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23/02/2017 | BELGIQUE | N°C.15.0243.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 février 2017, C.15.0243.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0243.F

1. F. j.,

2. L. s.,

3. A. s.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

AG INSURANCE, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, boulevard Emile Jacqmain, 53,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etab

li à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0243.F

1. F. j.,

2. L. s.,

3. A. s.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

AG INSURANCE, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, boulevard Emile Jacqmain, 53,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 29 avril 2014par la cour d'appel de Mons.

Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.

L'avocat general Philippe de Koster a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, les demandeurs presentent deux moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Selon l'article 8, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre, applicable au litige, nonobstant toute conventioncontraire, l'assureur ne peut etre tenu de fournir sa garantie à l'egardde quiconque a cause intentionnellement le sinistre.

La faute intentionnelle suppose la volonte de causer un dommage resultantde la realisation d'un risque couvert par le contrat d'assurance.

L'arret constate qu'A. S. etait « assure en responsabilite civile`incendie' pour son immeuble [...] aupres de [la defenderesse] » et qu'ildisposait « d'une couverture responsabilite civile `vie privee' aupres dela meme societe d'assurance », qu'« il est etabli qu'[il] a voulu mettrefin à ses jours en deplac,ant une bonbonne de gaz dans sa chambre et enl'ouvrant » et que « l'explosion est la resultante de l'ouverture par A.S. de la bonbonne de gaz, qui a ensuite allume une cigarette ».

Il considere que la faute intentionnelle d'A. S. est etablie des lors que,s'il « n'a pas voulu le dommage tel qu'il s'est produit, il a voulucependant un dommage, soit sa mort, ou, à tout le moins, creer une pochede gaz toxique dans un milieu ferme, tout en sachant qu'il pouvait y avoird'autres degats largement previsibles qu'il ne pouvait pas ne pas avoiracceptes ».

L'arret, qui considere que la volonte de l'assure de causer sa mort ou, àtout le moins, de porter atteinte à sa personne suffit à etablir lafaute intentionnelle autorisant la defenderesse à refuser sa garantie enqualite d'assureur incendie et responsabilite civile vie privee, sansconstater que cette volonte porte sur un dommage couvert par ces contrats,viole l'article 8, alinea 1er, precite.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lespresidents de section Albert Fettweis et Martine Regout, les conseillersMireille Delange et Marie-Claire Ernotte, et prononce en audience publiquedu vingt-trois fevrier deux mille dix-sept par le president de sectionChristian Storck, en presence de l'avocat general Philippe de Koster, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Delange |
|-----------------+----------------+-------------|
| M. Regout | A. Fettweis | Chr. Storck |
+------------------------------------------------+

Requete

POURVOI EN CASSATION

POUR : 1. F. J.,

2. L. S.,

3. A. S.,

Demandeurs en cassation, assistes et representes par Me. Huguette Geinger,avocat à la Cour de Cassation, dont le cabinet est etabli à 1000Bruxelles, rue Quatre Bras 6, chez qui il est fait election de domicile,

CONTRE: La societe anonyme AG INSURANCE, inscrite à la Banque Carrefourdes Entreprises sous le numero 0404.494.849 et dont le siege est etabli à1000 Bruxelles, boulevard Emile Jacqmain 53,

Defenderesse en cassation.

* * *

A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers, composant la Cour de Cassation,

Mesdames,

Messieurs,

Les demandeurs ont l'honneur de deferer à la censure de Votre Courl'arret, rendu le 29 avril 2014 par la deuxieme chambre de la Cour dàppelde Mons (2012/RG/1069).

* * *

RETROACTES

1. Le 5 juillet 2006, alors qu'il se trouvait en son habitation à ...,rue ..., Monsieur A. S. contacta par telephone son fils A. et son epouseF. J., pour leur faire part de ses intentions de suicide.

Chacun de son cote, son fils et son epouse prirent alors la direction deson domicile.

La porte d'entree etant fermee, le demandeur se dirigea à l'arriere del'habitation d'ou il parvint à entrer en contact avec son pere, leconvaincant de lui ouvrir la baie vitree du patio.

De son cote, Madame F. J. se rendit chez les voisins, estimant preferablede ne pas intervenir compte tenu des relations extremement tendues entreepoux.

Apres avoir raisonne son pere, ferme la bonbonne de gaz et aerel'habitation, le demandeur sortit de l'immeuble et se rendit chez lesvoisins aux fins d'appeler les secours.

Deux pompiers-ambulanciers arriverent sur place et, guides par ledemandeur, entrerent dans l'habitation de Monsieur A. S.. Ils decouvrirentce dernier, dans la chambre du rez-de-chaussee, assis sur un lit,cigarette allumee dans la main et la bonbonne de gaz ouverte à ses cotes.

Les pompiers ordonnerent de sortir immediatement des lieux mais lorsqu'ilspasserent le seuil de l'habitation, alors que le demandeur les suivaitmais se trouvait toujours à l'interieur de l'habitation, une explosionretentit.

Les ambulanciers furent choques mais non blesses, mais le demandeur futbrule sur d'importantes parties de son corps. Monsieur A. S. succomba àses blessures le lendemain.

2. Monsieur A. S. avait conclu avec la defenderesse une assurance Incendieet une assurance RC vie privee.

3. Par citation du 27 aout 2009, Madame F. J. et sa fille L. S. citerentla defenderesse devant le Tribunal de premiere instance de Mons en vued'obtenir sa condamnation à payer une somme de 274.160,92 EUR, à majorerdes interets, pour les degats à l'immeuble herite.

Le demandeur intervint volontairement dans cette cause en vue d'obtenir lacondamnation de la defenderesse à payer, d'une part, la meme somme pourles degats à l'immeuble herite et, d'autre part, en vertu de l'assuranceRC Vie privee, des dommages-interets pour les blessures et brulures subià la suite de l'explosion.

Par le biais d'un proces-verbal de comparution volontaire du 4 novembre2009, le demandeur reclama aux demanderesses, à concurrence de leur partdans la succession d'A. S., la reparation de son dommage corporel et ladesignation, avant dire droit, d'un expert.

La defenderesse intervint volontairement dans cette deuxieme cause. Parvoie de conclusions, les demanderesses ont introduit, pour le dommagecorporel, une demande en garantie subsidiaire contre la defenderesse.

Par jugement du 4 octobre 2011, le Tribunal de premiere instance de Mons ajoint les deux causes pour connexite et a ordonne une reouverture desdebats afin que les parties s'expliquent quant à leur choix, relatif àleur option hereditaire, à propos de la succession d'A. S..

A l'audience du 3 avril 2012, tous les heritiers ont declare avoir acceptepurement et simplement la succession.

Par jugement du 22 mai 2012 le Tribunal de premiere instance de Mons adeclare les demandes contre la defenderesse non fondee. Il a par contredeclare fondee la demande du demandeur contre les demanderesses et acondamne ces dernieres, jusqu'à concurrence de leur part respective dansl'actif successoral de Monsieur A. S., à indemniser le demandeur desdommages qu'il a subis à la suite de l'explosion de la maison de son pere(à l'exclusion de la valeur de ces dommages correspondant à sa proprequote-part dans la succession), soit un montant provisionnel de 1 EURchacune. Le tribunal a designe un expert pour determiner l'etendue dudommage corporel du demandeur.

Les defenderesses interjeterent appel du jugement du 22 mai 2012. Ledemandeur forma appel incident par conclusions.

Par arret du 29 avril 2014, la Cour d'appel de Mons declara les appels nonfondes, confirma le jugement dont appel en toutes ses dispositions etrenvoya la cause en prosecution de cause pour la suite à donner à lademande originaire du demandeur dirige contre les demanderesses, pour sondommage corporel.

Les demandeurs estiment pouvoir presenter les moyens de cassation suivantsà l'encontre de cet arret du 29 avril 2014.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Disposition violee

L'article 8, al.1er de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assuranceterrestre, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014 relative auxassurances.

Decision attaquee

Dans l'arret entrepris, la Cour d'appel de Mons declare l'appel principaldes demanderesses F. J. et L. S. et l'appel incident du demandeur A. S.diriges contre la defenderesse non fondes.

En confirmant le jugement dont appel, rendu le 22 mai 2012 par le Tribunalde premiere instance de Mons, la cour d'appel declare non fondees

* la demande des demandeurs tendant à entendre condamner ladefende-resse, en sa qualite d'assureur RC Incendie de Monsieur A. S.,à payer la somme de 274.160,92 EUR, à majorer des interetsmora-toires et judiciaires, à la succession de Monsieur A. S. pourles degats à l'immeuble herite,

* la demande du demandeur tendant à entendre condamner la defenderesse,en sa qualite d'assureur RC Vie privee de Monsieur A. S., àl'indemniser du dommage corporel subi à la suite de l'explosion,

* la demande des demanderesses tendant à entendre condamner ladefen-deresse, en sa qualite d'assureur RC Vie privee de Monsieur A.S., à les garantir de toutes les condamnations qui seraientpronon-cees à leur encontre au profit du demandeur.

La cour d'appel condamne

* les demanderesses à payer à la defenderesse les depens d'appel decette derniere, relatifs à ce lien d'instance entre eux, liquides àune indemnite de procedure de 7.700 EUR,

* le demandeur à payer à la defenderesse les depens d'appel de cettederniere, relatifs à ce lien d'instance entre eux, liquides à uneindemnite de procedure de 7.700 EUR.

La cour d'appel appuie ces decisions sur les motifs suivants :

« I. Antecedents

A. S. a ete assure en RC Incendie pour son immeuble sis à ..., rue ...aupres de (la defenderesse) et a dispose, par ailleurs, d'une couvertureRC Vie privee aupres de la meme societe d'assurance ;

Le 5 juillet 2006, A. S. s'est retranche dans une piece de son habitationet a ouvert une bonbonne de gaz, placee à cote de lui, tout entelephonant à son fils A. S. pour lui faire part de ses intentions de sesuicider ;

A. S. a reussi à entrer en contact avec son pere, à le retirer del'immeuble, et à fermer la bonbonne de gaz ;

Pendant que A. S. est occupe à appeler des secours, son pere A. S. areintegre les lieux et rouvert la bonbonne de gaz ;

Ayant allume une cigarette, lors de l'arrivee des deux ambulanciersaccompagnes de son fils A. S., A. S. a provoque un explosion qui asouffle son immeuble et l'a blesse grievement ainsi que son fils ;

A. S. a succombe à ses blessures le 6 juillet 2006 ;

Par citation du 27 aout 2009, (les demanderesses), epouse et fille d'A. S., ont assigne (la defenderesse), devant le premier juge, en vued'obtenir sa condamnation à leur payer, pour les degats à l'immeubleherite, une somme de 274.160,92 EUR, à majorer des interets depuis le 20novembre 2007 et des depens (RG 09/2580) ;

Par requete du 10 novembre 2009, (le demandeur) a fait interventionvolontaire dans cette cause en vue d'obtenir la condamnation de (ladefenderesse) à lui payer, pour les degats à l'immeuble herite, la memesomme de 274.160,92 EUR en principal et une autre somme de 10.000 EURprovisionnelle pour le couvrir de son dommage corporel ;

Par le biais d'un proces-verbal de comparution volontaire du 4 novembre2009, (le demandeur) a reclame (aux demanderesses), à concurrence de leurpart dans la succession d'A. S., la reparation de son dommage corporel etla designation, avant dire droit, d'un expert judiciaire (RG/3256) ;

Par requete du 25 janvier 2010, (la defenderesse) a fait interventionvolontaire dans cette 2eme cause ;

Par voie de conclusions, (le demandeur) a etendu, dans cette 2eme cause,sa demande de condamnation pour son dommage corporel à (la defenderesse);

Par voie de conclusions, (les demanderesses) ont introduit, pour ce memedommage corporel, une demande en garantie subsidiaire contre (ladefenderesse) ;

Par jugement contradictoire du 4 octobre 2011, le premier juge a joint lesdeux causes pour connexite et a ordonne une reouverture des debats afinque les parties s'expliquent quant à leur choix, relatif à leur optionhereditaire, à propos de la succession d'A. S. ;

A l'audience du 3 avril 2012, tous les heritiers d'A. S., (lesdemandeurs), ont declare avoir accepte purement et simplement lasuccession d'A. S. ;

Par jugement contradictoire du 22 mai 2012, le premier juge a declare nonfondees, les demandes originaires (des demanderesses), dirigees contre (ladefenderesse), ainsi que celles (du demandeur), dirigees contre le memeassureur, tout en declarant fondee la demande originaire de ce dernier,dirigee contre (les demanderesses), lesquelles ont ete condamnees aupaiement d'une somme d'un euro provisionnel, chacune, à faire valoir surleur condamnation ulterieure, limitee à leur quote-part dans lasuccession d'A. S. ;

Par le meme jugement, le premier juge a designe, du chef de cette dernieredemande, un expert judiciaire pour determiner l'etendue du dommagecorporel (du demandeur) ;

Par requete deposee le 28 novembre 2012, (les demanderesses) ont interjeteappel, de ce dernier jugement, contre (la defenderesse) afin que soitdeclaree fondee leur demande originaire, relative aux degats àl'immeuble, et pour que cette derniere les garantisse de toutecondamnation prononcee, contre elles, dans le cadre de la demande (dudemandeur) relative à son dommage corporel ;

Par la meme requete, (les demanderesses) ont egalement interjete appelcontre (le demandeur) afin que la demande originaire de ce dernier,dirigee contre elles, pour son dommage corporel, soit declaree non fondee;

Par conclusions, (le demandeur) a introduit un appel incident, dirigecontre (la defenderesse), afin que soit declaree fondee sa demandeoriginaire, dirigee contre elle, pour les degats à l'immeuble et pour sondommage corporel ;

II. Discussion

(...)

B) Quant aux demandes originaires de (des demandeurs) pour les degats àl'immeuble en leur qualite d'heritiers S.

(La defenderesse) refuse d'indemniser les heritiers de leur assure, A. S., pour le sinistre ayant ravage son immeuble au motif que ce dernier acommis une faute intentionnelle ;

En effet, l'article 8, alinea 1, de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre dispose, à propos de la faute intentionnelle, que :"Nonobstant toute convention contraire, l'assureur ne peut etre tenu defournir sa garantie à l'egard de quiconque a cause intentionnellement lesinistre" ;

1- Encore faut-il determiner ce qu'il y a lieu d'entendre par la notion de"faute intentionnelle" ;

Dans un arret recent, la Cour de cassation, revenant sur une jurisprudenceanterieure qui entretenait une certaine confusion entre la faute lourde etla faute intentionnelle, a clarifie avec justesse sa definition de lafaute intentionnelle : "Aux termes de l'article 8, alinea 1er, de la loidu 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, nonobstant touteconvention contraire, l'assureur ne peut etre tenu de fournir sa garantieà l'egard de quiconque a cause intentionnellement le sinistre. Au sens decette disposition, un sinistre est intentionnellement cause des lors quel'assure a sciemment et volontairement cause un dommage. Pourl'application de cette disposition, il n'est pas requis que l'assure aiteu l'intention de causer le dommage tel qu'il s'est produit" (Cass., 24avril 2009, R.D.C., 2010, 56) ;

"Cet arret remet les pendules à l'heure puisque la Cour de cassation nese contente plus d'un dommage "raisonnablement previsible". Il faut quel'assure ait cause sciemment et volontairement un dommage" (J-L. Fagnart,"La notion de sinistre intentionnel : l'harmonie retrouvee", Bull.Ass.,2010, 43) ;

"Cet arret a dejà fait l'objet de plusieurs commentaires. Certainsauteurs y voient un retrecissement du champ d'application donne auconcept, puisque l'assure doit avoir cause volontairement et sciemment ledommage et qu'il ne suffit manifestement plus que le dommage soitraisonnablement previsible. Jean-Luc Fagnart et Bernard Dubuisson estimentque la cour apporte une clarification necessaire à sa definition en ne secontentant plus d'un dommage raisonnablement previsible. Nous lesrejoignons sur ce point. En effet, la Cour de cassation s'est,semble-t-il, rendue compte que son ancienne formulation pouvait etre malcomprise. Elle a decide d'omettre certains termes qui pouvaient etreconsideres comme ambigus ("comportement à risques" et "dommageraisonnablement previsible" ). La Cour de cassation a donc prefere mettreen evidence la volonte de causer un dommage. Par cet arret, la cour aprecise sa definition de faute intentionnelle ce qui permettra surement àl'avenir une application plus aisee de cette notion par les cours ettribunaux" (P Colson, "Le fait intentionnel en matiere d'assurance",J.L.M.B. 2010, 1165-1166) ;

Ainsi, pour qu'il y ait une faute intentionnelle, il ne suffit donc plusque le dommage cause par l'assure, à la suite de son comportementvolontaire, ait ete raisonnablement previsible, mais il faut egalement,qu'à tout le moins, un dommage ait ete voulu ou accepte par l'assure,meme si ce n'etait pas celui qui est survenu in concreto (B. Dubuisson,"La faute intentionnelle en droit des assurances- L'eclairage du droitpenal, RGAR, 2010, 14586-6) ;

Il reste qu'il doit y avoir un lien entre le dommage voulu et celui quis'est realise in concreto;

Il faut raisonner par analogie avec les principes de droit penal qui fontappel à la notion de dol indirect ;

Ceci fait dire, à juste titre, par le professeur Dubuisson, que : "Lafaute intentionnelle en droit des assurances peut etre rapprochee du dolgeneral au sens penal du terme. Elle en comporte tous les elements :l'imputabilite et la volonte deliberee de causer un dommage. Au dolgeneral, on assimilera le dol indirect et le dol eventuel. Il n'est doncpas necessaire que le dommage ait ete voulu dans tous ses elements. Parcontre, il est necessaire que la possibilite d'un dommage ait ete prevueet acceptee comme telle. Le fait que le dommage survenu ne soit pas celuiescompte n'y change rien" (B. Dubuisson, "La faute intentionnelle en droitdes assurances- L'eclairage du droit penal, RGAR, 2010, 14586-6, nDEG22) ;

C'est ainsi, qu'à propos d'un cas analogue au cas d'espece, il a ete dit,à bon droit, que: " L'exemple classique est celui de la personne qui veutse suicider en s'asphyxiant au gaz. Elle calfeutre son appartement etouvre les robinets de gaz ; alors qu'elle est dejà asphyxiee, un tierspenetre dans l'appartement et, voulant allumer la lumiere, declenche uneetincelle qui provoque une explosion, avec la consequence que toutl'immeuble est detruit. La faute intentionnelle du suicidant est-elleresponsable de l'explosion et de la destruction de l'immeuble ? La reponseest affirmative. Le suicidant avait la volonte de causer un dommage (samort) ; pour obtenir ce resultat, il a cree consciemment une situationdont il accepte necessairement les consequences" (C. Paris et J-L Fagnart,"Actualites legislatives et jurisprudentielles dans les assurances engeneral", in CUP 2008, Vol. 106, "Actualites en droit des assurances", p.55, nDEG 68) ;

Cela etant precise, il appartient à l'assureur de demontrer que sonassure a commis une faute intentionnelle, telle qu'elle vient d'etredefinie (P. Henry et J. Tinant, "Decheance ou exclusion : de Charybde enScylla ?, recyclage des FUSL et de PUCL du 19 septembre 2002 sur la loi du25 juin 1992"11) ;

C'est à la lumiere de cet enseignement qu'il faut analyser le casd'espece sur la base des temoignages repris dans le dossier repressif etdes constatations des verbalisants;

En l'espece, il est etabli qu'A. S. a voulu mettre fin à ses jours endeplac,ant une bonbonne de gaz dans sa chambre et en l'ouvrant ;

Sa resolution suicidaire ne fait pas l'ombre d'un doute et il n'estconteste par personne que l'explosion est la resultante de l'ouverture parA. S. de la bonbonne de gaz qui a ensuite allume une cigarette ;

Cette resolution est d'autant plus flagrante que (le demandeur) preciseque, dans un premier temps, il a ferme la bonbonne de gaz, en sortant sonpere A. S. de l'immeuble, avant que celui-ci ne reintegre les lieux enrouvrant une deuxieme fois cette bonbonne de gaz ;

Les deux ambulanciers N. P. et F. C. ont precise, de concert, quelorsqu'ils sont arrives sur place, juste avant l'explosion, ils ontentendu le gaz sortir de la bonbonne, ce qui prouve la reouverture decelle-ci par A. S. ;

De meme, l'expert D. B., mandate par le parquet, a signale que la bonbonnede gaz etait vide et avait ete fermee par les pompiers, apres l'explosionet l'incendie, ce qui demontre qu'elle avait ete reouverte par A. S. ;

Il est donc etabli qu'A. S. a voulu un dommage precis, sa propre mort et,à tout le moins, creer une poche de gaz toxique dans un milieu ferme, etne pouvait ainsi pas ignorer, compte tenu du moyen utilise, les risquesd'explosion de son immeuble et les dangers qu'il pouvait faire courir àdes tiers, meme si son objectif n'etait pas de blesser son fils ou dedemolir son immeuble ;

Ainsi, si A. S. n'a pas voulu le dommage tel qu'il s'est produit, il avoulu cependant un dommage, soit sa mort ou, à tout le moins, creer unepoche de gaz toxique dans un milieu ferme, tout en sachant qu'il pouvait yavoir d'autres degats largement previsibles qu'il ne pouvait pas ne pasavoir accepte, sous reserve de la perte de son discernement qui estanalyse ci-apres ;

2- Pour s'opposer à l'application de la faute intentionnelle, invoqueepar (la defenderesse), les heritiers d'A. S. soutiennent, par ailleurs,que meme si ce dernier a eu la resolution de se suicider, il n'a pas pucommettre une faute intentionnelle compte tenu de son desequilibre mentalavere l'ayant rendu incapable du controle de ses actes ;

De plus, au niveau de la charge de la preuve, les heritiers d'A. S.invoquent le fait que, des lors que la faute qui est imputee à ce dernierest de nature penale, ce sont les regles du droit penal qui doivents'appliquer et, partant, puisqu'ils font etat d'une cause dejustification, la demence, c'est à l'assureur qui s'appuie sur une causede decheance qu'il appartient de demontrer que cette cause dejustification ne tient pas et qu'il subsiste une faute intentionnelle dansle chef de son assure ;

A cet egard, il ne faut pas confondre intention et libre arbitre ;

Ce n'est en effet pas parce qu'A. S. a bien eu l'intention de se suiciderqu'il a eu automatiquement le discernement necessaire pour comprendre laportee de cet acte et les eventuelles consequences previsibles de celui-ci;

A ce sujet, il a ete ecrit, à juste titre, que : "La faute intentionnellesuppose, comme toute faute, qu'elle ait ete commise librement etconsciemment. Cet element doit cependant etre distingue de la resolutioncriminelle ou delictueuse. L'existence de la resolution de commettre unacte n'efface pas l'exigence du discernement sans lequel il ne saurait yavoir d'imputabilite ni de faute. A defaut de demontrer que le dement acommis l'acte dommageable dans un intervalle de lucidite, il ne sauraitetre question de faute intentionnelle. Le droit penal conforte en toutpoint cette analyse. En vertu de l'article 71 du Code penal en effet, ilne peut y avoir imputabilite penale de l'acte à l'agent lorsque celui-ciest en etat de demence au moment des faits. Un acquittement prononce surle fondement de l'article 71 du Code penal devrait donc faire obstacle àl'existence d'une faute intentionnelle au sens du droit des assurances.C'est dans ce sens que s'est prononce recemment la Cour de cassation(Cass., 12 fevrier 2008, R.D.C., 2008, p. 773)" (B. Dubuisson, "La fauteintentionnelle en droit .des assurances- L'eclairage du droit penal, RGAR,2010, 14586-5, nDEG15) ;

Encore faut-il determiner si A. S. etait frappe ou non de demence le jourdes faits ;

II faut, à ce stade, determiner qui a la charge de la preuve de cet etatde demence suppose d'A. S. ;

Comme il a ete dit ci-dessus, c'est à l'assureur qu'il appartient dedemontrer la faute intentionnelle qu'il invoque et, s'agissant d'une fautede nature penale, en respectant les regles du droit penal ;

En effet, comme l'enseigne la Cour de cassation "Lorsqu'une action enjustice devant le juge civil est fondee sur une infraction à la loipenale, ce sont les regles de la preuve en matiere repressive qui sontapplicables ; qu'en cette matiere, la preuve du fait litigieux peut etreetablie par toutes voies de droit" (Cass., 2 janvier 2003, J.L.M.B., 2003,587) ;

Or, en l'espece, les heritiers d'A. S. invoquent une cause dejustification qu'ils ne doivent pas demontrer si du moins celle-ci peutavoir une certaine credibilite à la lecture du dossier ;

A ce sujet, la Cour de cassation precise, à bon droit, que : "lorsqu'uneaction en justice devant le juge civil est fondee sur une infraction à laloi penale, c'est au demandeur à l'action qu'incombe la preuve del'imputabilite de cette infraction au defendeur ou de l'inexistence de lacause de justification alleguee par ce dernier, pour autant que cetteallegation ne soit pas depourvue de tout element permettant de luiaccorder credit" (Cass., 22 decembre 1995, Pas., 1995, I, 1195) ;

En l'espece, il n'existe aucune procedure penale ou civile permettantd'etablir qu'A. S. etait en etat de demence le jour de l'accident ;

II n'est fait etat d'aucune mesure judiciaire particuliere prise àl'egard d'A. S. et aucun element precis n'est demontre concernant undesequilibre mental ayant affecte son discernement ;

Tout au plus, plusieurs declarations font etat de la depression et ducomportement suicidaire d'A. S. et un dossier medical le concernantconfirme une depression chronique, depuis plus de dix ans avant les faits,ainsi que divers problemes de sante ;

Ni les problemes physiologiques, ni la depression ancienne d'A. S.,datant de plus de dix ans, ne permettent d'en deduire une perte dediscernement dans son chef ;

Les seuls elements releves par les heritiers d'A. S. demontrent, certes,une fragilite psychique, mais ne font aucunement preuve d'un etat dedemence tel qu'il y aurait eu chez ce dernier une perte de controle de sesactes l'empechant de poser un acte intentionnel ;

Au contraire, le dossier montre, toute la preparation methodique effectueepar A. S. pour poser son acte (eloignement de l'epouse par telephone,deplacement de la bonbonne de gaz, fermeture des portes et maintien desclefs dans la serrure...) ainsi que sa determination morbide demontree parle fait que ce dernier a reouvert le robinet de la bonbonne de gaz quiavait ete ferme par son fils ;

L'anciennete de plus de dix ans de la depression d'A. S. accredite aussil'idee que celui-ci a du continuer à disposer d'un pouvoir dediscernement pendant toutes ses annees lors desquelles aucune mesureparticuliere n'a ete prise à son encontre, ce dernier continuant à menerune vie professionnelle et sociale normale ;

Sous peine de deresponsabiliser tous les depressifs pour tous les actesqu'ils posent, il n'y a pas lieu en l'absence du moindre element, à cesujet, d'en deduire une perte de discernement automatique ;

II n'y a pas lieu de confondre depression et demence et l'une n'entraineabsolument pas automatiquement l'autre ;

Il n'existe donc, en l'espece, aucun element permettant d'apporter undebut de credit à la cause de justification alleguee par les heritiersd'A. S. lesquels se limitent à prouver la depression, et non la demence;

Si les heritiers d'A. S. ne doivent pas prouver la cause de justificationalleguee, ici la demence de ce dernier, ils doivent cependant se fondersur un minimum d'elements pouvant permettre de croire en leursallegations, ce qui n'est pas le cas ;

Partant, il y a lieu de conclure qu'effectivement A. S. a bien commislibrement et sciemment une faute intentionnelle privant ses heritiers dubenefice de l'assurance incendie souscrite aupres de (la defenderesse) ;

Il convient de confirmer le jugement dont appel sur ce point ;

C) Quant à la demande incidente originaire (du demandeur), dirigee contre(la defenderesse), assureur RC Vie privee d'A. S., pour le dommagecorporel subi

(Le demandeur), se fondant sur l'assurance Vie privee souscrite par sonpere A. S., a egalement introduit une demande incidente de couverture deson dommage corporel subi à la suite de l'explosion provoquee par lafaute commise par son pere, contre (la defenderesse) ;

(Le demandeur) se fonde ainsi sur les articles 68 et 86 de la loi du 25juin 1992 sur les assurances terrestres qui consacrent le principe del'action directe de la personne lesee ;

La situation d'un tiers, personne lesee, agissant dans le cadre d'uneaction directe, est geree, quant à elle, par l'article 87 de la loi du 25juin 1992, qui enonce que :

" S:1er. Dans les assurances obligatoires de la responsabilite civile, lesexceptions, franchises, nullites et decheances derivant de la loi ou ducontrat, et trouvant leur cause dans un fait anterieur ou posterieur ausinistre, sont inopposables à la personne lesee. Sont toutefoisopposables à la personne lesee l'annulation, la resiliation, l'expirationou la suspension du contrat, intervenues avant la survenance du sinistre,

S:2. Pour les autres categories d'assurances de la responsabilite civile,l'assureur ne peut opposer à la personne lesee que les exceptions,nullite et decheances derivant de la loi ou du contrat et trouvant leurcause dans un fait anterieur au sinistre..." ;

En l'espece, il s'agit d'une assurance non obligatoire, qui doit se voirappliquer l'article 87 S:2 de la loi precitee, de telle sorte que (ladefenderesse) peut opposer à la victime (le demandeur) la fauteintentionnelle prouvee commise par leur assure A. S. anterieurement àl'explosion de l'immeuble ;

"Au sens de l'article 87, S:2, la faute intentionnelle est un faitanterieur au sinistre" (Cass., 18 novembre 2011, Pas., 2011, I, p.2554) ;

En l'espece, comme precise ci-dessus, il est etabli qu'A. S. a biencommis une faute intentionnelle, en voulant se donner la mort et en creantune poche de gaz à une date anterieure au sinistre, et ce en ayant euconscience de pouvoir blesser des tiers ;

Meme, s'il est certain qu'A. S. n'a pas voulu blesser son fils, il nepouvait pas exclure cette hypothese surtout qu'il l'a appele pour le fairevenir sur place apres avoir mis en oeuvre sa resolution suicidaire enouvrant une bonbonne de gaz ;

Il importe peu que la personne blessee, son fils (le demandeur) n'etaitpas vise dans sa resolution suicidaire ;

Il y a lieu d'appliquer la notion d'aberratio ictus retenue en droitpenal ;

Ainsi, a-t-il ete ecrit, à juste titre, que : "Qu'en est-il enfin del'aberratio ictus ou de l'imputabilite d'un coup retombe sur un tiers ? Lajurisprudence penale a tendance à aligner le regime du coup devie sur laregle relative à l'erreur sur la personne. Celle-ci n'a pas pour effetd'exonerer l'auteur de son dol, puisque la qualite de la personne atteinten'est pas erigee par la loi en element constitutif de l'infraction ou encause d'aggravation. L'erreur sur la personne ne reduit nullement lavolonte coupable. Le meme raisonnement doit etre tenu pour la fauteintentionnelle en droit des assurances. II nous semble par consequent quel'assure qui poursuit son epouse pour lui porter des coups et qui, àdefaut de la rattraper porte ces coups à un passant dans un acces defureur ou simplement par erreur, commet une faute intentionnelle au sensdu droit des assurances" (B. Dubuisson, "La faute intentionnelle en droitdes assurances L'eclairage du droit penal", R.G.A.R., 2010, p.14586,nDEG21) ;

Sur la base des memes principes qui precedent, c'est à juste titre que lepremier juge a rejete egalement cette demande incidente originaire (dudemandeur), dirigee contre (la defenderesse), relativement à son dommagecorporel ;

(...)

E) Quant à la demande en garantie (des demanderesses), dirigee contre (ladefenderesse), pour le dommage corporel subi par (le demandeur)

Pour les motifs exposes ci-avant, il y a lieu de rejeter cette demande engarantie (des demanderesses), dirigee contre (la defenderesse), cettederniere ne devant pas couvrir le dommage corporel subi par (le demandeur)eu egard à la faute intentionnelle commise par son assure A. S. »(arret, pp. 3-14).

Griefs

1. L'article 8, al. 1er de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014,dispose que, nonobstant toute convention contraire, l'assureur ne peutetre tenu de fournir sa garantie à l'egard de quiconque a causeintentionnellement le sinistre.

La faute intentionnelle qui exclut la garantie de l'assureur est celle quiimplique la volonte de causer un dommage et non simplement d'en creer lerisque.

Pour que l'exclusion de la garantie soit acquise à l'assureur, il suffit,mais il faut, qu'un dommage ait ete voulu. Cette condition etant remplie,la faute est intentionnelle quand bien meme la nature ou l'ampleur dusinistre n'aurait pas ete recherche comme tels par l'auteur.

Pour que l'exclusion de la garantie soit acquise à l'assureur, il nesuffit cependant pas que l'assure ait voulu un dommage quelconque. Il fautque l'assuree ait voulu un dommage couvert par le contrat d'assurance encause.

2.1 Monsieur A. S. avait conclu avec la defenderesse une assuranceincendie pour son immeuble, sis à ..., rue ... (arret, p. 3, al. 1 et p.11, avant dernier alinea).

Il resulte de l'article 61 de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014,que, sauf convention contraire, l'assurance contre l'incendie garantit lesbiens assures contre les degats causes par l'incendie, par la foudre, parl'explosion, par l'implosion ainsi que par la chute ou le heurtd'appareils de navigation aerienne ou d'objets qui en tombent ou qui ensont projetes et par le heurt de tous autres vehicules ou d'animaux.

Meme lorsque le sinistre se produit en dehors des biens assures, lagarantie de l'assurance s'etend, selon l'article 62 de la loi du 25 juin1992 sur le contrat d'assurance terrestre, avant son abrogation par la loidu 4 avril 2014, aux degats causes à ceux-ci par :

1DEG les secours ou tout moyen convenable d'extinction, de preservation oude sauvetage;2DEG les demolitions ou destructions ordonnees pour arreter les progresd'un sinistre;3DEG les effondrements resultant directement et exclusivement d'unsinistre;

4DEG la fermentation ou la combustion spontanee suivies d'incendie oud'explosion.

L'article 63 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assuranceterrestre, avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014, concernantl'assurance du mobilier, dispose que le mobilier assure qui garnit tout oupartie d'un batiment comprend, outre celui qui appartient à l'assure,celui de toutes les personnes vivant à son foyer, le preneur etant reputeavoir souscrit à leur profit. Les parties peuvent neanmoins convenird'exclure du mobilier assure certains meubles determines dans le contrat.

Quant à l'assurance des responsabilites connexes, l'article 64 de la loidu 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, avant son abrogationpar la loi du 4 avril 2014, dispose que sauf convention contraire,l'assurance des responsabilites encourues par suite d'un sinistre frappantles biens designes par le contrat et dont la cause ou l'objet sontmentionnes aux articles 61 à 63 ne couvre pas les dommages resultant delesions corporelles.

Il ne fut pas conteste en l'espece que l'assurance « RC Incendie »conclu par Monsieur A. S. ne couvrait pas les dommages corporels subispar l'assure ou le deces de celui-ci.

2.2 Monsieur A. S. disposait egalement d'une assurance RC Vie priveeaupres de la defenderesse (arret, p. 3, al. 1er).

Le contrat d'assurance de la responsabilite a, en vertu de l'article 77 dela loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, avant sonabrogation par la loi du 4 avril 2014, pour objet de garantir l'assurecontre toute demande en reparation fondee sur la survenance du dommageprevu au contrat, et de tenir, dans les limites de la garantie, sonpatrimoine indemne de toute dette resultant d'une responsabilite etablie.

Conformement aux articles 1, 2 et 3 de l'arrete Royal du 12 janvier 1984determinant les conditions minimales de garantie des contrats d'assurancecouvrant la responsabilite civile extra-contractuelle relative à la vieprivee, l'assurance RC Vie privee couvre la responsabilite civile extracontractuelle (resultant des articles 1382 à 1386bis du Code civil et desdispositions analogues en droit etranger) relative à la vie privee del'assure (et des personnes vivant à son foyer, le personnel domestique etceux qui, en dehors de toute activite professionnelle, sont charges de lagarde de des enfants ou des animaux).

L'assurance RC Vie privee ne couvre pas le deces de l'assure.

3. La Cour d'appel de Mons constate dans l'arret entrepris que

* il est etabli qu'A. S. a voulu mettre fin à ses jours en deplac,antune bonbonne de gaz dans sa chambre et en l'ouvrant (arret, p. 8, al.4),

* sa resolution suicidaire ne fait pas l'ombre d'un doute (arret, p. 8,al. 5),

* A. S. a voulu un dommage precis, sa propre mort, à tout le moinscreer une poche de gaz toxique dans un milieu ferme (arret, p. 9, al.1-2 ; p. 12, avant-dernier alinea),

* l'explosion - qui a souffle son immeuble et a blesse grievement sonfils - est la resultante de l'ouverture par A. S. de la bonbonne degaz qui a ensuite allume une cigarette (arret, p. 8, al. 5 ; p. 3, al.5),

* A. S. ne pouvait ignorer, compte tenu du moyen utilise, les risquesd'explosion de son immeuble et les dangers qu'il pouvait faire courirà des tiers, meme si son objectif n'etait pas de blesser son fils nide demolir son immeuble (arret, p. 9, al. 1),

* A. S. savait qu'il pouvait y avoir d'autres degats largementprevisibles qu'il ne pouvait pas ne pas avoir acceptes (arret, p. 9,al. 2),

* s'il est certain qu'A. S. n'a pas voulu blesser son fils, il nepouvait exclure cette hypothese (arret, p. 12, in fine et p. 13, al.1er).

4.1 La cour d'appel constate ainsi que Monsieur A. S. avait la volonte decauser un dommage, c'est-à-dire son propre deces.

Le deces de l'assure (soit par suicide, soit par une autre cause) n'estpas un dommage assure dans l'assurance incendie. Il ne s'agit pasdavantage d'un dommage assure dans l'assurance RC Vie privee.

4.2 La constatation que Monsieur A. S. a voulu sa propre mort, ne suffitpartant pas pour conclure, dans le cadre de l'assurance incendie et del'assurance RC Vie privee, qu'il a commis une faute intentionnelle quiexclut la garantie de l'assureur.

La circonstance que les agissements de Monsieur A. S. ayant cause sondeces - dommage voulu par cet assure, mais non garanti dans l'assuranceincendie et l'assurance RC Vie privee - ont entraine d'autres dommages -le dommage à l'immeuble assure en incendie et (la responsabiliteextra-contractuelle de Monsieur A. S. pour) le dommage corporel subi parson fils, c'est-à-dire des dommages garantis par l'assurance Incendie etl'assurance RC Vie privee - n'implique pas que le sinistre a ete causeintentionnellement au sens de l'article 8, al. 1er de la loi du 25 juin1992 sur le contrat d'assurance terrestre, avant son abrogation par la loidu 4 avril 2014, et que l'assureur n'est pas tenu de fournir sa garantiepour ces autres dommages dans le cadre des assurances Incendie et RC Vieprivee.

Il ne resulte en effet pas des constatations dans l'arret entrepris queMonsieur A. S. ait voulu le dommage à son immeuble assure ou ait eu lavolonte de causer des dommages corporels à son fils, ni qu'il avait lavolonte de creer un quelconque autre dommage garanti par l'assuranceIncendie ou par l'assurance RC Vie privee.

Les constatations, selon lesquelles Monsieur A. S.

* ne pouvait ignorer, compte tenu du moyen utilise, les risquesd'explosion de son immeuble et les dangers qu'il pouvait faire courirà des tiers,

* savait qu'il pouvait y avoir d'autres degats largement previsiblesqu'il ne pouvait pas ne pas avoir acceptes,

n'impliquent pas qu'il avait la volonte d'endommager son immeuble assure,qu'il avait la volonte de causer des blessures à son fils (et partantd'etre tenu civilement responsable de ce dommage) ou qu'il avait lavolonte de causer un autre dommage garanti par l'assurance Incendie ou parl'assurance RC Vie privee.

4.3 La cour d'appel constate que Monsieur A. S. a voulu un dommage precis,sa propre mort et « à tout le moins, creer une poche de gaz toxique dansun milieu ferme » (arret, p. 9, al. 1er).

La constatation que l'assure a voulu creer une poche de gaz toxique dansd'un milieu ferme, implique qu'il a voulu creer un risque, mais n'impliquepas qu'il a voulu creer un dommage (p.ex. une explosion) garanti dans lecadre de l'assurance RC Immeuble ou dans le cadre de l'assurance RC Vieprivee.

En constatant que Monsieur A. S. a voulu creer une poche de gaz toxiquedans un milieu ferme, la cour d'appel ne constate partant pas qu'il avaitla volonte de causer un dommage garanti par l'assurance Incendie etl'assurance RC Vie Privee.

4.4 La decision de la Cour d'appel de Mons, selon laquelle Monsieur A. S.a commis une faute intentionnelle de sorte que, d'une part, ses heritierssont prives du benefice de l'assurance Incendie souscrite aupres de ladefenderesse et, d'autre part, la defenderesse ne doit pas, en sa qualited'assureur RC Vie privee de Monsieur A. S., indemniser le demandeur pourson dommage corporel, ni garantir les demanderesses de toutes lescondamnations qui seraient prononcees à leur encontre au profit dudemandeur, n'est partant pas legalement justifiee (violation de l'article8, al. 1er de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre,avant son abrogation par la loi du 4 avril 2014).

Developpements

1. En vertu de l'article 8, al. 1er de la loi du 25 juin 1992 sur lecontrat d'assurance terrestre, avant son abrogation par la loi du 4 avril2014 relative aux assurances, l'assureur ne peut, nonobstant touteconvention contraire, etre tenu de fournir sa garantie à l'egard dequiconque a cause intentionnellement le sinistre.

Il resulte de la jurisprudence de Votre Cour que la faute intentionnelleest celle qui implique la volonte de causer un dommage et non simplementd'en creer le risque. Pour que l'exclusion de la garantie soit acquise, ilsuffit, mais il faut, qu'un dommage ait ete voulu. Cette condition etantremplie, la faute est intentionnelle quand bien meme la nature oul'ampleur du sinistre n'aurait pas ete recherche comme tel par l'auteur(Cass. 24 avril 2009, Pas. 2009, nDEG 278 ; Cass. 26 octobre 2011, Pas.2011, nDEG 574).

Pour que l'exclusion de la garantie soit acquise à l'assureur, il nesuffit cependant pas que l'assure ait voulu un dommage quelconque. Il fautque l'assuree ait voulu un dommage couvert par le contrat d'assurance encause.

La garantie d'assurance sera exclue lorsque l'assure a voulu un dommagecouvert par le contrat d'assurance en cause, sans qu'il soit requis quel'assure ait eu l'intention de causer intentionnellement le dommage telqu'il s'est produit.

2. La circonstance que l'assure dans un contrat d'assurance RC Vie priveese suicide, et a partant la volonte de causer un dommage (son propredeces), n'implique pas que sa responsabilite extra-contractuelle pour desdommages causes à des tiers lors de son suicide sera exclue de lagarantie d'assurance.

L'assure a certes voulu causer un dommage, son propre deces. Dansl'assurance de responsabilite, c'est cependant la volonte de causer undommage à autrui et non pas à soi-meme qui doit etre prise enconsideration pour etablir la faute intentionnelle (J.P. Legrand,« Suicide et sinistre intentionnel », For.Ass. 2013, 220).

3. De meme, la circonstance que l'assure dans un contrat d'assuranceincendie se suicide, et a partant la volonte de causer un dommage (sonpropre deces), n'implique pas que le dommage cause à l'immeuble assurepar l'explosion resultant des agissements du suicide sera exclu de lagarantie d'assurance.

Le deces de l'assure - dommage voulu par l'assure - n'est en effet pas undommage assure dans l'assurance incendie.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Disposition legale et principe general du droit violes

* l'article 1138,2DEG du Code judiciaire,

* le principe general du droit, dit « principe dispositif ».

Decision attaquee

Dans l'arret du 29 avril 2014, la Cour d'appel de Mons, apres avoirdeclare les appels diriges par les demandeurs contre la defenderesse nonfondes, condamne

* les demanderesses à payer à la defenderesse les depens d'appel decette derniere, relatifs à ce lien d'instance entre eux, liquides àune indemnite de procedure de 7.700 EUR,

* le demandeur à payer à la defenderesse les depens d'appel de cettederniere, relatifs à ce lien d'instance entre eux, liquides à uneindemnite de procedure de 7.700 EUR (arret, pp, 14-15).

Griefs

Le juge meconnait le principe dispositif et viole article 1138,2DEG duCode judiciaire s'il prononce sur des choses non demandees ou adjuge plusqu'il n'a ete demande.

Dans ses conclusions de synthese d'appel (p. 25), la defenderesse demandade declarer les appels des demandeurs non fondes et de condamner des lorsles demandeurs aux frais et depens de la presente instance en ce comprisau montant des indemnites de procedure liquides au montant de 7.700 EUR.

En condamnant les demanderesses à payer une indemnite de procedure pourl'instance d'appel de 7.700 EUR à la defenderesse et le demandeur àpayer une indemnite de procedure l'instance d'appel de 7.700 EUR à ladefenderesse, alors que la defenderesse demandait dans ses conclusions desynthese d'appel de condamner les demandeurs aux frais (indemnites deprocedure) liquides à 7.700 EUR, la cour d'appel statue ultra petita,viole l'article 1138,2DEG du Code judiciaire et meconnait le principegeneral du droit, dit « principe dispositif », consacre par leditarticle 1138,2DEG.

Developpements

Les demandeurs se referent à l'arret de Votre Cour du 18 septembre 2014(C12.0237.F, www.cass.be).

PAR CES CONSIDERATIONS,

L'avocat à la Cour de Cassation soussignee conclut pour les demandeurs àce qu'il Vous plaise, Mesdames et Messieurs, casser l'arret entrepris,renvoyer la cause et les parties devant une autre cour d'appel, depenscomme de droit.

Bruxelles, le 5 juin 2015

23 FEVRIER 2017 C.15.0243.F/1

Requete/26


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0243.F
Date de la décision : 23/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-02-23;c.15.0243.f ?
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