatifs, la demandeconstituait une demande nouvelle en degre d'appel.

Par ordonnance du 15 avril 2010, le tribunal a fixe les delais pourconclure du defendeur le 20 mars 2011, le 20 juin 2011 et le 20 juillet2011.

Le tribunal a, par le jugement attaque, decide que les conclusions et lespieces du defendeur ne devaient pas etre ecartees des debats et a ensuitedit recevable et partiellement fonde l'appel du defendeur, a declare lademande originaire contre la demanderesse fondee et a condamne lademanderesse (solidairement avec Mme N. L.) à payer au defendeur lesmontants de EUR 1.360 à titres d'arrieres de loyers, de EUR 173,48 àtitre de consommation d'eau, à majorer des depens de premiere instanceevalues à EUR 379,19, a declare la demande nouvelle du defendeurrecevable et fondee et a condamne la demanderesse (solidairement avec MmeN. L.) à payer au defendeur le montant de EUR 2.626, 68, à titre dedegats locatifs, ainsi qu' à payer les depens d'appel, evalues à EUR 82concernant la requete d'appel, EUR 650 en tant qu' indemnite de procedureet EUR 1.133, 13 en frais d'expertise..

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions legales violees

* Articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil

* Articles 740 et 747, S: 2 et, pour autant que de besoin, 860 et 861 duCode judiciaire

Decision attaquee

Le jugement attaque apres avoir decide de ne pas ecarter des debats ni lesconclusions deposees par le defendeur le 21 mars 2011 ni les pieces yvisees communiquees le meme jour, condamne la demanderesse (solidairementavec Mme N. L.) à payer au defendeur les montants de EUR 1.360 à titred'arrieres de loyers, de EUR 173,48 à titre de consommation d'eau, àmajorer des depens de premiere instance evalues à EUR 379,19, et lemontant de EUR 2.626, 68, à titre de degats locatifs, ainsi qu' à payerles depens d'appel, evalues à EUR 82 concernant la requete d'appel,EUR 650 en tant qu' indemnite de procedure et EUR 1.133, 13 en fraisd'expertise, notamment sur la base des motifs suivants (jugement attaque,p. 3-4) :

« I. Mise en etat

Bien que cette demande ne figure pas dans le dispositif de sesconclusions, [la demanderesse] sollicite dans le corps de celles-ci (page6) l'ecartement des conclusions et « nouvelles pieces » deposees par [ledefendeur].

Le tribunal constate que ces conclusions ont ete deposees (et les pieces yvisees manifestement communiquees) en date du 21 mars 2011, alors que lapremiere ordonnance rendue sur pied de l'article 747 S:2 du Codejudiciaire prevoyait le depot et la communication des conclusionsprincipales [du defendeur] pour le 20 mars 2011 au plus tard.

Il convient, toutefois, de rappeler que la Cour de cassation a eul'occasion de preciser, dans son arret du 4 decembre 2008, que : «Lorsque le juge fixe les delais pour conclure conformement à l'article747, S: 2 du Code judiciaire, les conclusions communiquees apresl'expiration des delais determines sont d'office ecartees des debats.L'economie de cette disposition n'est pas de priver necessairement lapartie qui neglige de deposer des conclusions dans le delai ainsi fixe dudroit de deposer des conclusions dans un delai ulterieur. Toutefois, à lademande d'une autre partie, le juge peut sanctionner un comportementprocedural deloyal et, par ce motif, ecarter des conclusions des debats.En revanche, il ne ressort ni de cet article ni du principe general dudroit relatif au respect des droits de la defense que les conclusionsposterieures à celles qui ont ete ecartees comme tardives sur la base del'article 747, S:2, du Code judiciaire devraient en principe etre ecarteesdes debats sauf à etablir que la partie beneficiant de cette regle s'enprevaut pour surprendre son adversaire en s'arrogeant une positionmeconnaissant les droits de la defense de ce dernier (...) ».

Or, en l'espece, [le defendeur] disposait de plusieurs delais posterieursau 20 mars 2011 pour deposer des conclusions additionnelles et desynthese.

Au regard de ces autres delais, les (seules) conclusions qu'il a deposeesne sont donc pas tardives. En outre, en les deposant, [le defendeur] n'apas fait preuve d'un comportement procedural deloyal de nature àsurprendre son adversaire, etant donne que [la demanderesse] disposait,elle-meme, de delais ulterieurs pour y repondre, qu'elle a d'ailleursutilises en deposant des conclusions additionnelles et de synthese le 20avril 2011.

Rien ne justifie, partant, l'ecartement des debats des conclusionslitigieuses et des pieces qui y sont visees. »

En se fondant sur lesdites conclusions et pieces du defendeur, le jugementattaque a, sur la base des motifs enonces aux pages 4-5 et 7-11 dujugement attaque, dit recevable et partiellement fonde l'appel dudefendeur, a declare la demande originaire contre la demanderesse fondeeet a condamne la demanderesse (solidairement avec Mme N. L.) à payer audefendeur les montants de EUR 1.360 à titre d'arrieres de loyers, deEUR 173,48 à titre de consommation d'eau, à majorer des depens depremiere instance evalues à EUR 379,19, a declare la demande nouvelle dudefendeur recevable et fondee et a condamne la demanderesse (solidairementavec Mme N. L.) à payer au defendeur le montant de EUR 2.626, 68, àtitre de degats locatifs, ainsi qu' à payer les depens d'appel, evaluesà EUR 82 concernant la requete d'appel, EUR 650 en tant qu' indemnite deprocedure et EUR 1.133, 13 en frais d'expertise.

Griefs

1. Viole la foi due à un acte, le juge qui donne de cet acte uneinterpretation inconciliable avec ses termes. Ce faisant, le jugeviole les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

2. L'article 747, S: 2, alinea 6, premiere phrase, du Code Judiciaireprevoit que « sans prejudice de l'application des exceptions prevuesà l'article 748, S:S: 1er et 2, les conclusions qui sont remises augreffe ou envoyees à la partie adverse apres l'expiration des delaissont d'office ecartees des debats ». En vertu de cette disposition,les conclusions tardives sont d'office ecartees des debats etlorsqu'une partie demande au juge que des conclusions tardives soientecartees des debats, le juge ne peut proceder à l'appreciation del'interet de cette partie.

L'article 740 du Code Judiciaire prevoit par ailleurs que « tousmemoires, notes ou pieces non communiques au plus tard en meme temps queles conclusions ou, dans le cas de l'article 735, avant la cloture desdebats, sont ecartes d'office des debats. »

Les articles 860 (« Pas de nullite sans texte ») et 861 (« Pas denullite sans grief ») ne sont pas applicables à la sanction del'ecartement d'office de conclusions ou de pieces, laquelle constitue, eneffet, une sanction autonome.

3. Le jugement attaque (p. 3) a constate que les « conclusions » dudefendeur « ont ete deposees (et les pieces y visees manifestementcommuniquees) en date du 21 mars 2011, alors que la premiereordonnance rendue sur pied de l'article 747 S:2 du Code judiciaireprevoyait le depot et la communication des conclusions principales [dudefendeur] pour le 20 mars 2011 au plus tard ».

Il ressort par ailleurs des pieces auxquelles Votre Cour peut avoir egardque les conclusions deposees par le defendeur le 21 mars 2011 sontintitulees « conclusions » et que l'ordonnance de mise en etat et defixation du 15 avril 2010 avait fixe comme « dates imperatives decommunication à la partie adverse et de depot » pour le defendeur le 20mars 2011 au plus tard pour ses « conclusions principales », le 20 juin2011 au plus tard pour ses « conclusions additionnelles » et le 20juillet 2011 au plus tard pour ses « ultimes repliques ».

4. Le jugement n'a pas pu, sans violer la foi due aux conclusions dudefendeur deposees le 21 mars 2011 et à l'ordonnance de mise en etatet de fixation du 15 avril 2010, decider qu' « au regard de cesautres delais, les (seules) conclusions que [le defendeur] a deposeesne sont donc pas tardives » au motif que le defendeur « disposait deplusieurs delais posterieurs au 20 mars 2011 pour deposer desconclusions additionnelles et de synthese ».

Ce faisant, le jugement attaque a donne auxdites conclusions du defendeurdeposees le 21 mars 2011 et à ladite ordonnance une portee inconciliableavec leurs termes et a, partant, viole les articles 1319, 1320 et 1322 duCode civil.

5. En decidant qu' « en outre, en les deposant, [le defendeur] n'a pasfait preuve d'un comportement procedural deloyal de nature àsurprendre son adversaire, etant donne que [la demanderesse]disposait, elle-meme, de delais ulterieurs pour y repondre, qu'elle ad'ailleurs utilises en deposant des conclusions additionnelles et desynthese le 20 avril 2011 », le jugement attaque a par ailleurs illegalement procede à l'appreciation de l'interet de lademanderesse. Ce faisant, il a viole les articles 747, S:2, et, pourautant que de besoin, 860 et 861 du Code judiciaire.

En decidant que « Rien ne justifie, partant, l'ecartement des debats desconclusions litigieuses et des pieces qui y sont visees», le jugementattaque a, en consequence, viole l'ensemble des dispositions visees aumoyen.

DEVELOPPEMENTS

Lorsqu'une partie demande au juge que des conclusions tardives soientecartees des debats, le juge ne peut pas proceder à l'appreciation del'interet de cette partie (Voy. Cass., 12 fevrier 2009, C.070465.F).

Par cette demande d'ecartement des conclusions, cette partie n'invoque pasune exception de nullite soumise aux articles 860 et 861 du Codejudiciaire. Le juge ne peut donc pas apprecier l'existence ou non d'ungrief pour la partie que sollicite l'ecartement des conclusions niapprecier si cette partie dispose ou non d'une possibilite de replique auxconclusions tardives.

L'ecartement d'office des debats des conclusions est une sanction autonome(M. BAETENS-SPETSCHINSKY, « La mise en etat et les conclusions »,Actualites en droit judiciaire, CUP, Liege, Anthemis, 2010, p. 85-87).

Dans son arret du 4 decembre 2008 (C.07.0364.F.), auquel le jugementattaque se refere, votre Cour a d'abord rappele que « Lorsque le jugefixe les delais pour conclure conformement à l'article 747, S: 2, du CodeJudiciaire, les conclusions communiquees apres l'expiration des delaisdetermines sont d'office ecartees des debats ».

Votre Cour y a certes ajoute que « L'economie de cette disposition n'estpas de priver necessairement la partie qui neglige de deposer desconclusions dans le delai ainsi fixe du droit de deposer des conclusionsdans un delai ulterieur », que « Toutefois, à la demande d'une autrepartie, le juge peut sanctionner un comportement procedural deloyal, et,par ce motif, ecarter des conclusions des debats ». Elle a enfinconsidere qu' « En revanche, il ne ressort ni de cet article ni duprincipe general du droit relatif au respect des droits de la defense queles conclusions posterieures à celles qui ont ete ecartees comme tardivessur la base de l'article 747, S:2, du Code judiciaire devraient enprincipe etre ecartees des debats sauf à etablir que la partiebeneficiant de cette regle s'en prevaut pour surprendre son adversaire ens'arrogeant une position meconnaissant les droits de la defense de cedernier ».

L'enseignement de cet arret du 4 decembre 2008 est toutefois etranger àl'hypothese ayant donne lieu au jugement attaque. En effet, par cet arret,Votre Cour a confirme sa jurisprudence anterieure et a rejete la« theorie des dominos » en ce sens que dans l'hypothese d'une partie quia neglige de conclure à titre principal, celle-ci ne se voit pas parprincipe interdite de conclure dans un delai ulterieur (M.BAETENS-SPETSCHINSKY, « La mise en etat et les conclusions », Actualitesen droit judiciaire, CUP, Liege, Anthemis, 2010, p. 79-80).

Par ces considerations,

L'avocat à la Cour de cassation, soussigne, Vous prie, Mesdames,Messieurs, de casser le jugement attaque, d'ordonner que mention de votrearret soit faite en marge du jugement casse, de renvoyer la cause et lesparties devant un autre tribunal de premiere instance et de statuer commede droit sur les depens.

Bruxelles, le 17 septembre 2015

Pour la demanderesse,

Son conseil

Bruno Maes

8 AVRIL 2016 C.15.0382.F/1

Requete/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0382.F
Date de la décision : 08/04/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-04-08;c.15.0382.f ?
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