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09/03/2017 | BELGIQUE | N°C.16.0180.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 mars 2017, C.16.0180.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0180.F

M. A.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

C. F., avocat, agissant en qualite d'administrateur provisoire des bienset de la personne de M.-T. D.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfa

it election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le ju...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.16.0180.F

M. A.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,

contre

C. F., avocat, agissant en qualite d'administrateur provisoire des bienset de la personne de M.-T. D.,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 13 novembre2015 par le tribunal de premiere instance de Liege, statuant en degred'appel.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.

L'avocat general Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

L'article 3, S: 2, alinea 1er, de la loi du 20 fevrier 1991 concernant lesregles particulieres aux baux relatifs à la residence principale dupreneur permet au bailleur de mettre fin au bail, à tout moment, endonnant conge six mois à l'avance, s'il a l'intention d'occuper le bienpersonnellement et effectivement ou de le faire occuper de la meme manierepar les personnes designees par cette disposition legale.

L'article 3, S: 2, alinea 3, de cette loi dispose que les lieux doiventetre occupes dans l'annee qui suit l'expiration du preavis donne par lebailleur ou, en cas de prorogation, la restitution des lieux par lepreneur.

En vertu de l'article 1244, alinea 2, du Code civil, le juge peut, dansles conditions prevues par cette disposition, accorder au debiteur desdelais moderes pour le paiement et faire surseoir aux poursuites.

Il suit de cette disposition que, lorsqu'un conge a ete regulierementdonne par le bailleur, le delai de grace accorde pour la restitution deslieux a pour seul effet de faire surseoir à l'expulsion du preneur etn'entraine aucune prorogation du bail.

Il s'ensuit que, lorsque, apres avoir valide le conge pour occupationpersonnelle donne par le bailleur, le juge accorde au preneur un delai degrace pour la restitution des lieux, ce delai de grace fut-il accorde enreparation d'un abus de droit commis par le bailleur, le delai d'une anneedans lequel les lieux doivent etre occupes prend cours à l'expiration dupreavis donne par le bailleur et non lors de la restitution des lieux.

Le moyen, qui, en cette branche, repose tout entier sur le soutenementcontraire, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

Aux termes de l'article 3, S: 2, alinea 4, de la loi du 20 fevrier 1991,lorsque le bailleur, sans justifier d'une circonstance exceptionnelle, nerealise pas l'occupation dans les conditions ou les delais prevus, lepreneur a droit à une indemnite equivalente à dix-huit mois de loyer.

Le juge du fond apprecie souverainement si les circonstances invoquees parle bailleur constituent des circonstances exceptionnelles.

Le jugement attaque constate que, « par un jugement rendu le 16 decembre2011, le [juge de paix] a valide le conge pour occupation personnelle au28 fevrier 2011 » et qu'« apres avoir decide que la demande deprorogation pour circonstances exceptionnelles n'etait pas recevable »« pour ne pas avoir ete introduite au plus tard un mois avant la fin dubail », « il a aussi considere que le conge a ete donne de manierefautive », « le bailleur s'etant rendu coupable d'un abus de droit »,« et a, à titre de reparation de cette faute, autorise la locataire àresider dans les lieux loues jusqu'au 31 mai 2012, à titre de terme degrace ».

Le jugement attaque considere, sans etre critique, que « lescirconstances exceptionnelles dont peut faire etat le bailleur doiventetre independantes de sa volonte (ou de celles des tiers beneficiaires) etimprevisibles au moment ou le conge est donne ».

Il considere que « le terme de grace octroye à [la locataire] a eteaccorde en reparation de l'abus de droit dans la maniere dont [ledemandeur] a donne le conge » et, par une appreciation en fait, que,« n'etant pas independante de la volonte [du demandeur] et etantprevisible au moment ou le conge a ete donne compte tenu de la manieredont il a ete donne, ce terme de grace n'est pas une circonstanceexceptionnelle visee à l'article 3, S: 2, alinea 4, » de la loi du 20fevrier 1991.

Dans la mesure ou il soutient que l'octroi d'un terme de grace à lalocataire ne peut etre considere comme previsible et dependant de lavolonte du demandeur, le moyen, en cette branche, revient à critiquercette appreciation en fait.

Pour le surplus, par ces considerations, le jugement attaque ne meconnaitpas le caractere obligatoire et executoire du jugement du 16 decembre 2011ni ne viole les articles 23 à 26, 28, 1397 et 1494 du Code judiciaire.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de mille deux cent vingt et un euroscinquante-quatre centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, president, lepresident de section Martine Regout, les conseillers Michel Lemal,Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce en audience publique duneuf mars deux mille dix-sept par le president de section Albert Fettweis,en presence de l'avocat general Philippe de Koster, avec l'assistance dugreffier Fabienne Gobert.

+----------------------------------------+
| F. Gobert | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------+-----------+----------------|
| M. Lemal | M. Regout | A. Fettweis |
+----------------------------------------+

Requete

POURVOI EN CASSATION

Pour : Monsieur M. A. ,

demandeur en cassation,

assiste et represente par Maitre Caroline DE BAETS, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à 1050 Bruxelles, avenue Louise,149/20, ou il est fait election de domicile.

Contre : Maitre C. F., avocat, en sa qualite d'administrateur provisoiredes biens et de la personne de Madame M.-T. D.,

defenderesse en cassation.

A Messieurs les Premier President et Presidents de la Cour de cassation,Mesdames et Messieurs les Conseillers composant la Cour de cassation,

Messieurs,

Mesdames,

Le demandeur en cassation a l'honneur de soumettre à votre censure lejugement rendu en degre d'appel par la 2eme chambre du tribunal depremiere instance de Liege, division de Liege, le 13 novembre 2015 (R.G.15/558/A).

FAITS DE LA CAUSE ET ANTECEDENTS DE LA PROCEDURE

1.

Le litige trouve son origine dans le conge de bail pour occupationfamiliale qui avait ete notifie par le demandeur à la defenderesse, en saqualite d'administrateur provisoire de la locataire.

Par jugement du 16 decembre 2011, le juge de paix avait valide le conge àla date du 28 fevrier 2011. Il avait toutefois accorde à la locataire unterme de grace jusqu'au 31 mai 2012, à titre de reparation de la manierejugee fautive dont le demandeur avait donne le conge.

2.

Le 19 juin 2012, l'immeuble est frappe d'un incendie, à la suite duquell'appartement est devenu inhabitable.

La defenderesse a restitue les clefs de l'appartement le 23 octobre 2012.Des travaux de reparation ont ete effectues de novembre 2012 à mars 2013.

La soeur du demandeur n'est jamais rentree dans les lieux. Apres avoirhabite à G. depuis janvier 2006, elle s'est installee à W. le 8 mai2013. L'appartement a finalement ete donne en location à un tiers.

3.

La defenderesse a ensuite assigne le demandeur en justice. Ellesollicitait sa condamnation au paiement d'une indemnite equivalente à 18mois de loyer, soit 5.400 EUR, pour ne pas avoir occupe les lieux dansl'annee suivant l'expiration du preavis, comme le prescrit l'article 3,S:2 de la loi du 20 fevrier 1991.

Par demande reconventionnelle, le demandeur a sollicite la condamnation dela defenderesse à une indemnite de 1.000 EUR pour procedure temeraire etvexatoire.

Par jugement du 19 decembre 2014, le juge de paix a fait droit à lademande de la defenderesse et rejete la demande du demandeur. Apres avoirfixe le depart du delai d'un an à la date de la restitution des clefs le23 octobre 2012 et dit que la realisation de travaux suite à l'incendieentre novembre 2012 et mars 2013 pourrait constituer une circonstanceexceptionnelle, le juge constate que la soeur du demandeur avait, le 8 mai2013, demenage ailleurs que dans l'appartement en question et en deduitque la condition d'occupation dans le delai determine n'etait pas remplie.Le demandeur a ete condamne à payer une indemnite de 5.400 EUR.

4.

Le demandeur a interjete appel de cette decision.

Par jugement du 13 novembre 2015, le tribunal de premiere instance deLiege a rejete cet appel et confirme le premier jugement mais sur la based'autres motifs. Le tribunal a determine le point de depart du delai d'unan pour occupation personnelle ou familiale à la date du preavis valideau 28 fevrier 2011 et considere que le delai de grace accorde à lalocataire jusqu'au 31 mai 2012 ne constituait pas une circonstanceexceptionnelle.

5.

Le demandeur invoque le moyen de cassation suivant contre ce jugement.

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Dispositions legales violees

* les articles 3, specialement S:2, alineas 3 et 4, et 11 de la loi du20 fevrier 1991 concernant les regles particulieres aux baux relatifsà la residence principale du preneur (Livre III, Titre VIII, ChapitreII, Section 2 du Code civil) ;

* l'article 1244, specialement alinea 2, du Code civil ;

* les articles 23, 24, 25, 26, 28, 1397 et 1494 du Code judiciaire (lesarticles 23 et 1397 avant leur modification par la loi du 19 octobre2015).

Decision et motifs attaques

Le jugement attaque rejette l'appel du demandeur et, confirmant le premierjugement, condamne le demandeur à payer à la defenderesse une indemniteequivalente à 18 mois de loyer, soit la somme de 5.400 EUR, majoree desinterets au taux legal à partir du 27 avril 2015, et ce, apres avoirdecide que le delai d'un an dans lequel l'occupation par la soeur dudemandeur devait etre realisee avait commence à courir à l'expiration dupreavis et non à la date à laquelle les cles ont ete restituees, d'unepart, et que le terme de grace octroye à la locataire par le juge de paixne constituait pas une circonstance exceptionnelle ayant rendu impossiblela realisation de l'occupation familiale dans le delai determine, d'autrepart. Il justifie ces decisions par les motifs suivants (p. 5 à 8) :

« a) quant à l'appel

a.1.

Le conge donne par [le demandeur] et valide au 28 fevrier 2011 par lepremier juge dans un jugement rendu le 16 decembre 2011 - qui n'a pas eteentrepris - l'a ete pour l'occupation des lieux par sa soeur, G.A.

Les alineas 3 et 4 de l'article 3, S:2 de la loi du 20 fevrier 1991 quiconcerne les regles particulieres aux baux relatifs à la residenceprincipale du preneur disposent :

« Les lieux doivent etre occupes dans l'annee qui suit l'expiration dupreavis donne par le bailleur ou, en cas de prorogation, la restitutiondes lieux par le preneur. Ils doivent rester occupes de fac,on effectiveet continue pendant deux annees au moins.

Lorsque le bailleur, sans justifier d'une circonstance exceptionnelle, nerealise pas l'occupation dans les conditions ou les delais prevus, lepreneur a droit à une indemnite equivalente à dix-huit mois de loyer. »

C'est au preneur de rapporter la preuve de la non-occupation du bailleurdans les conditions et delais legaux.

A cet egard, il n'est pas conteste que G.A. n'est jamais rentree dans leslieux. De plus, elle ecrit dans une attestation produite par son frere :« ... Puisque je ne pouvais plus occuper cet appartement comme prevu enmars 2011, j'ai du me reloger ailleurs. Je suis actuellement à W., rue... et je compte rester dans cet appartement. Je ne souhaite plus occuperl'appartement de ... et ne compte pas demenager. »

Pour [le demandeur] tant la decision du premier juge d'autoriser M.-T. D.à resider dans les lieux loues jusqu'au 31 mai 2012 que l'incendie du 19juin 2012 sont des circonstances exceptionnelles.

Il explique aussi que « le delai d'occupation de deux ans prevu par cettedisposition expirait en mars 2013 (vingt-quatre mois apres la validationdu conge au 28 fevrier 2011) et donc la condition d'occupation personnellepar la soeur du concluant ne s'appliquait plus apres cette date. »

Il ne peut etre suivi sur ce point. En effet, l'article 3, S:2, alinea 3prevoit deux delais differents. Le premier, selon lequel les lieux doiventetre occupes dans l'annee qui suit l'expiration du preavis donne par lebailleur ou, en cas de prorogation, la restitution des lieux par lepreneur et le second selon lequel l'occupation doit etre effective etcontinue pendant deux ans. Le delai de deux ans ne commence donc pas àcourir au moment de la validation du conge mais à partir du debut del'occupation des lieux.

Le bail n'ayant pas ete proroge, seul un delai de grace a ete accorde, lepremier juge ne peut etre suivi lorsqu'il estime que le premier delai acommence à courir le 23 octobre 2012, lorsque les cles ont eterestituees.

A defaut de prorogation, ce premier delai a commence à courir àl'expiration du preavis donne par le bailleur, soit au 28 fevrier 2011date à laquelle le conge a ete valide par le premier juge dans sonjugement rendu le 16 decembre 2011. Les lieux devaient donc etre occupespar G.A. avant le 1er mars 2012 sauf si le bailleur justifie decirconstances exceptionnelles.

Les circonstances exceptionnelles dont peut faire etat le bailleur doiventetre independantes de sa volonte (ou de celles des tiers beneficiaires) etimprevisibles au moment ou le conge est donne. Ces circonstancesexceptionnelles ne sont pas assimilees à des cas de force majeure, deslors qu'il n'est pas requis qu'elles empechent definitivementl'occupation. Il appartient au juge d'apprecier le serieux descontestations.

L'incendie etant survenu le 19 juin 2012, soit apres l'expiration du delaid'un an dans lequel l'occupation des lieux devait se faire, il ne peutconstituer une circonstance exceptionnelle dont pourrait se prevaloir [ledemandeur] pour ne pas etre redevable de l'indemnite de dix-huit mois deloyer.

Pour le surplus, [le demandeur] explique que l'occupation personnelle del'appartement a ete materiellement impossible entre le 1er mars 2011 et le31 mai 2012 uniquement en raison de la decision judiciaire du 16 decembre2011. Pour lui, sa soeur n'a pu rentrer dans les lieux au mois de mars2011 en raison de ce jugement qui autorisait la locataire à rester dansles lieux jusqu'au 31 mai 2012.

A cet egard, le temps mis par le premier juge à rendre le jugement quiautorise la locataire à rester dans les lieux jusqu'au 31 mai 2012n'etait pas de nature à empecher l'occupation du bien dans le delai d'unan dans lequel elle devait se faire, le jugement ayant ete rendu le 16decembre 2011, soit avant l'expiration de ce delai d'un an.

Ainsi que l'a releve le premier juge, le terme de grace octroye à M.-T.D. a ete accorde en reparation de l'abus de droit dans la maniere dont [ledemandeur] a donne le conge. N'etant pas independante de la volonte [dudemandeur] et etant previsible au moment ou le conge a ete donne comptetenu de la maniere dont il a ete donne, ce terme de grace n'est pas unecirconstance exceptionnelle visee à l'article 3, S:2, alinea 4.

[Le demandeur] ne peut etre suivi lorsqu'il considere qu'en ne retenantpas cette autorisation donnee par le premier juge au locataire de resterdans les lieux jusqu'au 31 mai 2012 comme une circonstance exceptionnelle,il serait ainsi sanctionne une deuxieme fois pour les memes faits. Eneffet, il ne s'agit pas de sanctionner la meme chose mais de sanctionnerdeux choses differentes, soit un conge donne de maniere fautive etl'absence d'occupation des lieux dans un delai determine, meme si cetteabsence d'occupation est la consequence du premier manquement.

L'occupation des lieux par G.A. n'ayant pas commence dans le delai d'un anà dater du 28 fevrier 2011, [le demandeur] est redevable de l'indemniteequivalente à dix-huit mois de loyer.

La condamnation prononcee par le premier juge sera donc confirmee en cequi concerne la somme en principal de 5 400 EUR.

[La defenderesse] demandant la confirmation du jugement entrepris danstoutes ses dispositions, il convient de considerer qu'elle demande autribunal de lui accorder des interets judiciaires.

Cette demande etant formulee pour la premiere fois dans les conclusionsdeposees au greffe en date du 27 avril 2015, les interets judiciairesseront accordes à dater de cette date.

a.2.

Le premier juge ayant fait droit à la demande principale, c'est à raisonqu'il a deboute [le demandeur] de sa demande d'indemnisation pourprocedure temeraire et vexatoire. »

Griefs

Premiere branche

1.

Avant sa modification par la loi du 13 avril 1997, l'article 3, S:2,alinea 3, de la loi du 20 fevrier 1991 concernant les regles particulieresaux baux relatifs à la residence principale du preneur disposait que« les lieux doivent etre occupes dans l'annee qui suit leur restitutionpar le preneur et rester occupes de fac,on effective et continue pendantdeux ans au moins ».

Apres sa modification par la loi du 13 avril 1997, l'article 3, S:2,alinea 3, dispose que « les lieux doivent etre occupes dans l'annee quisuit l'expiration du preavis donne par le bailleur ou, en cas deprorogation, la restitution des lieux par le preneur. Ils doivent resteroccupes de fac,on effective et continue pendant deux ans au moins ».

2.

Cette modification s'imposait suite à l'introduction dans la loi de lapossibilite pour le preneur de donner un contre-preavis lorsque lebailleur lui notifie un preavis pour occupation personnelle ou familiale(article 3, S:5, dernier alinea).

Pour eviter, dans ce cas de contre-preavis, que le delai d'un an impartiau bailleur pour realiser l'occupation personnelle ou familiale necommence à courir à une date anterieure à celle de l'expiration de sonpropre preavis, le legislateur ne pouvait plus disposer, de manieregenerale, que la restitution des lieux faisait courir le delai d'un an.Par contre, il n'etait pas dans l'intention du legislateur d'abandonner larestitution des lieux comme critere determinant en l'absence decontre-preavis par le preneur.

Il en resulte que la notion de prorogation de bail doit etre comprise dansun sens large. Elle n'est pas limitee à la prorogation pour circonstancesexceptionnelles prevue à l'article 11 de la loi du 20 fevrier 1991, maiselle comprend toute decision ayant pour effet de prolonger le bailau-delà du preavis donne par le bailleur.

3.

Contrairement à ce que decide le jugement attaque (p. 6, al. 2 à 4), ladecision qui refuse au preneur de proroger le bail pour circonstancesexceptionnelles conformement à l'article 11 de la loi du 20 fevrier 1991mais qui lui accorde un terme de grace lui permettant de rester dans leslieux au-delà de la date du preavis, constitue une prorogation de bail ausens de l'article 3, S:2, alinea 3, de la loi du 20 fevrier 1991.

Tel est certainement le cas lorsque, comme en l'espece, il ne s'agit pasd'un terme de grace au sens strict du terme, c-à-d le delai octroye aupreneur malheureux et de bonne foi se trouvant face à un preavis valabledu bailleur (voy. l'article 1244, alinea 2, du Code civil), mais d'undelai donne à titre de reparation en nature d'un preavis juge abusif etdonc fautif dans le chef du bailleur, moyennant une indemnite d'occupationegale au loyer (voy. le jugement du juge de paix de Herstal du 16 decembre2011, dont le contenu est resume au jugement attaque, p. 3, al. 4 et p. 7,al. 3).

Une telle autorisation judiciaire accordee au preneur de rester dans leslieux loues à titre de reparation en nature d'un preavis fautif de lapart du bailleur a la portee d'une prorogation de bail, de sorte que ledelai d'un an imparti au bailleur pour realiser l'occupation personnelleou familiale ne commence à courir qu'à la restitution des lieux.

4.

En considerant que le delai pour rester dans les lieux jusqu'au 31 mai2012 accorde à la locataire par jugement du 16 decembre 2011 à titre dereparation du comportement juge fautif du demandeur ne constituait pas uneprorogation au sens de l'article 3, S:2, alinea 3, de la loi du 20 fevrier1991, de sorte que le delai d'un an pour le demandeur pour realiserl'occupation familiale ne commenc,ait pas à courir à la date de larestitution des lieux par la locataire, soit le 23 octobre 2012, mais àla date du preavis donne par lui, soit le 28 fevrier 2011, le jugementattaque :

* meconnait la notion de prorogation de l'article 3, S:2, alinea 3, dela loi du 20 fevrier 1991 et viole, partant, ladite dispositionlegale ;

* meconnait la portee et donc l'autorite de la chose jugee du jugementdu 16 decembre 2011 et viole, partant, l'article 23 du Codejudiciaire (avant sa modification par la loi du 19 octobre 2015) ;

* meconnait la notion de terme de grace et viole, partant, l'article2244, alinea 2, du Code civil.

Deuxieme branche

1.

L'article 3, S:2, alinea 4, de la loi du 20 fevrier 1991 concernant lesregles particulieres aux baux relatifs à la residence principale dupreneur dispose que « lorsque le bailleur, sans justifier d'unecirconstance exceptionnelle, ne realise pas l'occupation dans lesconditions et les delais prevus, le preneur a droit à une indemniteequivalente à dix-huit mois de loyer ».

La circonstance exceptionnelle au sens de ladite disposition vise lacirconstance qui a mis le bailleur dans l'impossibilite de realiser lemotif de son preavis dans le delai legal, qui est independante de savolonte et qu'il ne pouvait pas raisonnablement prevoir au moment ou il adonne le preavis.

2.

Si la decision du juge de paix du 16 decembre 2011 accordant à lalocataire le droit de rester dans les lieux à jusqu'au 31 mai 2012, soitplus d'un an apres le preavis donne par le demandeur et valide au 28fevrier 2011, ne saurait etre consideree comme une decision de prorogationdu bail au sens de l'article 3, S:2, alinea 3, de la loi du 20 fevrier1991, quod non (voy. la 1ere branche), elle doit à tout le moins etreconsideree comme une circonstance exceptionnelle au sens de l'article 3,S:3, alinea 4, de la loi du 20 fevrier 1991.

Cette decision, qui etait d'ailleurs passee en force de chose jugee commele constate le jugement attaque, etait en effet obligatoire (voy. lesarticles 23, 24, 25 et 26 du Code judiciaire) et executoire (voy. lesarticles 28, 1397 et 1494 du Code judicaire). Elle s'imposait des lors audemandeur qui, de ce fait, ne pouvait realiser l'occupation familialeaussi longtemps que la locataire etait autorisee à rester dans les lieuxet y restait effectivement.

Contrairement à ce que decide le jugement attaque, ce terme de graceaccorde à la locataire ne peut etre considere comme previsible par ledemandeur et dependant de sa volonte par le seul fait qu'il a ete accordeà titre de reparation de la maniere dont il avait donne le preavis, jugeeabusive par le juge de paix. Au moment ou il a notifie le preavis à ladefenderesse, le demandeur ne savait pas que son comportement seraitqualifie de fautif ou, à tout le moins, ne pouvait ni devait-il savoirque le juge deciderait de reparer le prejudice que son comportement auraitpu causer à la locataire par l'attribution à celle-ci d'un terme degrace lui permettant de rester dans les lieux jusqu'au 31 mai 2012.

3.

En considerant que la decision judiciaire accordant à la locataire ledroit de rester dans les lieux jusqu'au 31 mai 2012, droit dont elle afait usage meme au-delà de cette date, ne constitue pas une circonstanceexceptionnelle au sens de l'article 3, S:2, alinea 4, de la loi du 20fevrier 1991, exonerant le demandeur de payer une indemnite equivalente àdix-huit mois de loyer pour ne pas avoir realise l'occupation personnelleou familiale dans le delai d'un an, le jugement attaque :

* meconnait la notion de circonstance exceptionnelle de l'article 3,S:2, alinea 4, de la loi du 20 fevrier 1991 et viole, partant, leditarticle ;

* meconnait le caractere obligatoire et executoire du jugement du 16decembre 2011 et viole, partant, les articles 23, 24, 25, 26, 28, 1397et 1494 du Code judiciaire (les articles 23 et 1397 avantleur modification par la loi du 19 octobre 2015).

Developpements

Quant à la premiere branche

La volonte du legislateur a toujours ete d'assurer que le bailleur disposed'un an à partir de la liberation effective du bien pour realiser lemotif du conge (comp. Cass. 24 mai 2013, Pas. 2013, nDEG 318). Lamodification legislative du 13 avril 1997 ne traduit pas d'autre volontemais trouve sa justification dans l'introduction du contre-preavis accordeau preneur (Doc. Parl., Ch. repr., 1996-1997, nDEG 717/1, p. 8, nDEG 3).La notion de prorogation de l'article 3, S:2, alinea 3, de la loi du 20fevrier 1991 doit etre interpretee en fonction de cette volonte.

En outre, accorder un terme de grace à titre de reparation d'un preavisjuge fautif moyennant le paiement d'une indemnite d'occupation egale auloyer revient en realite à proroger le bail.

Quant à la deuxieme branche

Si le delai de grace accorde au preneur à titre de reparation du preavisjuge fautif dans le chef du bailleur ne saurait etre considere comme uneprorogation de bail au sens de la disposition precitee, il doitnecessairement constituer une circonstance exceptionnelle au sens del'article 3, S:2, alinea 4. Le demandeur ne saurait en effet respecter ladecision judiciaire accordant au preneur un delai de grace lui permettantde rester dans les lieux apres le 28 fevrier 2011, et ce jusqu'au 31 mai2012, et en meme temps realiser l'occupation personnelle ou familiale dubien dans l'annee à compter du 28 fevrier 2011, soit donc pour le 28fevrier 2012 au plus tard.

PAR CES CONSIDERATIONS,

l'avocat à la Cour de cassation soussignee conclut, pour le demandeur,qu'il Vous plaise, Mesdames, Messieurs, casser le jugement attaque,ordonner que mention de votre arret soit faite en marge du jugementattaque, renvoyer la cause et les parties devant un autre tribunal, etstatuer comme de droit sur les depens.

Bruxelles, le 3 mai 2016

Caroline De Baets

Piece jointe

Copie conforme du jugement du juge de paix de Herstal du 16 decembre 2011

9 MARS 2017 C.16.0180.F/5

Requete/11


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0180.F
Date de la décision : 09/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-03-09;c.16.0180.f ?
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