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29/03/2024 | BELGIQUE | N°C.23.0271.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 mars 2024, C.23.0271.F


N° C.23.0271.F
P. K.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La proc

édure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 6 décembre 202...

N° C.23.0271.F
P. K.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Gilles Genicot, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin conclu.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- article XX.173, § 1er, du Code de droit économique, issu de la loi du 11 août 2017 portant insertion du livre XX, Insolvabilité des entreprises, dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX et des dispositions d’application au livre XX, dans le livre Ier du Code de droit économique ;
- article 464/1, § 8, alinéa 5, du Code d’instruction criminelle ;
- article 110 de la Constitution.
Décisions et motifs critiqués
L’arrêt dit non fondé l’appel du demandeur, l’en déboute et le condamne aux dépens d’appel, partant, confirme le jugement entrepris qui avait retenu que la décision du tribunal de l’entreprise prononçant l’effacement des dettes du demandeur n’avait pas eu pour effet d’effacer l’amende pénale et la confiscation par équivalent auxquelles il avait été condamné, par tous les motifs, réputés intégralement reproduits, figurant aux pages 3 à 7 de l’arrêt sous le titre « 1. Quant aux conséquences du jugement du tribunal de l’entreprise du Brabant wallon prononçant l’effacement des dettes du failli [le demandeur] ».
Griefs
Aux termes de l'article XX.173, § 1er, du Code de droit économique :
« Si le failli est une personne physique, il sera libéré envers les créanciers du solde des dettes, sans préjudice des sûretés réelles données par le failli ou un tiers.
L'effacement est sans effet sur les dettes alimentaires du failli et celles qui résultent de l'obligation de réparer le dommage lié au décès ou à l'atteinte à l'intégrité physique d'une personne qu'il a causé par sa faute ».
Étant relative à la matière de la faillite, cette disposition, insérée dans ledit code par la loi du 11 août 2017, est d'ordre public et de stricte interprétation. Il n'en résulte pas que le juge ne pourrait accorder de remise pour les dettes du failli résultant de condamnations à des amendes pénales.
L'effacement des dettes du failli personne physique est en effet de droit. Il ne peut être refusé que si, en application de l'article XX.173, § 3, dudit code, sur requête en opposition de tout intéressé, du curateur ou du ministère public, le tribunal décide que le débiteur a commis des fautes graves et caractérisées qui ont contribué à la faillite, quod non en l'espèce.
Il résulte de l'article XX.173, § 1er, du Code de droit économique que seules les dettes alimentaires du failli et celles qui résultent de l'obligation de réparer le dommage lié au décès ou à l'atteinte à l'intégrité physique d'une personne qu'il a causé par sa faute sont exclues de l'effacement, lequel concerne, pour le surplus, toutes les dettes du failli qui existent au jour de l'ouverture de la faillite, quelles que soient leur cause et leur nature, y compris, dès lors, les dettes résultant d'une amende pénale ou de la condamnation à des frais judiciaires ou à une mesure de confiscation par équivalent, lesquelles ne sont pas visées à l'article XX.173, § 1er, alinéa 2, du Code de droit économique.
L'article XX.173, § 1er, dudit code, avec la portée qu'il convient de lui reconnaître, déroge ainsi à l'article 464/1, § 8, alinéa 5, du Code d'instruction criminelle, disposition antérieure issue des lois du 11 février 2014 portant des mesures diverses visant à améliorer le recouvrement des peines patrimoniales et des frais de justice en matière pénale, lequel dispose que « la remise ou la réduction des peines dans le cadre d'une procédure collective d'insolvabilité ou d'une procédure de saisie civile ne peut être accordée qu'en application des articles 110 et 111 de la Constitution ».
Or, ni l'article 110 de la Constitution, qui confie au Roi « le droit de remettre ou de réduire les peines prononcées par les juges », ni le principe général du droit relatif à la séparation des pouvoirs n'interdisent au juge d'octroyer au failli, dans les conditions fixées par la loi, la remise de dettes résultant de condamnations à des amendes pénales.
Il en résulte que l'arrêt, qui, tout en relevant que l'article XX.173 du Code de droit économique « énonce les dettes incompressibles, sans mentionner les amendes pénales ou confiscations », décide « que la remise ou la réduction de peines pécuniaires pénales et confiscations dans le cadre d'une procédure collective d'insolvabilité, telle que la faillite, qui peut faire naître une procédure de concours, ne peut être consentie que sur la base des articles 110 et 111 de la Constitution » car « les dettes provenant de peines pécuniaires pénales et de confiscations sont des dettes incompressibles en vertu des articles 110 et 111 de la Constitution » et « le fait que […] l'article XX.173 du Code de droit économique n'exclut pas explicitement de l'effacement les amendes pénales ne justifie pas d'opérer une telle exclusion qui – en vertu de la Constitution – ne peut être obtenue que par le biais de la grâce royale », de sorte que « le timing de l'entrée en vigueur de l'article XX.173 de ce code sur l'effacement est sans pertinence », en ce sens qu'il importe peu que cette disposition, pourtant d'ordre public et de stricte interprétation, soit postérieure à l'article 464/1, § 8, alinéa 5, du Code d'instruction criminelle, alors que l'article 110 de la Constitution n'a pas pour portée d'interdire au juge d'octroyer au failli, dans les conditions fixées par la loi, la remise de dettes résultant de condamnations à des amendes pénales, n'est pas légalement justifié (violation de toutes les dispositions visées au moyen).
III. La décision de la Cour
En vertu de l'article 110 de la Constitution, le Roi a le droit de remettre ou de réduire les peines prononcées par les juges.
L’article 464/1, § 8, alinéa 5, du Code d’instruction criminelle dispose que la remise ou la réduction des peines dans le cadre d’une procédure collective d’insolvabilité ou d’une procédure de saisie civile ne peut être accordée qu’en application des articles 110 et 111 de la Constitution.
Conformément à l’article 464/1, § 8, alinéa 4, de ce code, la faillite est une procédure collective d’insolvabilité au sens de cette disposition.
Aux termes de l’article XX.173, § 1er, du Code de droit économique, si le failli est une personne physique, il sera libéré envers les créanciers du solde des dettes, sans préjudice des sûretés réelles données par le failli ou un tiers ; l’effacement est sans effet sur les dettes alimentaires du failli et sur les dettes qui résultent de l’obligation de réparer le dommage lié au décès ou à l’atteinte à l’intégrité physique d’une personne qu’il a causé par sa faute.
Cette disposition ne déroge pas au principe constitutionnel que la remise des peines ne peut être accordée que par la grâce royale.
Il s’ensuit que l’effacement est sans effet sur les dettes du failli résultant de condamnations pénales à des amendes ou à des confiscations.
Le moyen, qui soutient le contraire, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés, en débet, à la somme de cent vingt-six euros quarante et un centimes envers la partie demanderesse et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Simon Claisse, et prononcé en audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-quatre par le président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Thierry Werquin, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.23.0271.F
Date de la décision : 29/03/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-03-29;c.23.0271.f ?

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