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27/04/2017 | BELGIQUE | N°F.15.0173.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 avril 2017, F.15.0173.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.15.0173.F

PHARMACIE CITADELLE, societe privee à responsabilite limitee dont lesiege social est etabli à Soumagne, rue Louis Pasteur, 3,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile, et ayant pour conseil Maitre DanielGarabedian, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est etabli àla meme adresse,

contre

ETAT BELGE, represente par le mi

nistre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en c...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.15.0173.F

PHARMACIE CITADELLE, societe privee à responsabilite limitee dont lesiege social est etabli à Soumagne, rue Louis Pasteur, 3,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile, et ayant pour conseil Maitre DanielGarabedian, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est etabli àla meme adresse,

contre

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 novembre2014 par la cour d'appel de Liege.

Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport.

Le premier avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, la demanderesse presente deux moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

* * Quant à la troisieme branche :

* * Suivant l'article 26, alinea 1er, du Code des impots sur les revenus1992, lorsqu'une entreprise etablie en Belgique accorde des avantagesanormaux ou benevoles, ceux-ci sont ajoutes à ses benefices propres,sauf si les avantages interviennent pour determiner les revenusimposables des beneficiaires.

Sans exiger necessairement que l'operation ait ete realisee dansl'intention de soustraire un benefice taxable à l'impot, l'article 26,alinea 1er, entend, par avantages anormaux, les avantages qui, eu egardaux circonstances economiques du moment, sont contraires à l'ordrehabituel des choses, aux regles ou aux usages commerciaux etablis et, paravantages benevoles, les avantages accordes sans qu'ils constituentl'execution d'une obligation, ou ceux qui sont accordes sans aucunecontrepartie.

L'arret constate, par reference à la relation des faits du premier jugeet par des motifs propres :

* - qu'apres avoir achete à l'exploitante d'une pharmacie, en fevrier2005, le stock, le materiel, le mobilier et la clientele del'officine, la demanderesse a achete, en avril 2005, l'immeubleabritant cette officine, pour partie à ladite exploitante et pourl'autre partie à sa mere qui en etait coproprietaire en nue-proprieteet seule usufruitiere ;

* - que, de l'avis de l'administration du cadastre, le prix paye pourcet immeuble excedait, au jour de la cession, sa valeur venale et quela demanderesse l'a revendu à perte à des tiers quelque six moisplus tard ;

* - que le montant de ce surprix a ete ajoute aux benefices imposablesde la demanderesse pour l'exercice d'imposition 2006 à titred'avantage anormal ou benevole vise à l'article 26 du Code des impotssur les revenus 1992 mais, à la suite de la decision directorialeportant degrevement partiel de la cotisation litigieuse, dans la seulemesure ou il a ete consenti à la mere de l'exploitante.

* L'arret releve que la demanderesse « defend l'idee que les deuxconventions passees à des dates differentes doivent etre apprecieesglobalement » et qu'elle « admet ainsi que l'operation a eteartificiellement scindee puisque, selon elle, le prix reel del'immeuble etait inferieur au prix conventionnel, la differencecorrespondant à un surprix que la partie venderesse ne pouvaitlegalement obtenir en vendant l'officine ».

* * Il considere qu'« il est patent que la convention de cessiond'immeuble a servi de vehicule pour obtenir un surprix sur la valeurde l'officine que n'aurait pas pu obtenir un autre pharmacien nedisposant pas de la propriete de l'immeuble ou l'activite etaitexercee » et que c'est à tort que la demanderesse a « fait valoirque le surprix pourrait s'expliquer par le fait qu'un immeuble occupepar une pharmacie aurait en soi plus de valeur qu'un immeuble nonoccupe par une telle officine ».

* Par ces enonciations, d'ou il ressort qu'aux yeux de la cour d'appel,la demanderesse et l'exploitante sont convenues d'un prix pourl'officine egal à la somme de deux montants, celui formellement prevuen contrepartie de la cession de l'officine et le complement que lademanderesse s'est engagee à payer sous le couvert du prix de ventede l'immeuble, l'arret ne justifie pas legalement sa decision que lademanderesse a consenti un avantage anormal ou benevole à la mere del'exploitante, taxable en vertu de l'article 26 du Code des impots surles revenus 1992.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a lieu d'examiner ni les autres branches du premier moyen ni lesecond moyen, qui ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Bruxelles.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, president, lepresident de section Martine Regout, les conseillers Mireille Delange,Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononce en audience publique duvingt-sept avril deux mille dix-sept par le president de section AlbertFettweis, en presence du premier avocat general Andre Henkes, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | A. Jacquemin | S. Geubel |
|-----------------+--------------+-------------|
| M. Delange | M. Regout | A. Fettweis |
+----------------------------------------------+

Requete

REQUETE EN CASSATION

Pour : La societe privee à responsabilite limitee Pharmacie Citadelle,dont le siege est etabli à 4630 Soumagne, rue Louis Pasteur, 3, inscriteà la Banque-carrefour des entreprises sous le nDEG 0871.780.471,

Demanderesse en cassation,

assistee et representee par Simone Nudelholc, avocat à la cour decassation, et Daniel Garabedian, avocat, soussignes dont le cabinet estetabli à 1000 Bruxelles, boulevard de l'Empereur 3, ou il est faitelection de domicile,

Contre : L'Etat belge, Service Public Federal Finances, represente par leministre des Finances, dont le cabinet est etabli à 1000 Bruxelles rue dela Loi, 12, ayant designe pour recevoir les citations en justice, lessignifications et notifications à l'Etat, Service public federalFinances, le directeur du Service d'Encadrement logistique, Bruxelles,North Galaxy, Tour B, 2e etage, boulevard du Roi Albert II, 33, bte 971,à 1030 Bruxelles (arrete ministeriel du 25 octobre 2012, pris en vertu del'article 42,1DEG, du Code judiciaire, publie au Moniteur du 22 novembre2012 et entre en vigueur le 2 decembre 2012),

Defendeur en cassation.

*

* *

A Messieurs les Premier President et Presidents, à Mesdames et Messieursles Conseillers composant la Cour de cassation.

Messieurs,

Mesdames,

La demanderesse à l'honneur de soumettre à votre censure l'arret renducontradictoirement entre parties le 28 novembre 2014 par la cour d'appelde Liege (9eme chambre R.G. nDEG 2012/RG/979), statuant en matiere de loisd'impots.

FAITS ET OBJET DU LITIGE

Les faits et antecedents de la cause, tels qu'ils ressortent desconstatations de l'arret entrepris et des pieces auxquelles la Cour peutavoir egard, peuvent etre resumes comme suit.

Le litige porte sur une cotisation à l'impot des societes de l'exerciced'imposition 2006 (revenus 2005).

Par convention du 2 fevrier 2005, la demanderesse a achete à Mme F. uneofficine de pharmacie pour 327.236 EUR.

Le 24 avril 2005, la demanderesse a achete à la meme Mme F. la moitie dela nue-propriete de l'immeuble dans lequel etait situee cette officine, età la mere de Mme F., Mme O., l'autre moitie de la nue-propriete etl'usufruit de la totalite de cet immeuble, le tout pour un prix de 387.764EUR.

Le 17 novembre 2005, la demanderesse, qui avait entretemps transferel'officine ailleurs, a revendu cet immeuble pour 128.000 EUR.

La demanderesse a deduit fiscalement la moins-value de 259.764 EUR ainsirealisee sur l'immeuble.

L'administration a ajoute ce montant au benefice imposable de lademanderesse à titre d'avantage anormal ou benevole consenti auxvenderesses de l'immeuble, au sens de l'article 26 du Code des impots surles revenus 1992, et lui a inflige un accroissement de 10 % (avis derectification du 21 octobre 2008 et enrolement du 16 decembre 2008).

Le directeur regional des Contributions a accueilli partiellement lareclamation de la demanderesse contre cette imposition : le directeurdecide que la demanderesse n'a pas accorde d'avantage anormal ou benevoleà Mme F., parce qu'elle etait egalement proprietaire du fonds decommerce, mais uniquement à Mme O.

Sur recours de la demanderesse, le tribunal de premiere instance de Liegedegreve entierement la cotisation litigieuse par jugement du 30 janvier2012.

Sur l'appel de l'Etat belge, la cour d'appel de Liege, par l'arretentrepris, reforme le jugement attaque et declare la cotisation litigieusebonne et valable.

A l'appui de son pourvoi contre cet arret, la demanderesse a l'honneur defaire valoir les deux moyens de cassation suivants.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Dispositions legales dont la violation est invoquee

- Article 149 de la Constitution ;

- Articles 1321 et 1165 du Code civil ;

- Article 26 du Code des impots sur les revenus 1992 ;

- Principe general du droit en vertu duquel les tiers doivent subir leseffets que les conventions reellement conclues par les parties ont sur lepatrimoine de celles-ci.

Decision et motifs critiques

Apres avoir constate en substance, partiellement par reference aux motifsdu premier juge, que le litige est relatif à une cotisation à l'impotdes societes etablie à charge de la demanderesse pour l'exerciced'imposition 2006 et que cette cotisation resulte des faits suivants : (1)la demanderesse a achete le 2 fevrier 2005 à Mme M. F. le stock, lemateriel, le mobilier et la clientele de son officine de pharmacie pour leprix de 327.236 euros ; (2) le 24 avril 2005, la demanderesse a achete àla meme Mme F. la moitie de la nue-propriete de l'immeuble dans lequeletait situee cette officine, et à la mere de Mme F., Mme O., l'autremoitie de la nue-propriete et l'usufruit de la totalite de cet immeuble,le tout pour un prix de 387.764 euros ; (3) la demanderesse, ayanttransfere l'officine en un autre lieu, a revendu cet immeuble à des tiersle 17 novembre 2005 pour 128.000 euros ; (4) le controleur à l'impot dessocietes de la demanderesse a considere que celle-ci avait consenti auxvenderesses de l'immeuble un avantage anormal ou benevole au sens del'article 26 du Code des impots sur revenus 1992 à concurrence du« surcout de l'achat de l'immeuble », etant la difference entre le prixpaye pour l'immeuble par la demanderesse et le prix obtenu par elle lorsde sa revente, et a ajoute ce montant à la base imposable à l'impot dessocietes de la demanderesse,

et apres avoir constate, par reference à la decision du premier juge,que, par decision du 24 septembre 2009, le directeur des Contributions adeclare la reclamation de la demanderesse contre la cotisation« partiellement fondee, pour un montant de 47.691,75 euros car il n'y apas d'avantage anormal et benevole dans le chef de Mme F. parce qu'elle`etait egalement proprietaire du fonds de commerce ' »,

la cour d'appel, par l'arret entrepris, decide que l'administration a àbon droit ajoute au benefice imposable à l'impot des societes de lademanderesse, pour la partie non degrevee par le directeur, ce « surcoutde l'achat de l'immeuble », à titre d'avantage anormal ou benevoleconsenti au sens de l'article 26 du Code des impots sur les revenus 1992,et, rejette par consequent le recours de la demanderesse contre cetteimposition.

Cette decision se fonde notamment sur les motifs suivants (on omet lesreferences aux pieces du dossier) :

(a) « [la demanderesse] soutient que l'operation d'achat de l'immeubledoit etre appreciee avec l'operation de vente de l'officinepar l'exploitante, vente qui est soumise à des regles fixees par arreteroyal du 13 avril 1977 etablissant un prix maximum pour la cession desofficines [...] ;

[la demanderesse] reconnait que la cession de l'officine d'une part et del'immeuble d'autre part ont ete passees en vue de contourner lesdispositions d'ordre public en la matiere puisqu'elle defend l'idee queles deux conventions passees à des dates differentes doivent etreappreciees globalement pour soutenir qu'il n'y pas eu d'avantage anormalaccorde par [la demanderesse], [...] ;

elle admet ainsi que l'operation a ete artificiellement scindee, puisqueselon elle le prix reel de l'immeuble etait inferieur au prixconventionnel, la difference correspondant à un surprix que la partievenderesse [Mme F.] ne pouvait legalement obtenir en vendant l'officine ;

[...]

il est patent que la convention de cession d'immeuble a servi de vehiculepour obtenir un surprix sur la valeur de l'officine que n'aurait pas puobtenir un autre pharmacien ne disposant pas de la propriete de l'immeubleou l'activite etait exercee, ce que ne conteste d'ailleurs pas [lademanderesse] qui soutient tout au long de ses conclusions que lesoperations doivent etre envisagees de maniere globale ;

[...]

[la demanderesse] fait valoir sa bonne foi mais elle oublie qu'elle n'apas respecte toutes les consequences de la convention de cession del'officine qui comprenait tous les elements du fonds de commerce, pourlequel a ete consenti dans un autre contrat un surprix visant àcontourner la reglementation en la matiere ».

(b) [la demanderesse a] fait à tort valoir que le surprix pourraits'expliquer par le fait qu'un immeuble occupe par une pharmacie aurait ensoi plus de valeur qu'un immeuble non occupe par une telle officine ;

outre le fait que cette pretention n'est pas demontree, elle est dementiedans les faits puisque la [demanderesse] a revendu l'immeuble acquis avecune serieuse moins-value dont elle veut faire supporter les consequencespar le tresor public moins de sept mois apres son acquisition, puisqu'ellea transfere son exploitation dans un autre immeuble ;

le fait que le bien ait ete revendu pour sa valeur venale normale nemodifie en rien le raisonnement developpe ci-avant ;

(c) « il ne peut etre fait reproche à l'Etat de n'avoir retenu unavantage anormal ou benevole que dans le chef de la mere de l'exploitante,proprietaire pour partie et usufruitiere pour partie de l'immeuble vendumais non proprietaire du fonds de commerce ».

Griefs

Premiere branche

La demanderesse faisait valoir dans ses conclusions de synthese que« conceptuellement, l'operation d'achat du `fonds de commerce' del'officine et de l'immeuble ne peut etre scindee en deux : il s'agit enrealite d'une seule et meme operation. Il n'etait pas possible, in casud'acheter le fonds de commerce sans l'immeuble. L'administration ne peutignorer que, lors de la cession d'une officine de pharmacie, son prix devente est limitee par l'arrete royal du 13 avril 1977. Les parties à lavente de l'officine sont donc `contraintes' de reporter le surprix pour lefonds de commerce, sur le prix de vente de l'immeuble » (pages 3-4), etque « le rapport d'instruction de la reclamation etait [...] parfaitementclair : selon l'auteur de ce rapport, le mandataire de [la demanderesse]`demontre par les differents elements qu'il apporte qu'une partie du prixde l'immeuble constitue la valorisation de la clientele qui depasse lalimitation etablie par l'arrete royal du 13 avril 1977. Le surprix paye,au-delà de la valeur venale de l'immeuble, constitue donc une valeur declientele' (souligne par la [demanderesse]). L'on ne voit pas ce quechange, à cet egard, que, en l'occurrence, le vendeur n'etait pas uneseule et meme personne, mais deux personnes. Cela n'empechait pas lesvendeurs de stipuler que ledit `surprix' reviendrait entierement à laseule Mme F., puisque celle-ci etait la proprietaire unique de l'officineelle-meme, et qu'il ne peut etre raisonnement conteste que ce `surprix'visait l'officine cedee (ce qui a d'ailleurs genere le litige fiscalpuisque, à bon droit, l'administration fait remarquer que ledit surprixne peut concerner l'immeuble). [...] le surprix paye par [la demanderesse]l'a ete dans le seul et unique but de devenir proprietaire de l'officine,ce qui exclut necessairement toute idee d'avantage anormal ou benevole.Dans le chef de [la demanderesse], il est evident que le surprix payecorrespond à l'acquisition de la clientele de l'officine, de sorte que cesurprix a belle et bien une contrepartie » (pages 5-6).

La demanderesse faisait ainsi valoir non seulement que le « surprix »relatif à l'immeuble constituait en realite une partie du prix d'achat del'officine de pharmacie, comme le releve l'arret entrepris, mais lademanderesse en deduisait en outre qu'elle n'avait par consequent accordeaucun avantage anormal ou benevole puisqu'elle s'etait bornee à payerainsi la valeur de la clientele de l'officine.

Ni par les motifs ci-dessus reproduits ni par aucun de ses motifs l'arretentrepris ne repond à ce moyen de defense de la demanderesse ; il n'est,partant, pas regulierement motive (violation de l'article 149 de laConstitution).

Deuxieme branche

L'arret entrepris constate, notamment par reference aux motifs du premierjuge, que, telle que partiellement degrevee par le directeur deContributions, la cotisation litigieuse frappe un avantage anormal oubenevole que la demanderesse aurait consenti à celle des deux venderessesde l'immeuble qui n'etait pas proprietaire de l'officine, Mme O., avantagecorrespondant à une partie du « surcout de l'achat de l'immeuble »(difference entre le prix paye pour l'immeuble par la demanderesse et leprix obtenu lors de sa revente).

En rejetant le recours de la demanderesse contre cette cotisation, l'arretentrepris decide donc, de maniere implicite mais certaine, que lademanderesse avait bien consenti à cette venderesse de l'immeuble unavantage anormal ou benevole, correspondant à une partie du « surcout del'immeuble ».

Cette decision est contradictoire avec la motivation par laquelle l'arretconstate que ce « surcout de l'achat de l'immeuble » representait enrealite et en totalite non une partie du prix de l'immeuble mais unepartie du prix d'acquisition de l'officine de pharmacie appartenant à MmeF..

Le meme montant ne peut en effet etre à la fois une partie du prix del'immeuble avantageant la venderesse O. et une partie du prix del'officine vendu par Mme Mary.

Cette contradiction entre les motifs et le dispositif de l'arret equivautà une absence de motifs (violation de l'article 149 de la Constitution).

A tout le moins, la motivation de l'arret ne permet pas de comprendrepourquoi ce meme montant constitue, aux yeux de la cour d'appel, à lafois une partie du prix de l'immeuble avantageant la venderesse O. et unepartie du prix de l'officine vendue par Mme F. ; la motivation de l'arretplace ainsi votre haute juridiction dans l'impossibilite de controler sila cour a fait une correcte application de l'article 26 du Code des impotssur les revenus 1992 (violation de l'article 149 de la Constitution et,pour autant que de besoin, dudit article 26).

Troisieme branche

Le fisc, quoique tiers à l'egard des actes accomplis par le contribuable,doit subir les effets sur le patrimoine du contribuable des conventionsque celui-ci a reellement conclues ; l'article 1321 du Code civil, quipermet à des tiers, dans leurs rapports avec les parties à uneconvention simulee, de se reclamer de cette convention plutot que de laconvention reelle, ne s'applique pas en matiere fiscale (voir Cassation, 4janvier 1991, Pas., 1991, I, nDEG 226 ; Cassation, 19 mai 1995, Pas.,1995, I, nDEG 247).

La cour d'appel ayant constate que le « surcout de l'achat del'immeuble » representait en realite et en totalite non une partie duprix de l'immeuble mais une partie du prix d'acquisition de l'officine depharmacie appartenant à Mme F., ni le motif de l'arret selon lequel lesparties ont eu en vue de contourner les dispositions d'ordre public del'arrete royal du 13 avril 1977 etablissant un prix maximum pour lacession des officines, ni aucun autre motif de l'arret ne justifielegalement la decision de l'arret que la demanderesse a consenti unavantage anormal ou benevole à la venderesse de l'immeuble O.,correspondant à une partie du « surcout de l'immeuble », et imposabledans son chef sur la base de l'article 26 du Code des impots sur lesrevenus 1992 (violation des articles 1321 et 1165 du Code civil, duprincipe general du droit en vertu duquel les tiers doivent subir leseffets que les conventions reellement conclues par les parties ont sur lepatrimoine de celles-ci et, pour autant que de besoin, de l'article 26 duCode des impots sur les revenus 1992).

SECOND MOYEN DE CASSATION

Dispositions legales dont la violation est invoquee

- Articles 10, 11 et 172 de la Constitution ;

- Article 6, specialement S: 1er, de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales (ci-apres « Conventioneuropeenne des droits de l'homme »), signee à Rome le 4 novembre 1950 etapprouvee par la loi du 13 mai 1955 ;

Pour autant que de besoin, principe general du droit de la primaute surles dispositions de droit national des dispositions de droitinternational.

Decision et motifs critiques

Apres avoir constate que le litige porte sur une cotisation à l'impot dessocietes enrolee à charge de la demanderesse pour l'exercice d'imposition2006 et que cette cotisation comprend un accroissement d'impot vise àl'article 444 du Code des impots sur les revenus 1992,

la cour d'appel, par l'arret entrepris, rejette le recours de lademanderesse contre l'accroissement d'impot, et fonde notamment cettedecision sur les motifs suivants.

« [la demanderesse] critique en vain l'application des accroissementsramenes à 10 %, lesquels sont legalement justifies, lorsquel'inexactitude dans la declaration a ete effectuee meme sans intentiond'eluder l'impot et sans que l'administration soit contrainte de lesremettre ce qui n'est pour elle qu'une faculte ;

[...] [la demanderesse] fait valoir sa bonne foi mais [...] elle oubliequ'elle n'a pas respecte toutes les consequences de la convention decession de l'officine qui comprenait tous les elements du fonds decommerce, pour lequel a ete consenti dans un autre contrat un surprixvisant à contourner la reglementation en la matiere ».

Griefs

Les accroissements d'impot prevus à l'article 444 du Code des impots surles revenus 1992 (CIR) ont pour objet de prevenir et de sanctionner lesinfractions commises par tous les contribuables, sans distinction aucune,qui ne respectent pas les obligations imposees par ce Code. Ils ont doncun caractere repressif et sont de nature penale au sens de l'article 6 dela Convention europeenne des droits de l'homme.

Toutefois, à la difference du contrevenant comparaissant devant letribunal correctionnel, pour les memes faits, pour se voir infliger lessanctions penales prevues par les articles 449 et suivants du CIR, lecontribuable qui exerce, devant le tribunal de premiere instance, unrecours contre l'accroissement d'impot que l'administration lui a infligene peut beneficier du sursis, lequel ne peut etre ordonne que par unejuridiction penale.

Si les regles constitutionnelles de l'egalite des Belges devant la loi etde la non-discrimination dans la jouissance des droits reconnus aux Belgesn'excluent pas qu'une difference de traitement soit etablie entrecertaines categories de personnes, c'est pour autant que le critere dedifferenciation soit susceptible de justification objective et raisonnablepar rapport au but et aux effets de la mesure consideree.

En l'occurrence, la difference de traitement est denuee de justificationobjective et raisonnable : qu'il soit accorde par le tribunalcorrectionnel ou par une autre juridiction, le sursis peut inciter lecondamne à s'amender, par la menace d'executer, s'il venait à recidiver,la condamnation au paiement d'une amende (voir, en matiere d'amendes TVA,Cour constitutionnelle, 6 novembre 2008, nDEG 157/2008, pt. B.4.1 et Courconstitutionnelle, 21 fevrier 2013, nDEG 13/2013, pt. B.4.1 ; en matiered'accroissements d'impot : Cour constitutionnelle, 27 mars 2014, nDEG55/2014).

Partant, l'article 444 du CIR n'est pas compatible avec les articles 10,11 et 172 de la Constitution en ce qu'il ne permet pas au tribunal depremiere instance et à la cour d'appel d'accorder le benefice du sursisau demandeur.

Dans l'attente d'une intervention legislative, cette disposition ne peutetre appliquee que si le juge constate qu'il n'y aurait pas eu lieud'accorder un sursis meme si cette mesure avait ete prevue par la loi (cf.l'arret precite du 27 mars 2014 de la Cour constitutionnelle, qui serefere à l'arret du 21 fevrier 2013 rendu en matiere d'amendes TVA ; voiraussi Cassation, 20 juin 2013, nDEG F.11.0007.F/1, rendu à la suite de cedernier arret).

L'arret entrepris, qui applique l'article 444 du CIR sans constater qu'iln'y aurait pas eu lieu d'accorder un sursis si cette mesure avait eteprevue par la loi, viole les articles 10,11 et 172 de la Constitution lusen combinaison avec l'article 6 de la Convention europeenne des droits del'homme, specialement S: 1er, et, pour autant que de besoin, avec leprincipe general du droit de la primaute sur les dispositions de droitnational des dispositions de droit international (voir en ce sens lesconclusions de M. le premier avocat general Henkes dans la causenDEG F.14.0119.F actuellement pendante devant la Cour).

PAR CES MOYENS ET CES CONSIDERATIONS,

Les avocats soussignes, pour la demanderesse, concluent qu'il vous plaise,Messieurs, Mesdames, casser l'arret attaque ; renvoyer la cause et lesparties devant une autre cour d'appel ; ordonner que mention de votrearret soit faire en marge de la decision annulee ; statuer comme de droitsur les depens.

Declaration pro fisco (droit de mise au role) : la valeur de la demanden'excede pas 250.000 euros et la cause est par consequent exemptee dudroit de mise au role par application de l'article 269/1, alinea 7, duCode des droits d'enregistrement, d'hypotheque et de greffe, tel quemodifie par la loi du 28 avril 2015.

Bruxelles, le 15 octobre 2015

Daniel Garabedian Simone Nudelholc

27 AVRIL 2017 F.15.0173.F/5

Requete/12


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.15.0173.F
Date de la décision : 27/04/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 13/05/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-04-27;f.15.0173.f ?
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