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10/06/2016 | BELGIQUE | N°C.14.0565.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 juin 2016, C.14.0565.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0565.F

SOCIETE COMMERCIALE DE BRASSERIE, societe anonyme dont le siege social estetabli à Bruxelles, rue Chair et Pain, 11,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Anvers, Amerikalei, 187/302, ou il est faitelection de domicile,

contre

INBEV BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àAnderlecht, boulevard Industriel, 21,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoi

re, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il est...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.14.0565.F

SOCIETE COMMERCIALE DE BRASSERIE, societe anonyme dont le siege social estetabli à Bruxelles, rue Chair et Pain, 11,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Anvers, Amerikalei, 187/302, ou il est faitelection de domicile,

contre

INBEV BELGIUM, societe anonyme dont le siege social est etabli àAnderlecht, boulevard Industriel, 21,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,

en presence de

1. SARVA, societe cooperative à responsabilite limitee dont le siegesocial est etabli à Liege, rue Souverain-Pont, 2,

2. A. V.,

parties appelees en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 27 juin2012 par le tribunal de commerce de Huy, statuant en degre d'appel commejuridiction de renvoi ensuite de l'arret de la Cour du 14 mai 2010.

Le 24 mai 2016, l'avocat general Thierry Werquin a depose des conclusionsau greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general ThierryWerquin a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 14, alinea 1er, et 16, I, de la loi du 30 avril 1951 sur lesbaux commerciaux, inseree dans le livre III, titre VIII, chapitre II,section IIbis, du Code civil.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque declare recevable la demande de la defenderesse enrenouvellement de son bail commercial introduite par citation du 27juillet 2006 aux motifs que :

« [La demanderesse], considerant que sa citation en resiliation du 22 mai2006 vaut refus de renouvellement, argue de ce que les demandes [de ladefenderesse] n'ont pas ete introduites dans le delai de trente joursprescrit à peine de forclusion.

[...] Concretement, il existe en l'espece une seule volonte du bailleur,qui est de mettre fin au bail, et, pour ce faire, il possede deux voiesprocedurales possibles : la resiliation du bail et le refus derenouvellement.

Il n'existe aucune interdiction legale pour le bailleur de mettre enoeuvre concomitamment ces deux voies et, compte tenu que la demande deresiliation n'a aucun effet suspensif sur la procedure de renouvellement,le bailleur, pour atteindre de maniere certaine son objectif, n'a d'autrechoix que d'affirmer son refus dans le cadre de la procedure derenouvellement (sous peine, dans le cas ou sa demande de resiliationn'aboutit pas, de se voir reprocher de n'avoir pas respecte les delais dela procedure de renouvellement).

Un objectif et deux voies (la resiliation et le refus), dont chacunenecessite une mise en oeuvre particuliere. Certes, rien n'interdit aubailleur de mettre en oeuvre les deux voies par un meme exploit d'huissierpuisque les deux voies peuvent etre introduites dans cette meme formequ'est l'exploit d'huissier. Tel n'est pourtant pas le cas en l'espece carla citation en resiliation du 22 mai 2006 ne fait en rien reference à lademande de renouvellement du 2 mai 2006 ou à un refus de renouvellement.

Des lors, en l'espece, la seconde voie ouverte au bailleur (le refus) n'aete mise en oeuvre que par sa lettre du 29 juin 2009 [lire : 2006]. Lacitation [de la defenderesse] du 27 juillet 2006 est donc delivree dans ledelai legal. La meme motivation est egalement valide vis-à-vis del'action [des parties appelees en declaration d'arret commun]. La demandeest recevable ».

Griefs

L'article 14, alinea 1er, de la loi sur les baux commerciaux dispose quele preneur desireux d'exercer le droit au renouvellement doit, à peine dedecheance, le notifier au bailleur par exploit d'huissier de justice oupar lettre recommandee dix-huit mois au plus, quinze mois au moins avantl'expiration du bail en cours. La notification doit indiquer, à peine denullite, les conditions auxquelles le preneur lui-meme est dispose àconclure le nouveau bail et contenir la mention qu'à defaut denotification par le bailleur, suivant les memes voies et dans les troismois, de son refus motive de renouvellement, de la stipulation deconditions differentes ou d'offres d'un tiers, le bailleur sera presumeconsentir au renouvellement du bail aux conditions proposees.

Suivant l'article 16, I, de cette loi, le bailleur peut se refuser aurenouvellement du bail commercial en cas de manquements graves du preneuraux obligations qui decoulent du bail et, si le preneur conteste que lebailleur soit fonde à se prevaloir de ce motif, il se pourvoit devant lejuge dans les trente jours de la reponse du bailleur, à peine deforclusion.

Premiere branche

La demanderesse faisait valoir que :

« La (defenderesse) a fait valoir devant le premier juge ainsi que devantle juge d'appel, et encore devant le tribunal, `que l'esprit de la loi surles baux commerciaux est d'imposer à chacune des parties une rigueurstricte au niveau du formalisme de renouvellement, precisement pour eviterles incertitudes ou les pressions qui auraient pour consequence de mettreen peril les droits fondamentaux du locataire, economiquement plusfaible', en precisant que `l'assignation du 22 mai 2006 ne fait aucuneallusion à sa demande de renouvellement, ni à un refus par rapport àcette demande, ni aux articles 14 et 16 de la loi sur les bauxcommerciaux'.

[...] Pourtant - abstraction faite de l'absurdite dans le present cas decette derniere qualification - aucun texte legal n'obligeant le bailleurà faire expressement reference, dans une lettre repondant à la demandede renouvellement du preneur, ni à cette demande, ni aux article 14 et 16de la loi sur les baux commerciaux, ni d'ailleurs de formuler une reservequelconque, on ne voit pas comment l'absence de ces memes elements dansune citation en resiliation pourrait etre contraire à n'importe quelformalisme impose.

[...] En l'espece, l'assignation remplit toutes les conditions formelles,dans le delai impose par la loi.

[...] Contrairement à ce que le jugement d'appel a ajoute au jugemententrepris, la citation en question mentionne bel et bien que `le manquequalifie et constate de la [defenderesse] de respecter les obligationsmeme elementaires d'entretien qui lui incombent en tant que preneurjustifie la resiliation du bail à ses torts', le dispositif visant laresiliation du bail ainsi que la designation d'un expert pour `evaluernotamment si l'etat de l'immeuble correspond à la bonne execution par la[defenderesse] des obligations d'entretien pendant la duree de sonoccupation'.

[...] Il est à souligner que l'assignation exprime clairement la volontede la (demanderesse) de ne pas poursuivre le bail en cours, ce qui seraitinconciliable avec son consentement à un renouvellement.

[...] Tout à fait à tort, le jugement entrepris reprend quasi textuellement l'argument propose par la [defenderesse] pour en deduire que`la citation datee du 22 mai 2006 ne peut etre consideree comme la reponsed'un bailleur à la demande de renouvellement au sens des articles 14 et16 de la loi sur les baux commerciaux', sans repondre à l'argumentdeveloppe par la [demanderesse] à ce sujet ».

Le jugement attaque ne repond pas à l'argumentation par laquelle lademanderesse faisait ainsi valoir que le refus de renouvellement motive dubailleur n'etait soumis à aucun formalisme et, en particulier, ne devaitpas faire reference expressement à la demande de renouvellement. Il n'estdes lors pas regulierement motive (violation de l'article 149 de laConstitution).

Seconde branche

Le bailleur qui n'accepte pas la demande de renouvellement faiteconformement à l'article 14 de la loi sur les baux commerciaux peutrefuser le renouvellement sur la base d'un des motifs vises à l'article16 de la loi.

Ce refus motive doit etre formule dans les memes formes que l'exercice dudroit au renouvellement, soit par lettre recommandee ou par exploitd'huissier.

La loi sur les baux commerciaux ne soumet le refus de renouvellement àaucune autre condition et, en particulier, elle ne prescrit pas qu'yfigure l'indication obligatoire de certaines mentions.

Ainsi que le constate le jugement attaque, « en date du 22 mai 2006, [lademanderesse] lanc,ait citation contre [la defenderesse] en resiliation dubail aux motifs : 1. d'un non-entretien des lieux et 2. de lanon-execution de travaux convenus dans le bail ».

En considerant que cette citation en resiliation du bail ne peut valoircomme notification d'un refus de renouvellement pour le seul motif qu'ellene fait en rien reference à la demande de renouvellement ou à un refusde renouvellement, le jugement attaque ajoute aux articles 14, alinea 1er,et 16, I, de la loi sur les baux commerciaux une condition qui n'y figurepas et, partant, n'est pas legalement justifie (violation des articles 14,alinea 1er, et 16, I, de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux,inseree dans le livre III, titre VIII, chapitre II, section IIbis, du Codecivil).

Second moyen

Dispositions legales violees

- article 149 de la Constitution ;

- articles 1728 et 1731 du Code civil, ce dernier dans sa version envigueur en 1959, avant sa modification par l'article 1er de la loi du 7novembre 1973 modifiant l'article 1731 du Code civil, ainsi que dans saversion actuelle ;

- article 16, I, de la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux,inseree dans le livre III, titre VIII, chapitre II, section IIbis, du Codecivil.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque declare non justifie le motif du refus derenouvellement invoque par la demanderesse en ce qu'il est fonde surl'article 16, I, 4DEG, de la loi sur les baux commerciaux, aux motifsque :

« [La demanderesse] argue que [la defenderesse] (ou les entreprisesqu'elle a absorbees) a eu la qualite de locataire principal depuis 1959 etqu'à l'epoque, l'article 1731 du Code civil edictait une presomption debon etat locatif du bien loue sauf preuve contraire à apporter par lelocataire.

[La demanderesse] entend donc se prevaloir de cette presomption.

En outre, elle estime qu'elle peut tirer argument de l'existence d'uncontrat de sous-location du 12 mai 1976 [...] mettant à charge dusous-locataire les grosses reparations incombant au bailleur pouraccrediter l'etendue des obligations de [la defenderesse]. En vertu (unenouvelle fois) de l'effet relatif des conventions, ce contrat desous-location ne peut influer sur le contrat de bail principal ni meme[laisser] presumer de son contenu.

Les parties soulignent egalement l'existence d'un acte authentique de baildu 5 fevrier 1996 que [la defenderesse et les parties appelees endeclaration d'arret commun] invoquent pour souligner l'existence d'unnouveau bail de douze ans à dater du 1er octobre 1995 et que [lademanderesse] invoque pour determiner l'etendue des obligations dulocataire (execution de travaux convenus, entretien locatif et grossesreparations, à l'exception de reconstructions ou de renouvellement).

[...] Le tribunal constate : un acte authentique signe le 2 fevrier 1996 ;il invoque un engagement du 29 septembre 1995 prevoyant des travaux àrealiser pour le 31 decembre 1996 ; le bail prend cours le 1er octobre1995 (article 1er- objet) ; le bien a fait l'objet d'un etat des lieuxcontradictoire le 27 juin 1997 sans remarque du bailleur quant auxtravaux du locataire et le bail a continue à produire ses effets, sanscontestation quant à son existence jusqu'à ce jour.

Compte tenu de cette chronologie et de la prise de cours du bail avant larealisation de la condition, ladite condition ne devrait pas etrequalifiee de condition suspensive mais de condition resolutoire. Ausurplus, [la demanderesse] n'a jamais conteste que la demande derenouvellement du 2 mai 2006 a ete introduite dans le delai legalcorrespondant au bail de douze ans ayant pris cours le 1er octobre 1995.Le tribunal juge que la relation contractuelle est regie par les termes dunouveau bail contenu dans l'acte du 5 decembre 1996 et le texte del'ancien article 1731 du Code civil n'est, des lors, plus d'application.

[....] Le point 4 dudit bail stipule que les parties dresseront,contradictoirement, un etat des lieux, à premiere demande ou au plus tarddans le mois de la fin des travaux (soit le 31 janvier [1997]).

Un etat des lieux contradictoire a ete dresse par l'architecte T. le 27juin 1997 en presence du bailleur (à l'epoque un sieur G.), de [ladefenderesse] et [des parties appelees en declaration d'arret commun].

Cet etat des lieux permet de faire application de l'article 1731 (nouveau)du Code civil. Neanmoins, cette disposition est relative à la fin du bailet non à l'entretien du bien pendant la duree du bail. [La defenderesse]ne peut pretendre echapper à un eventuel manquement d'entretien en coursde bail sous pretexte de l'existence legale ou conventionnelle d'uneremise en etat locatif en fin de bail.

[...] Le motif de refus de renouvellement de [la demanderesse] est fondesur l'article 16, I, 4DEG, de la loi sur les baux commerciaux [...].

Concretement, [la demanderesse] fait reproche à son locataire de ne pasentretenir l'immeuble et de ne pas occuper les etages.

Le bail precise, quant à l'entretien, que les obligations du locataireconsistent en:

* entretien en bon pere de famille ;

* supporter les reparations locatives telles qu'elles resultent del'article 1754 du Code civil ;

* `supporter les reparations quelconques, grosses ou petites, quiincombent au bailleur pour autant qu'il ne s'agisse pas dereconstructions ou de renouvellements, sauf si elles etaient laconsequence d'un defaut de reparations locatives, de la negligence oudu fait du preneur' ;

* prendre en charge les peintures exterieures.

Pour etayer son affirmation de defaut d'entretien, [la demanderesse] faitetat d'un constat d'huissier du 19 octobre 2006.

La comparaison entre l'etat des lieux du 27 juin 1997 et ledit constatpermet d'observer que l'immeuble loue etait à l'origine vetuste et que,neuf ans plus tard, il est dans le meme etat de vetuste. Ne souhaitant pasreprendre une description aussi fastidieuse qu'inutile, le tribunalrenvoie les parties à la lecture de l'excellent jugement du juge de paixdu second canton de Liege du 13 avril 2007. Il est en outre inutile dedesigner un nouvel expert qui ne pourrait que reiterer le meme constat devetuste.

Au regard de ces considerations, qui demontrent qu'il n'y a pas demanquements graves, et du fait que [la demanderesse] n'apporte pas lapreuve d'une depreciation de la valeur de l'immeuble consecutive à undefaut d'entretien, le tribunal juge non justifie le motif de refus derenouvellement fonde sur l'article 16, I, 4DEG, de la loi sur les bauxcommerciaux ».

Griefs

Premiere branche

Il resulte de l'article 1728 du Code civil que le preneur a l'obligationd'user de la chose louee en bon pere de famille, ce qui impliquel'obligation de l'entretenir pendant toute la duree du bail.

L'obligation d'entretenir la chose louee s'apprecie au regard de l'etatdans lequel les lieux ont ete rec,us par le preneur. En l'espece, iln'etait pas conteste que la defenderesse occupait les lieux de maniereininterrompue depuis 1959, venant aux droits du preneur originaire auxtermes d'un bail intervenu le 16 novembre 1959.

Par application de l'article 1731 du Code civil tel qu'il etait en vigueuren 1959, à defaut d'etat des lieux, le preneur etait presume avoir rec,ule bien en bon etat locatif, sauf preuve contraire à apporter par lui.

En ayant egard, pour apprecier le respect par la defenderesse de sonobligation d'entretien du bien pendant la duree du bail, à un etat deslieux dresse le 27 juin 1997 en execution d'un bail conclu le 5 fevrier1996, l'arret viole l'article 1731 du Code civil, tant dans sa versionexistant en 1959, avant sa modification par l'article 1er de la loi du 7novembre 1973, qu'il refuse d'appliquer, que dans sa version actuelle,qu'il declare applicable à la determination de l'etat de lieux d'un bienloue occupe de maniere ininterrompue depuis 1959.

Deuxieme branche

La circonstance que le bien loue soit, le cas echeant, vetuste n'impliquepas qu'il ne puisse pas y avoir, dans le chef du preneur, un manquement àson obligation de jouir de la chose en bon pere de famille et, par voie deconsequence, de l'entretenir pendant toute la duree du bail.

Le jugement attaque constate que le bail precise quant à l'entretien queles obligations de la defenderesse consistent en:

* « entretien en bon pere de famille ;

* supporter les reparations locatives telles qu'elles resultent del'article 1754 du Code civil ;

* `supporter les reparations quelconques, grosses ou petites, quiincombent au bailleur pour autant qu'il ne s'agisse pas dereconstructions ou de renouvellements, sauf si elles etaient laconsequence d'un defaut de reparations locatives, de la negligence oudu fait du preneur' ;

* prendre en charge les peintures exterieures ».

De la seule circonstance que le bien ait ete à l'origine vetuste et lesoit encore neuf ans plus tard, le jugement attaque n'a pu legalementdeduire que la defenderesse n'avait pas commis de manquements graves àses obligations de nature à justifier le refus de renouvellement et, enparticulier, de manquements à son obligation d'entretien (violation del'article 1728 du Code civil et de l'article 16, I, de la loi du 30 avril1951 sur les baux commerciaux, inseree dans le livre III, titre VIII,chapitre II, section IIbis, du Code civil).

Troisieme branche

Le jugement attaque constate qu'au titre de ses obligations d'entretien,la defenderesse etait conventionnellement tenue de prendre en charge lespeintures exterieures.

La demanderesse faisait valoir que, lors d'une visite du bien loue à lafin janvier 2006, il fut constate notamment « que les fac,ades etboiseries exterieurs ne sont guere entretenus ».

Le jugement attaque, qui decide que la defenderesse n'a pas commis demanquements graves de nature à justifier le refus de renouvellement sansexaminer ce grief, n'est pas regulierement motive (violation de l'article149 de la Constitution).

Quatrieme branche

La demanderesse faisait valoir que, lors d'une visite du bien loue à lafin janvier 2006, il fut constate notamment « que les etages sontabandonnes et delabres au point d'etre devenus inhabitables et memeinutilisables » et que :

« En conclusions, la [defenderesse] fait valoir que, dans le contrat debail, àucun usage particulier n'est prevu pour les etages qui n'ontjamais ete amenages ou rendus habitables. Le bailleur a uniquement accordeau locataire la faculte de continuer à sous-louer les premier et deuxiemeetages à usage de bureau et de reserve pour commerce de vetements : ils'agit d'une faculte mais non d'une obligation'.

[...] Ces observations - sans doute correctes et meme revelatrices -manquent pourtant de toute pertinence.

[...] En vertu de l'article 1728 du Code civil, `le preneur est tenu dedeux obligations principales :

1DEG d'user de la chose louee en bon pere de famille et suivant ladestination qui lui a ete donnee par le bail, ou suivant celle presumeed'apres les circonstances, à defaut de convention ;

2DEG de payer le prix du bail aux termes convenus'.

[...] `Si le preneur emploie la chose louee à un autre usage que celuiauquel elle a ete destinee, ou dont il puisse resulter un dommage pour lebailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire resilier lebail' (article 1729 du Code civil).

[...] Le bail stipule clairement : `Le bailleur declare donner en locationau preneur, qui accepte, le bien predecrit [...], à usage de cafe. Lepreneur aura la faculte, s'il le juge utile, de continuer à sous-louerles premier et deuxieme etages à usage de bureaux et reserves pourcommerce de vetements, dans les conditions prevues à l'accord'.

[...] S'il est constant que le bail ainsi que la destination de caferetenue pour l'immeuble dans sa totalite porte sur l'immeuble entier, nile fait pour le preneur de se prevaloir ou non de son droit de sous-louerles etages ni la circonstance qu'il n'est pas tenu de leur donner unedestination commerciale - pour autant qu'il use de la faculte desous-louer le premier et le deuxieme etage - ne sont de nature à modifierdans la moindre mesure son obligation :

- d'utilisation conformement à la destination,

- et d'entretien, portant egalement - ainsi que la destination - surl'integralite de l'immeuble.

[...] `Le preneur ne doit pas seulement jouir de la chose suivant sadestination ; il doit aussi en user en bon pere de famille : c'est s'enservir de telle maniere que la substance n'en soit point compromise [...],c'est prendre les precautions requises pour sa conservation'.

[...] Si les proprietaires precedents n'ont jamais insiste pour que lebien soit effectivement occupe - y compris les etages - et regulieremententretenu, cette carence - qui pourrait avoir ete inspiree par leurintention de vendre l'immeuble - n'a point pour effet d'enlever lesobligations contractuelles concernant l'utilisation ainsi que l'obligationd'entretien et reprises dans les contrats de bail, et moins encore que la[demanderesse] serait tenue par la position adoptee par sespredecesseurs ;

[...] Le manque constate d'utilisation et d'entretien constitue des lorsdans le chef de la [defenderesse] un manque qualifie de respect de sesobligations, justifiant - ou au moins pouvant justifier - l'action muecontre elle et au cours du bail par la [demanderesse].

Notamment, l'abandon ainsi que la non-utilisation, qui impliquenecessairement le non-respect de la destination de l'immeuble par la[defenderesse], depuis des dizaines d'annees sinon depuis le debut de sonoccupation, des etages de l'immeuble loue (qui representent quatre des sixniveaux de construction !) n'est en aucun cas conciliable avec l'usageauquel ces etages ont ete destines.

[...] Il n'est d'ailleurs point imaginable que cet abandon (explicitementretenu par la loi comme motif grave justifiant le refus de renouvellement`y compris la depreciation de l'immeuble par le fait du preneur') parmanque de chauffage, d'aeration et d'entretien regulier ne compromette pasla substance et la valeur de l'immeuble.

[...] Il est encore moins imaginable qu'un bailleur soit force d'accepterces memes conditions au cours d'une periode de neuf ans, correspondant àla duree du renouvellement de bail demande par son preneur, sinon pour unetrentaine d'annees à venir, d'autant plus qu'il s'est interdit de seprevaloir, àu cas ou le preneur aurait droit au renouvellement du presentbail', de l'article 16, II, de la loi sur les baux commerciaux, `qui luireconnait le droit de reprendre possession de la part de l'immeuble donneeen sous-location à usage non-commercial' (article 9 du contrat de bail du5 fevrier 1996).

[...] `Les manquements reproches [...] peuvent egalement relever d'unchangement de destination des lieux loues, [...] d'un manque d'entretienserieux et caracterise des lieux, qui ne peut etre confondu avec lesmenues reparations dont le preneur ne doit rendre compte qu'en find'occupation, [...] ou de l'abandon'.

[...] Ce qui precede demontre que le motif principal du refus derenouvellement du bail, à savoir le non-respect des clausesconventionnelles relatives à l'entretien et à la reparation del'entierete de l'immeuble et l'abandon pendant des dizaines d'annees dequatre des six niveaux de l'edifice (abandon et non-entretien qu'aucunproprietaire ne peut etre oblige d'accepter pour un nouveaurenouvellement) est plus que fonde ».

La demanderesse faisait ainsi valoir, de maniere circonstanciee, quel'obligation d'entretien portait sur l'integralite du bien, y compris lesetages non occupes, et reprochait à la defenderesse de ne pas avoiroccupe et entretenu ces etages.

Le jugement attaque, qui decide que la defenderesse n'a pas commis demanquements graves de nature à justifier le refus de renouvellement sansrepondre à ce grief, n'est pas regulierement motive (violation del'article 149 de la Constitution).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

En considerant que, si « rien n'interdit au bailleur de mettre en oeuvreles deux voies par un meme exploit d'huissier », « tel n'est pourtantpas le cas en l'espece car la citation en resiliation du 22 mai 2006 nefait en rien reference à la demande de renouvellement du 2 mai 2006 ou àun refus de renouvellement », le jugement attaque repond, en lescontredisant, aux conclusions de la demanderesse faisant valoir que lerefus de renouvellement n'etait soumis à aucun formalisme et ne devaitpas faire expressement reference à la demande de renouvellement.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 14, alinea 1er, de la loi du 30 avril 1951 relativeaux baux commerciaux, le preneur desireux d'exercer le droit aurenouvellement du bail doit, à peine de decheance, le notifier aubailleur par exploit d'huissier de justice ou par lettre recommandee et lanotification doit contenir la mention qu'à defaut de notification par lebailleur dans les trois mois de son refus motive de renouvellement, lebailleur sera presume consentir au renouvellement du bail.

Conformement à l'article 16, I, 4DEG, alineas 1er et 3, de cette loi, lebailleur peut se refuser au renouvellement du bail pour tous manquementsgraves du preneur aux obligations qui decoulent pour lui du bail en courset, si le preneur conteste que le bailleur soit fonde à se prevaloir deces motifs, il se pourvoit devant le juge dans les trente jours de lareponse du bailleur, à peine de forclusion.

Lorsque, apres l'exercice regulier par le preneur de son droit aurenouvellement du bail, le juge est saisi, dans le delai legal prescrit aubailleur pour notifier son refus motive de renouvellement du bail, d'unedemande en resolution du bail introduite par celui-ci pour manquements dupreneur aux obligations du bail, cette demande vaut aussi refus motive derenouvellement du bail.

Il s'ensuit que l'obligation pour le preneur, qui conteste que le bailleursoit fonde à se prevaloir de manquements aux obligations du bail, de sepourvoir devant le juge dans le delai legal, à peine de forclusion,devient sans objet.

Il ressort des constatations du jugement rendu le 18 octobre 2007 par lepremier juge, auquel le jugement attaque se refere, que « [ladefenderesse] a demande le renouvellement du bail principal par lettre du5 mai 2006 ».

Le jugement attaque releve que, « [le] 22 mai 2006, [la demanderesse]lanc,ait citation contre [la defenderesse] en resiliation du bail auxmotifs d'un non-entretien des lieux et de la non-execution de travauxconvenus dans le bail ».

La decision du jugement attaque que la demande de la defenderesse enrenouvellement du bail introduite le 27 juillet 2006 est recevable est,des lors, legalement justifiee.

Le moyen, qui, en cette branche, fut-il fonde, ne saurait entrainer lacassation, est denue d'interet, partant, irrecevable.

Sur le second moyen :

Quant à la premiere branche :

Le jugement attaque constate que « les parties soulignent [...]l'existence d'un acte authentique de bail du 5 fevrier 2006 », qu' « ilest precise que la [...] convention constitue [...] un premier baildonnant droit aux renouvellements legaux », et considere que « larelation contractuelle est regie par les termes d'un nouveau bail contenudans l'acte du 5 fevrier 2006 ».

Le moyen, qui, en cette branche, revient à s'eriger contre cetteappreciation qui git en fait, est irrecevable.

Quant à la deuxieme branche :

Le jugement attaque releve que, « pour etayer son affirmation de defautd'entretien, [la demanderesse] fait etat d'un constat d'huissier du 19octobre 2006 » et considere que « la comparaison entre l'etat des lieuxdu 27 juin 1997 et ledit constat permet d'observer que l'immeuble loueetait à l'origine vetuste et que, neuf ans plus tard, il est dans le memeetat de vetuste », pour en deduire qu'« il n'y a pas de manquementsgraves ».

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur l'affirmation que le jugementattaque se fonde sur « la circonstance que le bien [a] ete à l'originevetuste et [l'est] encore neuf ans plus tard », pour en deduire qu'« iln'y a pas de manquements graves », manque en fait.

Quant à la troisieme branche :

Par les motifs reproduits en reponse à la deuxieme branche du moyen, lejugement attaque repond au grief de la demanderesse deduit de ce que lesfac,ades et boiseries exterieures ne sont guere entretenues.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la quatrieme branche :

Outre les motifs reproduits en reponse à la deuxieme branche du moyen, lejugement attaque considere que « [la demanderesse] n'apporte pas lapreuve d'une depreciation de la valeur de l'immeuble consecutive à undefaut d'entretien ».

Par ces motifs, le jugement attaque repond au grief de la demanderessededuit de ce que l'obligation d'entretien portait sur l'integralite dubien, y compris les etages non occupes.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur la demande en declaration d'arret commun :

Le rejet du pourvoi prive d'interet la demande en declaration d'arretcommun.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de neuf cent septante-sept euros deuxcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Martine Regout, les conseillers Michel Lemal,Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce en audience publique dudix juin deux mille seize par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

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| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
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| M. Lemal | M. Regout | Chr. Storck |
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10 JUIN 2016 C.14.0565.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.14.0565.F
Date de la décision : 10/06/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-06-10;c.14.0565.f ?
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