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03/10/2016 | BELGIQUE | N°S.14.0109.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 octobre 2016, S.14.0109.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.14.0109.F

1. Maitre Christian VAN BUGGENHOUT, avocat au barreau de Bruxelles, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106,

2. Maitre Alain d'IETEREN, avocat au barreau de Bruxelles, dont lecabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, chaussee de la Hulpe, 187,

3. Maitre Ilse VAN de MIEROP, avocat au barreau de Bruxelles, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106,

agissant en qualite de curateurs à la faillite de la societe anonymeSabena,

demandeurs en cassation,
>representes par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.14.0109.F

1. Maitre Christian VAN BUGGENHOUT, avocat au barreau de Bruxelles, dontle cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106,

2. Maitre Alain d'IETEREN, avocat au barreau de Bruxelles, dont lecabinet est etabli à Watermael-Boitsfort, chaussee de la Hulpe, 187,

3. Maitre Ilse VAN de MIEROP, avocat au barreau de Bruxelles, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106,

agissant en qualite de curateurs à la faillite de la societe anonymeSabena,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

J.-P. N.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 10 juin 2014par la cour du travail de Bruxelles.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Jean Marie Genicot a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, les demandeurs presentent deux moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

Il ressort des conclusions d'appel des demandeurs reproduites au moyen, encette branche, que la defense opposee par les demandeurs à la demande dudefendeur, deduite de l'obligation d'interpreter la notion de critereeconomique, employee dans la lettre du 23 aout 2000, selon le sens donnepar la convention collective du travail du 9 septembre 1982 enterinant leprotocole d'accord relatif au bidding, concernait la situation d'un membred'equipage faisant acte de bidding.

L'arret considere qu' « au point 2DEG, b, [du] protocole d'accord[enterine par la convention collective du 9 septembre 1982], il estprecise que : `l'agent [de la Sabena] en detachement à la Sobelairgardera sa convention collective et [son] contrat Sabena (afin desauvegarder ses avantages sociaux) », qu' « en la cause, les deuxparties considerent que le contrat de travail entre [le defendeur] et laSabena n'a pas ete suspendu mais a ete rompu », que « c'est à justetitre que [le defendeur] plaide que son transfert à la Sobelair n'est pasregi par la convention collective de travail relative au `bidding' »,que, « sans etre contredit sur ce point par les [demandeurs], [ledefendeur] expose qu'il n'a pas demande d'etre affecte à la Sobelair maiss'est vu offrir, avec l'accord de la Sabena, de remplir une mission àduree indeterminee mais de nature temporaire et risquee », qu' « àraison, [le defendeur] soutient egalement que la promesse de reengagementdu 23 aout 2000 demontre precisement que les parties ne se trouvaient pasdans le cadre d'un `bidding' classique », que, « dans cette hypothese,le retour à la Sabena aurait ete de droit en cas de demande de la part[du defendeur], sans qu'il soit necessaire de le mentionner dans un ecritparticulier », et que, « si le transfert à la Sobelair avait ete operedans le cadre du `bidding', la promesse de reengagement n'avait pas desens ».

Il suit de ces enonciations que l'arret considere que le defendeur n'a pasfait acte de bidding.

Il n'etait des lors pas tenu de repondre aux conclusions des demandeursreproduites au moyen, en cette branche, que sa decision privait depertinence.

Quant à la seconde branche :

L'arret constate que la lettre du 23 aout 2000 adressee au defendeurenonce que « la Sabena vous donne la garantie de revenir au sein deFlight Operations pour accomplir un critere economique de minimum quatreans dans une fonction de TRE Long Haul avec un package salarial identiqueà celui que vous avez actuellement dans votre fonction de Fleet ManagerB737 ».

Il considere que, « malgre cette formulation alambiquee et liee auxpratiques et jargon des deux societes d'aviation, il n'est pas contestepar les parties qu'il faut par àccomplir un critere economique de minimumquatre ans', entendre `travailler pendant quatre ans au minimum' ».

Pour decider que la Sabena avait souscrit une obligation de reengagementdu defendeur pendant une periode de quatre ans, la cour du travail, nonseulement s'est fondee sur cette interpretation non contestee par lesparties des termes « accomplir un critere economique de minimum quatreans » stipules dans la lettre du 23 aout 2000, mais elle a egalementrecherche la commune intention des parties en ayant recours à deselements extrinseques à cet acte.

L'arret ne donne pas ainsi de cette lettre une interpretationinconciliable avec ses termes, partant, ne viole pas la foi qui lui estdue.

Par ailleurs, des lors que l'arret ne considere pas que les termes de lalettre precitee sont susceptibles de deux sens, ambigus ou douteux, iln'est pas tenu de faire application des articles 1158, 1159 et 1162 duCode civil.

Enfin, l'arret, qui reconnait à la lettre du 23 aout 2000 les effetsqu'elle a dans l'interpretation qu'il en donne, ne viole pas la forceobligatoire de l'engagement que la Sabena y a souscrit.

Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

Quant à la premiere branche :

L'arret considere que le defendeur a droit à « l'indemnisation d'uneobligation effective non observee par la Sabena, à savoir d'engager etremunerer [le defendeur] pendant quatre ans » et que son dommage consistenotamment en « l'equivalent de la remuneration auquel il aurait pupretendre pendant quatre ans, à charge de la Sabena, diminue desremunerations perc,ues pendant cette periode aupres d'autresemployeurs ».

Il considere que « l'estimation du dommage peut s'effectuer à partir demontants bruts » aux motifs que, « si [le defendeur] avait ete reengagepar la Sabena, la remuneration aurait ete due en montants bruts », que« la determination des montants nets depend d'elements etrangers aurapport employeur/employe, elements lies à la situation personnelle dutravailleur et des membres de sa famille », et que « les dommages etinterets alloues constituent un avantage de toute nature obtenu en raisonou à l'occasion de l'exercice de l'activite professionnelle, avantageimposable au sens de l'article 31, 2DEG, du Code des impots sur lesrevenus 1992 ».

Il ne ressort pas de ces enonciations que l'arret considere que le montantdes charges à supporter sur l'indemnite est equivalent au montant descotisations de securite sociale qui auraient greve la remuneration dudefendeur.

L'arret, qui ne deduit pas ces cotisations de l'indemnite qu'il octroie,ne justifie pas legalement sa decision de condamner la Sabena en failliteà la somme de 539.053 euros.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Quant à la seconde branche :

L'article 23 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites dispose qu'àcompter du jugement declaratif de la faillite, le cours des interets detoute creance non garantie par un privilege special, par un nantissementou par une hypotheque est arrete à l'egard de la masse seulement et queles interets des creances garanties ne peuvent etre reclames que sur lessommes provenant des biens affectes au privilege, au nantissement ou àl'hypotheque.

Il suit de cette disposition que le cours des interets n'est arrete qu'àl'egard de la masse et non à l'egard du failli.

Il resulte de l'article 24, alinea 1er, de la meme loi, en vertu duquel àpartir du meme jugement, toute action mobiliere ou immobiliere ne peutetre suivie, intentee ou exercee que contre les curateurs, que, lorsqu'ilcomparait pour contester une creance alleguee contre le debiteur enfaillite devant le tribunal materiellement competent en vertu du droitcommun pour connaitre de l'existence et du montant de cette creance, lecurateur agit comme representant du debiteur en faillite.

Des lors, l'article 23 precite n'interdit pas à la cour du travail,saisie d'une contestation relative au contrat de travail entre untravailleur et un employeur failli, represente par le curateur, d'octroyerdes interets pour la periode posterieure au jugement declaratif defaillite.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutenement contraire,manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il fixe la creance du defendeur àl'egard de la Sabena en faillite à la somme de 539.053 euros au titre dedommages et interets compensant l'obligation de reengagement et qu'ilstatue sur les depens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Condamne les demandeurs à la moitie des depens ; en reserve l'autremoitie pour qu'il soit statue sur celle-ci par le juge du fond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Liege.

Les depens taxes à la somme de trois cent nonante-six euros onze centimesenvers les parties demanderesses.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Martine Regout, les conseillers DidierBatsele, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du trois octobre deux mille seize par le president desection Martine Regout, en presence de l'avocat general Jean MarieGenicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+-------------------------------------+
| L. Body | S. Geubel | M. Lemal |
|------------+------------+-----------|
| M. Delange | D. Batsele | M. Regout |
+-------------------------------------+

Requete

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions violees

-article 149 de la Constitution coordonnee du 17 fevrier 1994,

-articles 1158, 1159, 1162, 1134, 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Decision entreprise

Par l'arret entrepris du 10 juin 2014 la Cour du travail de Bruxelles fixele montant de la creance du defendeur à l'egard de la Sabena, enfaillite, au titre de dommages et interets compensant l'obligation dereengagement à 539.053,00 euros, augmentes des interets aux taux legauxsuccessifs depuis le 1er janvier 2006, et au titre de dommages et interetscompensant la perte de l'indemnite de fin de carriere à 54.472,25 euros,augmentes des interets aux taux legaux successifs depuis le 2 aout 2010,et condamne la Sabena en faillite à payer au defendeur les frais etdepens des procedures d'instance et d'appel, et, partant, declare l'appeldes demandeurs non fonde, ce apres avoir considere que:

« 2. « La Sabena vous donne la garantie de revenir au sein de Flight

Grief

Premiere branche

Les demandeurs exposaient dans leurs conclusions d'appel additionnelles etde synthese, prises en degre d'appel, aux pages 16 et suivantes, ycontestant l'existence d'une garantie d'emploi de quatre ans :

En resume, les demandeurs exposaient dans leurs conclusions que, meme sila convention collective du travail du 9 septembre 1982 enterinant leprotocole d'accord relatif au `bidding' ne s'appliquait pas en l'espece,encore fallait-il interpreter la notion de `critere economique', employeedans la lettre du 23 aout 2000, au sens qui y est donne dans cetteconvention collective, à savoir celui d'un critere indiquant la dureependant laquelle le membre de l'equipage designe pour remplir une fonctiondeterminee s'engage à remplir cette fonction, s'interdisant de solliciteravant la fin de cette duree tout autre emploi, ledit critere n'impliquantdans le chef de la Sabena aucune garantie d'emploi pendant cette memeduree.

Or, la constatation faite par la cour du travail qu' « à raison, ledefendeur soutient egalement que la promesse de reengagement du 23.08.2000demontre precisement que les parties ne se trouvent pas dans le cadre d'un« bidding » classique » et que « la promesse de reengagement n'avaitpas de sens si le transfert à la Sobelair avait ete opere dans le cadredu `bidding' » ne dispensait pas celle-ci de l'obligation de repondre aumoyen precite, developpe precisement dans l'hypothese ou la cour dutravail deciderait que la convention collective du travail relative au`bidding' ne s'appliquait pas.

Partant, la cour du travail, qui ne repond par aucune des considerationsde l'arret entrepris au moyen precite, n'a pas regulierement motive sadecision (violation de l'article 149 de la Constitution coordonnee du 17fevrier 1994).

Deuxieme branche

Aux termes de l'article 1134 du Code civil les conventions legalementformees tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Si le juge du fond interprete en principe de maniere souveraine les textesqui lui sont soumis et sur lesquels il s'appuie, il doit toutefoisrespecter la foi due à ces textes, tout comme la force obligatoire del'engagement y exprime.

Meconnait la foi due à un document, le juge qui en donne uneinterpretation inconciliable avec ses termes, soit en ignorant uneaffirmation qui y figure, soit en lui attribuant une affirmation quecelle-ci ne contient pas.

De meme meconnait la force obligatoire d'un contrat ou d'un engagementunilateral, le juge qui ajoute à l'engagement des conditions qui n'ontpas ete convenues ou stipulees.

L'interpretation d'un texte se fait à l'aide des regles prescrites parles articles 1156 à 1164 du Code civil.

Aux termes de l'article 1158 du Code civil les termes susceptibles de deuxsens doivent etre pris dans le sens qui convient le plus à la matiere ducontrat.

L'article 1159 du Code civil dispose quant à lui que ce qui est ambigus'interprete par ce qui est d'usage dans le pays ou le contrat est passe.

L'article 1162 du Code civil precise finalement que dans le doute, laconvention s'interprete contre celui qui a stipule, et en faveur de celuiqui a contracte l'obligation.

En l'occurrence, il fut precise dans l'ecrit du 23 aout 2000, adresse audefendeur, que « La Sabena vous donne la garantie de revenir au sein deFlight Operations pour accomplir un critere economique de minimum 4 ansdans une fonction de TRE Long Haul avec un package salarial identique àcelui que vous avez actuellement dans votre fonction de Fleet ManagerB737. »

S'agissant d'un document qui, comme le releve la cour du travailelle-meme, etait formule dans des termes lies aux pratiques et au jargondes deux societes d'aviation, il s'ensuit que les termes y employes sontà interpreter dans le sens qui y est donne dans ledit jargon.

Le terme `critere economique' est, dans le jargon des societes d'aviation,un terme indiquant la duree du poste qu'un membre du personnel devraoccuper obligatoirement avant de pouvoir postuler pour un autre poste,ainsi qu'il ressort de la convention collective du travail d'entreprise,conclue le 9 septembre 1982 au sein de la Sabena, enterinant le protocoled'accord relatif au `bidding', qui determine les regles de priorite entreles membres d'equipage candidats à un emploi vacant en interne.

Le terme `critere economique' se rapporte ainsi à la duree de la fonctionque le membre du personnel s'engage à remplir envers la Sabena.

Ceci est illustre par les articles suivants de ladite conventioncollective.

L'article 6.1 de la convention collective du travail, conclue le 9septembre 1982, dispose notamment relativement à l'attribution desemplois qu'un membre du PNM ne peut exercer son choix qu'à l'egard d'unevacance d'emploi survenant apres la fin de sa periode d'engagement telleque fixee à l'annexe IV.

L'article 7 de la meme convention collective dispose quant à la duree del'engagement que le membre d'equipage qui fait acte de `bidding' positifs'engage, par là-meme, à remplir sa fonction sur le meme type d'appareilpendant une duree minimum, definie en annexe IV. Les durees d'engagementdues aux criteres economiques telles que prevues en annexe IV serontraccourcies dans deux cas seulement precises dans ce meme article.

L'annexe IV, auquel referent ces articles, concerne les dureesd'engagement dues aux criteres economiques. L'annexe I precise quant àlui que la « duree d'engagement » est la periode correspondant àl'amortisse-ment des frais decoulant pour la Societe, de la formation etde l'entrainement, dits criteres economiques.

Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que le `critere economique'est en fait un critere qui indique la duree de la periode, pendantlaquelle le membre du personnel devra occuper obligatoirement le poste quilui est attribue sans pouvoir postuler pour un autre poste, toute idee degarantie d'emploi pour une duree equivalente dans le chef de la societe yetant etrangere.

Le terme `critere economique' a des lors un contenu bien precis.

En l'espece, rien n'indique que dans la lettre precitee du 23 aout 2000ledit terme n'y a pas ete utilise dans le meme sens que dans celui de laconvention collective du travail precitee, refletant le jargon et lespratiques des societes d'aviation.

Il s'ensuit que, si dans la lettre du 23 aout 2000, emanant de la Sabena,il est precise que celle-ci garantissait au defendeur de revenir au seinde Flight Operations « pour accomplir un critere economique de minimum 4ans dans une fonction de TRE Long Haul avec un package salarial identiqueà celui que vous avez actuellement dans votre fonction de Fleet ManagerB737 », cette lettre ne contient pas d'autre engagement dans le chef dela Sabena que celui de permettre à ce dernier de revenir dans la societepour y occuper un poste, dont le critere economique correspondrait à 4ans contre un package salarial specifique.

La Sabena ne s'y engageait nullement, en cas de retour, à employer ledefendeur effectivement pendant quatre ans.

Il n'y est, en effet, point dit que la Sabena, qui etait celle contre quiil etait stipule, s'engageait à ne pas licencier le defendeur avantl'arrivee du terme des quatre ans.

Partant, dans la mesure ou la cour du travail considere en son arretentrepris que « la SABENA a donc souscrit une obligation de reengagement(du defendeur) pendant une periode de 4 ans », dont l'inexecutionentrainait en son chef une obligation de payer une indemnite correspondantà quatre annees de salaire ainsi qu'une indemnite de fin de carriere, et,partant, admet que la Sabena avait garanti au defendeur une stabilited'emploi de quatre ans, la cour du travail donne à la lettre du 23 aout2000 une interpretation inconciliable avec ses termes en y lisant quelquechose qui n'y figure point, à savoir un engagement d'employer ledefendeur pendant une duree de quatre ans, et, partant, en a meconnu lafoi (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil), interpreteledit document en violation des regles d'interpretation, notamment celles,dont il ressort que les mots d'un texte s'interpretent dans le sens quiconvient le plus à la matiere du contrat et des usages du pays (violationdes articles 1158 et 1159 du Code civil) et qu'un texte s'interprete enfaveur de celui qui a contracte l'obligation (violation de l'article 1162du Code civil), et viole la force obligatoire dudit engagement en yajoutant dans le chef de la societe faillie une obligation que celui necontient pas, à savoir celui d'employer le defendeur pendant une duree dequatre ans (violation de l'article 1134 du Code civil).

DEVELOPPEMENTS

1. Dans leurs conclusions d'appel additionnelles et de synthese lesdemandeurs exposaient aux pages 16 et suivantes que meme si la conventioncollective du travail du 9 septembre 1982 relative au bidding nes'appliquait pas en l'espece, il fallait neanmoins interpreter la notionde `critere economique' dans le meme sens que dans cette conventioncollective.

Or, dans cette convention collective le critere economique indique laduree pendant laquelle le membre d'equipage, qui postule pour un certainposte, devra exercer ledit poste avant de pouvoir solliciter pour un autreposte vacant dans la societe. Toute idee de garantie d'emploi envers lemembre de l'equipage y est etrangere.

En l'espece, la cour du travail constate qu' « à raison, le defendeursoutient egalement que la promesse de reengagement du 23.08.2000 demontreprecisement que les parties ne se trouvent pas dans le cadre d'un« bidding » classique » et que « la promesse de reengagement n'avaitpas de sens si le transfert à la Sobelair avait ete opere dans le cadredu `bidding' .

De la sorte elle ne repond toutefois pas au moyen precite, developpeprecisement dans l'hypothese ou elle deciderait que la conventioncollective relative au `bidding' ne s'appliquait pas.

Or, le fait que cette convention ne s'appliquait pas n'implique pas encoreque les termes utilises dans la lettre du 23 aout 2000 n'y ont pas le memesens que dans cette convention.

Partant, l'arret entrepris n'est pas regulierement motive.

2. Dans la mesure ou la cour du travail considere en son arret entreprisque « la SABENA a donc souscrit une obligation de reengagement (dudefendeur) pendant une periode de 4 ans », dont l'inexecution entrainaiten son chef une obligation de payer une indemnite correspondant à quatreannees de salaire ainsi qu'une indemnite de fin de carriere, et admetainsi l'existence d'une garantie d'emploi de quatre ans, elle donne à lalettre du 23 aout 2000 une interpretation inconciliable avec ses termes eny lisant quelque chose qui n'y figure point, à savoir un engagementd'employer le defendeur pendant une duree de quatre ans.

En effet, les mots de cette lettre doivent s'interpreter en ayant egard ausens que ceux-ci revetent dans le jargon de l'aviation.

Ainsi, en est-il du terme « critere economique », qui ne dit rien à unlaic.

Il s'agit ici en effet d'un terme qui est propre au jargon des societesd'aviation et aux pilotes et dont le sens est clairement indique dans laconvention collective du travail d'entreprise, conclue le 9 septembre 1982au sein de la Sabena, enterinant le protocole d'accord relatif au`bidding'.

Il en ressort effectivement que ledit terme sert uniquement à indiquer laduree minimum que le membre du personnel s'engage à remplir une fonctiondeterminee avant de pouvoir se porter candidat pour une autre fonction. Ceterme n'implique aucune obligation dans le chef de la societe d'aviationde maintenir ladite personne dans cette fonction pendant cette dureeminimum.

Rien n'indique que ce terme a rec,u un autre sens dans la lettre du 23aout 2000.

Partant, si cette lettre exprime dans le chef de la Sabena une obligationde reengager le defendeur, il n'y est nullement dit que la Sabenas'engageait à l'employer pendant quatre ans. Selon les termes de cedocument, elle s'y engage uniquement à le reengager pour « accomplir uncritere economique de minimum 4 ans dans une fonction de TRE Long Haulavec un package salarial identique à celui que vous avez actuellementdans votre fonction de Fleet Manager B737 », autrement dit pour exercerune fonction par rapport à laquelle le demandeur ne pourrait pas demanderde changement pendant une periode de quatre ans.

En y lisant une clause de garantie d'emploi de quatre ans, la cour dutravail a des lors meconnu la foi due à la lettre du 23 aout 2000 ainsique la force obligatoire dudit engagement en y ajoutant dans le chef de lasociete faillie une obligation que celui-ci ne contient pas, à savoircelui d'employer le defendeur pendant une duree de quatre ans.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Dispositions violees

-articles 1142, 1147, 1149, 1150 et 1151 du Code civil,

-article 23, 1DEG de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection dela remuneration des travailleurs,

-articles 23 et 24 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites.

Decision attaquee

Par l'arret entrepris du 10 juin 2014 la Cour du travail de Bruxelles fixele montant de la creance du defendeur à l'egard de la Sabena, enfaillite, au titre de dommages et interets compensant l'obligation dereengagement à 539.053,00 euros, augmentes des interets aux taux legauxsuccessifs depuis le 1er janvier 2006, au titre de dommages et interetscompensant la perte de l'indemnite de fin de carriere à 54.472,25 euros,augmentes des interets aux taux legaux successifs depuis le 2 aout 2010,et condamne la Sabena en faillite à payer au defendeur les frais etdepens des procedures d'instance et d'appel, et, partant, declare l'appeldes demandeurs non fonde, et ce apres avoir considere que:

Grief

Premiere branche

Aux termes de l'article 1142 du Code civil toute obligation de faire ou dene pas faire se resout en dommages et interets, en cas d'inexecution de lapart du debiteur.

Selon l'article 1147 du Code civil le debiteur est condamne, s'il y alieu, au paiement de dommages et interets, soit à raison de l'inexecutionde l'obligation, soit à raison du retard dans l'execution, toutes lesfois qu'il ne justifie pas que l'inexecution provient d'une causeetrangere qui ne peut lui etre imputee, encore qu'il n'y ait aucunemauvaise foi de sa part.

L'article 1149 du Code civil dispose que les dommages et interets dus aucreancier sont, en general, de la perte qu'il a faite et du gain dont il aete prive, sauf les exceptions et modifications ci-apres.

Selon l'article 1150 du Code civil le debiteur n'est tenu que des dommageset interets qui ont ete prevus ou qu'on a pu prevoir lors du contrat,lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point executee.

L'article 1151 du Code civil stipule que dans le cas meme ou l'inexecutionde la convention resulte du dol du debiteur, les dommages et interets nedoivent comprendre, à l'egard de la perte eprouvee par le creancier et dugain dont il a ete prive, que ce qui est une suite immediate et directe del'inexecution de la convention.

L'indemnite ne peut toutefois pas etre cause d'enrichissement.

En l'occurrence, le defendeur postulait l'octroi de dommages et interetsen raison de la non-execution de la promesse de reengagement pendantquatre ans.

En application des dispositions precitees cette indemnite ne pouvaitcomprendre que ce qui constituait une perte de gain en son chef.

Les demandeurs faisaient valoir devant la cour du travail à la page 21 deleurs conclusions d'appel additionnelles et de synthese que le defendeurne pouvait point faire valoir des droits aux cotisations sociales, quidevaient etre deduites de l'indemnite demandee, tout comme le montantcorrespondant aux precomptes professionnels.

Il ressort, en effet, de l'article 23, 1DEG de la loi du 12 avril 1965concernant la protection de la remuneration des travailleurs que sontimputees sur la remuneration du travailleur: les retenues effectuees enapplication de la legislation fiscale, de la legislation relative à lasecurite sociale et en application des conventions particulieres oucollectives concernant les avantages complementaires de securite sociale.

Si la cour du travail constate que l'indemnite sera elle-meme imposablecomme un avantage au sens de l'article 31, 2DEG du Code de l'impot sur lesrevenus, ce qui peut justifier la decision de ne pas deduire de celle-cile montant correspondant aux precomptes professionnels, elle ne constatepas qu'il en est meme du montant correspondant aux cotisations de lasecurite sociale qui, aux termes de l'article precite, auraient eteretenues de ladite remuneration.

Partant, la cour du travail, qui accorde au defendeur une indemnitecorrespondant au montant brut des remunerations qui auraient du etrepayees au defendeur pendant quatre ans, en ce compris le montantcorrespondant aux cotisations sociales, accorde au defendeur une indemnitequi englobe plus que le dommage reellement subi par celui-ci et, partant,ne motive pas legalement en droit sa decision (violation des articles1142, 1147, 1149, 1150 et 1151 du Code civil et 23, 1DEG de la loi du 12avril 1965 concernant la protection de la remuneration des travailleurs).

Seconde branche

Aux termes de l'article 23 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites, àcompter du jugement declaratif de la faillite, le cours des interets detoute creance non garantie par un privilege special, par un nantissementou par une hypotheque, est arrete à l'egard de la masse seulement. Lesinterets des creances garanties ne peuvent etre reclames que sur lessommes provenant des biens affectes au privilege, au nantissement ou àl'hypotheque.

L'article 24 de ladite loi dispose qu'à partir du meme jugement, touteaction mobiliere ou immobiliere, toute voie d'execution sur les meubles ouimmeubles, ne peut etre suivie, intentee ou exercee que contre lescurateurs. Le tribunal peut neanmoins recevoir le failli partieintervenante. Les decisions rendues sur les actions suivies ou intenteescontre le failli personnellement ne sont pas opposables à la masse.

En l'occurrence, l'action du defendeur etait exercee contre les curateurs.

Il s'ensuit que celle-ci ne pouvait tendre à l'octroi d'interets, saufl'hypothese d'une creance privilegiee.

Partant, dans la mesure ou la cour du travail fixe le montant de lacreance du defendeur à l'egard de la Sabena, en faillite, au titre dedommages et interets compensant l'obligation de reengagement, à539.053,00 euros, augmentes des interets aux taux legaux successifs depuisle 1er janvier 2006, et, au titre de dommages et interets compensant laperte de l'indemnite de fin de carriere, à 54.472,25 euros, augmentes desinterets aux taux legaux successifs depuis le 2 aout 2010, alors que seulsles curateurs etaient à la cause, elle ne motive pas legalement en droitsa decision (violation des articles 23 et 24 de la loi du 8 aout 1997 surles faillites).

DEVELOPPEMENTS

1. Les demandeurs faisaient valoir devant la cour du travail à la page 21de leurs conclusions d'appel additionnelles et de synthese que ledefendeur ne pouvait point faire valoir des droits aux cotisationssociales, qui devaient etre deduites de l'indemnite demandee, tout commele montant correspondant aux precomptes professionnels.

L'article 23, 1DEG de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection dela remuneration des travailleurs dispose en effet que sont imputees sur laremuneration du travailleur: les retenues effectuees en application de lalegislation fiscale, de la legislation relative à la securite sociale eten application des conventions particulieres ou collectives concernant lesavantages complementaires de securite sociale.

Partant, en incluant dans le montant de l'indemnite egalement lescotisations sociales, la cour du travail accorde au defendeur uneindemnite qui excede le dommage reellement subi par celui-ci.

2. La cour du travail viole egalement les articles 23 et 24 de la loi du 8aout 1997 sur les faillites en fixant le montant de la creance dudefendeur à l'egard de la Sabena, en faillite, au titre de dommages etinterets compensant l'obligation de reengagement à 539.053,00 euros,augmentes des interets aux taux legaux successifs depuis le 1er janvier2006, au titre de dommages et interets compensant la perte de l'indemnitede fin de carriere à 54.472,25 euros, augmentes des interets aux tauxlegaux successifs depuis le 2 aout 2010, alors que seuls les curateursetaient à la cause et qu'à compter du jugement declaratif de lafaillite, le cours des interets de toute creance non garantie par unprivilege special, par un nantissement ou par une hypotheque, est arreteà l'egard de la masse seulement.

PAR CES CONSIDERATIONS

Conclut pour les demandeurs, l'avocat à la Cour de cassation soussignee,qu'il Vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arret entrepris, renvoyerla cause et les parties à une autre cour du travail ; depens comme dedroit.

Bruxelles, le 29 decembre 2014

Pieces jointes au present pourvoi:

1. une copie de l'exploit de signification du 29 septembre 2014 del'arret entrepris, en lequel le defendeur a fait election de domicileen l'etude des huissiers de justice Michel et Dominique Leroy, MarcVerjans ainsi que Thierry Van Diest, etablie à 1050 Ixelles, avenuede la Couronne, 358,

2. une copie declaree conforme par l'avocat à la Cour de Cassationsoussignee de la lettre du 23 aout 2000, adressee par Sabena audefendeur,

3. une copie declaree conforme par l'avocat à la Cour de Cassationsoussignee de la convention collective du travail du 9 septembre 1982,enterinant le protocole d'accord relatif au `Bidding' PNM

3 OCTOBRE 2016 S.14.0109.F/7

Requete/14


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.14.0109.F
Date de la décision : 03/10/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2016-10-03;s.14.0109.f ?
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