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10/06/2016 | BELGIQUE | N°C.15.0103.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 juin 2016, C.15.0103.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0103.F

1. M. L. et

2. C. F.,

3. C. R. et

4. C. V.,

5. D. F. et

6. M. C.,

7. BRASSERIE D., societe privee à responsabilite limitee dont lesiege social est etabli à Leuze-en-Hainaut (Tourpes), rue Basse, 5,

8. ville de Leuze-en-Hainaut, representee par son college communal,dont les bureaux sont etablis à Leuze-en-Hainaut, en l'hotel deville, avenue de la Resistance, 1,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decas

sation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine,11, ou il est fait election de domicile,

contre

1. INFRA...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.15.0103.F

1. M. L. et

2. C. F.,

3. C. R. et

4. C. V.,

5. D. F. et

6. M. C.,

7. BRASSERIE D., societe privee à responsabilite limitee dont lesiege social est etabli à Leuze-en-Hainaut (Tourpes), rue Basse, 5,

8. ville de Leuze-en-Hainaut, representee par son college communal,dont les bureaux sont etablis à Leuze-en-Hainaut, en l'hotel deville, avenue de la Resistance, 1,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine,11, ou il est fait election de domicile,

contre

1. INFRABEL, societe anonyme de droit public, dont le siege socialest etabli à Saint-Gilles, place Marcel Broodthaers, 2,

2. TUC RAIL, societe anonyme dont le siege social est etabli àSaint-Gilles, avenue Fonsny, 39,

* defenderesses en cassation,

* representees par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de laRegence, 4, ou il est fait election de domicile.

* I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 25 mars2014 par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copiecertifiee conforme, les demandeurs presentent deux moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil dispose que touteaction en reparation d'un dommage fondee sur une responsabiliteextracontractuelle se prescrit par cinq ans à partir du jour qui suitcelui ou la personne lesee a eu connaissance du dommage ou de sonaggravation et de l'identite de la personne responsable.

En vertu de l'article 2244, alineas 1er et 2, de ce code, une citationen justice, signifiee à celui qu'on veut empecher de prescrire, formel'interruption civile jusqu'au prononce d'une decision definitive.

Cet effet interruptif ne saurait toutefois se produire avant que ledelai de prescription ait pris cours.

Le moyen, qui est tout entier fonde sur le soutenement qu'il suffit,pour faire echec à la prescription, que la victime agisse en justicedans les cinq ans de la survenance du fait generateur du dommage, sansqu'il faille examiner quand la prescription a pris cours, manque endroit.

Sur le second moyen :

Apres avoir enonce que « les regles de l'article 2262bis, alinea 2,[du Code civil], soit la prescription quinquennale, sontd'application », l'arret releve que, « des le debut des travaux, lemontant de ceux-ci etait connu, de meme que la participation de [lahuitieme demanderesse], pour compte de qui il appartiendrait, jusqu'àhauteur de 20 p.c. de ceux-ci », qu'« il resulte de la pieceintitulee `recapitulatif des depenses - bassin d'orage' [...] que despaiements sont prevus à differentes dates echelonnees entre 2002 et2006 » et qu'« il y a [...] lieu de se baser sur ce documentrecapitulatif à defaut de toute autre piece fournie par [la huitiemedemanderesse] ». Il considere, sur la base de ces enonciations, que« le delai de prescription a donc commence à courir à partir dechaque decaissement successif ».

Il considere ensuite que « seuls les decaissements posterieurs au 16mars 2006 pourraient etre pris en consideration » des lors que « lademande de [la huitieme demanderesse a] ete formulee pour la premierefois au fond par ses conclusions du 17 mars 2011 ».

L'arret, qui considere ainsi que seules les conclusions du 17 mars2011 introduisaient pour la premiere fois une demande de remboursementde la huitieme demanderesse, repond aux conclusions de cette dernierequi soutenait avoir introduit cette demande par de premieresconclusions deposees le 26 aout 2010.

Le moyen manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux depens.

Les depens taxes à la somme de neuf cent quatre-vingt-trois euroscinquante et un centimes envers les parties demanderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Martine Regout, les conseillers Michel Lemal,Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce en audiencepublique du dix juin deux mille seize par le president de sectionChristian Storck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin,avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| M. Lemal | M. Regout | Chr. Storck |
+----------------------------------------------+

Requete

1er feuillet

REQUETE EN CASSATION

________________________

Pour : 1DEG. M. L. et

2DEG. C. F.,

3DEG. C. R. et

4DEG. C. V.,

5DEG. D. F. et

6DEG. M. C.,

7DEG. la s.p.r.l. BRASSERIE D., dont le siege social est etabli à7904 Leuze-en-Hainaut (Tourpes), rue Basse, 5,

8DEG. la ville de Leuze-en-Hainaut, representee par son Collegecommunal, dont les bureaux sont etablis à 7900 Leuze-en-Hainaut,

Hotel de Ville, avenue de la Resistance, 1,

* demandeurs,

assistes et representes par Me Jacqueline Oosterbosch, avocate à laCour de cassation, dont le cabinet est etabli à 4020 Liege, rue deChaudfontaine, 11, ou il est fait election de domicile,

2eme feuillet

Contre : 1DEG. la s.a. de droit public INFRABEL, dont le siege socialest etabli à

1060 Saint-Gilles, place Marcel Broodthaers, 2, inscrite à la BCE

sous le nDEG 0869.763.267,

2DEG. la s.a. TUC RAIL, dont le siege social est etabli à 1060Saint-Gilles,

avenue Fonsny, 39, inscrite à la BCE sous le nDEG 0447.914.029,

defenderesses.

A Messieurs les Premier President et Presidents, Mesdames et Messieursles Conseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs, Mesdames,

Les demandeurs ont l'honneur de deferer à votre censure l'arret renducontradictoirement entre les parties par la deuxieme chambre de lacour d'appel de Mons le 25 mars 2014 (nDEG 2012/RG/548).

Les faits et antecedents de la cause, tels qu'ils ressortent despieces auxquelles votre Cour peut avoir egard, peuvent etre ainsibrievement resumes.

En 1993, dans le cadre des etudes prealables à l'installation de laligne TGV sur le territoire de la ville de Leuze-en-Hainaut, icihuitieme demanderesse, il est apparu que l'egouttage existant àhauteur de certaines voiries n'etait pas suffisant pour evacuer lesquantites supplementaires d'eau provenant des ouvrages envisages. LaSA Tuc Rail, bureau d'etudes de la SNCB, a propose soit d'augmenter lediametre de certains tuyaux, soit de creer un bassin d'orage,privilegiant cette derniere solution. La ville de Leuze a finalementretenu la premiere solution.

3eme feuillet

Debut avril 1998, la region en cause a connu des precipitationsimportantes à la suite desquelles les consorts L., R. et F. (ci-apres: les riverains), actuels demandeurs 1DEG à 6DEG, furent inondes. Unexpert fut designe par ordonnance de refere du 7 octobre 1998. Findecembre 1999, la region a de nouveau connu ce meme phenomene touchantles memes riverains ainsi que la Brasserie D. (ci-apres : labrasserie), septieme demanderesse. L'expertise fut etendue à cesinondations par ordonnance du 8 mars 2000. D'autres inondationssurvinrent en juin 2000, mars 2001 et juin 2002, entrainant unenouvelle extension de l'expertise par ordonnances des 28 fevrier 2001et 14 septembre 2005. En juin 2000, il fut decide de construire unbassin d'orage à charge de qui il appartiendra. Ce chantier, financepar la ville de Leuze et la Region wallonne, fut termine en decembre2006 et, depuis lors, plus aucune inondation n'est à deplorer sur leslieux.

L'expert B. a depose son rapport definitif les 10 septembre 2007 (ence qui concerne la brasserie) et 30 decembre 2009 (en ce qui concerneles riverains). Il a retenu l'entiere responsabilite de la SNCB et deTuc Rail en ce qu'elles n'ont pas tenu compte du dimensionnement tropfaible du reseau d'egouttage existant et n'ont pas prevu de bassind'orage, et a evalue les prejudices des sinistres.

La brasserie a cite, afin d'etre indemnisee, les SA Tuc Rail et SNCBHolding par exploit du 16 septembre 2009, ainsi que la SA Infrabel parexploit du 11 juin 2010, laquelle a appele la ville de Leuze enintervention et garantie par exploit du 26 aout 2010.

Les riverains ont pareillement cite les SA Tuc Rail et SNCB Holding,en reclamant l'indemnisation de leurs prejudices, par exploit du 19juillet 2010. La ville de Leuze a fait intervention volontaire danscette procedure par requete du 2 septembre 2010, afin d'obtenir leremboursement de son intervention dans les travaux de construction dubassin d'orage qu'elle fut contrainte de realiser pour mettre un termeaux inondations repetees, soit 202.674 EUR en principal.

4eme feuillet

Par jugement du 15 mars 2012, le tribunal de commerce de Tournai,apres avoir joint les causes et constate que la SNCB doit etre misehors de cause des lors que les activites à l'origine du litige furentreprises par Infrabel au 1er janvier 2005, a considere qu'enparticipant sans reserve aux expertises judiciaires, lesquellesavaient pour but non seulement de chiffrer les dommages mais aussi depreciser les responsabilites, les societes mises en cause onttacitement renonce à la prescription acquise et ne peuvent des lorsplus l'opposer. Ecartant toute force majeure deduite du caractereexceptionnel des precipitations survenues, le tribunal a retenu que laresponsabilite des actuelles defenderesses est engagee pour n'avoirpas pris les mesures efficaces afin que les travaux ne causent pas deprejudices, alors qu'elles etaient conscientes du risque, tandis quela ville de Leuze n'a commis aucune faute en optant pour une solutionpresentee par Tuc Rail comme supprimant le risque d'inondation maisqui s'est averee insuffisante et inadequate. Le quantum des dommagesn'etant pas conteste, le jugement a condamne Tuc Rail à indemniserles riverains et a condamne solidairement les defenderesses àindemniser la brasserie et à rembourser le cout expose par la villede Leuze.

Les defenderesses ont interjete appel par requete du 4 juin 2012. Lesriverains et la ville de Leuze ont poursuivi la confirmation dujugement, seule la brasserie formant un appel incident subsidiairecontre la ville de Leuze. Les defenderesses ont oppose, à titreprincipal, la prescription des actions dirigees contre eux et ontdirige, à titre infiniment subsidiaire, une action en garantie contrela ville de Leuze.

L'arret attaque rec,oit les appels, dit l'appel principal fonde etl'appel incident sans objet, met le jugement à neant, declareprescrites les demandes formees par l'ensemble des prejudicies,actuels demandeurs, et les condamne aux frais et depens des deuxinstances.

A l'encontre de cet arret, les demandeurs croient pouvoir proposer lesmoyens suivants.

6eme feuillet

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions legales violees

* les articles 1382, 2244, S: 1er, et 2262bis, S: 1er, du Codecivil,

* les articles 17, 18 et 584 du Code judiciaire.

Decision critiquee

* * * Apres avoir constate que :

* * "le litige concerne les degats provoques par les inondations,survenues - apres l'installation de la ligne TGV dans la regionde Tourpes en 1993 - les 7 avril 1998, 26 decembre 1999, 3 juin2000, 18 mars 2001 et 7 juin 2002, dans les rues ..., ... et ...à Tourpes" (arret, p. 2);

* * "en date du 26 aout 1998, une procedure fut initiee par laVille de Leuze, en refere, devant le president du tribunal decommerce de Tournai; les riverains font intervention volontaireà la cause; pas la Brasserie D.. Une decision en refere du 7octobre 1998 designe l'expert B. avec mission d'examiner lesysteme d'egouttage des rues concernees et de dire, notamment, siles travaux effectues par les parties S.A. TUC Rail, S.N.C.B. etVille de Leuze permettaient un ecoulement suffisant des eaux deruissellement, et de decrire les travaux et systemes quidevraient etre etablis pour eviter toute inondation, la missiond'expertise etant pour le surplus particulierement detaillee.Cette expertise est ordonnee «sous reserve de tous droits desparties». Suite à de nouvelles inondations ayant eu lieu le 26decembre 1999, les riverains deposerent des conclusions le 10fevrier 2000, pour etendre la mission d'expertise à cesinondations, à defaut d'accord amiable des parties en

* 7eme feuillet

* * * cause. Un jugement du 8 mars 2000 fait droit à cette demanded'extension (et) confirme pour le surplus les termes et lesreserves de la mission confiee à l'expert B.. De nouvellesinondations eurent ensuite lieu à une date fixee entre le 3 etle 6 juin 2000. Il n'y a pas eu d'extension de la mission del'expert par voie judiciaire mais il resulte d'une declarationdes riverains actee dans un jugement de refere subsequent du 14septembre 2005, que les parties avaient convenu amiablementd'etendre la mission à cet evenement" (arret, p. 5);

* * "parallelement à cette procedure, la Brasserie D. a initie uneprocedure en refere, contre la SA TUC Rail, la SNCB et la Villede Leuze (...). Les preliminaires (du) rapport ont ete deposes le21 mars 2002 et les conclusions le 11 decembre 2006" (arret, p.6);

* * "en l'espece la citation en referes du 26 aout 1998 est dirigeepar la Ville de Leuze contre les (defenderesses) et contre lessocietes Intercom et Belgacom, impetrants, dont les cablespeuvent etre mis en cause; le jugement qui designe expert lesmaintient à la cause; ils seront mis hors cause, de l'accord detoutes les autres parties lors de la reunion d'expertise du 7juin 2000" (arret, p. 10),

* * l'arret attaque declare prescrites les demandes formees par lesdemandeurs par citations au fond des 16 decembre 2009 (septiemedemanderesse) et 19 juillet 2010 (demandeurs 1DEG à 6DEG) et parconclusions du 17 mars 2011 (huitieme demanderesse), et lescondamne aux frais et depens des deux instances, pour tous sesmotifs reputes ici integralement reproduits et, en particulier,pour les motifs que (arret, pp. 11-12) :

* * "En cumulant les deux conditions pour que la prescriptionprevue à l'article 2262 bis alinea 2 commence à courir, il fautconstater que celle-ci a commence à courir au plus tard lelendemain de l'inondation du 7 juin 2002, soit le 8 juin 2002 etqu'elle est donc acquise le 8 juin 2007.

* * * 8eme feuillet

* * * La prescription de cinq ans a donc commence à courir lelendemain du 7 juin 2002 en ce qui concerne les riverains et le22 mars 2002 en ce qui concerne la Brasserie, soit à des dateseloignees de plus de cinq ans par rapport aux citations au fond.

* Il appartient alors aux parties qui pretendent que laprescription a ete interrompue anterieurement aux procedures aufond, de rapporter la preuve de l'existence d'un acte interruptifde prescription.

* La citation en justice interrompt valablement la prescription,aux termes de l'article 2244 du Code civil.

* (...)

* La notion de citation interruptive de prescription n'est pas àcomprendre au sens strict. Elle vise tout acte par lequel unepersonne introduit une demande en justice tendant à fairereconnaitre son droit. L'effet interruptif de la prescriptionattache à la citation est limite à la dette dont elle vise lacondamnation (...).

* Il faut considerer qu'en l'espece, les citations en referevisaient à la designation des causes des sinistres ayantprovoque les dommages et donc qu'elles sont susceptible(s)d'interrompre la prescription.

* Les citations en refere anterieures au 22 mars 2002 n'ont pas puinterrompre la prescription qui n'avait pas encore commence decourir.

* Il convient donc d'examiner les actes de procedure posterieurs".

* * L'arret releve ensuite que :

* la brasserie, septieme demanderesse, "ne fait etat d'aucun actede procedure qu'elle aurait initie à une date susceptibled'interrompre la prescription ou d'une autre demande proceduralequi aurait pour effet d'interrompre la prescription. Or la chargede la preuve lui incombe. La prescription est donc acquise à sonegard" (arret, p. 12);

* en ce qui concerne les riverains, "il resulte de l'ordonnance dereferes du 7 octobre 1998 qu'ils ont fait intervention volontairedans le cadre de la citation introduite par la Ville de Leuze.Ils ont depose des conclusions en date du 18 avril 2005 en vued'etendre la mission de l'expert aux nouvelles inondations ainsiqu'il resulte de la decision en referes prononcee le 14 septembre2005. (...) Or ils ne deposent pas ces conclusions, et nedemontrent pas

* 9eme feuillet

* * * qu'ils ont formule une demande au fond susceptibled'interrompre la prescription. Une simple demande d'extension demission ne peut avoir d'effet interruptif de prescription. Leurdemande au fond n'a ete introduite que par citation du 19 juillet2010 et la prescription est donc acquise. Il s'ensuit que leurdemande est egalement prescrite" (arret, p. 13);

* "force est de constater que la Ville de Leuze, à qui incombe lacharge de prouver que le delai de prescription a ete interrompu,ne fournit aucune piece justificative à cet egard" (arret, p.16).

* * Griefs

En vertu de l'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil,l'action en reparation d'un dommage fondee sur une responsabiliteextracontractuelle se prescrit par cinq ans à partir du jour qui suitcelui ou la personne lesee a eu connaissance du dommage ou de sonaggravation et de l'identite de la personne responsable.

Aux termes de l'article 2244, S: 1er, alineas 1er et 2, du meme code,une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifies àcelui qu'on veut empecher de prescrire, forment l'interruption civilede la prescription. Une citation en justice interrompt celle-cijusqu'au prononce d'une decision definitive.

Apres avoir constate que, par ordonnance de refere du 7 octobre 1998,un expert fut charge d'une mission classique consistant à decrire etapprecier la situation litigieuse ainsi que les travaux à effectuerpour y remedier, de donner un avis sur les responsabilites des partiesimpliquees dans les inondations, d'examiner les causes des prejudicesdes parties sinistrees par celles-ci et de les evaluer, et que cetteexpertise fut successivement etendue aux inondations ulterieures,l'arret attaque decide "qu'en l'espece, les citations en referevisaient à la designation des causes des sinistres ayant provoque lesdommages et donc qu'elles sont susceptible(s) d'interrompre laprescription" mais considere que "les citations en refere anterieuresau 22 mars

10eme feuillet

2002 n'ont pas pu interrompre la prescription qui n'avait pas encorecommence à courir". Il releve ainsi que les demandeurs, creanciers deresponsabilite, ont procede à une citation en justice qui est"susceptible d'interrompre la prescription" mais decide que cettecitation est en quelque sorte prematuree, la prescription n'ayant pascommence à courir au moment ou elle fut effectuee.

En vertu des articles 17, 18 et 584 du Code judiciaire, et del'article 1382 du Code civil, la victime d'un dommage a qualite etinteret pour agir, des la survenance de celui-ci, aux fins de sareparation. L'article 2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil seborne à enoncer le moment ultime auquel elle doit agir à cette fin.

Il se deduit de cette derniere disposition et de l'article 2244, S:1er, alineas 1er et 2, du Code civil que le juge, qui releve qu'uneprocedure en refere fut lancee immediatement apres le (premier) faitdommageable, autrement dit que la victime d'un dommage a agi enjustice immediatement au moyen d'une citation qui est "susceptibled'interrompre la prescription" - avec cet effet, decoulant del'article 2244, S: 1er, que la citation interrompt la prescriptionjusqu'au prononce d'une decision definitive -, n'a plus à examinerquand le delai de prescription a pris cours, s'il a eventuellement eteinterrompu et si la partie dont la responsabilite est recherchee aeventuellement tacitement renonce à la prescription acquise. Cesquestions ne se posent en effet que si, precisement, la victime n'apas introduit, dans le delai de cinq ans apres le fait generateur deson dommage, une demande visant la reconnaissance de son droit dirigeecontre les personnes qu'elle estime responsable.

Ayant "consider(e) qu'en l'espece, les citations en refere visaient àla designation des causes des sinistres ayant provoque les dommages etdonc qu'elles sont susceptibles d'interrompre la prescription",autrement dit que les victimes de ces dommages ont immediatementintroduit une action en justice qui est de nature à interrompre laprescription de l'action en reparation desdits dommages, l'arretattaque, qui decide que "les citations anterieures au 22 mars 2002n'ont pas pu interrompre le delai de prescription qui n'avait pasencore commence à courir" et que l'action ulterieurement lancee aufond est prescrite, n'est pas legalement justifie (violation de toutesles dispositions visees au moyen).

11eme feuillet

Developpements

Le premier moyen n'appelle que de brefs developpements.

Apres avoir decide que les citations en refere, posterieures aupremier fait dommageable, etaient "susceptible(s) d'interrompre laprescription" de l'action en reparation de ce dommage - ce qui seconc,oit lorsque, ainsi que le constate l'arret attaque, dans le cadrede l'expertise ordonnee par le juge des referes, un accord estintervenu entre toutes les parties à cette expertise en vue de mettrehors de cause les societes Intercom et Belgacom, dont laresponsabilite etait initialement recherchee, ce dont il se deduit quela responsabilite des faits dommageables etait bien debattue dans cecadre -, l'arret attaque retient neanmoins que ces citations n'ont pasinterrompu la prescription pour le motif, errone, que celle-ci"n'avait pas encore commence de courir" (arret, p. 12).

Ceci revient à reprocher aux victimes, actuelles demanderesses,d'avoir en quelque sorte agi prematurement aux fins d'obtenir lareparation de leur prejudice, alors que, des la survenance du premierfait dommageable, soit en l'espece le 7 avril 1998, elles disposaientde la qualite et de l'interet requis pour agir à cette fin, l'article2262bis, S: 1er, alinea 2, du Code civil se bornant à enoncer lemoment ultime auquel la citation doit intervenir et cette citationinterrompant, en vertu de l'article 2244, S: 1er, alineas 1er et 2, dumeme code, la prescription de l'action en reparation jusqu'au prononced'une decision definitive.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Disposition violee

L'article 149 de la Constitution.

12eme feuillet

Decision critiquee

* L'arret attaque enonce que, "par conclusions deposees et viseesle 17 mars 2011, la Ville de Leuze forme une demande incidentecontre la S.A. TUC Rail, la S.N.C.B. et la S.A. INFRABEL, visantà leur condamnation solidaire, in solidum ou l'un à defaut del'autre au paiement de la somme de 202.674 EUR, outre lesinterets representant sa participation au cout du bassin d'oragerealise par la Region Wallonne, ainsi que la somme de 12.179,53EUR representant les frais d'expertise dont elle a fait l'avance,ainsi que les frais et depens de l'instance" (arret, p. 4),decide que cette demande de la huitieme demanderesse estprescrite et la condamne, conjointement avec les autresdemandeurs, aux frais et depens des deux instances, pour tous sesmotifs reputes ici integralement reproduits et, en particulier,en ce qui concerne l'interruption de la prescription, pour lesmotifs que :

* * "Il y a lieu de distinguer le cas de la Ville de Leuze quiforme en date du 17 mars 2011, une demande reconventionnellecontre la S.A. TUC Rail et la S.A. INFRABEL visant au reglementde sa quote-part dans la realisation du bassin d'orage.

* (...)

* Quant à la date de la connaissance du dommage, dont la charge dela preuve incombe à la Ville de Leuze, il appert que des ledebut des travaux, le montant de ceux-ci etait connu, de meme quela participation de la Ville de Leuze, pour compte de qui ilappartiendrait, à hauteur de 20% de ceux-ci.

* Si le chantier a debute en avril 2002, il resulte de la pieceintitulee «recapitulatif des depenses - bassin d'orage», annexe32/1 au rapport d'expertise, versee au dossier des riverains, quedes paiements sont prevus à differentes dates echelonnees entre2002 et 2006.

* (...)

* Il y a (...) lieu de se baser sur ce document recapitulatif, àdefaut de toute autre piece fournie par la Ville de Leuze.

* Le delai de prescription a donc commence à courir à partir dechaque decaissement successif.

* 14eme feuillet

* * * Il resulte que, la demande de la Ville de Leuze ayant eteformulee pour la premiere fois au fond par ses conclusions du 17mars 2011, les decaissements anterieurs à 5 ans ne peuvent etrepris en consideration, la demande etant prescrite.

* Des lors seuls les decaissements posterieurs au 16 mars 2006pourraient etre pris en consideration.

* Or, il resulte de ce document que le dernier versement estintervenu le 20 fevrier 2006.

* (...)

* La demande est donc prescrite" (arret, pp. 14, 16 et 17).

* Griefs

L'arret attaque considere, d'une part, que, "quant à la date de laconnaissance du dommage, (...) il appert que des le debut des travaux,le montant de ceux-ci etait connu, de meme que la participation de laVille de Leuze, pour compte de qui il appartiendrait, à hauteur de20% de ceux-ci" et que "le chantier a debute en avril 2002", et,d'autre part, "que des paiements sont prevus à differentes datesechelonnees entre 2002 et 2006", que "le delai de prescription a donccommence à courir à partir de chaque decaissement successif" et "quele dernier versement est intervenu le 20 fevrier 2006".

Il laisse ainsi incertain s'il retient que le delai de prescriptionopposable à la huitieme demanderesse a pris cours en avril 2002 ou enfevrier 2006, tout en retenant qu'aucun acte interruptif n'a ete posepar cette partie. Il est, partant, entache d'ambiguite et des lorsirregulierement motive (violation de l'article 149 de laConstitution).

Si l'arret attaque doit etre lu comme faisant courir ce delai deprescription à chaque decaissement effectif, et donc in fine au 20fevrier 2006, il n'est pas regulierement motive en tant qu'il enonceque "la demande de la Ville de Leuze a(...) ete formulee pour lapremiere fois au fond par ses conclusions du 17 mars 2011", pour endeduire que "seuls les decaissements

15eme et dernier feuillet

posterieurs au 16 mars 2006 pourraient etre pris en consideration". Lahuitieme demanderesse faisait en effet valoir que, dans le cadre desprocedures mues au fond par les riverains et, ensuite, de l'action enintervention forcee dirigee contre elle par la s.a. Infrabel, elleavait, "par conclusions des 26 aout 2010 et 17 mars 2011, (...)sollicit(e) la condamnation solidaire de la SA TUC RAIL et INFRABEL àlui rembourser la somme de 202.674,00EUR consacree à la constructiondu bassin d'orage" (ses concl. app. synth., p. 5). L'arret ne repondpar aucune consideration à ce moyen deduit de ce que la premieredemande de condamnation des parties adverses fut formulee non le 17mars 2011 mais le 26 aout 2010, ce dont il se deduit que devaient etrepris en consideration les decaissements posterieurs non au 16 mars2006 mais au 25 aout 2005 (violation de l'article 149 de laConstitution).

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocate à la Cour de cassation soussignee, pour les demandeurs,conclut qu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arretattaque; ordonner que mention de votre arret soit faite en marge de ladecision annulee; renvoyer la cause et les parties devant une autrecour d'appel; statuer comme de droit quant aux depens.

Jacqueline Oosterbosch

Le 6 mars 2015

L'arret attaque evoque (p. 6) la date du 11 decembre 2006, mais ils'agit de la date de redaction (cf.

p. 9 de l'arret).

10 JUIN 2016 C.15.0103.F/1

Requete/15


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0103.F
Date de la décision : 10/06/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-06-10;c.15.0103.f ?
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