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29/04/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0347.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 avril 2016, C.15.0347.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0347.F

CENTRE 58, societe anonyme dont le siege social est etabli àSaint-Josse-ten-Noode, boulevard Saint-Lazare, 4-10,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

CARREFOUR BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àEvere, avenue des Olympiades, 20,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Gei

nger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0347.F

CENTRE 58, societe anonyme dont le siege social est etabli àSaint-Josse-ten-Noode, boulevard Saint-Lazare, 4-10,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

CARREFOUR BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àEvere, avenue des Olympiades, 20,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 22 avril2015 par le tribunal de commerce francophone de Bruxelles, statuant endegre d'appel.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

Le premier avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente trois moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Aux termes de l'article 1709 du Code civil, le louage des choses est uncontrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'unechose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-cis'oblige de lui payer.

Le contrat par lequel la jouissance d'un immeuble est concedee moyennantun loyer fictif ou derisoire n'est pas un bail.

En vertu de l'article 14, alinea 1er, de la loi sur les baux commerciaux,la notification que le preneur desireux d'exercer le droit aurenouvellement doit adresser au bailleur doit indiquer, à peine denullite, les conditions auxquelles lui-meme est dispose à conclure lenouveau bail.

D'une part, s'agissant du loyer propose, l'offre du preneur doit etreserieuse, eu egard aux criteres d'appreciation prevus par les articles 18et 19 de la loi precitee, de sorte qu'elle soit de nature à meriter, enprincipe, d'etre prise en consideration.

D'autre part, des lors que, en l'absence de reponse reguliere du bailleur,le renouvellement intervient aux conditions proposees par le preneur, cesconditions doivent etre conformes à la loi.

Il s'ensuit qu'une demande de renouvellement d'un bail commercialmoyennant un loyer derisoire ne satisfait pas à la prescription del'article 14 precite.

Le jugement attaque, qui considere que « l'indication d'un prix serieuxn'est pas une condition de validite d'une demande de renouvellement »,viole l'article 14, alinea 1er, precite.

Le moyen est fonde.

Sur l'etendue de la cassation :

La cassation de la decision qui statue sur la regularite de la demande derenouvellement du bail commercial litigieux s'etend à celles qui sontrelatives aux motifs de refus de renouvellement et à la demanded'indemnite d'eviction, qui en sont la suite.

Sur les autres moyens :

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens, qui ne sauraient entrainerune cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel incident ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge du fond;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de commerce du Brabantwallon, siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Martine Regout, les conseillers MireilleDelange et Michel Lemal, et prononce en audience publique du vingt-neufavril deux mille seize par le president de section Christian Storck, enpresence du premier avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M. Lemal | M. Delange |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

Requete

1er feuillet

00150422

REQUETE EN CASSATION

POUR : La societe anonyme CENTRE 58, dont le siege social est etabli à1210 Saint-Josse-ten-Noode, boulevard Saint-Lazare, 4-10, inscrite à laBanque carrefour des entreprises sous le nDEG 0812.274.337,

demanderesse en cassation,

assistee et representee par Me Paul Alain Foriers, avocat à la Cour decassation soussigne, dont le cabinet est etabli à 1050 Bruxelles, avenueLouise, 149 (bte 20), ou il est fait election de domicile.

CONTRE : La societe anonyme CARREFOUR BELGIUM, dont le siege social estetabli à 1140 Evere, avenue des Olympiades, 20, inscrite à la Banquecarrefour des entreprises sous le nDEG 0448.826.918,

defenderesse en cassation.

* *

*

A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation de Belgique,

Messieurs,

Mesdames, 2eme feuillet

La demanderesse en cassation a l'honneur de deferer à votre censure lejugement rendu dans cette cause, le 22 avril 2015, par le tribunal decommerce francophone de Bruxelles (7eme chambre - salle B) statuant endegre d'appel (R.G. A / 13 / 03275).

Ce jugement confirme, dans son principe, le jugement prononce le 22fevrier 2013 par le juge de paix du 2eme canton de Bruxelles qui declaraitreguliere la demande de renouvellement de bail commercial formulee par las.a. Carrefour Belgium - ici defenderesse - le 11 fevrier 2011 etcondamnait la s.a. Centre 58 - ici demanderesse - au paiement d'uneindemnite d'eviction representant un an de loyer.

Rejettant l'appel forme par la s.a. Centre 58 et accueillant partiellementl'appel incident de la s.a. Carrefour Belgium, le tribunal de commerce deBruxelles :

« Dit pour droit que la demande de renouvellement de bail de la SACARREFOUR BELGIUM du 11 fevrier 2011 et bel et bien reguliere ;

« Dit pour droit que la SA CENTRE 58 n'a pas realise les motifs invoquesdans son refus de renouvellement dans les delais prevus à l'article 25,alinea 1, 3DEG de la loi sur les baux commerciaux ;

« Condamne la SA CENTRE 58 à payer à la SA CARREFOUR BELGIUM la sommede 1.745.537,85 EUR à tire d'indemnite d'eviction, à majorer desinterets compensatoires au taux legal à partir du 15 mai 2012 jusqu'aujour du paiement complet ;

« Condamne la SA CENTRE 58 aux depens et aux frais de l'instance liquidesà 27.711,12 EUR (211,12 EUR à titre de frais de citation, 11.000 EUR àtitre d'indemnite de procedure en premiere instance, 16.500 [EUR] à titred'indemnite en appel) ».

A l'appui du pourvoi qu'elle forme contre cette decision, la demanderesseen cassation a l'honneur d'invoquer les moyens suivants. 3eme feuillet

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions legales violees

- Articles 1709, 1711, specialement alinea 2, et 1713 du Code civil ;

- Articles 1er, 13 et 14 de la section 2bis « Des regles particulieresaux baux commerciaux » du chapitre II, du titre VIII, du livre III duCode civil (ci-apres « loi sur les baux commerciaux »).

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque declare l'appel de la demanderesse non fonde etaccueille partiellement l'appel incident de la defenderesse.

Il dit en consequence « que la demande de renouvellement de bail de [ladefenderesse] du 11 fevrier 2011 est ... reguliere... [et] que [lademanderesse] n'a pas realise les motifs invoques dans son refus derenouvellement dans les delais prevus à l'article 25, alinea 1, 3DEG dela loi sur les baux commerciaux ».

Il condamne des lors la demanderesse à payer à la defenderesse « lasomme de 1.745.537,85 EUR à titre d'indemnite d'eviction, à majorer desinterets compensatoires au taux legal à partir du 15 mai 2012 jusqu'aujour du paiement complet » ainsi qu'aux depens (dispositif, p. 21).

Il fonde cette decision sur les motifs qu'il indique pp. 10 à 21 qui sonttenus ici pour integralement reproduits et plus specialement sur lesconsiderations suivantes.

« [La demanderesse] soutient que la demande de renouvellement de [ladefenderesse] serait ... 3) entachee de nullite, en l'absence d'un loyerserieux » (p. 10).

« 3. Le caractere serieux du loyer propose.

1.- D'apres la [demanderesse] la demande de renouvellement serait nulle enraison du caractere non serieux du loyer propose.

La [defenderesse] aurait propose un loyer derisoire et sans proportionavec la valeur locative du bien loue. 4eme feuillet

L'argument de la [demanderesse] ne peut etre suivi.

2. A juste titre, la [defenderesse] releve que l'indication d'un prixserieux n'est pas une condition de validite d'une demande derenouvellement.

Aucune disposition de la loi du 30 avril 1951 n'impose d'ailleurs lamention d'un loyer qualifie de serieux comme condition de validite d'unedemande de renouvellement.

3.- In casu, la [defenderesse] a propose un loyer determine.

Dans sa reponse, si elle estimait ce loyer derisoire, la [demanderesse]aurait pu formuler d'autres conditions financieres, notamment un loyersuperieur, et ouvrir ainsi la voie au recours prevu à l'article 18 de laloi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux :

`S'il resulte de la reponse prevue à l'article 14 que le bailleursubordonne le renouvellement à des conditions relatives au loyer, à lacontribution aux charges, au mode de jouissance ou autres modalites dubail, et si le desaccord persiste quant à ces conditions, le preneur sepourvoit devant le juge dans les trente jours de la reponse du bailleur,à peine de forclusion.

Le juge statue en equite.'

La demande de renouvellement doit etre consideree comme valable.

En consequence, et sans qu'il soit requis d'avoir egard aux rapportsd'expertise produits par la [demanderesse], il n'y a pas lieu de designerun expert judiciaire et de le charger d'emettre un avis sur la valeurlocative normale des lieux, comme sollicite à titre reconventionnel parla [demanderesse] » (p. 14).

Griefs

1. Le preneur d'un bien donne à bail commercial a, aux termes del'article 13, alinea 1er de la loi sur les baux commerciaux, « le droitd'obtenir par preference à toute autre personne, le renouvellement de sonbail pour la continuation du meme commerce, soit à l'expiration decelui-ci, soit à l'expiration du premier ou à l'expiration du deuxiemerenouvellement ».

5eme feuillet

L'article 14, alinea 1er de la meme loi enonce à cet egard que :

« Le preneur desireux d'exercer le droit au renouvellement doit, à peinede decheance, le notifier au bailleur par exploit d'huissier de justice oupar lettre recommandee dix-huit mois au plus, quinze mois au moins, avantl'expiration du bail en cours. La notification doit indiquer, à peine denullite, les conditions auxquelles le preneur lui-meme est dispose àconclure le nouveau bail et contenir la mention qu'à defaut denotification par le bailleur, suivant les memes voies et dans les troismois, de son refus motive de renouvellement, de la stipulation deconditions differentes ou d'offres d'un tiers, le bailleur sera presumeconsentir au renouvellement du bail aux conditions proposees. »

2. Par ailleurs, ne tombent sous l'application de la loi sur les bauxcommerciaux que les baux d'immeubles ou de parties d'immeubles repondantaux conditions de l'article 1er de cette loi, à l'exclusion de toutesautres conventions relatives à l'occupation d'un immeuble commercial.

3. Enfin, le louage de choses, et donc notamment le bail portant sur unimmeuble (article 1711, alinea 2 et 1713 du Code civil) - en ce comprisle bail tombant dans le champ d'application de la loi sur les bauxcommerciaux (article 1er de ladite loi) -, « est un contrat par lequell'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant uncertain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de luipayer » (article 1709 du Code civil). Ce prix doit etre serieux souspeine de disqualification (articles 1709, 1711, alinea 2, et 1713 du Codecivil).

Est des lors exclue du champ d'application de la loi sur les bauxcommerciaux la convention par laquelle une partie s'oblige à fournir lajouissance d'un bien immobilier ou d'une partie de celui-ci moyennant unprix qui n'est pas serieux, pareille convention ne pouvant pas constituerun bail et donc un bail commercial (articles 1709, 1711, alinea 2 et 1713du Code civil et article 1er de la loi sur les baux commerciaux).

4. Il resulte de ce qui precede que si les articles 13 et 14 de la loi surles baux commerciaux permettent au preneur de demander le renouvellementde son bail en indiquant les conditions auxquelles il est dispose àconclure le nouveau bail, cette offre doit, à peine de nullite, comme leprecise l'article 14, alinea 1er, porter sur un nouveau bail et non, deslors, sur un nouveau contrat d'occupation repondant à une autrequalification.

6eme feuillet

Le prix offert par le preneur doit donc etre serieux.

5. Il s'ensuit qu'en rejetant le moyen par lequel la demanderesse faisaitvaloir dans ses conclusions additionnelles prises devant les juges d'appelque la demande de renouvellement qui lui avait ete adressee par ladefenderesse etait irreguliere, le prix offert n'etant pas serieux ensorte que manquait un element essentiel caracteristique d'un contrat debail seul susceptible de constituer le bail renouvele (pp. 28 à 32) auxmotifs qu'aucune disposition legale ne soumet la validite de la demande derenouvellement à l'exigence que le preneur fasse offre d'un prix serieuxet que si la demanderesse considerait que le prix offert etait derisoire,il lui suffisait de subordonner son accord sur le renouvellement àd'autres conditions financieres, le jugement attaque a :

1DEG/ meconnu l'article 14, alinea 1er, de la loi sur les baux commerciauxqui impose, à peine de nullite au preneur qui souhaite obtenir lerenouvellement de son bail conformement à l'article 13, alinea 1er, de lameme loi de faire offre des conditions du nouveau bail qu'il est disposeà conclure et donc de faire offre notamment d'un loyer qui soit serieux(violation des articles 13 et 14, alinea 1er, de la loi sur les bauxcommerciaux et des autres dispositions visees au moyen) ;

2DEG/ meconnu à tout le moins la notion legale de bail et donc la notionlegale de bail commercial (violation de l'article 1er de la loi sur lesbaux commerciaux et des articles 1709, 1711, alinea 2, et 1713 du Codecivil) en considerant que pareils contrats ne devaient pas etre conclusmoyennant un prix qui soit serieux.

Le jugement attaque n'est donc pas legalement justifie (violation detoutes les dispositions visees au moyen).

Developpements

1. Il suit de la combinaison des articles 13 et 14, alinea 1er, de la loisur les baux commerciaux que le preneur peut, par preference à touteautre personne, obtenir le renouvellement de son bail à la condition,sanctionnee de nullite, d'indiquer dans sa demande de renouvellement lesconditions du nouveau bail qu'il est dispose à conclure.

7eme feuillet

Le droit au renouvellement ne peut donc porter que sur un bail et non surun autre type de contrat d'occupation et l'offre que le preneur doitformuler conformement à l'article 14, alinea 1er, ne peut donc elle-memeque porter sur un bail.

2. Or, le bail constitue un contrat à titre onereux.

On en deduit de maniere constante que le loyer doit etre serieux à defautde quoi la convention en cause ne constitue pas un bail mais un autre typede contrat d'occupation (H. DE PAGE, Traite elementaire de droit civilbelge, t. IV, 3eme ed., nDEG 514 ; Y. MERCHIERS, Le bail en general, Rep.Not. (1997), nDEG 108, cons. aussi M. DAMBRE, De huurprijs, Brugge, dieKeure, 2009, nDEG 139).

3. Il s'ensuit que la demande de renouvellement d'un bail commercial doità peine de nullite faire offre d'un prix serieux.

4. Le jugement attaque meconnait ces principes en affirmant le contrairepour rejeter le moyen par lequel la demanderesse faisait valoir de manierecirconstanciee que la demande de renouvellement etait irreguliere, un prixoffert qui revenait à 18 euros/m2 n'etant pas serieux.

Il encourt donc les griefs formules par le premier moyen.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions legales violees

- Articles 16, I, 3DEG, et 25, alinea 1er, 3DEG de la section 2bis « Desregles particulieres aux baux commerciaux » du chapitre II, du titre VIIIdu livre III du Code civil (ci-apres « loi sur les baux commerciaux »).

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque declare l'appel de la demanderesse non fonde etaccueille partiellement l'appel incident de la defenderesse. 8eme feuillet

Il dit en consequence « que la demande de renouvellement de bail de [ladefenderesse] du 11 fevrier 2011 est ... reguliere... [et] que [lademanderesse] n'a pas realise les motifs invoques dans son refus derenouvellement dans les delais prevus à l'article 25, alinea 1, 3DEG dela loi sur les baux commerciaux ».

Il condamne des lors la demanderesse à payer à la defenderesse « lasomme de 1.745.537,85 EUR à titre d'indemnite d'eviction, à majorer desinterets compensatoires au taux legal à partir du 15 mai 2012 jusqu'aujour du paiement complet » ainsi qu'aux depens (dispositif, p. 21).

Il fonde cette decision sur les motifs qu'il indique pp. 10 à 21 qui sonttenus ici pour integralement reproduits et plus specialement sur lesconsiderations suivantes.

« 2. La realisation de travaux de reconstruction.

(...)

3.- Quant au delai de realisation de l'intention du bailleur d'evincer lepreneur, la Cour de cassation a decide que :

`En fonction des circonstances, il peut ressortir de la demanded'obtention de l'autorisation legalement requise pour les travaux, que lebailleur a realise son intention de reconstruire l'immeuble dans le delaifixe par l'article 25, alinea 1er, 3DEG, de la loi du 30 avril 1951 surles baux commerciaux. (Art. 16.I.3DEG Loi sur les baux commerciaux)'

(Cass., 25 fevrier 2005, www.cass.be (16 mars 2005)

Comme le precise la Cour de cassation, il convient d'avoir egard auxcirconstances de chaque espece.

Autrement dit, l'introduction d'une demande de permis dans le delai de sixmois apres la fin du bail n'a pas necessairement et automatiquement pourconsequence que le bailleur aurait execute son intention dans le delaifixe par l'article 25, alinea 1er, 3DEG, de la loi du 30 avril 1951 surles baux commerciaux (MOSSELMANS, S., Uitvoering door de handelsverhuurdervan zijn voornemen tot wederopbouw, R.G.D.C. 2005, liv. 10, 622-626).

Selon LOUVEAUX, 9eme feuillet

`L'ensemble de ces elements (qui etaient loin de connaitre un teldeveloppement lors de la promulgation de la loi sur les baux commerciauxen 1951) amene à considerer que le bailleur satisfait à l'obligation derealiser son intention de reconstruction si avant l'expiration du delai desix mois, il introduit une demande de permis d'urbanisme et poursuitl'execution des travaux dans les delais imposes par les differenteslegislations. »

(LOUVEAUX, B, op. cit., p. 1058, no 1139).

Des lors, si l'introduction d'une demande de permis peut, selon lescirconstances particulieres de chaque espece, realiser l'intention dumotif, encore faut-il, à tout le moins, que la demande de permis soitintroduite dans le delai de six mois.

4.- Or, in casu, des demandes de permis - de surcroit incompletes - ontete introduites par la [demanderesse] le 11 et le 17 decembre 2012, soitplus de six mois apres l'echeance du bail le 14 mai 2012.

L'intention subsidiaire de la [demanderesse] n'a donc pas ete realiseedans le delai legal de six mois, ayant expire le 14 novembre 2012.

5.- La [demanderesse] invoque un motif grave exoneratoire resultant, selonelle, des lourdeurs administratives et de l'ampleur de son projetimmobilier.

Pour etre admissible, le motif grave exoneratoire doit etre independant dela volonte du bailleur et inconnu lors du refus du renouvellement(LOUVEAUX, B, op. cit., p. 1066, no 1147 et no 1148).

6.- En l'espece, meme à considerer la SA AG REAL ESTATE commel'intermediaire par lequel la [demanderesse] agirait selon l'affirmationde cette derniere, le cadre particulier - un marche public - et lescontraintes administratives du projet immobilier sont connus depuis 2006.

Des l'origine, l'initiateur du projet de renovation de l'immeuble Centre58 savait - devait savoir - que les chances d'aboutissement du projetetaient incertaines.

Il convient à cet egard ne pas confondre la mise en oeuvre du projet dela SA AG REAL ESTATE de mettre à disposition de la ville de Bruxelles unensemble immobilier destine à accueillir un centre administratif avec larealisation de l'intention de reconstruire l'immeuble Centre 58.

S'agissant de l'intention de reconstruire l'immeuble Centre 58 justifiantà titre subsidiaire le refus de renouvellement, il n'appartenait qu'à la[demanderesse], à tout le moins, d'introduire les demandes de permis dansle delai legal de six mois. 10eme feuillet

Independamment de l'ampleur du projet, la [demanderesse] aurait puanticiper et deposer les demandes de permis avant l'expiration du bail -SA AG REAL ESTATE s'est d'ailleurs declaree le 13 mars 2012 reellementpret à introduire une demande de permis.

La [demanderesse] est proprietaire de l'immeuble qu'elle annonc,aitvouloir renover ; l'introduction des demandes de permis est de son seulressort et depend de sa seule volonte.

Le motif grave exoneratoire ne peut par consequent etre retenu.

Il n'y a donc pas non plus lieu d'accorder à la [defenderesse] unereserve pour demander l'indemnite d'eviction elevee prevue par l'article25, 3DEG de la loi sur les baux commerciaux si dans le futur il s'avereque la [demanderesse] n'a pas effectivement execute la reconstructionprevue de l'immeuble.

3. En conclusion.

1.- En conclusion, il apparait que la [demanderesse] n'a realise ni lemotif principal de son refus de renouvellement ni le premier motifsubsidiaire.

La [demanderesse] doit en consequence une indemnite d'eviction de troisans de loyer conformement à l'article 25, alinea 1, 3DEG de la loi surles baux commerciaux, soit une indemnite se chiffrant à 1.745.537,85 EUR.» (pp. 17 à 19).

Griefs

1. Aux termes de l'article 16, I, 3DEG de la loi sur les baux commerciauxle bailleur peut refuser le renouvellement du bail en manifestant « savolonte de reconstruire l'immeuble ou la partie de l'immeuble danslaquelle le preneur sortant exerce son activite » - des travaux detransformation precedes d'une demolition, affectant tous deux le grosoeuvre et dont le cout depasse trois annees de loyer etant assimiles àune reconstruction.

2. L'article 25, alinea 1er, 3DEG de la loi sur les baux commerciauxdispose quant à lui :

11eme feuillet

«Si le preneur a regulierement manifeste sa volonte d'user de son droitde renouvellement et se l'est vu refuser, il a droit, dans les casdetermines ci-apres, à une indemnite qui, sauf accord des parties,survenant apres l'ouverture de ce droit, est fixee forfaitairement commesuit :

(...)

3DEG L'indemnite est de trois ans de loyer, majoree eventuellement dessommes suffisantes pour assurer une reparation integrale du prejudicecause, si le bailleur, sans justifier d'un motif grave, ne realise pasdans les six mois et pendant deux ans au moins l'intention pour laquelleil a pu evincer le preneur. Cette indemnite n'est pas due si le bailleurdonne à l'immeuble une affectation qui lui aurait permis la reprise sansindemnite ou moyennant une indemnite egale ou inferieure à celle qu'il adu supporter »

3. Pour l'application de l'article 25, alinea 1er, 3DEG precite, il suffitque le bailleur realise son intention de reconstruire les lieux louesqu'il a invoque comme motif de refus de renouvellement conformement àl'article 16, I, 3DEG de la loi sur les baux commerciaux.

Pour apprecier la realisation de cette intention le juge doit tenir comptede toutes les circonstances de la cause.

Le fait que l'intention du bailleur de reconstruire les lieux louess'inscrive dans le cadre d'une vaste operation negociee avec les pouvoirspublics initiee anterieurement au refus de renouvellement et dont la miseau point s'est poursuivie posterieurement à ce refus peut, selon lescirconstances, faire partie de la realisation de cette intention sansqu'il faille necessairement que le bailleur ait depose des demandes depermis d'urbanisme et d'environnement dans le delai prescrit par l'article25, alinea 1er, 3DEG de la loi sur les baux commerciaux.

4. La demanderesse faisait valoir, en substance dans ses conclusionsadditionnelles prises en degre d'appel (pp. 33 in fine à 40) que lareconstruction des lieux loues, qu'elle avait invoquee, à titresubsidiaire, comme motif de non renouvellement, s'inscrivait dans unprojet immobilier en negociation depuis 2006 avec la Ville de Bruxelles etque cette derniere avait accepte son « offre de concours » ; que le 14octobre 2010, elle avait opte pour une implantation de logements et de 8niveaux de locaux administratifs qu'elle se proposait d'acquerir et que le3 mars 2011 la Ville avait persiste dans son intention. Elle ajoutaitqu'apres le refus de renouvellement des contrats s'etaient poursuivis avecla Ville

12eme feuillet

et que des demandes de permis avaient ete deposees, autant d'elements denature à etablir qu'elle poursuivait la realisation de son intention derealiser son projet de reconstruction des biens loues (voy. specialementconclusions additionnelles de la demanderesse, pp. 37 in fine et 39 subnos 33 à 35).

Elle en concluait que si les travaux de reconstruction eux-memes n'avaientpas ete entames dans le delai prescrit de l'article 25, alinea 1er, 3DEGde la loi sur les baux commerciaux ceci n'etait du qu'à la complexite duprojet en sorte qu'il fallait considerer, compte tenu des circonstances del'espece, qu'elle avait realise son intention de reconstruire les lieuxloues dans le delai prescrit (voy. specialement conclusions additionnellesd'appel de la demanderesse, p. 40, no 36 ; voy. aussi sur les principes,pp. 34 à 37, sub no 32).

5. Il s'ensuit qu'en considerant, en depit de cette argumentationdeveloppee par la demanderesse en conclusions, que celle-ci n'avait pasrealise son intention de reconstruire les lieux au motif formule en termesgeneraux qu'il resultait de votre arret du 25 fevrier 2005 et desenseignements de S. Mosselman et de B. Louveaux que « si l'introductiond'une demande de permis peut selon les circonstances particulieres dechaque espece, realiser l'intention du motif encore faut-il, à tout lemoins, que la demande de permis soit introduite dans le delai de six mois» (p. 18) alors que pour l'appreciation de la realisation de l'intentiondu bailleur dans le delai legal, il faut tenir compte de l'ensemble descirconstances de la cause et que l'introduction d'une demande de permisd'urbanisme et d'environnement dans ce delai ne constitue qu'unecirconstance parmi d'autres de nature à etablir la realisation de cetteintention, le jugement attaque :

1DEG/ prete à l'article 25, alinea 1er, 3DEG de la loi sur les bauxcommerciaux une portee qu'il n'a pas (violation dudit article 25, alinea1er, 3DEG) ;

2DEG/ ne justifie des lors pas legalement sa decision (violation desarticles 16, I, 3DEG et 25, alinea 1er, 3DEG de la loi sur les bauxcommerciaux).

Developpements

Voy. Cass., 25 fevrier 2005, Pas., 2005, no 120 ; Cass., 23 avril 1983,Pas., 1983, no 474 et Cass., 12 janvier 1978, Pas., 1978, I, p. 566 : ilse deduit de ces arrets qu'il suffit que le bailleur ait realise sonintention de reconstruire dans le delai prescrit par l'article 25, alinea1er, 3DEG de la loi sur les baux commerciaux sans que les travaux dereconstruction proprement dits aient effectivement debute et quel'appreciation de la realisation de cette intention dans le delai legaldoit prendre 13eme feuillet

en compte l'ensemble des circonstances concretes de la cause parmilesquelles notamment, mais pas exclusivement, l'introduction d'une demandede permis d'urbanisme.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions legales violees

- Articles 1315, specialement alinea 1er, 1984, 1987 1988 et 1998 du Codecivil ;

- Articles 16, I, 3DEG et 25, alinea 1er, specialement 3DEG, de la section2bis « Des regles particulieres aux baux commerciaux » du chapitre II,du titre VIII du livre III du Code civil (ci-apres « loi sur les bauxcommerciaux ») ;

- Article 870 du Code judiciaire.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque declare l'appel de la demanderesse non fonde etaccueille partiellement l'appel incident de la defenderesse.

Il dit en consequence « que la demande de renouvellement de bail de [ladefenderesse] du 11 fevrier 2011 est ... reguliere... [et] que [lademanderesse] n'a pas realise les motifs invoques dans son refus derenouvellement dans les delais prevus à l'article 25, alinea 1, 3DEG dela loi sur les baux commerciaux ».

Il condamne des lors la demanderesse à payer à la defenderesse « lasomme de 1.745.537,85 EUR à titre d'indemnite d'eviction, à majorer desinterets compensatoires au taux legal à partir du 15 mai 2012 jusqu'aujour du paiement complet » ainsi qu'aux depens (dispositif, p. 21).

Il fonde cette decision sur les motifs qu'il indique pp. 10 à 21 qui sonttenus ici pour integralement reproduits et plus specialement sur lesconsiderations suivantes.

« 2. La realisation de travaux de reconstruction.

1.- Selon la meilleure doctrine, il appartient au bailleur de realiserlui-meme le motif invoque pour refuser une demande de renouvellement debail commercial : 14eme feuillet

`Le bailleur qui refuse le renouvellement au motif qu'il entend executerles travaux de reconstruction contracte, par là meme, l'obligation defaire executer les travaux lui-meme.

Il ne peut se decharger sur autrui de son obligation de proceder auxtravaux de maniere telle qu'il soit oblige de mettre à execution lestravaux de demolition et de reconstruction pour son propre compte.'

(LOUVEAUX, B, Le droit du bail commercial, Bruxelles, Larcier, 2011, p.813, no 875).

2.- Sans qu'il soit requis, selon son expression, que la SA CENTRE 58conduise elle-meme, un bulldozer, il lui appartient de realiser ou defaire realiser les travaux de reconstruction annonces pour son proprecompte et, de la sorte, realiser elle-meme son premier motif subsidiairede refus.

In casu, l'expose de la SA CENTRE 58 du contexte general du litige, etant,d'apres elle, la genese et le developpement du projet de renovation del'immeuble CENTRE 58 en vue de l'installation du nouveau centreadministratif de la Ville de Bruxelles, est tendancieux.

Dans ses ecrits de procedure, la SA CENTRE 58 fait indistinctement mentionde la `concluante', alors qu'à l'examen des pieces versees aux debats parcette meme partie, il apparait que la SA FORTIS REAL ESTATE, actuellementSA AG REAL ESTATE, est à l'origine du projet.

Il ressort des pieces soumises au tribunal que la SA AG REAL ESTATE est àla manoeuvre depuis 2006, notamment dans les rapports avec la ville deBruxelles ; elle l'est d'ailleurs restee en cours de procedure courant del'annee 2014 encore.

Selon la SA CENTRE 58, la SA AG REAL ESTATE detient aussi la capacitefinanciere, technique et professionnelle pour mener à bien le projet, ceen depit de refacturations vers la SA CENTRE 58.

En realite, la SA CENTRE 58 ne semble pas etre le veritable acteur duprojet immobilier mais plutot son executant meme si, certes en phasecontentieuse, elle a depose des demandes de permis d'urbanisme etd'environnement, respectivement le 11 et le 17 decembre 2012 » (pp.17-18). 15eme feuillet

Griefs

1. Aux termes de l'article 16, I, 3DEG de la loi sur les baux commerciauxle bailleur peut refuser le renouvellement du bail en manifestant « savolonte de reconstruire l'immeuble ou la partie de l'immeuble danslaquelle le preneur sortant exerce son activite ».

2. L'article 25, alinea 1er, 3DEG de la loi sur les baux commerciauxdispose quant à lui :

«Si le preneur a regulierement manifeste sa volonte d'user de son droitde renouvellement et se l'est vu refuser, il a droit, dans les casdetermines ci-apres, à une indemnite qui, sauf accord des parties,survenant apres l'ouverture de ce droit, est fixee forfaitairement commesuit :

(...)

3DEG L'indemnite est de trois ans de loyer, majoree eventuellement dessommes suffisantes pour assurer une reparation integrale du prejudicecause, si le bailleur, sans justifier d'un motif grave, ne realise pasdans les six mois et pendant deux ans au moins l'intention pour laquelleil a pu evincer le preneur. Cette indemnite n'est pas due si le bailleurdonne à l'immeuble une affectation qui lui aurait permis la reprise sansindemnite ou moyennant une indemnite egale ou inferieure à celle qu'il adu supporter »

Premiere branche

3. Le mandat est la convention par laquelle une personne, le mandant,charge une autre, le mandataire, d'accomplir un ou plusieurs actesjuridiques en son nom et pour son compte (article 1984 du Code civil).

Il peut etre special et pour une ou certaines affaires seulement, ougeneral et pour toutes les affaires du mandant (article 1987 du Codecivil). Il peut concerner les actes d'administration comme ceuxd'alienation (article 1988 du Code civil).

4. Par ailleurs, le mandataire qui agit dans les limites de ses pouvoirsau nom de son mandant represente ce dernier à l'egard des tiers aveclesquels il contracte et plus generalement dans les actes juridiques qu'ilaccomplit (articles 1984 et 1998 du Code civil).

16eme feuillet

5. Il suit de là que, s'il decoule de l'article 25, alinea 1er,specialement 3DEG, de la loi sur les baux commerciaux qu'il incombe aubailleur qui a refuse le renouvellement du bail sur pied de l'article 16,I, 3DEG de la meme loi de realiser personnellement son intention dereconstruire l'immeuble loue, ces dispositions legales n'excluent pas quele bailleur realise son intention par le truchement d'un mandataire -fut-il un professionnel competent - qui le represente et dont les actesqu'il accomplit au nom du bailleur sont censes etre ceux de ce dernier.

6. En l'espece, la demanderesse faisait valoir dans ses conclusionsadditionnelles prises en degre d'appel que :

« [...] [la defenderesse] pretend à tort que l'ensemble de ces demarchesne sont pas pertinentes en ce qu'elles sont realisees à l'initiative dela SA Fortis Real Estate (actuellement SA AG Real Estate).

Qu'il sera demontre ci-apres que le projet est bien celui de la[demanderesse].

Qu'en effet, si les demarches ont ete entamees des 2006 par Fortis RealEstate, elles l'ont toujours ete au nom et pour compte de toute filiale[existante] ou à constituer, comme en atteste le courrier du 1 septembre2008 adresse par Fortis à la Ville (piece 3 - farde 1) :

`Par la presente, nous avons l'honneur de vous remettre l'Offre de FortisReal Estate agissant pour elle-meme ou au nom d'une ou plusieurs de sesfiliales existante(s) ou à creer'.

Que Fortis Real Estate a donc [agi] en nom et pour compte de [lademanderesse], [creee] en juin 2009 et à qui l'immeuble a ete [apporte]en date du 20 juillet 2009 ;

Que la [demanderesse] detient tous les droits sur l'immeuble ;

Que toutefois la SA Fortis Real Estate detient la capacite, l'assisefinanciere et l'experience technique et professionnelle requise dans desprojets de telle ampleur et met simplement ses ressources à dispositionde la [demanderesse] pour qu'elle puisse executer ses projets ;

Qu'il s'agit d'une pratique courante dans le domaine des affaires etnotamment à l'occasion de projets soumis à l'attribution d'un marchepublic ;

Que Fortis Real Estate intervient donc en qualite d'intermediaire ; 17emefeuillet

Qu'interpreter la loi comme le fait [la defenderesse] revient à pretendreque le bailleur qui doit executer personnellement les travaux dedemolition et reconstruction, devrait conduire lui-meme le bulldozer et nepourrait faire appel à aucun corps de metier, qui dispose de meilleurecapacite technique et professionnelle ;

Que cela est excessif ;

Que, plus encore, la totalite des frais engages de ce projet, ont eteentierement engages par la concluante ;

Qu'en effet, la SA AG Real Estate a refactur[e] les depenses ayant traità la realisation des travaux dans le Centre 58 à la [demanderesse],comme en demontrent les pieces 10 à 18 de la farde 2 ;

Qu'au total, c'est un montant de plus de 2.000.000,- EUR qui a ete paye,par la [demanderesse] depuis 2009 via l'entremise d'AG Real Estate, cemontant comprenant la refacturation des honoraires d'architectes,ingenieurs, experts urbanistes, geometres, conseils juridiques et autresdepenses en vue de la realisation des travaux dans le Centre 58 ;

Qu'à ce montant engage dans la realisation des travaux, il y a lieud'ajouter les sommes payees directement par la [demanderesse] notamment autitre de taxes à la Ville de Bruxelles à hauteur d'un montant de44.792,80- EUR, comme il a ete explicite plus haut ;

Qu'il s'agit [de] sommes assurement consequentes ;

Qu'il ressort à suffisance de ce qui precede que la [demanderesse]effectue bel et bien personnellement la realisation de l'intention ayantjustifie, à titre subsidiaire le refus de renouvellement ;

Qu'il ressort egalement de ce qui precede que ces depenses colossalesattestent sans le moindre doute du commencement effectif de la realisationdes travaux tels qu'opposes dans le refus de renouvellement » (nDEG 35,pp. 39-40).

La demanderesse faisait ainsi valoir que depuis 2006, elle avait entreprisle developpement d'un vaste projet immobilier englobant les lieux louesqui devaient etre reconstruits pour accueillir des bureaux destines àl'administration de la Ville 18eme feuillet

de Bruxelles et des logements, ceci par le truchement de la s.a. FortisReal Estate, qui agissait comme sa mandataire en son nom et pour soncompte et dont elle supportait les frais de son intervention qui luietaient refactures. Elle en deduisait qu'elle avait personnellementrealise son intention de reconstruire les lieux loues dans le delaiprescrit par l'article 25, alinea 1er, 3DEG de la loi sur les bauxcommerciaux.

7. Il s'ensuit que, si par les motifs reproduits au moyen, il a entenduconsiderer que la demanderesse n'avait pas personnellement realise sonintention de reconstruire les lieux loues parce que c'etait Fortis RealEstate qui avait initie le projet et qui disposait des moyens pour cefaire, meme si elle agissait au nom de la demanderesse, notamment pourdeposer des demandes de permis et si elle lui facturait les frais de sesinterventions, le jugement attaque :

1DEG/ viole l'article 25, alinea 1er, specialement 3DEG, de la loi sur lesbaux commerciaux et les articles 1984 et 1998 du Code civil en considerantque le bailleur ne peut realiser son intention à l'intervention d'unmandataire agissant en son nom et pour son compte alors que le mandataireagissant dans le cadre de ses pouvoirs represente le mandant et que sesactes sont ainsi censes avoir ete accomplis par ce dernier ;

2DEG/ viole, à tout le moins, la notion legale de mandat en excluant quela s.a. Fortis Real Estate ait agi en l'espece comme mandataire au motifque c'etait elle qui etait à la manoeuvre et qui disposait des moyens demener à bien ce projet meme si la demanderesse supportait le cout de sonintervention, alors que la circonstance qu'un intermediaire, agissant aunom et pour le compte de son client ait pareil pouvoir d'initiative etdispose seul des moyens notamment techniques et humains pour realiser unprojet dans le cadre de sa mission n'exclut pas que cet intermediaireagisse dans le cadre d'un mandat (violation des articles 1984, 1987, 1988du Code civil).

Le jugement attaque ne justifie des lors pas legalement sa decision(violation de toutes les dispositions visees au moyen à l'exception del'article 1315 du Code civil et de l'article 870 du Code judiciaire).

Deuxieme branche

Le jugement attaque releve que la demanderesse « ne semble pas etre leveritable acteur du projet immobilier mais plutot son executant meme si,certes en 19eme feuillet

phase contentieuse, elle a depose des demandes de permis d'urbanisme etd'environnement, respectivement le 11 et le 17 decembre 2012 » (p. 18).

8. Il incombe cependant au preneur qui agit en justice pour se voirreconnaitre l'indemnite d'eviction visee à l'article 25, alinea 1er, 3DEGde la loi sur les baux commerciaux d'etablir que le bailleur n'a pasrealise personnellement son intention dans le delai legal (articles 1315,specialement alinea 1er, du Code civil et 870 du Code judiciaire).

9. Il s'ensuit que si le jugement doit etre lu comme ayant considere quel'indemnite d'eviction visee à l'article 25, alinea 1er, 3DEG de la loisur les baux commerciaux est due en l'espece parce qu'il n'etait pascertain que la demanderesse ait personnellement realise son intention dereconstruire les lieux loues, le jugement attaque inverse illegalement lacharge de la preuve en admettant que la demanderesse puisse etablirseulement l'existence d'un doute quant au fait que la demanderesse auraitpersonnellement realise son intention (violation des articles 1315, alinea1er du Code civil et 870 du Code judiciaire).

Il ne justifie des lors pas legalement sa decision (violation des articles1315, alinea 1er du Code civil, 870 du Code judiciaire, 16, I, 3DEG et 25,alinea 1er, 3DEG de la loi sur les baux commerciaux).

Developpements

- Le moyen, qui ne necessite pas de developpement, est formule pourl'hypothese ou Votre Cour considererait que les considerations dubitativesdu jugement attaque qu'il critique seraient de nature à justifier sadecision ce qui n'est pas le cas à l'estime de la demanderesse.

- Sur la possibilite d'une representation parfaite au profit d'un personnedont l'identite est determinable : cons. recemment I. SAMOY et S. VANLOOCK, « De rol van de leidende partij in het kader van eenmeerpartijenovereenkomst: zoektocht naar de gepaste juridischekwalificatie », T.P.R., 2012, spec. pp. 1129 et s., nos 28 et s. ; S. VANLOOCK, « De rol van de leidende partij in meerpartijenovereenkomsten »,in Meerpartijenovereenkomsten - Contrats multipartites, Bruges/Bruxelles,die Keure/La Charte, 2013, spec. pp. 15 et s.; cons. aussi P.A. FORIERS,« Aspects de la representation en matiere contractuelle », in Lesobligations contractuelles, Bruxelles, Ed. Jeune Barreau de Bruxelles2000, spec. p. 245 et s.

20eme feuillet

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocat à la Cour de cassation soussigne, pour la demanderesse encassation, conclut, Messieurs, Mesdames, qu'il vous plaise, casser lejugement attaque, ordonner que mention de votre arret soit faite en margedu jugement casse, renvoyer la cause devant une autre tribunal de commercesiegeant en degre d'appel et statuer sur les depens comme de droit.

Bruxelles, le 17 aout 2015

Pour la demanderesse en cassation,

son conseil,

Paul Alain Foriers

Pieces jointes :

1. Declaration pro fisco etablie conformement à l'article 269 du Code desdroits d'enregistrement, d'hypotheque et de greffe.

2. Il sera joint à la presente requete en cassation, lors de son depot augreffe de la Cour, l'original de l'exploit constatant sa signification audefendeur en cassation.

29 AVRIL 2016 C.15.0347.F/4

Requete/21


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0347.F
Date de la décision : 29/04/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-04-29;c.15.0347.f ?
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