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11/03/2024 | BELGIQUE | N°C.19.0180.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 11 mars 2024, C.19.0180.F


N° C.19.0180.F
1. T.-A. B., et
2. L. K., agissant tant en nom personnel qu’en qualité d’administrateurs légaux des biens de leurs enfants mineurs,
3. K. B.,
4. Z. B.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Migration et de l’Asile, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50/175,
défendeur en cassa

tion,
représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et par Maître Bruno...

N° C.19.0180.F
1. T.-A. B., et
2. L. K., agissant tant en nom personnel qu’en qualité d’administrateurs légaux des biens de leurs enfants mineurs,
3. K. B.,
4. Z. B.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Migration et de l’Asile, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50/175,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, et par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Watermael-Boitsfort, chaussée de La Hulpe, 177/7, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 3 octobre 2018 par la cour d’appel de Liège.
Le 13 février 2024, l’avocat général Hugo Mormont a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 13 février 2024, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport et l’avocat général Hugo Mormont a été entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.
III. La décision de la Cour

Sur le moyen :
Quant à la seconde branche :
Sur le premier rameau :
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en ce rameau, par le défendeur et déduite de ce qu’il invoque la violation de dispositions inexistantes :
D’une part, il ressort manifestement de la mention et de la citation, par le moyen, en cette branche, des dispositions de l’article 39/1, § 1er, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, que la mention de l’article « 30/1, § 1er », de cette loi, qui n’existe pas, résulte d’une erreur matérielle qu’il appartient à la Cour de rectifier, en ce sens que le moyen, en ce rameau, invoque la violation dudit article 39/1, § 1er, alinéa 2.
D’autre part, le moyen, en ce rameau, invoque sans erreur la violation de l’article 39/2, spécialement le paragraphe 2, de cette loi.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Sur le fondement du moyen, en ce rameau :
En vertu de l'article 144 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux ; aux termes de l'article 145, les contestations qui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi.
L’autorité administrative qui prend une décision en vertu de son pouvoir discrétionnaire dispose d’une liberté d’appréciation qui lui permet, dans les limites de la loi, de déterminer elle-même les modalités d’exercice de sa compétence et de choisir la solution qui lui paraît la plus adéquate.
Les juridictions judiciaires sont compétentes pour prévenir ou réparer toute atteinte portée fautivement à un droit subjectif par l’autorité administrative dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.
Suivant l'article 39/1, § 1er, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, le conseil du contentieux des étrangers est une juridiction administrative, seule compétente pour connaître des recours introduits contre les décisions individuelles prises en application des lois sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers.
En vertu de l’article 39/2, § 2, de cette loi, le conseil statue en annulation, par voie d'arrêts, sur les autres recours pour violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, excès ou détournement de pouvoir.
Ces dispositions de la loi du 15 décembre 1980 ne dérogent pas au pouvoir de juridiction, que les cours et tribunaux de l'ordre judiciaire puisent dans
les articles 144 et 145 de la Constitution, sur les contestations qui ont pour objet des droits subjectifs civils, telles que celles portant sur l’indemnisation, sur la base de l’article 1382 de l’ancien Code civil, des conséquences dommageables des fautes commises par l’État.
En vertu de l’article 159 de la Constitution, les juridictions contentieuses ont le pouvoir et le devoir de vérifier la légalité interne et la légalité externe de tout acte administratif sur lequel est fondée une demande, une défense ou une exception.
Tel est le cas du juge judiciaire saisi d’une action destinée à réparer, sur la base de l’article 1382 de l’ancien Code civil, une atteinte portée fautivement par l’autorité administrative, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, à un droit subjectif, quand bien même l’autorité aurait-elle agi en application de la loi du 15 décembre 1980.
Le juge judiciaire saisi d’une action destinée à réparer le préjudice résultant de la faute imputée à l’État, dans la décision rejetant une demande d’autorisation de séjour en application de l’article 9bis de cette loi, ne peut déduire de l’existence d’un recours pendant devant le conseil du contentieux des étrangers contre cette décision que la faute n’est pas établie.
L'arrêt énonce que les demandeurs, qui se sont vu refuser le 16 décembre 2016 une autorisation de séjour sur la base de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 et ont formé contre ce refus un recours en suspension et en annulation toujours pendant devant le conseil du contentieux des étrangers, demandaient aux juridictions judiciaires statuant en référé d’enjoindre au défendeur de retirer sa décision qu’ils prétendaient fautive, de prendre une nouvelle décision et de lui interdire de les expulser, à titre de réparation en nature du dommage causé par la violation des droits subjectifs qu’ils prétendaient tirer des articles 1382 de l’ancien Code civil, 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 2, 3 et 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant, 22bis de la Constitution et 9bis de la loi du 15 décembre 1980, et des dispositions de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs.
Après s’être déclaré compétent pour statuer sur ces demandes et avoir considéré que l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 ne confère pas aux demandeurs de droit subjectif civil au séjour, l’arrêt dit leurs demandes non fondées au motif qu’aucune faute du défendeur n’est établie dès lors que
« le recours introduit devant le conseil du contentieux des étrangers est toujours pendant devant cette juridiction, de sorte que » les juridictions de l’ordre judiciaire ne peuvent interférer dans cette procédure, qu’il appartient aux demandeurs de développer leur argumentation dans le cadre de celle-ci et qu’il est prématuré d’évoquer une faute du défendeur.
Par ces énonciations, par lesquelles l’arrêt donne à connaître que la cour d’appel n’a pas le pouvoir de se prononcer sur l’existence des fautes que les demandeurs reprochaient au défendeur d’avoir commises dans la décision litigieuse parce qu’elle était entreprise devant le conseil du contentieux des étrangers qui n’avait pas encore statué, l’arrêt viole les dispositions légales précitées.
Le moyen, en ce rameau, est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué, sauf en tant qu’il rejette la demande des demandeurs de retirer toute décision, autre que celle du 16 décembre 2016, qui aurait été prise sur la base de l’article 9bis de la loi du 15 décembre 1980 ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Marielle Moris et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du onze mars deux mille vingt-quatre par le président de section Mireille Delange, en présence de l’avocat général Hugo Mormont, avec l’assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0180.F
Date de la décision : 11/03/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-03-11;c.19.0180.f ?

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