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20/12/2017 | BELGIQUE | N°P.17.1192.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 décembre 2017, P.17.1192.F


N° P.17.1192.F
A. M.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Luc Denys, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Schaerbeek, avenue Adolphe Lacomblé, 59-61/5, où il est fait élection de domicile,

contre

ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'État à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, chaussée d'Anvers, 59B,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Gautier Matray et Sophie Matray, avocats au barreau de Liège.


>I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 31 octobre 2017 par la cour d&...

N° P.17.1192.F
A. M.
étranger, privé de liberté,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Luc Denys, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Schaerbeek, avenue Adolphe Lacomblé, 59-61/5, où il est fait élection de domicile,

contre

ETAT BELGE, représenté par le secrétaire d'État à l'Asile et la migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, chaussée d'Anvers, 59B,
défendeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Gautier Matray et Sophie Matray, avocats au barreau de Liège.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 31 octobre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Tamara Konsek a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen et déduite de ce que le demandeur n'a pas intérêt à critiquer l'arrêt de la chambre des mises en accusation qui a examiné le risque de fuite :

Etant liée à l'examen du fond du moyen, la fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen et déduite de ce que le demandeur affirme que le règlement Dublin III devrait s'appliquer en raison de l'article 18, § 1er, b), de ce règlement, alors que cette disposition impose des obligations à l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile mais ne détermine en aucun cas le champ d'application du règlement :

L'article 1er du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (règlement Dublin III) dispose, sous le titre « Objet », que ce règlement établit les critères et les mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride.
En vertu de l'article 2, aux fins de ce règlement, on entend par
- a) « ressortissant de pays tiers », toute personne qui n'est pas un citoyen de l'Union au sens de l'article 20, § 1er, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et qui n'est pas un ressortissant d'un État participant au présent règlement en vertu d'un accord avec l'Union européenne,
- b) « demande de protection internationale », une demande de protection internationale au sens de l'article 2, point h), de la directive 2011/95/UE,
- c) « demandeur », le ressortissant de pays tiers ou l'apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n'a pas encore été statué définitivement.

L'article 18, § 1er, b), du règlement dispose que l'État membre responsable en vertu du règlement est tenu de reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande dans un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre.

Il résulte des dispositions précitées que l'article 18, § 1er, b), n'est pas étranger au champ d'application du règlement.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen et déduite de ce que le demandeur n'expose pas en quoi l'arrêt attaqué violerait les définitions reprises dans le règlement Dublin III :

Il ressort de l'exposé du moyen que celui-ci énonce les raisons pour lesquelles il soutient qu'en maintenant la rétention du demandeur, l'arrêt viole les articles 2, n), et 28, § 2, du règlement.

La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 2, 18 et 28 du règlement Dublin III, le moyen reproche à l'arrêt de considérer qu'en l'absence de demande d'asile introduite en Belgique, ce règlement n'est pas applicable à la détention du demandeur. Il soutient que l'application de ce règlement n'est pas subordonnée à l'introduction d'une nouvelle demande d'asile dans l'État membre qui demande la reprise en charge par l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale. Il précise que le défendeur a demandé la reprise en charge du demandeur par l'Italie dans le cadre du règlement précité, en raison de l'existence d'une demande d'asile précédemment introduite dans ce pays.

A cet égard, le moyen reproche à l'arrêt de constater que le demandeur a été arrêté comme étant une personne ayant pénétré et se trouvant illégalement sur le territoire, en vue de son éloignement vers le Soudan, alors que la motivation de la décision de rétention précise explicitement que le demandeur doit être maintenu à la disposition de l'Office des étrangers « afin de demander sa reprise à l'Italie ».

Le moyen soutient également que, puisque le règlement Dublin III est applicable au demandeur, sa rétention doit respecter les conditions visées à l'article 28, § 2, de ce règlement, dont notamment l'existence d'un risque non négligeable de fuite.

Le demandeur fait encore valoir que le droit belge ne fixe pas les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur d'une protection internationale qui fait l'objet d'une procédure de transfert en application du règlement, conformément à l'article 2, n), de ce règlement tel qu'interprété conjointement avec l'article 28, § 2, du règlement par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-528/15 du 15 mars 2017. Par conséquent, selon le moyen, la privation de liberté du demandeur en vue de garantir son transfert vers l'Italie est dépourvue de base légale et l'arrêt, en maintenant la privation de liberté, viole les dispositions précitées.

En vertu de l'article 72, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980, les juridictions d'instruction vérifient si les mesures privatives de liberté et d'éloignement du territoire sont conformes à la loi, sans pouvoir se prononcer sur leur opportunité.

Le contrôle de légalité porte sur la validité formelle de l'acte, notamment quant à l'existence de sa motivation et au point de vue de sa conformité tant aux règles de droit international ayant des effets directs dans l'ordre interne, qu'à la loi du 15 décembre 1980.

L'article 1er du règlement Dublin III établit les critères et les mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale, introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride.

L'article 18, § 1er, du règlement dispose :

« L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de :
[ ...]
b) reprendre en charge [ ...] le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui [ ...] se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre. »

Le chapitre VI du règlement détermine les procédures de prise en charge et de reprise en charge des demandeurs de protection internationale par l'État membre responsable. Conformément à son article 20, § 1er, le processus de détermination commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. L'article 24 du règlement vise l'hypothèse de la présentation d'une requête aux fins de reprise en charge, par l'État membre responsable, lorsqu'aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite dans l'État membre requérant. Selon le premier paragraphe de cette disposition, lorsqu'un État membre, sur le territoire duquel une personne visée notamment à l'article 18, § 1er, b), se trouve sans titre de séjour et auprès duquel aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite, estime qu'un autre État membre est responsable, il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne.

L'article 28 détermine les conditions de placement en rétention aux fins de transfert du demandeur d'asile vers l'État membre responsable. En vertu du deuxième paragraphe de cette disposition, les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. En vertu de l'article 2, n), du règlement, on entend par « risque de fuite », aux fins de ce règlement, l'existence, dans un cas individuel, de raisons fondées sur des critères objectifs définis par la loi, de craindre la fuite d'un demandeur, un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui fait l'objet d'une procédure de transfert.

Il résulte de ces dispositions que le règlement est applicable à la rétention d'un demandeur d'asile dans un État membre, notamment lorsque celui-ci fait l'objet d'une requête de reprise en charge, même si aucune nouvelle demande de protection internationale n'a été introduite dans l'État membre requérant.

En décidant du contraire, après avoir constaté que le mesure privative de liberté avait été ordonnée en vue de la reprise du demandeur par l'Italie, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

Il n'y a pas lieu d'avoir égard au second moyen, qui ne saurait entraîner une cassation sans renvoi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt soit faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept par Benoît Dejemeppe, conseiller faisant fonction de président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Lugentz T. Konsek
E. de Formanoir F. Roggen B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.17.1192.F
Date de la décision : 20/12/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2017-12-20;p.17.1192.f ?

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