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13/03/2017 | BELGIQUE | N°S.15.0099.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 mars 2017, S.15.0099.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0099.F

1. T. B. et

2. A. S.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE WAREMME, dont les bureaux sont etablisà Waremme, rue Sous-le-Chateau, 34,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 3 juin 2015 parla c

our du travail de Liege.

Le 24 fevrier 2017, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe....

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.15.0099.F

1. T. B. et

2. A. S.,

demandeurs en cassation,

representes par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE WAREMME, dont les bureaux sont etablisà Waremme, rue Sous-le-Chateau, 34,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 3 juin 2015 parla cour du travail de Liege.

Le 24 fevrier 2017, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, les demandeurs presentent trois moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

L'article 57, S: 2, alinea 1er, 1DEG, de la loi du 8 juillet 1976organique des centres publics d'action sociale limite à l'octroi del'aide medicale urgente la mission du centre public d'action sociale àl'egard d'un etranger qui sejourne illegalement dans le royaume.

L'alinea 4 dispose qu'un etranger qui s'est declare refugie et a demandeà etre reconnu comme tel sejourne illegalement dans le royaume lorsque lademande d'asile a ete rejetee et qu'un ordre de quitter le territoire luia ete notifie.

L'arret constate qu'apres le rejet de leur demande d'asile, un ordre dequitter le territoire a ete notifie aux demandeurs le 29 octobre 2010 ;que leur demande d'autorisation de sejour, basee sur l'article 9ter de laloi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire, le sejour,l'etablissement et l'eloignement des etrangers, a ete declaree recevablele 7 juillet 2011 ; qu'ils ont des lors ete autorises à sejourner et misen possession d'une attestation d'immatriculation ; que leur demande atoutefois ete declaree non fondee le 24 decembre 2013 et qu'ils nejustifient plus d'un sejour autorise depuis cette date.

La delivrance d'une attestation d'immatriculation indique que lesdemandeurs sont autorises à sejourner, fut-ce de maniere temporaire etprecaire. Elle implique des lors le retrait implicite de l'ordre dequitter le territoire anterieur, avec lequel elle est incompatible.

En considerant que l'autorisation de sejour due à la decision derecevabilite du 7 juillet 2011 « n'affecte en rien l'existence de l'ordrede quitter le territoire [...] notifie le 29 octobre 2010 » et n'entrainepas son retrait, de sorte que les demandeurs « doivent etre considerescomme etant en sejour illegal [et] qu'en application de l'article 57, S:2, de la loi du 8 juillet 1976, ils ne peuvent plus beneficier de l'aidesociale autre que l'aide medicale urgente » à partir du rejet de leurdemande de sejour le 24 decembre 2013, l'arret viole l'article 57, S: 2,alinea 4, precite.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour du travail de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte et Eric deFormanoir, et prononce en audience publique du treize mars deux milledix-sept par le president de section Christian Storck, en presence del'avocat general Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffierLutgarde Body.

+-----------------------------------------------+
| L. Body | E. de Formanoir | M.-Cl. Ernotte |
|------------+-----------------+----------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
+-----------------------------------------------+

Requete

Requete en cassation

Pour : Madame T. B. et Monsieur A. S. ,

demandeurs en cassation,

assistes et representes par Me Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation dont le cabinet est etabli à 1050 Bruxelles, avenue Louise 106,chez qui il est fait election de domicile.

Contre : Le Centre Public d'Action sociale (en abrege C.P.A.S.) de

Waremme, dont les bureaux sont etablis à 4300 Waremme,

rue Sous-le-Chateau, 34,

defendeur en cassation.

A Messieurs les Premiers President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers à la Cour de cassation,

Mesdames,

Messieurs,

Les demandeurs ont l'honneur de soumettre à votre censure l'arret rendu,le 3 juin 2015, par la cinquieme chambre de la Cour du travail de Liege,division Liege (RG 2014/AL/449).

1.- Les faits et antecedents de procedure tels qu'ils resultent des piecesauxquelles Votre Cour peut avoir egard peuvent se resumer comme suit.

Les demandeurs, originaire de Russie sont arrives en Belgique et ontdemande l'asile le 1er octobre 2010.

Le 29 octobre 2010, le commissaire general aux refugies et aux apatrides(en abrege CGRA) a pris une decision de refus d'examen de la demande enconsideration de la competence de l'Etat polonais pour examiner celle-ci(annexe 27 quater) et un ordre de quitter le territoire a ete adopte àl'egard des demandeurs.

Le 24 janvier 2011, les demandeurs ont introduit une demanded'autorisation de sejour fondee sur l'article 9 ter de la loi du15/12/1980. Cette demande a ete declaree recevable le 7 juillet 2011.

2.- Le 24 decembre 2013, la demande d'autorisation de sejour sur base del'article 9 ter de la loi du 15/12/1980 a ete declaree non fondee.

Les demandeurs ont introduit un recours aupres du Conseil du contentieuxdes etrangers (en abrege CCE).

3.- Le 21 janvier 2014, le CPAS a notifie aux demandeurs sa decision de :

Retrait au 03/01/2014 du droit à l'aide sociale equivalente au RIS(Revenu d'insertion sociale) taux cohabitant et de la prise en charge desfrais medicaux et pharmaceutiques au tarif Inami recuperable à l'Etat,suite à la notification de l'Office des Etrangers à cette meme date,declarant votre demande recevable mais non fondee.

Le 3 mars 2014, les demandeurs ont introduit un recours contre cettedecision devant le tribunal du travail de Liege.

Ce tribunal a ordonne la jonction des causes et a dit l'action recevablemais et non fondee.

4.- Sur appel des demandeurs, la cour du travail de Liege a dit l'appeldes demandeurs recevable mais non fonde.

A l'encontre de l'arret attaque, les demandeurs ont l'honneur de presenterles moyens de cassation qui suivent.

Premier moyen de cassation

Dispositions legales dont la violation est invoquee

- articles 1 et 57, S: 1er et S: 2 de la loi du 8 juillet 1976 organiquedes Centres publics d'action sociale;

- article 9 ter de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire,le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers;

- articles 7, alinea 2 et 8 de l'arrete royal du 17 mai 2007 fixant desmodalites d'execution de la loi du 15 septembre 2006 modifiant la loi du15 decembre 1980 sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement etl'eloignement des etrangers.

- articles 6.1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950 etapprouvee par la loi du 13 mai 1955;

- articles 10, 11, 23 et 191 de la Constitution.

Partie critiquee de la decision attaquee

L'arret attaque qui declare l'appel des demandeurs recevable mais le ditnon fonde et confirme ce faisant qu'à partir du 24 decembre 2013 lesdemandeurs doivent etre consideres comme etant en sejour illegal de sortequ'en application de l'article 57 S: 2 de la loi du 8 juillet 1976, ils nepeuvent plus beneficier d'une aide sociale autre que l'aide medicaleurgente, par les motifs que :

" (...)

II.- LES FAITS

(le demandeur) ne le 14/08/1992, originaire de Russie et (lademanderesse), sa mere, nee le 05/01/1970, originaire de Russie, sontarrives en Belgique et ont demande l'asile le 01/10/2010.

Le 29/10/2010 le CGRA a pris une decision de refus d'examen de la demandeen consideration de la competence de l'Etat polonais pour examinercelle-ci (annexe 27 quater) et un ordre de quitter le territoire a eteadopte à l'egard des (demandeurs).

Le 24/01/2011 les consorts S. et B. on introduit une demanded'autorisation de sejour sur base de l'article 9 ter de la loi du15/12/1980; le 07/07/2011 cette demande a ete declaree recevable.

Le 24/12/2013 la demande d'autorisation de sejour sur base de l'article 9ter de la loi du 15/12/1980 introduite le 24/01/2011 par les (demandeurs)a ete declaree non fondee; les (demandeurs) ont introduit un recoursaupres du CCE.

Le 21/01/2014 le (defendeur) a pris la decision suivante à l'egard (dudemandeur)

Retrait au 03/01/2014 du droit à l'aide sociale equivalente au RIS tauxcohabitant et de la prise en charge des frais medicaux et pharmaceutiquesau tarif Inami recuperable à l'Etat, suite à la notification de l'Officedes Etrangers à cette meme date, declarant votre demande recevable maisnon fondee.

Le 03/03/2014 (le demandeur) a introduit un recours contre cette decision.

Le 21/01/2014 le (defendeur) a pris la decision suivante à l'egard de (lademanderesse)

Retrait au 03/01/2014 du droit à l'aide sociale equivalente au RIS tauxcohabitant et de la prise en charge des frais medicaux et pharmaceutiquesau tarif Inami recuperable à l'Etat, suite à la notification de l'Officedes Etrangers à cette meme date, declarant votre demande recevable maisnon fondee.

Le 03/03/2014 (la demanderesse) a introduit un recours contre cettedecision.

(...)

IV. - MOYENS ET DEMANDES DES PARTIES

Les (demandeurs) font valoir que les demandeurs en regularisation medicalequi sont en recours doivent avoir droit à l'aide sociale lorsqu'ils sontatteints d'une grave maladie.

Les (demandeurs) font valoir que l'ordre de quitter le territoire du29/10/210 ne peut etre execute vu la demande 9 ter qui implique un droitau sejour et par consequent le retrait de tout ordre de quitter leterritoire anterieur.

Les (demandeurs) invoquent une impossibilite medicale absolue de quitterle territoire.

Les (demandeurs) font valoir que leur etat de besoin est etabli et nonconteste; ils sollicitent l'octroi d'une aide sociale depuis le03/01/2014.

Le (defendeur) fait valoir que la legalite du sejour doit etre apprecieesur base des dispositions de la loi du 15/12/1980.

Le (defendeur) fait valoir que l'on ignore l'etat du recours des(demandeurs) aupres du CCE, recours qui n'a pas un caractere suspensif ence qui concerne la legalite du sejour.

Le (defendeur) fait valoir que les (demandeurs) ne rapportent pas lapreuve d'une impossibilite absolue pour motif medical de retour dans leurpays d'origine.

V.- DISCUSSION

(...)

5.2. L'article 57 S: 2 de la loi du 08/07/1976 dispose :

« Par derogation aux autres dispositions de la presente loi, la missiondu centre public d'aide sociale se limite à :

1DEG l'octroi de l'aide medicale urgente, à l'egard d'un etranger quisejourne illegalement dans le Royaume;

2DEG constater l'etat de besoin suite au fait que les parents n'assumentpas ou ne sont pas en mesure d'assumer leur devoir d'entretien, à l'egardd'un etranger de moins de 18 ans qui sejourne, avec ses parents,illegalement dans le Royaume.

Dans le cas vise sous 2DEG, l'aide sociale est limitee à l'aidematerielle indispensable pour le developpement de l'enfant et estexclusivement octroyee dans un centre federal d'accueil conformement auxconditions et modalites fixees par le Roi. La presence dans le centred'accueil des parents ou personnes qui exercent effectivement l'autoriteparentale est garantie.

Le Roi peut determiner ce qu'il y a lieu d'entendre par aide medicaleurgente.

Un etranger qui s'est declare refugie et a demande à etre reconnu commetel, sejourne illegalement dans le Royaume lorsque la demande d'asile aete rejetee et qu'un ordre de quitter le territoire executoire a etenotifie à l'etranger concerne.

L'aide sociale accordee à un etranger qui etait en fait beneficiaire aumoment ou un ordre de quitter le territoire executoire lui a ete notifie,est arretee, à l'exception de l'aide medicale urgente, le jour oul'etranger quitte effectivement le territoire et, au plus tard, le jour del'expiration du delai de l'ordre de quitter le territoire.

Il est deroge aux dispositions de l'alinea precedent pendant le delaistrictement necessaire pour permettre à l'etranger de quitter leterritoire, pour autant qu'il ait signe une declaration attestant sonintention explicite de quitter le plus vite possible le territoire, sansque ce delai ne puisse en aucun cas exceder celui qui est fixe àl'article 7,4, de la loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil des demandeursd'asile et de certaines autres categories d'etrangers.

La declaration d'intention precitee ne peut etre signee qu'une seule fois.Le centre informe sans retard le Ministre qui a l'acces au territoire, lesejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers dans sescompetences, ainsi que la commune concernee, de la signature de ladeclaration d'intention.

S'il s'agit d'un etranger qui est devenu sans abri suite à l'applicationde l'article 433 quater decies du Code penal, l'aide sociale vise àl'alinea quatre et cinq peut etre fournie dans un centre d'accueil tel quevise à l'article 57ter. »

Les (demandeurs) qui ont introduit une demande d'asile, se sont vu refusercelui-ci et ont fait l'objet d'un ordre de quitter le territoire qui n'estplus susceptible de recours; ils sont donc en sejour illegal au sens del'article 57 S: 2 precite depuis le 29/10/2011, de sorte qu'ils ne peuventrecevoir aucune aide sociale pour eux-memes hormis l'aide medi-caleurgente.

Le fait que les (demandeurs) aient ensuite introduit une demanded'autorisation de sejour sur base de l'article 9 ter de la loi du15/12/1980 et se soient vu autorises au sejour, dans le cadre de cettedemande, à partir du moment ou elle a ete declaree recevable, n'affecteen rien l'existence de l'ordre de quitter le territoire qui leur a etenotifie le 29/10/2010; certes les (demandeurs) ne peuvent plus fairel'objet d'un expulsion du territoire national à partir du 07/07/2011, nonparce que l'ordre de quitter le territoire adopte le 29/10/2010 aurait eteretire - ce qui n'est pas le cas - mais parce que leur sejour est ànouveau autorise en raison d'un element nouveau.

(...)

5.3. A partir du 07/07/2011 les (demandeurs) ont ete autorises au sejouren application des dispositions de l'article 9 ter de la loi du15/12/1980, des lors que leur demande a ete declaree recevable, ce qui aentraine l'emission à leur profit d'une attestation d'immatriculation,

Ce sejour a ete autorise jusqu'à ce qu'intervienne la decision prise parl'Office des etrangers le 24/12/2013 qui dit non fondee la demanded'autorisation de sejour introduite le 24/01/2011 par les (demandeurs) surbase de l'article 9 ter de la loi du 15/12/1980.

Les (demandeurs) ont bien introduit un recours contre cette decision del'Office des Etrangers du 24/12/2013 aupres du CCE mais ce recours n'estpas suspensif.

(...) »

(Arret attaque, p. 3 à 7)

Griefs

L'arret releve que :

- les demandeurs ont introduit une demande d'asile le 1er octobre 2010 etqu'à la suite de la decision de refus du CGRA du 29 octobre 2010, unordre de quitter le territoire a ete pris à cette date à leur encontre;

- les demandeurs ont introduit le 24 janvier 2011, une demanded'autorisation de sejour sur la base de l'article 9 ter de la loi du 15decembre 1980, et qu'ils ont ete autorises au sejour dans le cadre decette demande à partir du moment ou elle avait ete declaree recevable,soit le 7 juillet 2011 (voir point 5.3 de l'arret attaque );

- la demande d'autorisation de sejour sur la base de l'article 9 ter de laloi du 15 decembre 1980 a ete declaree non fondee le 24 decembre 2013 etqu'ils ont introduit un recours aupres du Conseil du Contentieux desetrangers.

L'arret decide neanmoins que les demandeurs sont en sejour illegal depuisle 29 octobre 2010, à la suite de la decision de rejet de leur demanded'asile et de la notification de l'ordre de quitter le territoire du 29octobre 2010, justifiant l'application de l'article 57 S: 2 de la loi du 8juillet 1976 organique des Centres publics d'action sociale, limitantl'aide sociale à la seule aide medicale urgente.

Ce faisant, l'arret donne effet à l'ordre de quitter le territoirenotifie le 29 octobre 2010, alors qu'en raison de la declaration derecevabilite de la procedure introduite par les demandeurs fondee surl'article 9 ter de la loi du 15 decembre 1980, ils ont ete autorises àsejourner en Belgique durant toute la procedure s'etant cloturee le 24decembre 2013.

Les demandeurs ayant ete autorises à sejourner durant la procedureintroduite sur la base de l'article 9 ter de la loi du 15 decembre 1980,l'ordre de quitter le territoire qui leur avait ete notifie en 2010 auterme de la procedure d'asile doit etre considere comme ayant eteimplicitement retire.

L'arret ne pouvait des lors se fonder sur cet ordre de quitter leterritoire pour decider que les conditions d'application de l'article 57S: 2 de la loi etaient reunies justifiant la limitation du droit desdemandeurs à l'aide sociale à la seule aide medicale urgente.

L'arret n'est des lors pas legalement justifie et viole :

- les articles 1 et 57, S: 1er et S: 2 de la loi du 8 juillet 1976organique des Centres publics d'action sociale, en refusant le droit àl'aide sociale dont les demandeurs devaient beneficier en vertu de cesdispositions et en appliquant à tort la limitation prevue par l'article57, S: 2 de ladite loi;

- les articles 10, 11, 23 et 191 de la Constitution, qui impliquent quechacun a le droit de mener une vie conforme à la dignite humaine, etinterdisent de limiter de maniere disproportionnee les droits fondamentauxd'un etranger se trouvant sur le territoire de la Belgique.

- l'article 9 ter de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire,le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers et les articles7, alinea 2 et 8 de l'arrete royal du 17 mai 2007 fixant des modalitesd'execution de la loi du 15 septembre 2006 modifiant la loi du 15 decembre1980 sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement etl'eloignement des etrangers, en ne tenant pas compte de l'autorisation desejour obtenue en vertu de ces dispositions durant la procedure introduitefondee sur le dit article 9 ter.

Developpement

5.- Les demandeurs se referent à l'arret rendu par Votre Cour du 23 avril2014 (P.14.0586.F).

L'enseignement de cet arret peut etre applique par analogie au cas oucomme en l'espece, un etranger qui fait l'objet d'un ordre de quitter leterritoire notifie à la suite d'une decision negative du commissairegeneral aux refugies et aux apatrides, introduit une demande fondee surl'article 9 ter declaree recevable puisqu'à partir de ce moment uneautorisation de sejour lui est reconnue durant la procedure en question.

Cette autorisation de sejour a pour effet le retrait implicite de l'ordrede quitter le territoire anterieur.

6.- Les demandeurs se referent egalement à l'arret rendu par le Conseild'Etat le 19 novembre 2013 (arret nDEG 225.524 ; Rev. dr. etr. 2013, liv.175, 627)

Deuxieme moyen de cassation

Dispositions legales dont la violation est invoquee

- articles 1 et 57, S: 1er et S: 2 de la loi du 8 juillet 1976 organiquedes Centres publics d'action sociale;

- article 9 ter de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire,le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers;

- articles 7, alinea 2 et 8 de l'arrete royal du 17 mai 2007 fixant desmodalites d'execution de la loi du 15 septembre 2006 modifiant la loi du15 decembre 1980 sur l'acces au territoire, le sejour, l'etablissement etl'eloignement des etrangers.

- article 39/2 S: 2 de la loi du 15 decembre 1980 sur l'acces auterritoire, le sejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers ,insere par la loi du 15 septembre 2006;

- article 20 de l'arrete royal du 9 juillet 2000 portant reglement deprocedure particulier au contentieux des decisions relatives à l'acces auterritoire, au sejour, à l'etablissement, et à l'eloignement desetrangers;

- articles 6.1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950 etapprouvee par la loi du 13 mai 1955;

- articles 10, 11, 23 et 191 de la Constitution.

Partie critiquee de la decision attaquee

L'arret attaque qui declare l'appel des demandeurs recevable mais le ditnon fonde et confirme ce faisant qu'à partir du 24 decembre 2013 lesdemandeurs doivent etre consideres comme etant en sejour illegal de sortequ'en application de l'article 57 S: 2 de la loi du 8 juillet 1976, ils nepeuvent plus beneficier d'une aide sociale autre que l'aide medicaleurgente, par les motifs que :

" (...)

II.- LES FAITS

(le demandeur) ne le [...], originaire de Russie et (la demanderesse), samere, nee le[...], originaire de Russie, sont arrives en Belgique et ontdemande l'asile le 01/10/2010.

Le 29/10/2010 le CGRA a pris une decision de refus d'examen de la demandeen consideration de la competence de l'Etat polonais pour examinercelle-ci (annexe 27 quater) et un ordre de quitter le territoire a eteadopte à l'egard des (demandeurs).

Le 24/01/2011 les consorts S. et B. on introduit une demanded'autorisation de sejour sur base de l'article 9 ter de la loi du15/12/1980; le 07/07/2011 cette demande a ete declaree recevable.

Le 24/12/2013 la demande d'autorisation de sejour sur base de l'article 9ter de la loi du 15/12/1980 introduite le 24/01/2011 par les (demandeurs)a ete declaree non fondee; les (demandeurs) ont introduit un recoursaupres du CCE.

Le 21/01/2014 le (defendeur) a pris la decision suivante à l'egard (dudemandeur)

Retrait au 03/01/2014 du droit à l'aide sociale equivalente au RIS tauxcohabitant et de la prise en charge des frais medicaux et pharmaceutiquesau tarif Inami recuperable à l'Etat, suite à la notification de l'Officedes Etrangers à cette meme date, declarant votre demande recevable maisnon fondee.

Le 03/03/2014 (le demandeur) a introduit un recours contre cette decision.

Le 21/01/2014 le (defendeur) a pris la decision suivante à l'egard de (lademanderesse)

Retrait au 03/01/2014 du droit à l'aide sociale equivalente au RIS tauxcohabitant et de la prise en charge des frais medicaux et pharmaceutiquesau tarif Inami recuperable à l'Etat, suite à la notification de l'Officedes Etrangers à cette meme date, declarant votre demande recevable maisnon fondee.

Le 03/03/2014 (la demanderesse) a introduit un recours contre cettedecision.

(...)

IV. - MOYENS ET DEMANDES DES PARTIES

Les (demandeurs) font valoir que les demandeurs en regularisation medicalequi sont en recours doivent avoir droit à l'aide sociale lorsqu'ils sontatteints d'une grave maladie.

Les (demandeurs) font valoir que l'ordre de quitter le territoire du29/10/210 ne peut etre execute vu la demande 9 ter qui implique un droitau sejour et par consequent le retrait de tout ordre de quitter leterritoire anterieur.

Les (demandeurs) invoquent une impossibilite medicale absolue de quitterle territoire.

Les (demandeurs) font valoir que leur etat de besoin est etabli et nonconteste; ils sollicitent l'octroi d'une aide sociale depuis le03/01/2014.

Le (defendeur) fait valoir que la legalite du sejour doit etre apprecieesur base des dispositions de la loi du 15/12/1980.

Le (defendeur) fait valoir que l'on ignore l'etat du recours des(demandeurs) aupres du CCE, recours qui n'a pas un caractere suspensif ence qui concerne la legalite du sejour.

Le (defendeur) fait valoir que les (demandeurs) ne rapportent pas lapreuve d'une impossibilite absolue pour motif medical de retour dans leurpays d'origine.

V.- DISCUSSION

(...)

5.2. L'article 57 S: 2 de la loi du 08/07/1976 dispose :

« Par derogation aux autres dispositions de la presente loi, la missiondu centre public d'aide sociale se limite à :

1DEG l'octroi de l'aide medicale urgente, à l'egard d'un etranger quisejourne illegalement dans le Royaume;

2DEG constater l'etat de besoin suite au fait que les parents n'assumentpas ou ne sont pas en mesure d'assumer leur devoir d'entretien, à l'egardd'un etranger de moins de 18 ans qui sejourne, avec ses parents,illegalement dans le Royaume.

Dans le cas vise sous 2DEG, l'aide sociale est limitee à l'aidematerielle indispensable pour le developpement de l'enfant et estexclusivement octroyee dans un centre federal d'accueil conformement auxconditions et modalites fixees par le Roi. La presence dans le centred'accueil des parents ou personnes qui exercent effectivement l'autoriteparentale est garantie.

Le Roi peut determiner ce qu'il y a lieu d'entendre par aide medicaleurgente.

Un etranger qui s'est declare refugie et a demande à etre reconnu commetel, sejourne illegalement dans le Royaume lorsque la demande d'asile aete rejetee et qu'un ordre de quitter le territoire executoire a etenotifie à l'etranger concerne.

L'aide sociale accordee à un etranger qui etait en fait beneficiaire aumoment ou un ordre de quitter le territoire executoire lui a ete notifie,est arretee, à l'exception de l'aide medicale urgente, le jour oul'etranger quitte effectivement le territoire et, au plus tard, le jour del'expiration du delai de l'ordre de quitter le territoire.

Il est deroge aux dispositions de l'alinea precedent pendant le delaistrictement necessaire pour permettre à l'etranger de quitter leterritoire, pour autant qu'il ait signe une declaration attestant sonintention explicite de quitter le plus vite possible le territoire, sansque ce delai ne puisse en aucun cas exceder celui qui est fixe àl'article 7,4, de la loi du 12 janvier 2007 sur l'accueil des demandeursd'asile et de certaines autres categories d'etrangers.

La declaration d'intention precitee ne peut etre signee qu'une seule fois.Le centre informe sans retard le Ministre qui a l'acces au territoire, lesejour, l'etablissement et l'eloignement des etrangers dans sescompetences, ainsi que la commune concernee, de la signature de ladeclaration d'intention.

S'il s'agit d'un etranger qui est devenu sans abri suite à l'applicationde l'article 433quaterdecies du Code penal, l'aide sociale vise àl'alinea quatre et cinq peut etre fournie dans un centre d'accueil tel quevise à l'article 57ter. »

Les (demandeurs) qui ont introduit une demande d'asile, se sont vu refusercelui-ci et ont fait l'objet d'un ordre de quitter le territoire qui n'estplus susceptible de recours; ils sont donc en sejour illegal au sens del'article 57 S: 2 precite depuis le 29/10/2011, de sorte qu'ils ne peuventrecevoir aucune aide sociale pour eux-memes hormis l'aide medi-caleurgente.

Le fait que les (demandeurs) aient ensuite introduit une demanded'autorisation de sejour sur base de l'article 9 ter de la loi du15/12/1980 et se soient vu autorises au sejour, dans le cadre de cettedemande, à partir du moment ou elle a ete declaree recevable, n'affecteen rien l'existence de l'ordre de quitter le territoire qui leur a etenotifie le 29/10/2010; certes les (demandeurs) ne peuvent plus fairel'objet d'un expulsion du territoire national à partir du 07/07/2011, nonparce que l'ordre de quitter le territoire adopte le 29/10/2010 aurait eteretire - ce qui n'est pas le cas - mais parce que leur sejour est ànouveau autorise en raison d'un element nouveau.

5.2. Les (demandeurs) font valoir que l'article 57 S: 2 ne serait pasapplicable au motif qu'ils se trouveraient dans l'impossibilite de quitterla Belgique pour motif medical.

La Cour d'Arbitrage, dans son arret nDEG 80/99 du 30/06/1999 a juge quel'article 57 S: 2 de la loi du 08/07/1976 viole les articles 10 et 11 dela Constitution en ce qu'il s'applique à des etrangers auxquels a etenotifie un ordre de quitter le territoire et qui, pour des raisonsmedicales, sont dans l'impossibilite absolue d'y donner suite.

Cette impossibilite absolue se determine en consideration de deuxfacteurs, d'une part l'impossibilite absolue pour les (demandeurs)d'effectuer le voyage de retour en raison de leur etat de sante et d'autrepart l'impossibilite absolue de recevoir dans leur pays d'origine lessoins medicaux que necessite leur etat de fac,on à garantir leur survie.

Il convient de preciser que la notion d' impossibilite d'avoir acces auxsoins de sante necessaires ne peut impliquer aucune consideration relativeà l'eventuel cout eleve de ces soins/, à l'absence d'un regime desecurite sociale, comparable au notre, ou à la faiblesse des revenus dontpourrait disposer la personne; l'impossibilite pour etre consideree commeabsolue implique que les soins necessaires sont totalement inexistants,qu'il s'agisse des structures hospitalieres ou de l'acces aux medicaments.

Les (demandeurs) ne deposent toutefois aucune piece susceptible d'etablirde fac,on determinante cette impossibilite absolue de retour dans leurpays d'origine pour motif medical.

Notamment aucune piece medicale recente n'est deposee qui indiquerait quel'un ou l'autre des (demandeurs) ne pourrait voyager en raison de son etatde sante.

Aucun document medical recent n'est depose par les (demandeurs) quiindiquerait que l'un ou l'autre de ceux-ci ne pourrait en ce qui leconcerne personnellement, recevoir dans son pays d'origine les soins desante qui lui sont necessaires.

Il ne peut dans ces conditions etre conclu à l'existence d'uneimpossibilite absolue pour motif medical qui fasse obstacle à l'executionde l'ordre de quitter le territoire et au retour des (demandeurs) dansleur pays d'origine, avec pour consequence que l'article 57 S: 2 doitrecevoir application, faisant obstacle, comme precise ci-dessus àl'octroi d'une aide sociale autre que l'aide medicale urgente.

5.3. A partir du 07/07/2011 les (demandeurs) ont ete autorises au sejouren application des dispositions de l'article 9 ter de la loi du15/12/1980, des lors que leur demande a ete declaree recevable, ce qui aentraine l'emission à leur profit d'une attestation d'immatriculation,

Ce sejour a ete autorise jusqu'à ce qu'intervienne la decision prise parl'Office des etrangers le 24/12/2013 qui dit non fondee la demanded'autorisation de sejour introduite le 24/01/2011 par les (demandeurs) surbase de l'article 9 ter de la loi du 15/12/1980.

Les (demandeurs) ont bien introduit un recours contre cette decision del'Office des Etrangers du 24/12/2013 aupres du CCE mais ce recours n'estpas suspensif.

La Cour Constitutionnelle a repondu à une question prejudicielle relativeà une possible difference de traitement existant entre la personne quiexerce un recours contre une decision qui lui refuse une autorisation desejour fondee sur l'article 9 ter de la loi du 15/12/1980 et la personnequi exerce un recours contre la decision qui lui refuse le benefice de laprotection subsidiaire, le premier recours n'etant pas suspensif alors quele second l'est, par son arret nDEG 43/2013 du 21/03/2013 dans les termessuivants :

"Sous reserve de l'interpretation mentionnee en B.13, l'article 57, S: 2,de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action socialene viole pas les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus ou non encombinaison avec les articles 3 et 13 de la Convention europeenne desdroits de l'homme."

Le point B.13 de 1'arret mentionne :

"B.13. Les demandes fondees sur l'article 9ter de la loi du 15 decembre1980 concernent cependant une categorie d'etrangers qui malgre lecaractere Illegal de leur sejour durant la procedure de recours enapplication de l'article 39/2, S: 2, de cette loi, pretendent souffrird'une maladie dans un etat tel qu'elle entraine un risque reel pour leurvie ou leur integrite physique ou un risque reel de traitement inhumain oudegradant lorsqu'il n'existe aucun traitement adequat dans leur paysd'origine ou dans te pays ou ils sejournent.

Bien que le droit à un recours effectif, tel que celui-ci est garanti parl'article 13 de la Convention europeenne des droits de l'homme,n'implique-pas que les personnes exerc,ant un tel recours doiventbeneficier de l'aide sociale durant une procedure en cours, il convient deveiller à ce que, pour eviter que la limitation de l'aide sociale àl'aide medicale urgente n'entraine pour des personnes qui souffrent d'unemaladie grave un risque reel pour leur vie ou leur integrite physique,elles puissent recevoir les soins medicaux, tant preventifs que curatifs,necessaires pour ecarter un tel risque. »

Comme l'indique tres clairement l'arret precite de la CourConstitutionnelle; durant l''exercice du recours introduit aupres du CCEcontre la decision prise par l'Office, des Etrangers relativement à lademande d'autorisation de sejour fondee sur la disposition de l'article 9ter de la loi du 15/12/1980, les demandeurs ne peuvent recevoir d'aidesociale sauf l'aide medicale urgente, elargie aux soins medicaux requispour traiter une maladie grave engendrant un risque reel pour la vie oul'integrite physique des demandeurs.

La Cour du Travail de BRUXELLES, dans un arret prononce le 25/10/2013 asaisi la Cour de Justice de l'Union europeenne d'une questionprejudicielle relative à l'interpretation en la matiere de la directive2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003, de la directive 2004/83/CE duConseil, du 29 avril 2004, de la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1erdecembre 2005, ainsi que des articles 1er à 4, 19, paragraphe 2, 20, 21et 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union europeenne, evoquantle caractere suspensif du recours exerce aupres du CCE contre la decisionprise par l'Office des etrangers et le possible octroi d'une aide socialedurant l'exercice de ce recours.

La Cour de Justice de l'Union europeenne, apres, avoir ecartel'application à l'espece des dispositions de la directive 2003/9, de ladirective 2004/83/CE, de la directive 2005/85 38, consideree à la lumieredes articles 1er à 4, 19, paragraphe 2, 20, 21 et 47 de la charte desdroits fondamentaux de l'Union europeenne, va retenir dans son arretprononce le 18/12/2014 l'application à l'espece des dispositions de ladirective 2008/115/CE, considerant que la decision qui ordonne de quitterle territoire belge constitue un acte administratif declarant illegal lesejour d'un ressortissant de pays tiers et enonc,ant une obligation deretour qui doit etre qualifiee de «decision de retour» au sens de.l'article 3, point 4, de la directive 2008/115.

La Cour de justice, dans son arret prononce le 18/12/2014 va alors juger :

«Il convient de repondre aux questions posees que les articles 5 et 13 dela directive 2008/115, lus à la lumiere des articles 19, paragraphe 2, et47 de la Charte, ainsi que l'article 14, paragraphe 1, sous b), de cettedirective doivent etre interpretes en ce sens qu'ils s'opposent à unelegislation nationale:

- qui ne confere pas un effet suspensif à un recours exerce contre unedecision ordonnant à un ressortissant de pays tiers atteint d'une gravemaladie de quitter le territoire d'un etat membre, lorsque l'execution decette decision est susceptible d'exposer ce ressortissant de pays tiers àun risque serieux de deterioration grave et irreversible de son etat desantes et

- qui ne prevoit pas la prise en charge, dans la mesure du possible, desbesoins de base dudit ressortissant de pays tiers; afin de garantir queles soins medicaux d'urgence et le traitement indispensable des maladiespuissent effectivement etre prodigues, durant la periode pendant laquellecet Etat membre est tenu de reporter l'eloignement du meme ressortissantde pays tiers à la suite de l'exercice de ce recours. »

On retiendra de cet arret de la Cour de Justice de l'Union europeenne qued'une part un effet suspensif doit etre reconnu au recours dirige contrela decision ordonnant de quitter le territoire dans la mesure oul'execution de cet ordre de quitter le territoire est susceptibled'exposer la personne à un risque serieux de deterioration grave etirreversible de son etat de sante, l'appreciation de cette condition quijustifie la reconnaissance d'un effet suspensif du recours, relevantmanifestement de la science medicale.

On retiendra par ailleurs que doivent etre garantis durant l'exercice durecours, les besoins de base qui garantissent que les soins medicauxd'urgence et le traitement indispensable puissent etre prodigues, ce quirejoint les considerations emises par la Cour Constitutionnelle en B13 deson arret nDEG 43/2013 du 21/03/2013 lorsqu'elle considere que la personnedoit recevoir les soins medicaux, tant preventifs que curatifs,necessaires pour ecarter un risque reel pour la vie ou l'Integritephysique.

En l'espece il n'est nullement etabli que l'un ou l'autre des(demandeurs), soient menaces d'un risque serieux de deterioration grave etirreversible de son etat de sante dans le cas ou il executerait un ordrede quitter le territoire qui lui aurait ete notifie, de sorte qu'on nepeut conclure à l'existence d'un effet suspensif attache au recoursexerce par les (demandeurs) contre la decision prise le 24/12/2013 qui ditnon fondee la demande d'autorisation de sejour sur base de l'article 9 terde la loi du 15/12/1980 introduite le 24/01/2011 par les (demandeurs).

On observera d'ailleurs que la decision prise le 24/12/2013 contrelaquelle un recours est exerce aupres du CCE, ne comporte aucun ordre dequitter le territoire, de sorte que renseignement qui peut etre retenu del'arret prononce le 18/12/2014 par la Cour de justice de l'Unioneuropeenne, ne doit pas etre pris en consideration, la decision dontrecours ne pouvant etre qualifiee de «decision de retour» au sens del'article 3, point 4, de la directive 2008/115.

Par ailleurs rien ne permet de retenir que les (demandeurs) se voientprives des soins medicaux d'urgence et du traitement indispensable desmaladies dont ils sont affectes.

A partir du 24/12/2013 les (demandeurs) ne justifient plus, en regard desdispositions de la loi du 15/12/1980, d'un sejour autorise et parconsequent, doivent etre consideres comme etant en sejour illegal, desorte qu'en application de l'article 57 S: 2 de la loi du 08/07/1976, ilsne peuvent plus beneficier d'une aide sociale autre que l'aide medicaleurgente" (Arret attaque, p. 3 à 10).

Griefs

L'arret releve que :

- les demandeurs ont introduit une demande d'asile le 1er octobre 2010 etqu'à la suite de la decision de refus du CGRA du 29 octobre 2010, unordre de quitter le territoire a ete pris à cette date à leur encontre;

- les demandeurs ont introduit le 24 janvier 2011, une demanded'autorisation de sejour sur la base de l'article 9 ter de la loi du 15decembre 1980, et qu'ils ont ete autorises au sejour dans le cadre decette demande à partir du moment ou elle avait ete declaree recevable,soit le 7 juillet 2011 (voir point 5.3 de l'arret attaque );

- la demande d'autorisation de sejour sur la base de l'article 9 ter de laloi du 15 decembre 1980 a ete declaree non fondee le 24 decembre 2013 etqu'ils ont introduit un recours aupres du Conseil du Contentieux desetrangers.

L'arret decide cependant qu'en raison du rejet le 24 decembre 2013 de lademande d'autorisation de sejour sur la base de l'article 9 ter de la loidu 15 decembre 1980, les demandeurs ne sont plus en sejour regulier enBelgique et ne peuvent en consequence pretendre à une aide sociale autreque celle prevue par l'article 57 S: 2 (aide sociale limitee à l'aidemedicale urgente) et ce nonobstant le recours qu'ils ont introduit aupresdu Conseil du Contentieux des etrangers qui selon l'arret n'est passuspensif.

En vertu des articles 23 de la Constitution et 1er de la loi du 8 juillet1976 visee au moyen, chacun a le droit de mener une vie conforme à ladignite humaine. Ces dispositions garantissent le droit à l'aide sociale.

En vertu des articles 7, alinea 2 et 8 de l'arrete royal du 17 mai 2007fixant des modalites d'execution de la loi du 15 septembre 2006 modifiantla loi du 15 decembre 1980 sur l'acces au territoire, le sejour,l'etablissement et l'eloignement des etrangers, le demandeur qui aintroduit une demande fondee sur l'article 9 ter de la loi du 15 decembre1980, est autorise à sejourner dans le cadre de cette demande à partirdu moment ou elle est declaree recevable.

La decision de refus de reconnaitre le benefice de l'article 9 ter de laloi du 15 decembre 1980 peut faire l'objet d'un recours devant le Conseildu contentieux des etrangers, comme prevu par l'article 39/2, S: 2 de laloi du 15 decembre 1980, insere par la loi du 15 septembre 2006 etl'article 20 de l'arrete royal du 9 juillet 2000 portant reglement deprocedure particulier au contentieux des decisions relatives à l'acces auterritoire, au sejour, à l'etablissement, et à l'eloignement desetrangers.

Par ailleurs, l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales accorde à toute personne le droità ce que sa cause soit entendue equitablement, publiquement et dans undelai raisonnable par un tribunal independant et impartial tandis quel'article 13 garantit à toute personne, en ce qui concerne les droits etlibertes reconnus par la convention, le droit à un recours effectifdevant une instance nationale.

Enfin, les articles 10, 11 et 191 de la Constitution interdisent de porteratteinte, de maniere disproportionnee, aux droits fondamentaux à l'aidesociale et à l'exercice effectif d'un recours juridictionnel.

L'article 57, S: 2, de la loi du 8 juillet 1976, en ce qu'il prive ledemandeur qui a introduit une demande fondee sur l'article 9 ter de la loidu 15 decembre 1980 du benefice d'une aide sociale plus etendue que l'aidemedicale urgente, des le moment ou cette demande est declaree non fondee,nonobstant la circonstance qu'un recours a ete introduit devant le Conseildu contentieux des etrangers, et des lors sans attendre l'issue de cerecours, porte atteinte de maniere disproportionnee, aux droitsfondamentaux à l'aide sociale et à l'exercice effectif d'un recoursjuridictionnel.

Un recours juridictionnel effectif suppose en effet qu'il soit reconnu uneffet suspensif au recours exerce contre une decision qui aura pourconsequence qu'un ordre de quitter le territoire d'un etat membre seranotifie à un ressortissant d'un pays tiers atteint d'une grave maladie,lorsque l'execution de cette decision est susceptible d'exposer ceressortissant de pays tiers à un risque serieux de deterioration grave etirreversible de son etat de sante et qu'il soit prevu la prise en chargedans la mesure du possible des besoins de base dudit ressortissant de paystiers, afin de garantir que les soins medicaux d'urgence et le traitementindispensable des maladies puissent effectivement etre prodigues, durantla periode pendant laquelle cet etat membre est tenu de reporterl'eloignement du meme ressortissant de pays tiers à la suite del'exercice de ce recours.

L'article 57, S: 2 de la loi du 8 juillet 1976 est des lors incompatibleavec les articles 10, 11, 23 et 191 de la Constitution et ne peut,partant, etre applique.

L'arret, qui fait application de l'article 57, S: 2 de la loi du 8 juillet1976 pour denier au demandeur le droit à l'aide sociale à partir du 3janvier 2014, nonobstant le recours introduit devant le Conseil ducontentieux des etrangers, viole tant les dispositions constitutionnellesqui interdisent de limiter de maniere disproportionnee les droitsfondamentaux de l'etranger qui a introduit une demande fondee surl'article 9 ter de la loi du 15 decembre 1980 (violation des articles 10,11 et 191 de la Constitution) que les dispositions consacrant le droit àl'aide sociale (violation des articles 23 de la Constitution, 1er et 57 S:1er de la loi du 8 juillet 1976) et le droit à disposer d'un recourseffectif (violation des articles 6.1 et 13 de la Convention de sauvegardedes droits de l'homme, et des libertes fondamentales, de l'article 39/2,S: 2 de la loi du 15 decembre 1980, insere par la loi du 15 septembre 2006et 20 de l'arrete royal du 9 juillet 2000 portant reglement de procedureparticulier au contentieux des decisions relatives à l'acces auterritoire, au sejour, à l'etablissement, et à l'eloignement desetrangers ).

Developpement

7.- Les demandeurs se referent à l'arret rendu par la Cour de Justice del'Union europeenne le 18 decembre 2014, dans l'affaire Abdida (C-562/13).

Troisieme moyen de cassation

Dispositions legales dont la violation est invoquee

- articles 767, S: 3, 771 , 772 et 1042 du Code judiciaire;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Partie critiquee de la decision attaquee

L'arret attaque qui declare l'appel des demandeurs recevable mais le ditnon fonde et confirme ce faisant qu'à partir du 24 decembre 2013 lesdemandeurs doivent etre consideres comme etant en sejour illegal de sortequ'en application de l'article 57 S: 2 de la loi du 8 juillet 1976, ils nepeuvent plus beneficier d'une aide sociale autre que l'aide medicaleurgente, par les motifs que :

« (...) II.- LES FAITS

(le demandeur) ne le[...], originaire de Russie et (la demanderesse), samere, nee le[...], originaire de Russie, sont arrives en Belgique et ontdemande l'asile le 01/10/2010.

Le 29/10/2010 le CGRA a pris une decision de refus d'examen de la demandeen consideration de la competence de l'Etat polonais pour examinercelle-ci (annexe 27 quater) et un ordre de quitter le territoire a eteadopte à l'egard des (demandeurs).

Le 24/01/2011 les consorts S. et B. on introduit une demanded'autorisation de sejour sur base de l'article 9 ter de la loi du15/12/1980; le 07/07/2011 cette demande a ete declaree recevable.

Le 24/12/2013 la demande d'autorisation de sejour sur base de l'article 9ter de la loi du 15/12/1980 introduite le 24/01/2011 par les (demandeurs)a ete declaree non fondee; les (demandeurs) ont introduit un recoursaupres du CCE.

Le 21/01/2014 le (defendeur) a pris la decision suivante à l'egard (dudemandeur)

Retrait au 03/01/2014 du droit à l'aide sociale equivalente au RIS tauxcohabitant et de la prise en charge des frais medicaux et pharmaceutiquesau tarif Inami recuperable à l'Etat, suite à la notification de l'Officedes Etrangers à cette meme date, declarant votre demande recevable maisnon fondee.

Le 03/03/2014 (le demandeur) a introduit un recours contre cette decision.

Le 21/01/2014 le (defendeur) a pris la decision suivante à l'egard de (lademanderesse)

Retrait au 03/01/2014 du droit à l'aide sociale equivalente au RIS tauxcohabitant et de la prise en charge des frais medicaux et pharmaceutiquesau tarif Inami recuperable à l'Etat, suite à la notification de l'Officedes Etrangers à cette meme date, declarant votre demande recevable maisnon fondee.

Le 03/03/2014 (la demanderesse) a introduit un recours contre cettedecision.

(...)

V.- DISCUSSION

5.1. En annexe à leurs conclusions en replique à l'avis du Ministerepublic les (demandeurs) deposent des pieces nouvelles : ces pieces sontecartees des debats et la Cour n'y a pas egard non plus qu'à leurcontenu.

L'article 771 du Code Judiciaire dispose en effet que "Sans prejudice del'application des articles 767 et 772, il ne peut etre depose, apres lacloture des debats, aucune piece ou note, ni aucunes conclusions.Celles-ci seront, le cas echeant, rejetees du delibere."

L'article 767 S: 3 du Code Judiciaire autorise le depot au greffe deconclusions portant exclusivement sur le contenu de l'avis du Ministerepublic, precisant que ces conclusions sont prises en considerationuniquement pour autant qu'elles repondent à l'avis du ministere public.En aucun cas il n'est deroge à l'interdiction de deposer des piecesnouvelles apres la cloture des debats.

Le fait de deposer des pieces apres la cloture des debats viole leprincipe fondamental du caractere contradictoire de la procedure puisquela partie à qui ces pieces sont opposees n'aura pas la possibilite des'exprimer à leur sujet. La seule possibilite offerte de deposer unepiece nouvelle est celle envisagee à l'article 772 du Code judiciaire quipermet à une partie de solliciter la reouverture des debats, dans lerespect des formes prevues à l'article 773 du meme Code si elle decouvredurant le delibere une piece ou un fait nouveau et capital.(...) » (Arretattaque, p. 3 à 5).

Griefs

En vertu de l'article 767, S: 3 du Code judiciaire, applicable en degred'appel en vertu de l'article 1042 du meme code, les parties peuventrepliquer à l'avis ecrit du ministere public.

L'article 771 du Code judiciaire dispose que « sans prejudice del'application des articles 767 et 772, il ne peut etre depose, apres lacloture des debats, aucune piece ou note, ni aucunes conclusions.Celles-ci seront, le cas echeant rejetees du delibere ».

Si, en vertu de l' article 767, S: 3 du Code judiciaire, les conclusionssont uniquement prises en consideration pour autant qu'elles repondent àl'avis du ministere public, le droit de replique reconnu aux parties parcette disposition implique la possibilite d'exposer les motifs pourlesquels l'avis du ministere public ne peut etre suivi en se referant lecas echeant à des references de doctrine et de jurisprudence.

Il ressort de l'avis ecrit du Ministere public rendu en la presente cause,que celui-ci considere que la delivrance d'une attestationd'immatriculation temporaire n'a pas pour effet de faire disparaitre del'ordonnancement juridique l'ordre de quitter le territoire qui a etedelivre anterieurement.

La note en replique versee au dossier de procedure par les demandeurs le 4mai 2015 visait notamment à repondre à la position developpee par leMinistere public sur ce point precis en se referant à deux jugementsrendus par le Conseil du contentieux des etrangers suivant lesquels, unedecision de recevabilite de la demande 9 ter (ou la delivrance d'uneattestation d'immatriculation ) implique le retrait implicite mais certaindes ordres de quitter anterieurs.

L'arret ne pouvait ecarter les pieces qui etaient jointes à la repliquedeposees puisqu'elles avaient pour objet d'appuyer la reponse apportee àl'avis ecrit du ministere public et que cette reponse se limitait àl'avis du Ministere public.

En outre, les pieces jointes à la note en replique consistaient en desdecisions de jurisprudence du Conseil du contentieux des etrangers nepouvant etre qualifiees de « piece nouvelle » au sens des articles 771et 772 du Code judiciaire.

L'arret viole ce faisant les articles 767, 771, 772 du Code judiciaire.

Il viole en outre le principe general du droit relatif au respect desdroits de la defense, puisqu'il refuse aux demandeurs le droit de fairevaloir cette defense à la suite de l'avis rendu par le Ministre public enleur cause.

L'arret n'est des lors pas legalement justifie.

Par ces considerations,

L'avocat à la Cour de cassation soussigne conclut qu'il vous plaise,Mesdames, Messieurs, casser l'arret attaque, ordonner que mention en soitfaite en marge de l'arret attaque, renvoyer l'affaire devant une autreCour du travail et statuer comme de droit sur les depens.

Bruxelles, le 2 septembre 2015

Pour Pierre Van Ommeslaghe

Absent à la signature

Martin Lebbe

Avocat à la Cour de cassation

13 MARS 2017 S.15.0099.F/2

Requete/21


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.15.0099.F
Date de la décision : 13/03/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-03-13;s.15.0099.f ?
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