La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2017 | BELGIQUE | N°C.12.0590.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 juin 2017, C.12.0590.F


Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° C.12.0590.F

1. M. T. S.,

2. Y. S.,

3. M. S.,

demandeurs en cassation,

représentés par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est faitélection de domicile,

contre

A. M.,

défendeur en cassation,

en présence de

D. R.,

partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12

juillet 2012par la cour d'appel de Bruxelles.

Le président de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. ...

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

* N° C.12.0590.F

1. M. T. S.,

2. Y. S.,

3. M. S.,

demandeurs en cassation,

représentés par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est faitélection de domicile,

contre

A. M.,

défendeur en cassation,

en présence de

D. R.,

partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 juillet 2012par la cour d'appel de Bruxelles.

Le président de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs présentent un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 1^er de la loi du 25 ventôse - 5 germinal an XI (16 mars 1803)contenant organisation du notariat ;

- articles 1146, 1147, 1149, 1150, 1151, 1382, 1383 et 2262bis, § 1^er,alinéas 1^er et 2, du Code civil.

Décisions et motifs critiqués

Pour rejeter le moyen de prescription que les demandeurs opposaient àl'action du défendeur, l'arrêt décide que les fautes que [leur auteur]aurait, [en qualité de notaire], commises dans le cadre de la cession desdroits indivis [du défendeur et de la partie appelée en déclarationd'arrêt commun] sont de nature contractuelle et que, par conséquent, il ya lieu d'y appliquer la prescription de dix ans prévue par l'article2262bis, § 1^er, alinéa 1^er, du Code civil, aux motifs que :

« [Le défendeur] reproche [à l'auteur des demandeurs] des fautes qu'ilaurait commises lors de la souscription du compromis et de la passation del'acte de cession des droits indivis. Plus particulièrement, il lui faitgrief d'avoir manqué à son devoir d'information ;

Sur cette base, [le défendeur] demande [aux demandeurs] de le garantir detout dommage qu'il subit en conséquence de l'annulation de l'acte desortie d'indivision du 12 avril 1996 ;

Les [demandeurs] contestent cette demande en faisant valoir en ordreprincipal que la prescription leur était acquise en application del'article 2262bis, § 1^er, alinéa 2, du Code civil dès lors que laresponsabilité du notaire est aquilienne et non contractuelle ;

Si l'on peut admettre, suivant en cela la thèse étayée en doctrine et enjurisprudence des [demandeurs], que, lorsqu'il reçoit un acte dansl'exercice de son ministère, le notaire, en tant qu'officier public,engage sa responsabilité aquilienne, la question de la nature de saresponsabilité dans l'exercice d'autres devoirs appelle une réponsebeaucoup plus nuancée ;

En l'espèce, il n'est pas contesté que le `compromis de cession' intervenuentre [le défendeur et la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] le28 décembre 1995 a été préparé par [l'auteur des demandeurs], qui avaitété consulté à cette fin, que ce soit par [le défendeur et la partieappelée en déclaration d'arrêt commun] ou par [le défendeur] seul ;

Une telle consultation et l'élaboration de la convention sous seing privéqui a suivi ne constituent pas en soi une prestation que le notaireexécute en qualité d'officier public mais seulement l'accomplissementd'une mission confiée à un homme de loi, comme elle pourrait l'êtrenotamment à un avocat. En effet, la convention n'a d'effet qu'entre lesparties qui, par ailleurs, restent libres de décider ultérieurement dedemander à un autre notaire de recevoir l'acte qui lui consacrera soncaractère authentique ;

Il s'en déduit qu'à partir du moment où le notaire est consulté et qu'illui est demandé de préparer une convention, tel en l'espèce le `compromisde cession', et que le notaire accepte, il se forme entre clients etnotaire une convention (convention de louage d'industrie si le notaire estrémunéré pour l'accomplissement de ces devoirs ou convention sui generiss'il ne l'est pas), de sorte que la responsabilité du notaire, en cas defaute lors de l'accomplissement de ces prestations, est de naturecontractuelle ;

Il est sans incidence à cet égard que, comme en l'espèce, le `compromis decession' ait été suivi le 12 avril 1996 d'un acte authentique dès lorsqu'il n'est ni démontré ni allégué que ce dernier acte a, de quelquemanière que ce soit, modifié la nature des fautes imputées au notaire àpropos de sa consultation et de l'élaboration de la convention sous seingprivé ou altéré la responsabilité contractuelle attachée àl'accomplissement de ces prestations ».

Griefs

1. Le défendeur fondait sa demande en responsabilité contre [l'auteur desdemandeurs] sur la faute que celui-ci aurait commise lors de la passationde l'acte authentique constatant la cession des droits indivis [dudéfendeur et de la partie appelée en déclaration d'arrêt commun],considérant d'ailleurs que l'annulation de cet acte n'emportait pas celledu compromis ayant été précédemment signé entre [ces] parties pourconstater entre elles cette cession.

Cette action était dès lors nécessairement, contrairement à ce que décidel'arrêt, fondée sur la responsabilité extracontractuelle [de l'auteur desdemandeurs].

En effet, à l'exception d'une thèse défendue par une doctrine isolée, iln'est pas contesté que la responsabilité du notaire qui agit en qualitéd'officier public est de nature aquilienne. Il s'agit en effet del'exercice de la mission légale définie à l'article 1^er de la loiorganique.

Ce point est d'ailleurs admis par l'arrêt et résulte au moinsimplicitement de l'arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2009.Dans cette cause, les notaires, demandeurs en cassation, qui avaient passéun acte authentique de vente sans procéder à certaines vérifications enmatière d'urbanisme, avaient été condamnés au paiement dedommages-intérêts comprenant le prix de vente payé par les acheteurs etnon restitué par les vendeurs. À l'appui de leur pourvoi, ils soutenaientque la cour d'appel avait ainsi accordé aux acheteurs une indemnisationsupérieure au dommage réellement subi par eux et, partant, violé lesarticles 1382 et 1383 du Code civil.

La Cour a rejeté ce pourvoi au motif que, contrairement à ce quesoutenaient les demandeurs, le dommage revendiqué à ce titre par lesacheteurs n'était pas inexistant et que « l'arrêt ne viole dès lors pasles articles 1382 et 1383 du Code civil ».

C'est par conséquent bien sur le plan de la responsabilité aquilienne quela Cour s'est basée pour trancher ce litige relatif à la responsabilité dunotaire instrumentant dans le cadre de la passation d'un acte authentique.

Si la Cour avait considéré que la responsabilité du notaire était denature contractuelle, elle aurait nécessairement rejeté le moyen à défautpour celui-ci de viser les articles 1146 et suivants du Code civil, quirégissent ce type de responsabilité, alors qu'il visait les seuls articles1382 et 1383 de ce code.

2. La solution ne doit pas être différente lorsque le notaire intervientlors de la rédaction du compromis de vente qui précède la passation, à sonintervention, de l'acte authentique.

P. Joisten écrit à ce propos : « Si l'intervention du notaire a été vouluepar les parties comme impliquant la réception d'un acte notarié, c'est enqualité d'officier public, prestataire d'un service public, qu'aux yeuxdes parties, le notaire est intervenu, tant pendant l'authentificationelle-même qu'avant ou après celle-ci, et c'est en cette qualitésubjective, qui absorbe tous les autres titres en lesquels il aurait pu inconcreto entrer en action, que sa responsabilité doit être appréciée ».

L'arrêt admet que le compromis et l'acte authentique, et par conséquent laresponsabilité du notaire qui intervient dans le cadre de la rédaction deces deux documents, sont étroitement liés puisqu'il considère que,contrairement à ce que soutenait le défendeur, « il se déduit de ladécision qui annule l'acte pour cause de lésion que le compromis estégalement nul par identité de motifs ».

En cela, l'arrêt rejoint donc la doctrine de P. Joisten.

Le même auteur poursuit : « Si, par contre, les parties n'ont pas faitappel à lui comme détenteur d'une parcelle de l'autorité publique […], ledomaine des contrats (mandat, louage d'ouvrage) ou quasi-contrats (gestiond'affaire) retrouvera son [empire] ».

Il ajoute que, « dans le second cas (obligations de nature contractuelle),le pouvoir d'appréciation du juge sera limité par les contourscontractuels donnés à l'obligation par les parties ».

3. La fonction du notaire comporte l'obligation de donner assistance auxparties et il est tenu à ce titre d'un devoir de conseil. La nature decette fonction ne diffère pas selon qu'il assiste les parties dans lecadre de la conclusion d'un acte authentique ou d'une convention sousseing privé, en tous cas lorsque celle-ci est suivie de la rédaction d'unacte authentique et que le notaire n'intervient à ce propos que pourpréparer celui-ci.

Certes, avant la loi du 4 mai 1999, qui a introduit dans l'article 9, §1^er, alinéa 3, de la loi de ventôse le principe légal du devoir deconseil, un tel devoir n'était pas consacré par la loi mais reconnu par lamajorité de la doctrine et de la jurisprudence sur la base des travauxpréparatoires de la loi de ventôse et particulièrement de l'exposé desmotifs du conseiller d'État Réal, qui qualifie les notaires de « conseilsdésintéressés des parties, [...] leur faisant connaître toute l'étenduedes obligations qu'elles contractent ». La loi du 4 mai 1999 n'a fait queconfirmer ce principe sans changer la nature des devoirs incombant aunotaire.

4. Ce devoir de conseil donne lieu, s'il est mal exécuté, à uneresponsabilité extracontractuelle fondée sur les articles 1382 et 1383 duCode civil. Telle est la conclusion à laquelle arrive De Page à la suited'une analyse détaillée de la fonction notariale.

De Page analyse en effet les diverses facettes de la fonction notarialepour arriver à cette conclusion.

Il souligne que le seul texte de la loi de ventôse qui envisagespécifiquement la responsabilité du notaire est l'article 68 (devenu à lasuite de modifications législatives l'article 114 de la loi), qui vise lanullité des actes authentiques passés à l'intervention du notaire, nullitéliée à la violation des règles de forme de l'instrumentum.

La Cour de cassation a rendu à ce propos deux arrêts de principe quidoivent servir de guide pour analyser aujourd'hui encore la nature de laresponsabilité du notaire : la responsabilité de celui-ci a pour basel'article 68 de la loi de ventôse si son acte est nul pour un des motifsvisés à cette disposition (Cass., 20 mai 1853, Bull. et Pas., 1853, 1,299) ; dans les autres cas, la responsabilité du notaire repose sur lesarticles 1382 et 1383 du Code civil (Cass., 19 décembre 1891, Bull. etPas., 1891, 1, 254).

De Page décrit en conséquence les bases de la responsabilité du notaire dela manière suivante :

a) Trois distinctions doivent être faites en ce qui concerne laresponsabilité du notaire, officier public qui agit dans le cadre normalde ses fonctions :

- dans le cadre particulier de la nullité de l'instrumentum, le notaireengage sa responsabilité sur la base de l'article 68 de la loi ;

- si le notaire engage sa responsabilité en qualité de conseiller légaldes parties, cette responsabilité est fondée sur les articles 1382 et 1383du Code civil ;

- si le notaire commet une faute liée à un devoir autre que celui quirésulte des deux hypothèses visées ci-dessus, mais toujours dans le cadrede l'exercice de ses fonctions d'officier public, ce sont à nouveau lesarticles 1382 et 1383 du Code civil qui régissent sa responsabilité ;

b) même dans le cas où il agit en-dehors de ses fonctions notarialesnormales parce qu'il est investi par l'une ou l'autre des parties d'unemission spéciale où il intervient en qualité de mandataire de la partiequi l'a consulté, De Page estime que le notaire, sauf mandat écrit, agituniquement dans le cadre de ses obligations, résultant de la loi, deconseiller des parties ou de l'une d'entre elles et met en doutel'application à la responsabilité du notaire des règles du mandat ;

c) le notaire « simple ministre de l'authenticité » : dans ce cas, De Pageestime que le notaire pourrait se libérer de son devoir de conseil, ce quiparaît excessif. Mais il n'en demeure pas moins que sa responsabilitédemeurerait régie par les règles de la responsabilité aquilienne car elletient toujours, en cas de faute, à un manquement à son devoir de conseil,qui n'est pas de nature contractuelle.

Sur la base de ces analyses, De Page conclut que « la responsabiliténotariale sur la base du devoir de conseil est quasi délictuelle et noncontractuelle. En effet, lorsqu'une partie s'adresse à un notaire requisdans les limites normales de ses fonctions, elle ne contracte pas avec lui; elle s'adresse à un fonctionnaire public ».

6. Les auteurs qui ont tenté de contester cette analyse ne justifientguère leur position.

Selon R.O. Dalcq et Fr. Glansdorff, la responsabilité « se situeuniquement sur le plan contractuel » ou est « le plus souvent » de naturecontractuelle. Madame Casman rejoint cette analyse.

Mais la justification de ces affirmations n'apparaît pas des écrits de cesauteurs, si ce n'est qu'ils comparent le notaire à l'avocat, à l'huissierde justice ou au médecin voire à l'architecte, qui, tous, comme lenotaire, exerceraient une profession libérale. Madame Casman tente enoutre d'appuyer son analyse sur un arrêt de la Cour de justice de l'Unioneuropéenne du 24 mai 2011 (aff. C-47/08) qui aurait « dénié au notaire safonction de titulaire de l'autorité publique ». La doctrine qui soutientla nature extracontractuelle de la responsabilité du notaire n'a jamaisprétendu que sa thèse reposerait sur le fait que le notaire seraittitulaire de « l'autorité publique », ce qui supposerait qu'il dispose,en tant tel, d'un pouvoir de décision ou de contrainte. C'est la qualitéde « fonctionnaire public » du notaire qui est invoquée par la doctrine,fonction expressément reconnue par l'article 1^er de la loi de ventôse etqui n'était pas remise en question dans le cadre de la procédure ayantdonné lieu à l'arrêt précité de la Cour de justice. La référence faite parmadame Casman à cet arrêt est par conséquent dénuée de pertinence.

7. La nature d'une profession n'est pas suffisante pour déterminer lesrègles de responsabilité qui découlent des actes que les titulaires decette profession accomplissent dans ce cadre.

Pour déterminer la nature de la responsabilité, encore faut-il examinercelle des liens qui se sont noués entre les parties. Et la naturecontractuelle de l'intervention de ces titulaires de professions libéralesne peut être admise que si la preuve d'un contrat est rapportée par ledemandeur en responsabilité.

L'avocat, le médecin et l'architecte agissent dans le cadre de professionsqui ne sont pas, dans leur substance, spécifiquement réglementées par laloi en ce qui concerne les obligations qui leur incombent, même s'ilsdoivent respecter certaines normes déontologiques.

P. Harmel et R. Bourseau distinguent le notaire jurisconsulte ou hommed'affaires, dont la responsabilité serait de nature contractuelle, dunotaire instrumentant, dont la responsabilité serait toujours aquilienne.

Les exemples cités par ces auteurs en ce qui concerne la responsabilitécontractuelle se rapportent tous à des cas où le notaire est chargé parles parties d'une mission où il apparaît qu'il a été investi d'un mandatou d'un louage d'industrie, ce qui s'écarte du cas ici soumis à la courd'appel.

8. La question qui était posée en l'espèce se situait dans le cadre de lafonction du notaire qui intervient non seulement dans la rédaction del'acte notarié mais, antérieurement, du compromis de cession qu'il prépareet auquel il donne ensuite la forme authentique.

Il n'était pas soutenu que [l'auteur des demandeurs] avait été chargé d'unlouage d'industrie, ce qui supposerait qu'il eût été spécifiquementrémunéré pour assister les parties lors de la rédaction du compromis.L'arrêt ne constate pas que tel serait le cas.

On ne voit pas davantage comment le notaire chargé de la rédaction d'unacte sous seing privé serait investi d'un mandat. Il n'accomplit aucunacte juridique et se borne à rédiger un projet et non à le négocier pourl'une ou l'autre des parties.

Certes, il pourrait en être autrement lorsque le notaire n'agit pas ensimple qualité de conseiller mais est chargé par l'une des parties denégocier le projet qu'il a préparé, voire agit comme agent d'affaires.

Rien de tel n'était soutenu en l'espèce.

9. La responsabilité [de l'auteur des demandeurs], auquel il étaituniquement reproché d'avoir manqué à son devoir de conseil, était dès lorsnécessairement de nature extracontractuelle.

10. Quoi que pourrait donner à penser le sommaire publié à la Pasicrisie,l'arrêt du 23 octobre 2008 (Pas., 2008, I, n° 576) n'a pas démenti lasolution proposée en ce qui concerne la responsabilité du notaire quiintervient dans la rédaction d'un compromis préalable à un acteauthentique.

Cet arrêt se place dans une hypothèse où une partie avait fait appel à sonnotaire pour rédiger un compromis de vente et où l'erreur commise par cenotaire dans le cadre de la rédaction de ce compromis avait été àl'origine de l'annulation de celui-ci.

Le moyen était déduit de la violation des articles 1382 et 1383 du Codecivil et de l'article 1^er de la loi du 25 ventôse an XI, alors qu'enl'absence d'acte authentique, cette disposition ne pouvait êtreapplicable. Le demandeur soutenait en effet que l'arrêt alors attaquéétait fondé sur sa responsabilité aquilienne.

La Cour a à cette occasion constaté que la cour d'appel avait, compte tenudes circonstances de la cause, fondé la responsabilité du notaire, non surune faute aquilienne, mais sur un manquement contractuel dans le cadre dudevoir de conseil dont il avait spécifiquement été chargé par lesacheteurs uniquement et dans le seul cadre de la préparation d'uncompromis, non suivi d'un acte authentique.

La Cour a déclaré le grief irrecevable en ce qu'il invoquait la violationdes articles 1382 et 1383 du Code civil, alors que le moyen ne soutenaitpas que la cour d'appel eût dû les appliquer.

Autrement dit, la Cour n'était pas saisie de la question de la nature dela responsabilité du notaire en tant que telle et n'a rejeté le pourvoiqu'en raison du fait que la cour d'appel s'était fondée sur laresponsabilité contractuelle du notaire et que le demandeur n'indiquaitpas en quoi l'arrêt eût dû appliquer les articles 1382 et 1383 du Codecivil, seuls invoqués à l'appui du moyen.

Il faut souligner également que cette cause portait sur la responsabilitédu notaire résultant uniquement de la rédaction d'un acte sous seing privéà la demande d'une partie et non suivie d'un acte authentique.

Dès le moment où on admet que la responsabilité du notaire chargé de lapassation d'un acte authentique est de nature aquilienne, on ne voit pascomment on pourrait appliquer au devoir de conseil qu'il assume lors de larédaction du compromis préalable un autre régime de responsabilité alorsque le compromis n'est en réalité que la préparation de l'acte qui vasuivre, ce que l'arrêt admet d'ailleurs de manière au moins implicitepuisqu'il considère que la nullité du compromis, pourtant non invoquée parle défendeur, découlait naturellement de celle de l'acte authentique.

En appliquant à la responsabilité de l'auteur des demandeurs les règles deprescription se rapportant à la responsabilité contractuelle, l'arrêtviole, en conséquence, l'ensemble des dispositions légales visées aumoyen.

III. La décision de la Cour

Aux termes de l'article 1^er, alinéa 1^er, de la loi du 25 ventôse - 5germinal an XI contenant organisation du notariat, les notaires sont lesfonctionnaires publics établis pour recevoir tous les actes et contratsauxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractèred'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique et pour en assurerla date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses ou expéditions.

Cette disposition n'exclut pas qu'un contrat puisse se former entre lenotaire et les parties qui le consultent en vue d'établir un acteauthentique.

L'arrêt constate que le défendeur « reproche [à l'auteur des demandeurs,agissant en qualité de notaire], des fautes qu'il aurait commises lors dela souscription du compromis et de la passation de l'acte de cession dedroits indivis » entre lui et la partie appelée en déclaration d'arrêtcommun et que, « plus particulièrement, il lui fait grief d'avoir manqué àson devoir d'information ».

L'arrêt considère qu'« il n'est pas contesté que le `compromis de cession'intervenu entre [le défendeur] et [la partie appelée en déclarationd'arrêt commun] le 28 décembre 1995 a été préparé par [l'auteur desdemandeurs], qui avait été consulté à cette fin, que ce soit par [cesparties] ou par [le défendeur] seul », et que, « à partir du moment où lenotaire est consulté et qu'il lui est demandé de préparer une convention,tel en l'espèce le `compromis de cession', et que le notaire accepte, ilse forme entre clients et notaire une convention (convention de louaged'industrie si le notaire est rémunéré pour l'accomplissement de sesdevoirs ou convention sui generis s'il ne l'est pas) ».

Par ces énonciations, d'où il résulte qu'aux yeux de la cour d'appel, uncontrat a été conclu entre eux, l'arrêt justifie légalement sa décisionque la responsabilité de l'auteur des demandeurs à l'égard du défendeurest de nature contractuelle et que l'action en garantie de celui-ci contrecelui-là est, dès lors, soumise à la prescription décennale prévue àl'article 2262bis, § 1^er, alinéa 1^er, du Code civil.

Le moyen ne peut être accueilli.

Et le rejet du pourvoi prive d'intérêt la demande en déclaration d'arrêtcommun.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi et la demande en déclaration d'arrêt commun ;

Condamne les demandeurs aux dépens.

Les dépens taxés à la somme de mille six cent quarante-trois eurostrente-cinq centimes envers les parties demanderesses.

* Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, oùsiégeaient le président de section Christian Storck, président, leprésident de section Albert Fettweis, les conseillers Michel Lemal,Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique duvingt-neuf juin deux mille dix-sept par le président de sectionChristian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster,avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | A. Jacquemin | S. Geubel |
|-----------------------+----------------------+---------------------|
| M. Lemal | A. Fettweis | Chr. Storck |
+--------------------------------------------------------------------+

29 JUIN 2017 C.12.0590.F/13


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0590.F
Date de la décision : 29/06/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-06-29;c.12.0590.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award