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15/02/1974 | BéNIN | N°2

Bénin | Bénin, Cour suprême, Chambre administrative, 15 février 1974, 2


02

Recours en annulation - Fonction publique - Procédure - Délais observés Recevabilité.
Procédure-Sanction disciplinaire déguisée-Garanties-Violation de la loi-Annulation.
Effet non suspensif du recours pour excès de pouvoir - Absence irrégulière au poste - Violation de la loi - Régularité de la suspension du traitement - Rejet.

Forme: Le recours pour excès de pouvoir formé dans les délais prévus par la loi est recevable.

Fond: Lorsqu'une décision portant mutation d'un agent de l'Etat est en réalité une sanction disciplinaire déguisée, alors qu

e les garanties légales n'ont pas été respectées, cette décision mérite annulation.

Par con...

02

Recours en annulation - Fonction publique - Procédure - Délais observés Recevabilité.
Procédure-Sanction disciplinaire déguisée-Garanties-Violation de la loi-Annulation.
Effet non suspensif du recours pour excès de pouvoir - Absence irrégulière au poste - Violation de la loi - Régularité de la suspension du traitement - Rejet.

Forme: Le recours pour excès de pouvoir formé dans les délais prévus par la loi est recevable.

Fond: Lorsqu'une décision portant mutation d'un agent de l'Etat est en réalité une sanction disciplinaire déguisée, alors que les garanties légales n'ont pas été respectées, cette décision mérite annulation.

Par contre, le recours pour excès de pouvoir n'ayant pas un effet suspensif, l'absence à son nouveau poste d'un fonctionnaire muté est irrégulière, et toute requête visant à contester la régularité de la décision portant suspension du traitement dudit fonctionnaire doit être rejetée.

Docteur Gilbert MAOUIGNON
C/
Etat (Ministère de la Santé Publique, Ministère de l'Economie et des Finances)

N° 69-4/CA 15/02/1974

La Cour,
Vu la requête en date du 1er décembre 1969, reçue et enregistrée au Greffe de la Cour Suprême le 18 décembre 1969 sous le n° 755/GCS, par laquelle Joseph KEKE, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte du sieur Gilbert MAOUIGNON, Médecin diplômé d'Etat demeurant à Cotonou, sollicite qu'il plaise à la Cour annuler pour excès de pouvoir:
Une décision n° 216/MSPAS/CG du 9 juin 1969 du Ministre de la Santé Publique et des Affaires Sociales, complétée par le titre d'affectation n° 218/MSP/AS/SG/PCL du 11 juin 1969;
Un message porté n° 1504/MSPAS/SG en date du 4 août 1969 du Ministre de la Santé Publique et des Affaires Sociales au Ministre de l'Economie et des Finances;
Une décision implicite de rejet du recours gracieux par lequel le requérant demandait le 19 octobre 1969 au Ministre de l'Economie et des Finances de revenir sur la décision de suspension de solde qui le frappait exposant qu'il était médecin chef de la Circonscription médicale de Cotonou lorsque, par décision du 9 juin 1969 le Ministre de la Santé Publique et des Affaires Sociales complétée par le titre d'affectation n° 218/MSPAS du 19 juin 1969 de la même Autorité, il fut muté à la Circonscription Médicale d'Adjohoun, poste secondaire dans des conditions qui impliquaient que le déplacement avait un caractère disciplinaire, que la décision n'étant pas motivée, il sollicita et obtint une audience du Chef de l'Etat qui lui indiqua que la mesure provenait du fait qu'il avait été mêlé à des mouvements de grève de fonctionnaires, qu'après ses explications tendant à prouver au Chef de l'Etat qu'il n'en était rien des faits qu'on lui reprochait, ce dernier le rassura et promit de lui rétablir sa situation si une nouvelle enquête lui était favorable; qu'il pensait alors que l'affaire était en voie de règlement lorsqu'au mois d'août 1969, sa solde ne fut pas virée; qu'une lettre du 5 septembre 1969 au Ministre des Finances provoquait de la part de ce dernier une réponse en date du 19 septembre dans laquelle il lui était indiqué que le mandatement de sa solde était suspendu à compter du 14 juin 1969 pour abandon de poste et qu'un bulletin de liquidation de recette de 108.060 lui serait adressé pour couvrir le traitement qui lui avait été servi dans la période du 14 juin au 30 juillet 1969, qu'il sollicita sa mise en disponibilité le 11 septembre 1969, sans réponse, que le 19 octobre 1969, il formait un recours préalable auprès du Ministre de l'Economie et des Finances, demeuré sans suite par le moyen que la mutation n'a pas été faite dans l'intérêt du service, étant donné son grade et ses spécialités de médecin légiste et de médecin spécialiste en médecine du travail, qu'il s'agit d'un déplacement d'office, mesure disciplinaire intervenue en violation de l'article 44 de la loi portant statut général de la Fonction Publique;
Vu le mémoire ampliatif du 9 septembre 1970, reçu et enregistré comme ci-dessus le 11-9-70 sous le n° 489/GC par lequel le docteur MAOUIGNON reprenait les faits et développait ses moyens d'annulation, qu'il y a eu violation des articles 43 et 44 de la loi n° 59-21 du 31 août 1959, violation de la loi et des règles de procédure disciplinaire, que la mutation de Cotonou à Adjohoun pour occuper un poste inférieur revêt le caractère d'un déplacement d'office; qu'une telle mesure ne peut être prescrite qu'après demande d'explication écrite adressée à l'intéressé et sur décision motivée; qu'il y a eu amoindrissement de la situation de l'intéressé;
Violation des articles 26 et 27 de la loi précitée, détournement de pouvoir:
Que les circonstances de l'affectation démontrent qu'elle n'est pas intervenue en fonction des besoins du service mais pour des motifs qui lui sont étrangers, en l'occurrence il s'agit d'un mobile politique car il se trouve être le seul médecin légiste au Dahomey;
Violation de l'article 2 du Code civil, violation de la loi et du principe de non rétroactivité: que la décision de suspension de solde a pris effet à compter du 14 juin 1969, donc antérieurement à la date à laquelle elle a été prise;
Violation de l'article 45 de la loi portant statut général de la Fonction Publique; que s'agissant d'une sanction disciplinaire la situation du requérant devait être réglée dans un délai de quatre mois faute de quoi son traitement devait lui être servi, or son traitement a été définitivement supprimé à compter du mois d'août 1969;
Vu le mémoire en réplique en date du 28 novembre 1970, reçu et enregistré le 1er décembre 1970 sous le N°570/GCS au greffe de la Cour par lequel le Ministre de la Santé Publique et des Affaires Sociales, sur notification du recours faisait les observations suivantes:
Que le requérant est un fonctionnaire de l'Etat susceptible de recevoir toute affectation dans les postes où ses services s'avèrent nécessaires; qu'il a d'ailleurs exercé, avant sa mutation à Cotonou, et cela sans objection de sa part, successivement à Porto-Novo, Parakou, Kandi, Ségbana, Malanville, Banikouara, Abomey-Calavi, etc, toutes formations sanitaires qui ne sont pas plus importantes que la Circonscription Médicale d'Adjohoun que le Docteur Maouignon qualifie à tort de poste secondaire;
Qu'aucun texte ne permet à ce médecin d'exiger de l'Etat des fonctions déterminées ou un emploi précis; que l'affectation en question ne revêt aucun caractère disciplinaire et n'est qu'une mesure dictée par la pénurie de personnel et les nécessités de service; qu'il était du devoir de ce médecin de rejoindre son poste même au cas où il se pourvoirait en justice, que son entêtement à ne pas s'exécuter a entraîné l'application, à son encontre, de l'article 15 du décret n°59/222 du 15 décembre 1959 qui dispose que le fonctionnaire absent irrégulièrement de son poste perd ses droits au traitement à compter du lendemain du jour où son absence a été officiellement constatée; qu'il y a lieu de rejeter purement et simplement le recours du docteur Maouignon;
Vu le mémoire en réponse en date du 14 juin 1971 reçu et enregistré comme ci-dessus le 16/06/71 sous le N°381/GCS par lequel le requérant répliquait aux observations de l'Administration en faisant remarquer que les différentes affectations dont fait état le Ministre n'apportaient aucune justification à la mesure attaquée; qu'en effet, il n'a été affecté au Nord que dans des circonstances données et pour un court moment; qu'une grave épidémie y sévissait et le Chef du Gouvernement l'en avait prié avec insistance, que par ailleurs, la Circonscription médicale d'Adjohoun n'a jamais été tenue par un Docteur an médecine; qu'en y mettant un médecin de son grade, on commet à son encontre une brimade, qu'une preuve de l'embarras dans lequel se trouvait le Ministre de la Santé est qu'il n'avait pu répondre à la lettre du requérant en date du 13 juin 1969 demandant les motifs de son affectation;
Vu le deuxième mémoire en réplique du 5 août 1971 reçu et enregistré comme ci-dessus le 7-8-71 sous le n° 555/CS par lequel le Ministre de la Santé Publique faisait réponse au dernier mémoire du requérant confirmant ses précédents observations et ajoutant que conformément aux dispositions de l'article 68 ce décret n° 287/MP/MFPT du 16 juillet 1966 portant statuts particuliers des corps appartenant au cadre des personnels de la Santé Publique de l'Etat, le docteur MAOUIGNON pouvait être chargé des fonctions de médecin chef des Circonscriptions Médicales ou de Médecin Inspecteur des Ecoles, que tel a été le cas, sa spécialité n'exigeant son maintien dans aucun poste; que plusieurs de ses collègues spécialistes ont accepté des fonctions de simples généralistes ailleurs; que c'est à tort que l'intéressé s'obstine à ne pas intégrer son nouveau poste qui est d'une importance démographique et sanitaire irréfutable;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier;
Vu l'ordonnance 21/PR du 26 avril 1966 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Cour Suprême;
Ouï à l'Audience Publique du vendredi quinze février mil neuf cent soixante quatorze, Monsieur le Président FOURN en son rapport;
Monsieur le Procureur Général GBENOU en ses conclusions;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur la recevabilité du recours du Docteur MAOUIGNON Gilbert
Considérant que malgré toutes les investigations (demande au Ministre de la Santé et Consultation du dossier Administratif du requérant) il n'a pas été possible de connaître la date à laquelle le Docteur MAOUIGNON a reçu notification de la décision et du titre d'affectation attaqués;
Qu'il appartient à l'administration de prouver la date de notification de l'acte administratif querellé, faute de quoi le délai prescrit par l'article 68 de l'Ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 ne court pas contre le requérant;
Considérant que le recours préalable du 19 octobre 1969 sollicitant le retrait des décisions d'affectation et de suspension de solde doit être regardé comme constitutif du recours gracieux prévu par l'article 68 de l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 portant organisation de la Cour Suprême;
Que le recours contentieux datant du 1er décembre 1969 ayant été présenté dans les délais légaux doit être déclaré recevable en la forme;
AU FOND
En ce qui concerne la décision n° 216/MSPAS/SG du 9 juin 1969 du Ministre de la Santé Publique et le titre d'affectation n° 218/MSPAS/SG/PCL du 11 juin 1969.
Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi n° 59-21/ALC du 31 août 1959 portant statut Général de la Fonction Publique, alors applicable; "les affectations des fonctionnaires sont prononcées par l'autorité compétente en fonction des besoins du service ";
Que le Docteur MAOUIGNON affirme, sans être contesté par l'Etat, être le seul médecin légiste du Dahomey, Médecin spécialiste de Médecin du Travail; qu'il invoque des mobiles politiques qui sont à la base de son affectation intervenue après des mouvements de grève de fonctionnaires, ce qui n'est pas nié par le Ministre de la Santé qui se contente d'alléguer son droit d'affecter le requérant partout où besoin sera, qu'au surplus il résulte de l'instruction que le poste de Médecin Chef de la Circonscription Médicale d'Adjohoun n'a jamais été tenu par un Docteur en Médecine;
Considérant qu'il appert de tous ces faits que la mutation du Docteur MAOUIGNON de la Circonscription Médicale de Cotonou à celle d'Adjohoun anciennement tenu par un médecin africain, poste dans lequel il n'aurait pas eu l'occasion d'exercer ses spécialités, doit être regardée comme un déplacement d'office;
Considérant que cette sanction disciplinaire, aux termes des articles 43 et 44 du Statut Général de la Fonction Publique, loi de 1959, ne peut intervenir qu'après "demande d'explication écrite adressée à l'intéressé";
Que la procédure disciplinaire n'ayant pas été observée il convient d'annuler la décision n° 216/MSPAS/SG du 9 juin 1969 du Ministre de la Santé Publique et des Affaires sociales complétée par le titre d'affectation n° 218/MSPAS/SG/PCI du 11 juin 1969;
En ce qui concerne la décision de suspension de solde:
Considérant que l'article 73 de l'ordonnance n° 21/PR du 26 avril 1966 organise la procédure du sursis à l'exécution des décisions des autorités administratives, qu'en effet, les décisions des autorités administratives sont exécutoires même lorsqu'elles sont attaquées devant le juge, sauf lorsque le sursis est ordonné par la Cour Suprême;
Considérant que le fonctionnaire doit remplir personnellement les tâches qui découlent de son emploi, même s'il a été l'objet d'une nomination ou d'une mutation irrégulière, tant que la décision n'est pas annulée, que le recours n'est, en effet, pas suspensif;
Qu'il ne saurait se soustraire à une telle décision, sous quelque prétexte personnel que ce soit;
Qu'en l'espèce le Docteur MAOUIGNON n'ayant pas rejoint son poste a fait l'objet des mesures prévues par les dispositions de l'article 15 du décret n° 59-222 portant réglementation sur la rémunération, les indemnités et avantages matériels divers alloués aux fonctionnaires des administrations et établissements publics de l'Etat du 15 décembre 1959; "le fonctionnaire absent irrégulièrement de son poste perd ses droits au traitement à compter du lendemain du jour où son absence a été officiellement constatée. Sous réserve des mesures administratives qui peuvent être prises à son encontre, il recouvre ses droits au traitement le jour où il reprend effectivement ses fonctions";
Que les moyens soulevés par le Docteur MAOUIGNON et qui sont fondés sur le non respect de la procédure disciplinaire et du principe de non rétroactivité sont en conséquence à rejeter, s'agissant ici d'une simple mesure financière prévue par les textes et non de sanction disciplinaire;
Que la position du requérant, sur le plan du droit au traitement, a d'ailleurs été régularisée par la décision n° 0801/MFPT/DEP/P-2 du 31 décembre 1970 de Ministre de la Fonction Publique;
Considérant qu'en raison des circonstances de la cause, il y a lieu de mettre les dépens à la charge du trésor;

PAR CES MOTIFS
DECIDE :
Article 1er : Le recours susvisé du Docteur MAOUIGNON enregistré le 18 décembre 1969 sous le n° 755/GCS est recevable en la forme:
Article 2: Est annulée la décision n° 216/MSPAS/SG du 9 juin 1969 du Ministre de la Santé Publique et des Affaires Sociales complétée par le titre d'affectation n° 218/MSPAS/SG du 11 juin 1969;
Article 3: Est rejeté le surplus des conclusions du Docteur MAOUIGNON;

Article 4: Les frais sont mis à la charge du Trésor;
Article 5: Notification du présent arrêt sera faite aux parties.
Ainsi fait et délibéré par la Cour Suprême (Chambre Administrative) composée de Messieurs:
Gaston FOURN, Président de la Chambre Administrative...PRESIDENT
Maurille CODJIA et Gérard Marcel AGBOTON ...... CONSEILLERS
Et prononcé à l'audience publique du vendredi quinze février mil neuf cent soixante quatorze, la Chambre étant composée comme il est dit ci-dessus en présence de
Monsieur
Grégoire GBENOU..........PROCUREUR GENERAL
Maître Honoré GERO-AMOUSSOUGA....... GREFFIER EN CHEF.
Et ont signé:
Le Président, Le Greffier en Chef,
Gaston FOURN Honoré GERO AMOUSSOUGA


Synthèse
Formation : Chambre administrative
Numéro d'arrêt : 2
Date de la décision : 15/02/1974

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;bj;cour.supreme;arret;1974-02-15;2 ?
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