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20/12/2017 | BELGIQUE | N°P.17.0426.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 décembre 2017, P.17.0426.F


N° P.17.0426.F
S. P.
partie civile,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Laurent Kennes et Fanny Vansiliette, avocats au barreau de Bruxelles, et Marc Nève, avocat au barreau de Liège,

contre

1. de C d'Y. E.
2. V. J.
inculpés,
défendeurs en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Olivier Valange et Pierre Rondiat, avocats au barreau de Dinant.



I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 mars 2017 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.> Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le consei...

N° P.17.0426.F
S. P.
partie civile,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Laurent Kennes et Fanny Vansiliette, avocats au barreau de Bruxelles, et Marc Nève, avocat au barreau de Liège,

contre

1. de C d'Y. E.
2. V. J.
inculpés,
défendeurs en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Olivier Valange et Pierre Rondiat, avocats au barreau de Dinant.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 mars 2017 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur la recevabilité du mémoire en réponse du premier défendeur :

En vertu de l'article 429, alinéa 4, du Code d'instruction criminelle, sauf l'exception visée à l'article 427, alinéa 1er, de ce code, le mémoire du demandeur est communiqué par courrier recommandé ou, dans les conditions fixées par le Roi, par voie électronique à la partie contre laquelle le pourvoi est dirigé et le défendeur lui communique de la même manière son mémoire en réponse. Cette disposition énonce en outre que la preuve de l'envoi est déposée au greffe dans les délais prévus aux alinéas 1er à 3 et que ces formalités sont prescrites à peine d'irrecevabilité.

Il résulte de cette disposition que lorsque le défendeur doit communiquer au demandeur un mémoire en réponse, cette communication doit être faite à ce dernier et non à son conseil.

Il ne ressort pas des pièces de la procédure que le défendeur ait déposé au greffe la preuve de l'envoi par recommandé du mémoire en réponse au demandeur, seule une preuve de l'envoi au conseil de ce dernier ayant été déposée.

Le mémoire en réponse est irrecevable.

A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de non-lieu à l'égard du premier défendeur :

Le demandeur n'invoque aucun moyen.

B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision qui condamne le demandeur au paiement de dommages et intérêts au premier défendeur :

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 159, 191 et 212 du Code d'instruction criminelle et de la méconnaissance du principe général de bonne administration, spécialement du droit à la sécurité juridique et à la confiance légitime.

Statuant sur l'appel du demandeur contre l'ordonnance de la chambre du conseil disant n'y avoir lieu à poursuivre le défendeur du chef de faux et usage de faux, abus de confiance et participation à une organisation criminelle, l'arrêt confirme cette décision et déclare fondée la demande incidente de ce dernier de condamner le demandeur à lui payer une somme de dix mille euros à titre de dommages et intérêts.

Le moyen reproche à l'arrêt de déduire le caractère téméraire et vexatoire de l'appel formé par le demandeur de la circonstance que le procureur du Roi avait requis le non-lieu devant la chambre du conseil et non de celle que le demandeur a interjeté appel.

L'appel d'une partie civile contre une ordonnance de non-lieu peut revêtir un caractère téméraire et vexatoire lorsque cette partie est animée de l'intention de nuire à l'inculpé ou lorsqu'elle exerce son droit d'agir en justice d'une manière qui excède manifestement les limites de l'exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente. Le juge apprécie souverainement, en fonction de l'ensemble des circonstances de la cause, l'existence d'un abus procédural, la Cour vérifiant si, de ses constatations, il a pu légalement déduire l'existence d'un tel abus.

L'article 135, § 1er, du Code d'instruction criminelle permet à la partie civile d'interjeter appel de toutes les ordonnances de la chambre du conseil. La chambre des mises en accusation ne saurait dès lors légalement justifier le constat d'un abus de procédure par le seul fait que le procureur du Roi a requis le non-lieu devant la chambre du conseil. Mais ni les dispositions et le principe visés au moyen, ni aucune autre disposition légale, n'interdisent à la chambre des mises en accusation, pour apprécier le caractère fautif du recours exercé par la partie civile, de prendre en considération, parmi l'ensemble des circonstances de la cause qu'il lui appartient d'examiner, le fait que le procureur du Roi a requis le non-lieu devant la chambre du conseil.

Dans la mesure où il soutient que la chambre des mises en accusation ne peut pas prendre en considération cette circonstance, parmi d'autres, pour apprécier le caractère fautif de l'appel de la partie civile contre une ordonnance de non-lieu, le moyen manque en droit.

Il ressort des motifs de l'arrêt que la cour d'appel n'a pas condamné le demandeur uniquement parce que le ministère public avait requis le non-lieu devant la chambre du conseil.

Après avoir décidé que l'appel contre l'ordonnance de non-lieu manquait à l'évidence de fondement, l'arrêt considère que le demandeur s'est constitué partie civile peu de temps après sa propre inculpation en formulant des accusations fort graves à l'encontre du défendeur, alors que son interlocuteur au sein de la société concernée était le deuxième défendeur, que ce dernier était le seul à s'occuper de la comptabilité et que le demandeur admettait ne disposer d'aucun élément démontrant que le défendeur aurait détourné des fonds ou participé à une organisation criminelle.

L'arrêt considère ensuite que, en degré d'appel, en dépit du réquisitoire de non-lieu et de l'ordonnance de la chambre du conseil qui y fait droit, le demandeur a poursuivi le défendeur de sa vindicte, en passant sous silence les explications que ce dernier, l'expert-comptable et une autre personne ont fournies en cours d'instruction et en faisant fi de l'indigence des charges. L'arrêt en déduit que la persistance du demandeur à formuler des accusations graves en pareil contexte procède d'une faute, puisqu'il s'est acharné à mettre en cause la probité du défendeur.

Dans la mesure où il soutient que la cour d'appel a caractérisé la faute reprochée au demandeur en se fondant uniquement sur l'orientation des réquisitions de la partie poursuivante devant la chambre du conseil, le moyen procède d'une lecture incomplète de l'arrêt et manque en fait.

Sur le second moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 159, 191 et 212 du Code d'instruction criminelle et 149 de la Constitution.

Quant à la première branche :

Selon le demandeur, il ressort des motifs de l'arrêt que ce n'est pas son appel, en tant que tel, que les juges d'appel ont considéré comme fautif, mais la plainte avec constitution de partie civile qu'il a déposée contre le défendeur. Selon le moyen, la chambre des mises en accusation n'est compétente que pour indemniser le dommage consécutif à un appel téméraire et vexatoire, mais pas pour dédommager le préjudice causé par une plainte jugée fautive.

Contrairement à ce que le moyen soutient, ce n'est pas la plainte en tant que telle que la cour d'appel a jugée fautive, mais la persistance du demandeur à formuler en degré appel, de la manière et dans le contexte décrits, des accusations graves à l'encontre du défendeur, ainsi que son acharnement à mettre en cause la probité de ce dernier.

A cet égard, le moyen manque en fait.

Les articles 159, 191, 212 et 240 du Code d'instruction criminelle permettent au juge pénal de statuer sur les demandes incidentes formées par le prévenu contre la partie civile, en réparation du préjudice causé à celui-ci par les poursuites.

En tant qu'il revient à soutenir que la chambre des mises en accusation qui confirme une ordonnance de non-lieu n'est compétente pour allouer une indemnité à l'inculpé en raison du comportement fautif de la partie civile que dans la mesure où cette faute réside dans l'appel formé par cette dernière, le moyen manque en droit.

Quant aux deuxième et troisième branches réunies :

Le moyen reproche à l'arrêt de ne pas motiver sa décision quant à l'existence et au montant du dommage subi par le défendeur, ni quant au lien de causalité entre la faute et le dommage allégué.

Il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement, en fait, l'existence et l'étendue du dommage causé par un fait illicite et d'évaluer, dans les limites de la demande, le montant de l'indemnité destinée à le réparer. La Cour contrôle si, de ses constatations, le juge a pu légalement déduire sa décision.

Alors que le défendeur demandait, dans ses conclusions d'appel, la condamnation du demandeur à lui payer une somme de dix mille euros à titre de dommages et intérêts, il n'apparaît ni des conclusions du demandeur ni des procès-verbaux des audiences de la chambre des mises en accusation qu'il aurait, fût-ce à titre subsidiaire, fait valoir une défense à cet égard.

L'arrêt considère que le demandeur a fautivement persisté à formuler en appel, de la manière et dans le contexte décrits, des accusations graves à l'encontre du défendeur, en s'étant acharné à mettre en cause la probité de ce dernier qui a vu son image souillée.
L'arrêt considère ensuite qu'évaluée à dix mille euros, la demande incidente en dommages et intérêts est parfaitement justifiée dans le contexte de la cause.

Par ces motifs, en l'absence de conclusions du demandeur contestant cette demande, la cour d'appel a régulièrement motivé et légalement justifié sa décision.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

C. En tant que le pourvoi est dirigé contre l'arrêt de non-lieu à l'égard du deuxième défendeur :

Il n'apparaît pas, des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, que le pourvoi ait été signifié au défendeur.

Le pourvoi est irrecevable.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de six cent septante-cinq euros quatre-vingt-six centimes dont nonante-huit euros cinquante et un centimes dus et cinq cent septante-sept euros trente-cinq centimes payés par ce demandeur.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.0426.F
Date de la décision : 20/12/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-12-20;p.17.0426.f ?

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