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02/03/2017 | BELGIQUE | N°F.12.0056.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 mars 2017, F.12.0056.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG F.12.0056.F

* ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinetest etabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

* demandeur en cassation,

* represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee,9, ou il est fait election de domicile,

* contre

1. R. D.,

2. A. D.,

defenderesses en cassation,

* representees par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à B

ruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le po...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG F.12.0056.F

* ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinetest etabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

* demandeur en cassation,

* represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee,9, ou il est fait election de domicile,

* contre

1. R. D.,

2. A. D.,

defenderesses en cassation,

* representees par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard del'Empereur, 3, ou il est fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 octobre 2011par la cour d'appel de Mons.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

Le premier avocat general Andre Henkes a conclu.

* II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens, dont le second est libelle dans lestermes suivants :

* Dispositions legales violees

- article 2251 du Code civil ;

- article 410 du Code des impots sur les revenus 1992.

Decisions et motifs critiques

Afin de justifier sa decision d'ecarter la cause de suspension fondeesur les articles 410 du Code des impots sur les revenus 1992 et 2251du Code civil et de declarer prescrite la cotisation litigieuse,l'arret attaque developpe ce qui suit :

« [Le demandeur] estime qu'en application de l'article 410 du Codedes impots sur les revenus 1992, il ne pouvait obtenir le payement desa creance, de sorte que la prescription a ete suspendue durant laprocedure relative à la reclamation des [defenderesses], soit du 25janvier 1990 au 16 juin 1995 ;

L'article 2251 du Code civil dispose que la prescription court contretoutes personnes, à moins qu'elles ne soient dans quelque exceptionetablie par la loi ;

La suspension de la prescription prevue par cette disposition estapplicable lorsque le creancier se trouve dans l'impossibilite d'agirpour interrompre la prescription en raison d'un empechement etabli parla loi [...] ;

[Le demandeur] vante cependant un arret de la Cour de cassation du 13novembre 1997, lequel precise que l'article 2251 du Code civil empecheque la prescription soit acquise lorsqu'un regime legal empeche lecreancier d'obtenir le paiement de sa creance [...] ;

Il en deduit que l'existence d'une cause de suspension est liee non àune impossibilite d'agir mais au fait que le creancier ne peutrecourir à aucune voie d'execution pour obtenir le paiement de sacreance ;

Cette maniere de voir ne peut etre accueillie si l'on considere lecontexte dans lequel cet arret a ete rendu ;

Il s'agissait en effet de l'hypothese d'une faillite, ou le creancierne peut agir personnellement contre le failli en raison d'uneexception legale ;

La decision de la Cour de cassation precise que le litige se limite àla question si l'effet interruptif de l'admission au passif parjugement continue jusqu'au jugement cloturant la faillite ou si cetteforme particuliere de l'interruption de la prescription qui durejusqu'à la cloture de la faillite est uniquement valable à l'egardde la masse mais non à l'egard du failli ;

La Cour de cassation faisait valoir :

`Qu'il resulte des articles 2251 du Code civil et 452 de la loi du 8avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis, lusconjointement, que la prescription ne court pas contre un telcreancier ayant declare sa creance ;

Qu'en l'espece, il est denue de pertinence que, pendant la faillite,le creancier puisse obtenir contre le failli lui-meme un jugementdeclaratif qui ne peut etre oppose à la masse, un tel jugement nepermettant pas au creancier de l'executer tant que la faillite n'estpas cloturee' ;

Dans le cadre de la faillite, l'execution du jugement declaratifobtenu contre le failli est par consequent reporte à la cloture de lafaillite ;

En l'espece, si effectivement [le demandeur] se trouvait dansl'impossibilite de proceder à un commandement pour obtenir lepayement des cotisations litigieuses puisque l'incontestablement duavait ete fixe à zero euro, il n'etait pas pour autant dansl'impossibilite d'agir, pouvant proposer un acte de renonciation autemps couru de la prescription conformement à l'article 145 del'arrete royal d'execution du Code des impots sur les revenus 1992, cequi n'a jamais ete realise, ou effectuer une saisie conservatoire ;

A cet egard, les considerations [du demandeur] sur les aleas d'unetelle procedure sont denuees de pertinence des lors qu'il ne pouvaitignorer que ses debiteurs etaient proprietaires de plusieurs biens[...] ;

Enfin, meme si, comme le fait remarquer [le demandeur], il faut queles conditions des articles 1413 et 1415 du Code judiciaire soientreunies, il ne demontre avoir effectue aucune tentative en ce sensdont il pourrait faire valoir qu'elle fut vouee à l'echec, en manieretelle qu'il ne peut etre conclu à l'impossibilite d'interrompre laprescription ;

Par ailleurs, les [defenderesses] font utilement valoir que [ledemandeur] aurait pu, en application de l'article 166, S: 2, del'arrete royal d'execution du Code des impots sur les revenus 1992,affecter toute somme à restituer à l'apurement des sommes encoredues conformement à l'article 143 de cet arrete ».

Griefs

En l'espece, une reclamation a ete introduite contre l'impositionlitigieuse le 25 janvier 1990 et l'incontestablement du a ete fixe àneant.

Cette reclamation a fait l'objet d'une decision directoriale le 27juillet 1992, laquelle a rejete la reclamation.

Le 4 septembre 1992, les contribuables ont introduit un recours contrecette decision devant la cour d'appel de Mons qui, par son arret du 16juin 1995, l'a declare non fonde.

Il ressort de l'article 410 du Code des impots sur les revenus 1992que l'impot qui fait l'objet d'une reclamation ou d'un recours ne peutetre recouvre par toutes voies d'execution que dans la mesure ou ilcorrespond à l'incontestablement du (Cass., 28 octobre 1993, deuxespeces, nos 433, avec les conclusions du procureur general baronVelu, et 434).

Eu egard à l'absence d'un incontestablement du, aucune voied'execution ne peut donc etre engagee en l'espece, de telle maniereque l'execution de l'obligation fiscale se trouve suspendue dansl'attente de l'issue du litige fiscal.

Le receveur des contributions s'est donc trouve legalement empeched'obtenir le paiement de sa creance du 25 juin 1990 au 16 juin 1995.

Or, l'article 2251 du Code civil dispose que la prescription ne courtpas contre les personnes qui sont dans quelque exception etablie parla loi.

La Cour de cassation a precise que « cette disposition empeche que laprescription soit acquise lorsqu'un regime legal empeche le creancierd'obtenir le paiement de sa creance » (Cass., 13 novembre 1997, Pas.,nDEG 474).

Suivant l'arret attaque, cette lecture doit etre limitee au contextedans lequel il a ete rendu, soit celui de la faillite.

Or, par deux arrets rendus le 22 septembre 2011 (F.10.0015.N et F.10.0052.N), la Cour a dit pour droit :

« Il ressort de l'article 410 du Code des impots sur les revenus1992, tel qu'il est applicable, qu'à partir de l'introduction d'unereclamation par le contribuable, le demandeur ne peut obtenir lepaiement de sa creance, sauf en ce qui concerne la partieincontestablement due, c'est-à-dire la partie de l'impotcorrespondant au montant des revenus declares par le contribuable ou,en cas d'imposition d'office à defaut de declaration, le dernierimpot definitivement etabli à charge du contribuable pour un exerciced'imposition anterieur.

Dans la mesure ou il ressort de cet article 410, tel qu'il estapplicable, que l'introduction d'une reclamation a pour consequenceque le paiement de la dette d'impot ne peut etre obtenu, il y a lieude deduire de cette disposition et de l'article 2251 du Code civil quela prescription du recouvrement est suspendue » (arret F.10.0015.N),et

« Il ressort des dispositions fiscales precitees [les articles 409 et410 du Code des impots sur les revenus 1992] que le receveur descontributions ne peut, en principe, pas recevoir de paiement de ladette d'impot contestee à moins qu'une partie de l'impot puisse etrerecouvree immediatement nonobstant la contestation.

Si aucune partie de la dette d'impot n'est immediatement due, lereceveur ne peut reclamer le paiement de la dette d'impot contestee.

En vertu de l'article 2251 du Code civil, cet empechement legal a poureffet que la prescription de la dette d'impot contestee est suspendue.Cet effet se produit aussi en ce qui concerne la periode anterieure àl'entree en vigueur, le 10 janvier 2004, de l'article 443ter du Codedes impots sur les revenus 1992, qui regle expressement la suspensionde la prescription durant la contestation de l'imposition.

Les dispositions de droit commun relatives à la prescriptions'appliquent aux dettes d'impot dans la mesure ou la loi fiscale n'yderoge pas.

En cette branche, le moyen suppose à tort que les dispositions dedroit commun relatives à la prescription des contributions directesne peuvent s'appliquer que lorsqu'une disposition legale fiscale lesdeclare expressement applicables.

Pour que la prescription soit suspendue sur la base de l'article 2251du Code civil combine à l'empechement legal de reclamer le paiement,il n'est pas requis que chaque paiement de la dette menacee deprescription soit impossible.

Ni la possibilite que le creancier rec,oive ulterieurement le paiementpar compensation de la creance menacee de prescription ni lapossibilite que le debiteur, nonobstant la contestation, paievolontairement la dette ne constituent un obstacle à la suspension dela prescription » (arret F.10.0052.N).

Par ce dernier attendu, la Cour repond precisement à l'objection del'arret attaque suivant laquelle « les [defenderesses] font utilementvaloir que [le demandeur] aurait pu, en application de l'article 166,S: 2, de l'arrete royal d'execution du Code des impots sur lesrevenus, affecter toute somme à restituer à l'apurement des sommesencore dues conformement à l'article 143 de cet arrete ».

De maniere plus generale, la jurisprudence de la Cour de cassationfait un sort à la motivation essentielle de l'arret attaque, laquellelie la cause de suspension sur le fondement de l'article 2251 du Codecivil à l'impossibilite pour le demandeur d'agir et non àl'impossibilite pour celui-ci d'obtenir le paiement de sa creance.

En declarant prescrite la cotisation litigieuse, par confirmation dujugement entrepris, l'arret attaque ne justifie pas legalement sadecision.

III. La decision de la Cour

Sur le second moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par les defenderesses etdeduite de ce que, dans la version que vise le moyen, l'article 410 duCode des impots sur les revenus 1992, qui a ete remplace par l'article37 de la loi du 15 mars 1999 relative au contentieux en matierefiscale, ne s'applique pas au litige :

S'il est vrai que, tel qu'il a ete remplace par l'article 37 de la loidu 15 juin 1999 et que, à defaut de precision, il est vise par lemoyen, l'article 410 du Code des impots sur les revenus 1992 est entreen vigueur apres la periode pendant laquelle le moyen fait valoir quela prescription a ete suspendue, la version anterieure de l'article410 organisait le regime legal sur lequel s'appuie le moyen, de sorteque le remplacement de cette disposition est sans incidence surl'appreciation du fondement de celui-ci.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen :

La prescription d'une action ne court pas contre celui qui est dansl'impossibilite d'exercer cette action par suite d'un empechementresultant de la loi.

En disposant que la prescription court contre toutes personnes, àmoins qu'elles soient dans quelque exception etablie par la loi,l'article 2251 du Code civil consacre cette regle qu'il applique auxcauses de suspension fondees sur la condition de la personne contrelaquelle on prescrit.

En vertu de l'article 410 du Code des impots sur les revenus 1992,tant avant qu'apres son remplacement par l'article 37 de la loi du 15juin 1999, l'impot ne peut etre recouvre, par toutes voiesd'execution, que dans la mesure ou il correspond au montant desrevenus declares ou, lorsqu'il a ete etabli d'office à defaut dedeclaration, dans la mesure ou il n'excede pas le dernier impotdefinitivement etabli à charge du redevable pour un exerciced'imposition anterieur.

Il s'ensuit qu'aussi longtemps qu'il n'a pas ete statue definitivementsur le recours du contribuable contre une cotisation enrolee à sacharge, le demandeur ne peut agir contre lui en recouvrement que dessommes qui lui sont incontestablement dues au sens de cettedisposition.

Pour exclure que la prescription de la cotisation litigieuse ait etesuspendue par application des articles 2251 du Code civil et 410 duCode des impots sur les revenus 1992, l'arret considere que, « si [ledemandeur] se trouvait dans l'impossibilite de proceder à uncommandement pour obtenir le paiement [de la] cotisation litigieusepuisque l'incontestablement du avait ete fixe à zero euro, il n'etaitpas pour autant dans l'impossibilite d'agir, pouvant proposer un actede renonciation au temps couru de la prescription conformement àl'article 145 de l'arrete royal d'execution du Code des impots sur lesrevenus 1992, ce qui n'a jamais ete realise, ou effectuer une saisieconservatoire ».

En se fondant sur ces facultes ouvertes au demandeur pour denier àl'impossibilite pour celui-ci d'exercer son action en recouvrementl'effet de suspendre le cours de la prescription de cette action,l'arret viole les articles 2251 du Code civil et 410 du Code desimpots sur les revenus 1992.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

* La Cour

* Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Christian Storck, lesconseillers Didier Batsele, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte etSabine Geubel, et prononce en audience publique du deux mars deuxmille dix-sept par le president de section Christian Storck, enpresence du premier avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.

+-----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+------------+----------------|
| M. Lemal | D. Batsele | Chr. Storck |
+-----------------------------------------------+

2 MARS 2017 F.12.0056.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.12.0056.F
Date de la décision : 02/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-03-02;f.12.0056.f ?
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