La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/1982 | CJUE | N°67/81

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 28 janvier 1982., Marie Hélène Ruske contre Commission des Communautés européennes., 28/01/1982, 67/81


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 28 JANVIER 1982 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Dans la présente affaire de fonctionnaires, il y a lieu de statuer sur la légalité de la décision du jury du concours COM/B/4/80, refusant l'admission de Mme Ruske, fonctionnaire de grade C 1 à la Commission, aux épreuves dudit concours. Il s'agit en l'espèce d'un concours organisé par la Commission des Communautés européennes, sur épreuves, interne à l'institution, qui tendait à la constitution d'une list

e de réserve d'assistants adjoints dans le domaine «documentation, bibliothèque» de la car...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 28 JANVIER 1982 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Dans la présente affaire de fonctionnaires, il y a lieu de statuer sur la légalité de la décision du jury du concours COM/B/4/80, refusant l'admission de Mme Ruske, fonctionnaire de grade C 1 à la Commission, aux épreuves dudit concours. Il s'agit en l'espèce d'un concours organisé par la Commission des Communautés européennes, sur épreuves, interne à l'institution, qui tendait à la constitution d'une liste de réserve d'assistants adjoints dans le domaine «documentation, bibliothèque» de la carrière
B 5/B 4.

Ainsi qu'il résulte des conditions d'admission visées sous le point II. 1 de l'avis de concours, les candidats devaient remplir des conditions différentes, selon

A) qu'ils avaient accompli des études du niveau de l'enseignement secondaire sanctionnées par un diplôme de fin d'études,

B) qu'ils étaient titulaires du diplôme de l'enseignement moyen, ou au contraire,

C) qu'ils ne pouvaient remplir ni l'une ni l'autre de ces conditions d'études scolaires.

Eh fait de condition commune aux trois catégories de candidats, on ne trouvait guère que l'obligation, visée aux points A.3, B.4 et C.3, d'avoir été au service des Communautés en tant que fonctionnaire ou agent pendant une durée totale de quatre ans au 30 juin 1980. Les candidats ayant accompli des études du niveau de l'enseignement secondaire sanctionnées par un diplôme de fin d'études devaient en outre, ainsi qu'il résulte du point A.2, être titulaire d'un diplôme de spécialité dans le domaine
«documentation» et/ou «bibliothèque». Les candidats titulaires d'un diplôme de l'enseignement moyen et qui n'avaient pas fréquenté d'autre école devaient présenter un certificat, ou une attestation, dans le domaine «documentation» et/ou «bibliothèque» (points B.2 et Cl). Ces derniers devaient en outre (points B.3 et C.2) posséder une expérience, respectivement de trois et neuf années au 30 juin 1980, «acquise, ou non, dans les Communautés dans des fonctions de la catégorie C (en tant que commis
principal ou commis) ou dans des fonctions similaires en rapport avec le domaine précisé sous I. Nature des fonctions».

La requérante, au service de la Commission depuis 1960, titulaire d'un diplôme de l'enseignement moyen et assumant depuis 1971 des tâches de documentation/bibliothèque en tant que commis principal, a posé sa candidature audit concours interne le 18 septembre 1980. Dans son acte de candidature, elle a indiqué brièvement les fonctions qu'elle avait exercées jusque-là et précisé notamment qu'elle avait la responsabilité de la gestion et de l'organisation de la nouvelle bibliothèque de la DGIII depuis
le mois d'octobre 1977.

Par lettre du 25 septembre 1980, le chef de la division «recrutement» et président du jury de concours, M. Desbois, l'a informée de ce qu'après examen du dossier la concernant, le jury n'avait pu l'admettre aux épreuves, au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions des points II.1.A.1 et II. 1.B.2 de l'avis de concours.

Le 1er octobre 1980, la requérante a alors adressé une note à M. Desbois dans laquelle elle soutenait entre autres que les appréciations portées à chaque fois dans son dossier, l'expérience professionnelle de sept ans dans le domaine de la documentation, ainsi que les tâches qu'elle assumait depuis trois ans en tant que responsable de la bibliothèque de la DG III, devaient être considérées comme une attestation suffisante au sens des conditions d'admission visées sous le point II.1.B.2. Elle
joignait à cette note un écrit du même jour, de M. Layton, directeur à la DG III, attestant que l'intéressée avait des connaissances parfaites dans le domaine de la documentation.

Entre-temps, par note confidentielle du 29 septembre 1980, l'assistant du directeur général à la DG III, M. Mulfinger, avait également demandé à M. Desbois de reconsidérer cette décision et de tenir compte du fait que la requérante effectuait depuis dix ans, à l'entière satisfaction de ses supérieurs hiérarchiques, des tâches de documentaliste et d'archiviste. Aux termes de cette note, la requérante aurait été nommée, suite à la fusion de la DG III avec la DG XI, bibliothécaire de la DG III et
effectuait les tâches d'un fonctionnaire de la catégorie B.

Dans sa réponse du 2 octobre 1980, M. Desbois s'est référé au fait que, de l'avis même du service considéré, les fonctions de documentaliste et de bibliothécaire — ressortissant à la catégorie B — requièrent une formation de base théorique spécialisée et que cette exigence avait été retenue tant par la commission paritaire que par l'autorité investie du pouvoir de nomination: partant, le jury a pu à bon droit rejeter la candidature de la requérante , quels qu'aient été par ailleurs ses mérites. Dans
sa réponse, M. Desbois ajoutait qu'il n'avait aucune objection à ce que sa note soit communiquée à Mme Ruske, en guise de réponse à celle qu'elle lui avait adressée le 1er octobre 1980.

Ne s'estimant pas satisfaite de cette réponse, Mme Ruske s'est adressée à nouveau par lettre à M. Desbois le 14 octobre 1980, en demandant que le jury soit saisi de ses objections.

Le 29 octobre 1980, elle a finalement introduit une réclamation au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires, dirigée contre le refus d'admission aux épreuves du concours en question. N'ayant reçu aucune réponse dans le délai prévu au statut, elle a introduit le 2 avril 1981 un recours tendant principalement à obtenir de la Cour qu'elle annule la décision du jury du 18 septembre 1980 et déclare que le concours devra être recommencé pour la requérante. A titre subsidiaire, elle
demande l'annulation du rejet implicite par la Commission de la réclamation introduite par la requérante. Enfin, elle demande à la Cour de condamner la Commission aux dépens.

Sur ces différents chefs de demande, nous concluons comme suit:

La requérante fait tout d'abord grief à la décision d'être insuffisamment motivée, de méconnaître le contenu de l'avis de concours et d'être constitutif d'un détournement de pouvoir. Accessoirement, elle fait valoir que la décision enfreint le principe d'égalité et de non-discrimination en ce que les conditions d'admission au concours interne sont plus exigentes que celles du concours général COM/B/185 (JO C 134 du 5. 6. 1980, p. 7), ouvert parallèlement à la procédure interne, également en vue de
la constitution d'une liste de réserve d'assistants adjoints dans le domaine documentation, bibliothèque.

1.  En ce qui concerne, tout d'abord, le grief formel tiré de l'insuffisance des motifs, la requérante fait valoir à cet égard que la notification de la décision, l'informant au moyen d'une simple lettre formulaire qu'elle ne remplissait pas les conditions d'admission II.1.A.1 et II.1.B.2, ne satisfait pas à l'exigence de motivation, telle qu'elle a été définie dans la jurisprudence de la Cour. Compte tenu des conditions, formulées de manière ambiguë dans l'avis de concours, et du nombre
relativement restreint de candidats (43), il y avait lieu, selon elle, de motiver la décision de manière moins sommaire.

Eu égard à l'esprit et à la finalité de l'obligation de motivation, nous croyons qu'il n'est pas possible de se ranger sur ce point à l'argumentation de la requérante. Selon la jurisprudence constante de la Cour, que nous ne nous proposons pas présentement de citer en détail, les décisions du jury doivent être motivées autant que de besoin, afin de permettre en premier lieu à l'intéressée, mais également à la Cour de juger si la décision a été prise à bon droit ou si, au contraire, elle est
entachée d'irrégularité. C'est pourquoi la Cour, entre autres également dans les affaires jointes Salerno et autres ( 2 ) et dans l'affaire Sonne ( 3 ) — citées en l'espèce par la requérante, à l'appui de ses conclusions — a toujours considéré qu'une décision était insuffisamment motivée dès lors qu'elle ne faisait que renvoyer au moyen d'un formulaire type, à une condition requise, insuffisamment explicite, de l'avis de concours. Or, toutes ces affaires ont en commun le fait que le renvoi aux
conditions faisant défaut n'indiquait pas, dans sa généralité, de manière explicite l'élément faisant précisément défaut. En l'espèce, contrairement aux affaires précitées, il résulte clairement de la lettre de rejet — à laquelle était joint un exemplaire de l'avis de concours COM/B/4/80 — qu'ayant jugé non réunies les conditions applicables au cas de figure A — diplôme de fin d'études secondaires — le jury n'a pas voulu admettre la pertinence des pièces versées par la requérante, en tant que
certificat ou attestation dans le domaine «documentation et/ou bibliothèque» au sens du point II.1.B.2.

Etant donné que la condition visée sous II.1.B.2 était de même teneur que celle mentionnée sous II.1.C.1, il ne devait pas non plus échapper à la requérante qu'elle ne satisfaisait pas, selon le jury, aux conditions à remplir par les candidats concernés par le cas de figure C, même si le défaut de cette condition n'était pas expressément mentionné dans la décision par laquelle le jury a refusé de l'admettre aux épreuves.

Il est manifeste que la requérante — ainsi que le montre une note qu'elle a adressée le 1er octobre 1980 à M. Desbois — a compris dans ce sens la décision de rejet du jury. Enfin et surtout, il résulte, à l'évidence, des notes que M. Desbois a adressées en réponse à M. Mulfinger — auxquelles la requérante a eu accès — que le jury n'avait pas voulu admettre, postérieurement à la décision de rejet, «l'attestation» de M. Layton ni la simple affirmation, confirmée par M. Mulfinger, des aptitudes de
la requérante, en tant que certificat ou attestation au sens des conditions d'admission.

2.  La décision attaquée n'étant dès lors pas critiquable d'un point de vue formel, il reste à vérifier si le rejet n'est pas entaché d'erreur au fond. A cet égard, la requérante fait principalement valoir que l'avis. de concours ne faisait nullement apparaître la condition invoquée a posteriori par le jury, selon laquelle seuls pouvaient être admis à concourir les candidats pouvant justifier d'une formation théorique dans le domaine de la documentation et/ou de la bibliothèque. Selon la requérante,
les conditions d'admission visées au point II.1.B.2 et II.l.C.l ont été rédigées de manière suffisamment générale pour qu'on doive admettre tout candidat susceptible de faire la preuve d'une expérience appropriée dans le domaine de la documentation et/ou de la bibliothèque, dès lors qu'il remplit toutes les autres conditions. Elle estime qu'en tout état de cause les appréciations portées à son égard par ses supérieurs hiérarchiques, en tant qu'elles attestent la capacité de la requérante à
s'acquitter des fonctions visées dans l'avis de concours, auraient dû constituer une preuve suffisante à cet égard.

A l'encontre de cette argumentation, la défenderesse se réfère au large pouvoir d'appréciation accordé au jury, en matière de détermination des conditions du concours. Or, la pratique aurait montré que les seules personnes satisfaisant à ces critères d'aptitude étaient précisément celles qui possédaient également des connaissances théoriques dans le ou les domaines considérés. C'est pourquoi on avait décidé d'exiger des candidats, au regard de leur admissibilité aux épreuves, la preuve d'une
formation théorique, quelle qu'elle fût. Or, une telle exigence ne pouvait échapper, à un lecteur attentif, tant en raison du libellé de l'avis de vacance ou de concours qu'en raison de l'agencement systématique des différentes conditions d'admission.

En ce qui concerne cette argumentation, on doit tout d'abord donner acte en principe à la Commission de ce que comme le soulignait la Cour dans l'arrêt qu'elle a rendu dans l'affaire Deboeck ( 4 ), l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer les critères d'aptitude exigés au regard des nouveaux emplois et, partant, pour déterminer, en fonction de ces critères et dans l'intérêt du service, les conditions du concours. Pour autant que l'administration n'excède pas les limites
de son pouvoir d'appréciation, la Cour ne saurait donc se substituer à l'autorité investie du pouvoir de nomination.

On doit supposer en outre, comme la Cour l'a explicité dans l'affaire Szemerey ( 5 ) que rien ne s'oppose en principe à ce que, pour certains emplois ou certaines catégories d'emplois, soient fixées par l'avis de concours des conditions plus sévères que celles — minimales — fixées à l'article 5 du statut des fonctionnaires pour chacune des catégories, que ce soit pour pourvoir à un emploi déterminé vacant ou pour la constitution d'une réserve en vue de pourvoir aux emplois d'une certaine
catégorie. On ne saurait dès lors, en principe, critiquer l'exigence de connaissances théoriques prouvées pour des fonctionnaires de la catégorie B.

Il importe toutefois que cette condition puisse être aisément discernée par les candidats. Ce préalable s'inspire de certaines considérations tirées d'une jurisprudence constante de la Cour selon laquelle le jury doit s'attacher en premier lieu à comparer les titres des candidats aux conditions posées dans l'avis de vacance ou de concours. Une telle comparaison doit se faire sur la base de données objectives, connues de chacun des candidats ( 6 ).

Partant, dans l'arrêt rendu par elle dans l'affaire Heirwegh ( 7 ), la Cour a été amenée à poser des exigences très strictes au regard des conditions requises dans un avis de concours. Selon les termes mêmes de cet arrêt, «le rôle essentiel que l'avis de concours doit jouer d'après le statut, consiste à informer les intéressés d'une façon aussi exacte que possible de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s'agit afin de les mettre en mesure d'apprécier s'il y a lieu pour
eux de faire acte de candidature»: il suffit à cet égard qu'une lecture attentive de l'avis permette aux candidats de saisir la nature des conditions requises.

Le point décisif concerne par conséquent l'interprétation des points II.1.B.2 ou, éventuellement II.1.C.1 — certificat ou attestation dans le domaine «documentation» et/ou «bibliothèque». Il y a donc lieu de vérifier si une lecture attentive de l'avis de concours en cause pouvait permettre à un candidat de discerner l'exigence, au travers de l'avis de concours, d'une formation théorique dans les domaines précités.

Il ne nous est pas possible à cet égard de nous rallier à l'opinion de la défenderesse, selon laquelle il résulterait du libellé même de l'avis qu'on exigeait la preuve d'une formation théorique. Selon la Commission, la variante introduite par la condition requise au point II.1.A.2, dans, lequel il est question d'un «diplôme», est simplement destinée à signaler qu'on exige dans les cas de figure B et C, non une formation complète sanctionnée par un diplôme, mais simplement en l'espèce, la
production d'une attestation certifiant la participation à un cours de formation théorique. Or, nous croyons que si on peut à la rigueur interpréter de la sorte la notion de «certificat» (en allemand: «Zeugnis»; en anglais: «certificate») on ne saurait certes pas, en revanche, soutenir cette thèse en ce qui concerne la deuxième branche de l'alternative, destinée à relativiser le premier terme: dans la version française, il est question à cet endroit d'une «attestation», alors que le texte
anglais s'énonce «other acceptable statement of qualification» et que dans la version néerlandaise qui nous a été soumise, on requiert simplement un «bewijs of getuigschrift». En partant des versions allemande et anglaise qui revêtent — nous semble-t-il — une signification relativement plus précise en ce qui concerne ces dernières conditions, nous ne pouvons en déduire autre chose que l'exigence d'une qualification prouvée, spécifique, dans le domaine de la documentation ou de la bibliothèque.
Or, la requérante satisfait à ces conditions littérales en produisant des appréciations émanant de ses supérieurs hiérarchiques.

En supposant même que les candidats doivent également prouver qu'ils ont acquis des connaissances théoriques spécifiques, cela ne signifie pas pour autant que ces connaissances doivent forcément résulter d'une participation à des cours de formation auprès d'instituts d'enseignement spécialisés: elles peuvent, selon nous, également avoir été acquises de manière autodidacte.

Contrairement à ce que soutient la défenderesse, une interprétation systématique de l'avis de concours ne permet pas d'aboutir à un autre résultat. En particulier, la circonstance qu'on exige dans le cas de figure A, postérieurement à l'accomplissement d'études générales, une formation théorique complète, spécialisée, n'implique pas nécessairement qu'il doive en être de même pour les cas de figure B et C. L'hypothèse visée en A se distingue en effet fondamentalement des autres cas en ce que
l'accomplissement d'études du niveau de l'enseignement secondaire sanctionnées par un diplôme de fin d'études dispense les intéressés d'une expérience professionnelle spécifique. Dans ces conditions, l'exigence d'une formation théorique spécifique, complémentaire, constitue une nécessité logique. Il en serait toutefois autrement si, à l'instar des cas de figure B et C, une expérience professionnelle appropriée était exigée. Compte tenu notamment de la différence dans le libellé, on pourrait
concevoir que la preuve de la compétence dans le domaine «documentation» et/ou «bibliothèque» puisse, également pour cette catégorie, être administrée au moyen d'attestations spécifiques émanant de supérieurs hiérarchiques anciens ou actuels, compétents dans le domaine considéré.

Une telle attestation spécifique, donnant des indications sur les aptitudes particulières du candidat, ne doit pas non plus être confondue avec la justification d'une expérience professionnelle spécifique, telle qu'exigée aux points II.1.B.3 et II.1.C.2. Il suffit en effet aux fins d'une telle justification que le candidat prouve qu'il a exercé des fonctions dans ce domaine particulier durant une période suffisamment longue, sans pour autant que cette preuve préjuge de la qualification de
l'intéressé.

Ces considérations permettent déjà de conclure que la condition visée aux points II.1.B.2 et II.1.C.1 de l'avis de concours — faisant abstraction d'une formation théorique spécifique — ne saurait être interprétée dans le sens retenu par la défenderesse. Cette thèse est corroborée par le fait que 39 candidats dont la candidature avait été rejetée n'ont pas eux non plus, semble-t-il, compris la condition ainsi posée, dans le sens défendu par la défenderesse. Interpréter cette condition
différemment aboutirait au contraire à vouloir «dénicher» au travers des conditions précitées un certain nombre d'exigences ne figurant pas expressément dans ces rubriques, ce qui reviendrait à accorder au jury une marge de manœuvre pratiquement illimitée.

Enfin, eu égard en particulier aux circonstances de l'espèce, il ne serait pas conforme à l'esprit ni à la finalité de l'avis de concours, qui tend à la constitution d'une liste de réserve — en vue du recrutement d'un personnel qualifié — d'exclure la requérante d'une procédure interne de recrutement sur épreuves. Sur ce point, nous partageons l'opinion exprimée par M. Mulfinger dans sa lettre du 29 septembre 1980, à savoir qu'il serait absurde que la requérante se voie empêchée de participer
aux épreuves d'un concours d'accès à la catégorie B alors que cette personne, ainsi qu'il est attesté, exerce depuis des années, dans les domaines considérés, les tâches d'un fonctionnaire de la catégorie B à l'entière satisfaction de ses supérieurs hiérarchiques, cependant qu'à l'inverse la simple présentation de l'un ou l'autre certificat, attestant la participation à un cours de formation théorique, donnerait le droit — pour peu que les autres conditions soient remplies — de participer aux
épreuves du concours.

Il y a lieu dans ce contexte de tenir plus particulièrement compte de ce que le concours sur épreuves — ainsi qu'il s'intitule dans l'avis de concours — a précisément pour but d'apprécier les connaissances du candidat dans le domaine «documentation, bibliothèque», et qu'il serait donc toujours loisible au jury de vérifier, dans le cadre de cette procédure, les connaissances théoriques de la requérante.

Étant donné qu'il est logiquement impossible, à tous points de vue, d'interpréter le point II.1.B.2 du concours interne COM/B/4/80 comme impliquant l'obligation de justifier d'une formation théorique dans de domaine «documentation» et/ou «bibliothèque», le jury, en refusant d'admettre la requérante aux épreuves du concours au motif qu'elle ne remplirait pas cette condition, a fondé sa décision sur des critères autres que ceux figurant dans l'avis de concours, et violé par suite l'article 5,
premier alinéa, de l'annexe III du statut des fonctionnaires, aux termes duquel tous les candidats répondant aux conditions fixées par l'avis de concours doivent figurer sur la liste des candidats admis aux épreuves.

Dans ces conditions, il est superflu d'examiner les autres griefs présentés par la requérante.

3.  Outre l'annulation de la décision de rejet du jury, il suffira, pour préserver les intérêts de la requérante, conformément aux conclusions déposées par elle, de ne recommencer le concours que pour la seule requérante.

4.  Eu égard aux considérations qui précèdent, nous concluons à l'annulation de la décision par laquelle le jury du concours COM/B/4/80 a refusé d'admettre la requérante aux épreuves et suggérons d'enjoindre à la défenderesse de rouvrir la procédure en ce qui concerne la requérante. Étant donné que la défenderesse a succombé sur tous les points, il y a lieu de la condamner, conformément à l'article 69, paragraphe 2 du règlement de procédure, aux frais et dépens de l'instance.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( 1 ) Traduit de l'allemand.

( 2 ) Arrêt du 30. 11. 1978 dans les affaires jointes 4, 19 et 28/78 — Salerno et autres/Commission — Recueil 1978, p. 2403.

( 3 ) Arret du. 5. 4. 1979 dans l'affaire 112/78 — Dorothea Sonne, épouse Kobor/Commission — Recueil 1979 p. 1573.

( 4 ) Arret du 16. 10. 1975 dans l'affaire 90/74 — Franane Deboeck/Commission — Recueil 1975, p. 1123.

( 5 ) Arrêt du 2. 10. 1979 dans l'affaire 178/78 — John Szemerey/Commission — Recueil 1979, p. 2855.

( 6 ) Voir: Arrêt du 14. 6. 1972 dans l'affaire 44/71 — Antonio Marcato/Commission — Recueil 1972, p. 427; Arret du 15. 3. 1973 dans l'affaire 37/72 — Antonio Marcato/Commission — Recueil 1973, p. 361; Arrêt du 4. 12. 1975 dans l'affaire 31/75 — Mario Constacurta/Commission — Recueil 1975, p. 1563; Arrêt du 28. 2. 1980 dans l'affaire 89/79 — Francesco Bonu/Conseil, Recueil 1980, p. 553.

( 7 ) Arrêt du 28. 6. 1979 dans l'affaire 255/78 — Andrée Heirwegh, épouse Anselme et Roger Constant/Commission — Recueil 1979, p. 2323.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 67/81
Date de la décision : 28/01/1982
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaire: admission à concours interne.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Marie Hélène Ruske
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: Koopmans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1982:22

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award