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16/02/2017 | BELGIQUE | N°C.16.0115.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 février 2017, C.16.0115.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0115.F

A. C.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. G. P.,

representee par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile,

2. G. B. et

3. D. M.,

representes par Maitre Pierre Van Ommeslaghe,

avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0115.F

A. C.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

1. G. P.,

representee par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile,

2. G. B. et

3. D. M.,

representes par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

4. J.-P. P. et

5. S. V. D.,

representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

defendeurs en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 27 janvier 2015par la cour d'appel de Bruxelles.

Le 24 janvier 2017, l'avocat general Thierry Werquin a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat general ThierryWerquin a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la seconde branche :

L'article 544 du Code civil reconnait à tout proprietaire le droit dejouir normalement de sa chose.

Nul ne peut etre oblige de compenser un trouble anormal de voisinage quesi ce trouble a ete cause par un fait, une omission ou un comportement quilui est imputable.

Aux termes de l'article 1742 du Code civil, le contrat de louage n'estpoint resolu par la mort du bailleur, ni par celle du preneur.

En ce cas, les heritiers et ayants droit du bailleur succedent aux droitset obligations de leur auteur.

En vertu de l'article 745bis, S: 1er, alinea 1er, de ce code, lorsque ledefunt laisse des descendants, des enfants adoptifs ou des descendants deceux-ci, le conjoint survivant recueille l'usufruit de toute lasuccession.

Il s'ensuit qu'en cas de deces du bailleur d'un immeuble, tant la personnequi recueille la nue-propriete de tout ou partie de cet immeuble enqualite d'heritier legal, de legataire universel ou à titre universel dubailleur, que le conjoint survivant qui en recueille l'usufruit, revetentla qualite de bailleur de cet immeuble.

L'arret constate que « le litige fait suite à la merule qui s'estdeveloppee dans les appartements situes au rez-de-chaussee et au premieretage d'un immeuble situe 5 rue ... [...] appartenant respectivement [auxdefendeurs sub 2 à 5] », que « l'immeuble voisin situe 7 rue ...appartient en indivision à [la premiere defenderesse] (usufruitiere de latotalite et nu-proprietaire pour moitie) et à son fils, [le demandeur](nu-proprietaire de l'autre moitie) », que « ce bien avait ete donne enlocation par [la premiere defenderesse] et feu son epoux » et que « [lesdefendeurs sub 2 à 5] ont introduit la presente procedure afin d'entendrecondamner [la premiere defenderesse] et [le demandeur] à les indemniserpour le prejudice subi », notamment « sur la base [de] l'article 544[...] du Code civil ».

L'arret considere qu'« il est constant que la merule constatee dans lesappartements [respectifs des defendeurs sub 2 à 5] trouve son originedans l'immeuble voisin dont [la premiere defenderesse] et [le demandeur]sont proprietaires et rompt les limites de tolerance normale dedesagrements inherents au voisinage », et qu'« il resulte [...] despieces du dossier que [le locataire] qui occupait les lieux depuisdecembre 1990 ne les entretenait plus depuis plusieurs annees lorsqu'il ena ete expulse ».

Il considere egalement que la premiere defenderesse et le demandeur« sont restes des annees sans reagir aux graves manquements contractuels[du locataire] », qu'« ils n'ont [...] pas pris la moindre initiativepour veiller au respect par [le locataire] de ses obligationscontractuelles et ont, pendant plus de quatre ans et demi, fait preuved'un desinteret manifeste pour leur immeuble en telle sorte qu'il s'esttotalement degrade et que de l'eau a pu s'ecouler pendant de nombreux moisau niveau notamment du w.-c. de l'entresol, ce qui a fait naitre de lamerule qui s'est propagee dans l'immeuble voisin ».

L'arret, qui considere que « cette abstention d'agir constitue uneomission imputable [notamment au demandeur] [...] qui est à l'origine dutrouble subi par [les defendeurs sub 2 à 5] », des lors que, « s'il estexact que le bail a ete signe par ses parents, [le demandeur] estneanmoins venu aux droits et obligations de son pere, decede le 24decembre 1995 », justifie legalement sa decision de le condamner àcompenser le trouble subi par les defendeurs sub 2 à 5, in solidum avecla premiere defenderesse.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la premiere branche :

Il n'est pas contradictoire de considerer, d'une part, que « l'immeublevoisin situe 7 rue ... appartient en indivision à [la premieredefenderesse] (usufruitiere de la totalite et nue-proprietaire pourmoitie) et à son fils, [le demandeur] (nu-proprietaire de l'autremoitie) », et, d'autre part, que « la merule constatee dans lesappartements [respectifs des defendeurs sub 2 à 5] trouve son originedans l'immeuble voisin dont [la premiere defenderesse] et [le demandeur]sont proprietaires et rompt les limites de tolerance normale dedesagrements inherents au voisinage ».

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de mille sept cent trente-trois euros vingtcentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Martine Regout, les conseillers DidierBatsele, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononceen audience publique du seize fevrier deux mille dix-sept par le presidentde section Martine Regout, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Lemal | D. Batsele | M. Regout |
+-----------------------------------------------+

1er feuillet

REQUETE EN CASSATION

____________________

Pour : A. C,

demandeur,

assiste et represente par Maitre Jacqueline

Oosterbosch, avocate à la Cour de cassation,

dont le cabinet est etabli à 4020 Liege, rue de

Chaudfontaine, 11 ou il est fait election de

domicile,

Contre : 1DEG G. P.,

2DEG G. B.,

3DEG D. M.,

4DEG J.-P. P.,

5DEG S. V. D.,

Defendeurs,

2eme feuillet

A Messieurs les Premier President et Presidents, Mesdames et Messieurs lesConseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs, Mesdames,

Le demandeur a l'honneur de deferer à votre censure l'arret prononcecontradictoirement entre parties le 27 janvier 2015 par la quatriemechambre de la Cour d'appel de Bruxelles (nDEGs 2010/A/1235 et2010/AR/1236).

Les faits et antecedents de la cause, tels qu'ils ressortent des piecesauxquelles votre Cour peut avoir egard, peuvent etre brievement resumescomme suit.

1. Le demandeur est nu-proprietaire de la moitie d'un immeuble sis rue ...nDEG 7 à ...; la defenderesse sub 1 en est l'usufruitiere et egalementpleine proprietaire de l'autre moitie.

Les defendeurs sub 2 et 3 sont proprietaires d'un appartement au premieretage de l'immeuble nDEG 5 voisin tandis que les defendeurs sub 4 et 5possedent deux appartements au rez-de-chaussee de cet immeuble.

Par exploit du 11 decembre 2006, les defendeurs sub 2 et 3, ainsi que lesdefendeurs sub 4 et 5 assignent le demandeur et la defenderesse sub 1devant le tribunal de premiere instance de

3eme feuillet

Bruxelles afin d'obtenir leur condamnation solidaire à leur verser lasomme de 50.000 EUR à titre de dommages et interets en raison dedegradations apportees à leurs biens par de la merule provenant del'immeuble voisin. Leur demande est fondee sur les articles 544, 1382 et1386 du Code civil.

Par jugement du 13 octobre 2009, le tribunal civil declare les demandesdirigees contre le demandeur et la defenderesse sub 1 non fondees.

3. Les defendeurs sub 2 et 3 interjettent appel de cette decision dont ilssollicitent la reformation totale.

Le demandeur et la defenderesse sub 1 poursuivent la confirmation dujugement entrepris ; à titre subsidiaire, cette derniere introduit unappel incident afin d`obtenir la condamnation du demandeur à la garantirde toute condamnation prononcee contre elle à concurrence de la part deresponsabilite retenue dans le chef de ce dernier.

L'arret attaque reforme la decision entreprise sauf en ce qu'elle adeclare les demandes recevables et liquide les depens. Statuant par voiede dispositions nouvelles, il dit les demandes originaires fondees sur labase de l'article 544 du Code civil et la theorie des troubles duvoisinage, condamne, in solidum, le demandeur et la defenderesse sub 1 àpayer diverses sommes aux defendeurs sub 2 et 5 et declare fondee lademande en garantie de la defenderesse sub 1 à l'encontre du demandeur,condamnant ce dernier à la garantir de la moitie des condamnations enprincipal, interets et frais prononcees à sa charge.

4eme feuillet

A l'encontre de cet arret, le demandeur croit pouvoir invoquer le moyen decassation suivant.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions violees

- les articles 544, 578, 582, 586, 599, 605, 613 et 745bis du Code

civil,

- l'article 149 de la Constitution.

Decision attaquee

L'arret attaque dit fondee l'action dirigee par les defendeurs sub 2 à 5contre le demandeur, sur la base de l'article 544 du Code civil, et (i)condamne le demandeur, in solidum avec la premiere defenderesse, à leurpayer diverses sommes et (ii) le condamne à garantir la premieredefenderesse de la moitie de toutes les condamnations en principal,interets et frais prononcees à sa charge, pour tous ses motifs reputesici integralement reproduits et specialement que :

"Cadre du litige et procedure :

Le litige fait suite à la merule qui s'est developpee à partir de 2005dans les appartements situes au rez-de-chaussee et au premier etage d'unimmeuble situe 5, rue ...

5eme feuillet

à ... appartenant respectivement (aux quatrieme et cinquieme defendeurs)et (aux deuxieme et troisieme defendeurs).

L'immeuble voisin situe 7 rue ... appartient en indivision à (la premieredefenderesse)(usufruitiere de la totalite et nue-proprietaire pour moitie)et à son fils, (le demandeur) (nu-proprietaire de l'autre moitie).

Ce bien avait ete donne en location, par (la premiere defenderesse) et feuson epoux, à M. B. suivant contrat du 17 septembre 1990.

(...)

Discussion :

(Les defendeurs sub 2 à 5) mettent en cause la responsabilite de (lapremiere defenderesse) et (du demandeur) sur la base des articles 544,1382 et 1386 du Code civil.

Quant à l'article 544 du Code civil :

Il est constant que la merule constatee dans les appartements d'une part(des defendeurs sub 2 et 3) et d'autre part (des defendeurs sub 4 et 5)trouve son origine dans l'immeuble voisin dont (la defenderesse sub 1) et(le demandeur) sont proprietaires et rompt les limites de tolerancenormale de desagrements inherents au voisinage.

Apres avoir decrit l'etat de delabrement de l'immeuble de (la defenderessesub 1) et (du demandeur) ainsi que l'ampleur des dommages subis par (lesdefendeurs sub 2 à 5), l'expert B. a conclu que la merule presente aunDEG5 avait pris naissance dans le batiment nDEG7 et que la cause sesituait au niveau du wc à l'entresol entre le 1er et le 2eme etage.

Il a estime que cette cause etait certaine et expliquait à 100%l'apparition et le developpement de la merule dans ce batiment (...).

6eme feuillet

(...)

(La defenderesse sub 1) et (le demandeur) admettent du reste que l'originedu trouble subi par les (defendeurs sub 2 à 5) se situe dans leurimmeuble et s'accordent pour considerer qu'il a ete cause par un manqued'entretien de M. B.

Il resulte en effet des pieces du dossier que M. B. qui occupait les lieuxdepuis decembre 1990 ne les entretenait plus depuis plusieurs anneeslorsqu'il en a ete expulse le 3 fevrier 2006.

L'immeuble etait ainsi totalement delabre et dans son rapport du 12juillet 2006, le bureau Wermembol & partners, mandate par l'assureur de(la defendresse sub 1) a releve «un developpement important de merule etde champignons» du niveau -1 jusqu'au troisieme etage, «un defautd'entretien manifeste» et l'existence de plusieurs fuites, dont celle del'alimentation de la toilette à l'entresol qui sera retenue par l'expertjudiciaire comme etant celle à l'origine des problemes rencontres par les(defendeurs sub 2 à 5).

Dans son rapport, l'expert judiciaire a confirme l'etat de delabrementgeneral du batiment nDEG 7 et a note lors de sa premiere visite du 6septembre 2006, la presence d'une «merule gigantesque sur plusieursetages», des «traces importantes d'ecoulement d'eau sous le WC» du 1eretage, l'effondrement du palier intermediaire entre le rez-de-chaussee etle 1er etage,... (..).

C'est à tort que (la defenderesse sub 1) et (le demandeur) considerentque leur responsabilite ne pourrait etre engagee au motif que c'estl'ancien locataire qui a commis les fautes à l'origine du desequilibreentre les deux fonds, ce que (la

7eme feuillet

defenderesse sub 3) aurait reconnu en ecrivant dans son courrier du 15decembre 2005 que le probleme de la merule etait imputable à lanegligence de M. B.

Cette declaration ne la prive pas d'exercer ses droits à l'encontre de(la defenderesse sub 1) et (du demandeur).

La victime peut en effet intenter une action fondee sur l'article 544 duCode civil contre le voisin qui a rompu l'equilibre entre les proprietesmeme si le dommage a pour origine la faute d'un tiers, pour autant que letrouble puisse etre impute à ce voisin. Il peut s'agir d'un fait, d'uneomission ou d'un comportement quelconque.

La victime n'est en outre pas obligee d'agir contre le tiers fautif etpeut decider de n'assigner que les proprietaires voisins.

En l'espece, (la defenderesse sub 1) et (le demandeur) sont restes desannees sans reagir aux graves manquements contractuels de M. B. et l'ontlaisse dans les lieux jusqu'au 3 fevrier 2006 alors qu'il ne payait plusles loyers depuis avril 2001.

Il n'existe aucune preuve que (la defenderesse sub 1) et (le demandeur)seraient intervenus aupres de M. B. avant le 10 novembre 2005, date àlaquelle ils ont introduit une procedure judiciaire devant le juge de paixd'Ixelles.

La circonstance invoquee par (la defenderesse sub 1 et le demandeur) selonlaquelle M. B. s'etait toujours comporte de maniere exemplaire par lepasse constituait une raison supplementaire de s'inquieter de la gravenegligence dont il a fait preuve à partir d'avril 2001.

Meme si M. B. ne leur avait signale aucun probleme, (la defenderesse sub1) et (le demandeur) devaient raisonnablement

8eme feuillet

s'attendre à ce qu'un locataire qui ne paie plus son loyer depuisplusieurs annees n'entretienne pas correctement les lieux, ce qui pouvaitetre dommageable non seulement pour leur immeuble mais egalement pour levoisinage.

Ils n'ont neanmoins pas pris la moindre initiative pour veiller au respectpar M. B. de ses obligations contractuelles et ont, pendant plus de 4 anset demi, fait preuve d'un desinteret manifeste pour leur immeuble en tellesorte qu'il s'est totalement degrade et que de l'eau a pu s'ecoulerpendant de nombreux mois au niveau notamment du wc de l'entresol, ce qui afait naitre de la merule qui s'est propagee dans l'immeuble voisin;

Cette abstention d'agir constitue une omission imputable (au demandeur) et(à la defenderesse sub 1), qui est à l'origine du trouble subi par les(defendeurs sub 2 à 5) et qu'il leur appartient en consequence decompenser.

C'est en vain que (le demandeur) conteste sa responsabilite au motif qu'iln'etait pas gardien de l'immeuble des lors que l'imputabilite du troubleau sens de l'article 544 du Code civil n'incombe pas necessairement augardien de l'immeuble.

S'il est exact que le bail a ete signe par ses parents, il est neanmoinsvenu aux droits et obligations de son pere, decede le 24 decembre 1995(...).

Il s'est d'ailleurs comporte comme bailleur des lors qu'il est intervenuaux cotes de (la defenderesse sub 1) pour solliciter le paiement desarrieres de loyer et la resolution du bail aux torts de M. B. devant lejuge de paix d'Ixelles, ce qu'il a obtenu par jugement du 29 novembre2005.

En tout etat de cause, (le demandeur) qui disposait d'un des attributs dudroit de propriete sur l'immeuble avait interet à ce que celui-ci soitcorrectement entretenu.

9eme feuillet

Or, il a ete vu que la fac,on dont (la defenderesse sub 1) et (ledemandeur) ont exerce leur droit de propriete a permis au locataire decreer de maniere durable une situation extremement dommageable pour lesvoisins.

Il doit des lors etre condamne, in solidum, aux cotes de (la defenderessesub 1).

Leur responsabilite etant engagee sur la base de l'article 544 du Codecivil, il est inutile d'examiner les autres fondements invoques par (lesdefendeurs sub 2 à 5).

(...)

Les omissions de (la premiere defenderesse) et (du demandeur) ayantcontribue de maniere egale aux dommages causes chez les (defendeurs sub 2à 5), il y a lieu de condamner (le demandeur) à garantir (la premieredefenderesse) à concurrence de la moitie des condamnations qui sontportees à sa charge".

Griefs

Premiere branche

Il est contradictoire de considerer à la fois que le demandeur est "nuproprietaire pour (la) moitie" de l'immeuble situe 7, rue ... à ...(arret, p. 5) et qu'il en est le "proprietaire" (arret, pp. 7-8). L'arretainsi entache de contradiction dans les motifs n'est pas regulierementmotive (violation de l'article 149 de la Constitution).

10eme feuillet

Deuxieme branche

Le demandeur faisait valoir qu'"en sa qualite de nu proprietaire, (il) n'apas la jouissance de l'immeuble et n'en est pas le gardien; (qu'il) n'apas donne les lieux en location à Monsieur B. (en 1990, le bien etait lapropriete exclusive de ses parents) et est tiers par rapport à contrat debail; que si le nu proprietaire est tenu d'assumer les grosses reparations(gros murs, voutes, retablissement des poutres et des couvertures), il estexonere de cette obligation lorsque ces reparations ont ete necessitees àla suite d'une faute d'entretien de l'usufruitier ou d'un tiers", pour endeduire que sa responsabilite ne pourrait etre fondee sur l'article 544 duCode civil et que la premiere defenderesse etait sans droit à former uneaction en garantie à son egard (sec. concl. add. et de synth., p. 38).

Le proprietaire d'un immeuble - ou celui disposant du droit de jouissancesur celui-ci - qui, par un fait non fautif, rompt l'equilibre existantentre deux fonds, en imposant à son voisin un trouble excedant la mesuredes inconvenients ordinaires du voisinage, lui doit une juste et adequatecompensation retablissant l'egalite rompue.

La juste et adequate compensation ne peut cependant etre prononcee àl'encontre du titulaire d'un attribut du droit de propriete sur le biengenerateur du trouble qu'à la condition qu'un fait, une omission ou uncomportement quelconque, en lien causal avec le dommage, lui soitimputable.

11eme feuillet

En vertu de l'article 578 du Code civil, l'usufruitier dispose du droit dejouir et d'user de la chose usufructuaire comme unproprietaire. L'essentiel des attributs du droit de propriete sont deslors transferes à l'usufruitier aux droits duquel le nu-proprietaire nepeut nuire en vertu de l'article 599 du Code civil. Il en resulte que,pendant toute la duree de l'usufruit, le nu-proprietaire ne dispose sur lachose usufructuaire que de prerogatives extremement limitees et qu'il nepeut exercer aucune de celles qui ont ete confiees à l'usufruitier tantque dure le droit de ce dernier. Ainsi, le nu-proprietaire perd toutecompetence en matiere de bail*: il ne peut en conceder aucun et n'est pashabilite à accomplir des actes dans ce cadre (donner conge, recevoir unedemande de renouvellement, accorder un renouvellement, ...etc.). Seull'usufruitier a vocation à agir en ce sens, en ce compris à l'egard debaux conclus par le (nu-)proprietaire avant la naissance de l'usufruit etles articles 582 et 586 du Code civil reglent le mode d'acquisition desloyers (fruits civils) par l'usufruitier.

En contrepartie de la limitation drastique de ses prerogatives sur lachose usufructuaire, le nu-proprietaire n'est tenu, en vertu de l'article599 du Code civil, que d'une obligation reelle negative consistant às'abstenir de toute action qui nuirait aux droits de l'usufruitier. Saufstipulation contractuelle particuliere, le nu-proprietaire ne peut doncetre contraint d'accomplir une quelconque prestation positive sauf en cequi concerne les grosses reparations qui, en vertu de l'article 605 duCode civil, demeurent à charge du nu proprietaire "à moins qu'ellesn'aient ete occasionnees par le defaut de reparation ou d'entretien,depuis l'ouverture de l'usufruit; auquel cas l'usufruitier en est aussitenu".

12eme feuillet

Enfin, en vertu de l'article 613 du meme code, l'usufruitier est tenu "desfrais des proces qui concernent la jouissance et des autres condamnationsauxquelles ces proces pourraient donner lieu".

Il resulte de la combinaison des articles 578, 582, 586, 599, 605 et 613du Code civil que seul l'usufruitier, qui a le droit d'user du bien, peutle donner à bail et se voir imposer des obligations dans ce cadre et lacirconstance que le nu proprietaire serait intervenu "aux cotes" del'usufruitier pour obtenir le paiement des loyers et la resolution du bail- sans que l'on sache en quelle qualite - ne lui confrere aucun droit ouobligation de l'usufruitier.

En vertu de l'article 745bis du Code civil, lorsque le defunt laisse desdescendants, le conjoint survivant recueille l'usufruit de toute lasuccession.

En application de l'article 745bis du Code civil, le demandeur, au decesde son pere, a uniquement herite de la nue-propriete de la moitie del'immeuble à l'origine du trouble de voisinage - ce que constate l'arretattaque; il ne pouvait des lors etre subroge dans les droits etobligations de son defunt pere que dans les limites de cette qualite etn'heritait à ce titre d'aucune prerogative de jouissance, celle-ci etantentierement transmise à la defenderesse sub 1 en sa qualited'usufruitiere de cette moitie d'immeuble.

Apres avoir constate que l'immeuble à l'origine de la merule "appartienten indivision à [la premiere defenderesse] (la premiere defenderesse)(usufruitiere de la totalite et nu -

13eme feuillet

proprietaire pour moitie)et à son fils (le demandeur) (nu-proprietaire del'autre moitie)", l'arret attaque, pour decider que la responsabilite (dudemandeur) "est engagee sur la base de l'article 544 du Code civil",considere qu'il n'a "pas pris la moindre initiative pour veiller aurespect (par le locataire) de ses obligations contractuelles et (a) (...)fait preuve d'un desinteret manifeste pour (son) immeuble en telle sortequ'il s'est totalement degrade" et que "cette abstention d'agir constitueune omission (lui) imputable qui est à l'origine du trouble subi (...)";que "c'est en vain que (le demandeur) conteste sa responsabilite au motifqu'il n'etait pas le gardien de l'immeuble des lors que l'imputabilite dutrouble au sens de l'article 544 du Code civil n'incombe pasnecessairement au gardien de l'immeuble; (que) s'il est exact que le baila ete signe par ses parents, il est neanmoins venu aux droits etobligations de son pere, decede le 24 decembre 1995 (...); qu'il s'estd'ailleurs comporte comme bailleur des lors qu'il est intervenu aux cotesde (la premiere defenderesse) pour solliciter le paiement des arrieres deloyer et la resolution du bail (...); (qu')en tout etat de cause, (ledemandeur) qui disposait d'un des attributs du droit de propriete surl'immeuble avait interet à ce que celui-ci soit correctement entretenu",viole toutes les dispositions visees au moyen à l'exception de l'article149 de la Constitution.

Developpements du moyen unique de cassation

La premiere branche du moyen n'appelle pas de longs developpements. Elleest presentee dans l'hypothese ou les considerations de l'arret (pp. 7 et8) selon lesquelles le

14eme feuillet

demandeur et la premiere defenderesse "sont proprietaires" de l'immeubled'ou provient la merule devraient etre interpretees en ce sens que la courd'appel a estime que le demandeur avait, fut-ce pour partie, un droit depleine propriete sur cet immeuble.

La deuxieme branche du moyen critique l'arret en tant qu'il a dit"imputable" au demandeur en sa qualite de nu proprietaire de l'immeublelitigieux une "abstention d'agir" sur la fac,on dont le bien a eteentretenu, defaut d'entretien à l'origine du trouble cause à l'immeublevoisin.

Votre Cour a eu l'occasion de preciser que la juste et adequatecompensation ne peut etre prononcee à l'egard d'un titulaire d'unattribut du droit de propriete sur le bien generateur du trouble que pourautant que le juge constate que ce trouble trouve son origine dans lecomportement de ce titulaire ; en d'autres termes, que le trouble a etecause par un fait, une omission ou un comportement qui lui est imputable(voy. Cass., 3 avril 1998, J.L.M.B., 1998, p. 1334 et note P. LECOCQ ;Cass., 12 mars 1999, Larcier cass., 1999, p. 95 ; Cass. 18 novembre 1999,R.W., 2000-2001, p. 15 ; Cass., 24 avril 2003, R.C.J.B., 2006, p. 735,note J.-Fr. ROMAIN ; Cass., 3 avril 2009, R.G.D.C., 2009, p. 469, note P.LECOCQ et S. BOUFFLETTE).

L'exigence d'imputabilite doit etre respectee meme lorsque le troubleresulte de la faute d'un tiers (voy. Cass., 25 juin 2009 precite). Eneffet, la responsabilite delictuelle de droit commun, si elle n'exclut pasle jeu de la theorie des troubles de voisinage (voy. Cass., 24 avril 2003,R.C.J.B., 2006, p. 735, note J.-Fr. ROMAIN), ne l'implique pas ipso facto,et

15eme feuillet

inversement. Les conditions propres à ces deux regimes de responsabilitedoivent des lors etre rencontrees pour justifier leur application (voy. S.Boufflette, "La theorie des troubles de voisinage : de l'equilibre entreprotection et limitation", C.U.P., 2005, nDEG 24). Il s'en deduit qu'il nesuffit pas de constater l'existence d'une faute dans le chef d'un tiersintervenu sur le bien generateur du trouble pour conclure à laresponsabilite du proprietaire - ou de l'occupant - de ce bien sur la basede la theorie des troubles de voisinage.

Dans son arret du 25 juin 2009, votre Cour a considere que la decisionattaquee ne pouvait legalement decider que le fait d'un tiers dumentautorise par la proprietaire à accomplir un travail sur son bien (soitlaisser tomber une cigarette dans du Withe Spirit et provoquer un incendiequi s'est communique à l'immeuble voisin) "etait inherent aux travauxautorises par (la proprietaire) en sorte qu'il serait imputable àcelle-ci" (sur l'imputabilite au proprietaire de faits commis par destiers, voy. Y. HANNEQUART, "L'article 544 du Code civil et la faute del'entrepreneur ou de l'architecte", Entr. et Dr., 1985, pp. 62 et s.,specialement pp. 66 et 67; J.F. ROMAIN, "La theorie des troubles devoisinage : un principe general du droit en equilibre, mais non enexpansion, reconsidere à la lumiere de la theorie des principes generauxdu droit", R.C.J.B., 2006, p. 772, nDEG30, note sous Cass., 24 avril 2003)

Pour considerer que le nu proprietaire d'un bien est tenu de compenser letrouble de voisinage qui trouve son origine dans celui-ci, il faut deslors etablir un fait ou un comportement qui lui est imputable, pour etre"inherent" à cette qualite.

16eme feuillet

L'arret attaque constate que la merule presente au nDEG 5 a pris naissancedans le batiment nDEG 7 et que la cause se situe au niveau du WC àl'entresol entre le premier et le deuxieme etages et de fuites etecoulement d'eau et que le locataire n'a pas entretenu les lieux pendantplusieurs annees.

Il considere que le fait pour le demandeur de n'avoir pris aucune"initiative pour veiller au respect par (le locataire) de ses obligationscontractuelles" d'entretien du bien et d'avoir "fait preuve d'undesinteret manifeste (pour son) immeuble" est une "omission" qui lui est"imputable" des lors que si "le bail a ete signe par ses parents, il estneanmoins venu aux droits et obligations de son pere, decede le 24decembre 1995", qu'il "s'est d'ailleurs comporte comme bailleur des lorsqu'il est intervenu aux cotes de (la premiere defenderesse) poursolliciter le paiement des arrieres de loyer et la resolution du bail" et"qu'en tout etat de cause, (le demandeur) qui disposait d'un des attributsdu droit de propriete sur l'immeuble avait interet à ce que celui-ci soitcorrectement entretenu".

Ces considerations ne justifient pas legalement la decision retenant une"omission" à l'origine du trouble subi à l'immeuble voisin et"imputable" au demandeur.

En effet, l'interet du nu proprietaire à ce que l'usufruitier ne laissepas l'immeuble se degrader peut sans doute lui permettre de fonder unereclamation envers l'usufruitier qui ne remplit pas son obligationd'entretien du bien mais il n'emporte aucune responsabilite à l'egard destiers quant aux faits et/ou omissions de l'usufruitier qui a seul lajouissance de l'immeuble -

17eme feuillet

fut-ce par la perception des fruits - et est seul tenu des reparationsd'entretien et meme des grosses reparations lorsqu'elles ont eteoccasionnees par un defaut d'entretien.

Il resulte des articles 578, 582, 586, 599, 605, 613 et 745bis du Codecivil que seul l'usufruitier succede aux droits et obligations nes du bailconvenu par lui et par son auteur et non le nu proprietaire. Ces droits etobligations ne peuvent resulter de ce que le nu proprietaire seraitintervenu "aux cotes" de celui qui dispose du droit d'usufruit pour latotalite de l'immeuble - sans que l'on sache d'ailleurs à quel titre ilest intervenu, les deuxieme et troisieme defenderesses relevant à cetegard que le demandeur s'etait toujours presente "comme le representant desa mere", soit la premiere defenderesse, pleine proprietaire pour moitieet usufruitiere pour l'autre moitie.

La decision qui retient une omission imputable au demandeur à l'originedu trouble de voisinage et le condamne à le compenser n'est, partant, paslegalement justifiee.

La decision condamnant le demandeur à garantir la premiere defenderessepour la moitie des condamnations prononcees contre elle est fondee sur lesmemes motifs, en sorte qu'elle n'est pas plus legalement justifiee.

18eme et dernier feuillet

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocate à la Cour de cassation soussignee, pour le demandeur, conclutqu'il vous plaise, Messieurs, Mesdames, casser l'arret attaque; ordonnerque mention de votre arret soit faite en marge de la decision annulee;renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel; statuercomme de droit quant aux depens.

Jacqueline Oosterbosch

Le 7 mars 2016

16 FEVRIER 2017 C.16.0115.F/5

Requete/20


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0115.F
Date de la décision : 16/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-02-16;c.16.0115.f ?
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