La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/11/2000 | CJUE | N°C-384/99

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique., 30/11/2000, C-384/99


Avis juridique important

|

61999J0384

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 30 novembre 2000. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'Etat - Télécommunications - Interconnexion des réseaux - Interopérabilité des services - Fourniture d'un service universel. - Affaire

C-384/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-10633

Sommaire
Pa...

Avis juridique important

|

61999J0384

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 30 novembre 2000. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement d'Etat - Télécommunications - Interconnexion des réseaux - Interopérabilité des services - Fourniture d'un service universel. - Affaire C-384/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-10633

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

Recours en manquement - Examen du bien-fondé par la Cour - Situation à prendre en considération - Situation à l'expiration du délai fixé par l'avis motivé

(Art. 226 CE)

Sommaire

$$Dans le cadre d'un recours au titre de l'article 226 CE, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour. (voir point 16)

Parties

Dans l'affaire C-384/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. B. Doherty, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par Mme A. Snoecx, conseiller à la direction générale des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, en qualité d'agent, rue des Petits Carmes, 15, Bruxelles,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en n'ayant pas correctement transposé l'article 5 de la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP) (JO L 199, p. 32), en liaison avec l'annexe I de celle-ci, et en n'ayant pas adopté toutes les mesures requises pour mettre en oeuvre
l'article 5 de ladite directive, en liaison avec les annexes I et III de celle-ci, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces dispositions et du traité CE,

LA COUR

(troisième chambre),

composée de MM. C. Gulmann (rapporteur), président de chambre, J.-P. Puissochet et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 15 juin 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 8 octobre 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en n'ayant pas correctement transposé l'article 5 de la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau
ouvert (ONP) (JO L 199, p. 32, ci-après la «directive»), en liaison avec l'annexe I de celle-ci, et en n'ayant pas adopté toutes les mesures requises pour mettre en oeuvre l'article 5 de la directive, en liaison avec les annexes I et III de celle-ci, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces dispositions et du traité CE.

2 L'article 5 de la directive, intitulé «Interconnexion et contributions au service universel», dispose:

«1. Lorsqu'un État membre établit, conformément aux dispositions du présent article, que les obligations de service universel représentent une charge inéquitable pour un organisme, il met en place un mécanisme de partage du coût net des obligations de service universel avec d'autres organismes exploitant des réseaux publics de télécommunications et des services de téléphonie vocale accessibles au public. Les États membres tiennent dûment compte des principes de transparence, de non-discrimination et
de proportionnalité lorsqu'ils fixent les contributions à apporter. Seuls les réseaux publics de télécommunications et les services de télécommunications accessibles au public figurant à l'annexe I première partie peuvent être financés de cette manière.

2. ...

3. Pour déterminer la charge éventuelle que représente la fourniture du service universel, les organismes ayant des obligations de service universel calculent, à la demande de leur autorité réglementaire nationale, le coût net de ces obligations conformément à l'annexe III. Le calcul du coût net des obligations de service universel est vérifié par l'autorité réglementaire nationale ou un autre organisme compétent, indépendant de l'organisme de télécommunications, et approuvé par l'autorité
réglementaire nationale. Le résultat du calcul du coût et les conclusions de la vérification sont mis à la disposition du public, conformément à l'article 14 paragraphe 2.

4. Lorsque le calcul du coût net visé au paragraphe 3 le justifie et compte tenu de l'avantage éventuel sur le marché qu'en retire un organisme offrant un service universel, les autorités réglementaires nationales déterminent s'il y a lieu d'établir un mécanisme de partage du coût net des obligations de service universel.

5. ...

Les autorités réglementaires nationales veillent à ce qu'un rapport annuel soit publié, indiquant le coût calculé des obligations de service universel et précisant les contributions apportées par toutes les parties concernées.

6. En attendant que la procédure décrite aux paragraphes 3, 4 et 5 soit mise en oeuvre, toutes les redevances que doit payer une partie connectée et qui englobent une contribution ou servent de contribution au coût des obligations de service universel sont notifiées, avant leur introduction, à l'autorité réglementaire nationale. Sans préjudice de l'article 17 de la présente directive, lorsque l'autorité réglementaire nationale estime de son propre chef ou sur demande justifiée d'une partie
intéressée que ces redevances sont excessives, l'organisme concerné doit les réduire. Ces réductions sont appliquées rétroactivement, à compter de la date d'introduction des redevances, mais pas avant le 1er janvier 1998.»

3 L'annexe I de la directive définit les réseaux publics de télécommunications et les services de télécommunications accessibles au public spécifiques dont les États membres doivent, conformément à l'article 3, paragraphe 2, de la directive, assurer l'interconnexion efficace et appropriée, dans la mesure nécessaire pour en garantir l'interopérabilité au profit de tous les utilisateurs sur le territoire de la Communauté. La première partie de cette annexe concerne le réseau téléphonique public fixe.

4 L'annexe III de la directive définit le système de calcul du coût net des obligations de service universel pour la téléphonie vocale. Les organismes assumant ces obligations doivent, conformément à l'article 5, paragraphe 3, de la directive, utiliser le système ainsi défini afin de déterminer la charge éventuelle que représente la fourniture dudit service.

5 En vertu de l'article 23, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive, les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 31 décembre 1997 et ils en informent immédiatement la Commission.

6 Par un courrier du 13 janvier 1998, le gouvernement belge a notifié à la Commission la loi du 19 décembre 1997 modifiant la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques afin d'adapter le cadre réglementaire aux obligations en matière de libre concurrence et d'harmonisation sur le marché des télécommunications découlant des décisions de l'Union européenne (Moniteur belge du 30 décembre 1997, p. 34986). La Commission est cependant parvenue à la conclusion que
cette loi n'avait pas transposé complètement la directive. Par une lettre du 24 août 1998, elle a donc mis le royaume de Belgique en demeure de lui présenter, dans un délai de deux mois à compter de la réception de cette lettre, ses observations au sujet des griefs y exposés.

7 Ultérieurement, le gouvernement belge a, par plusieurs lettres, informé la Commission d'un certain nombre de mesures destinées à achever la transposition de la directive en droit belge. Après avoir procédé à l'analyse de ces informations, la Commission a estimé que les mesures adoptées par le royaume de Belgique n'étaient pas conformes à certaines dispositions de la directive.

8 Le 9 mars 1999, la Commission a donc notifié au royaume de Belgique un avis motivé concluant que, en étendant le champ des services pouvant être financés au titre du service universel à la prestation de services à des tarifs préférentiels en faveur de la presse écrite, non conformes à l'article 5, paragraphe 1, de la directive, en liaison avec son annexe I, et en ne prenant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l'article 5 de la
directive, en liaison avec ses annexes I et III, en ce qui concerne le service universel ou, en tout cas, en ne lui communiquant pas lesdites dispositions, le royaume de Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive. La Commission a invité le royaume de Belgique à prendre les mesures requises pour se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

9 Le 26 avril 1999, le gouvernement belge a notifié à la Commission l'arrêté royal du 4 mars 1999 adaptant certaines dispositions de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques aux directives de l'Union européenne et modifiant certaines dispositions de cette loi relatives au service universel (Moniteur belge du 14 avril 1999, p. 12149). D'une part, cet arrêté étend aux appels à destination du Centre européen pour enfants disparus et sexuellement exploités
les appels gratuits aux services d'urgence bénéficiant d'un financement au titre du service universel. D'autre part, il prend en compte la nouvelle tarification de l'opérateur Belgacom, en charge du service universel en Belgique, pour ce qui concerne les bénéficiaires du service social fourni et financé au titre du service universel.

10 Considérant que le gouvernement belge n'avait communiqué aucune modification législative ou réglementaire répondant aux griefs exposés dans l'avis motivé du 9 mars 1999 et que, de ce fait, ceux-ci restaient entiers et inchangés, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

11 Dans sa requête, la Commission fait valoir que le droit belge ne respecte pas la directive, en formulant les trois griefs suivants:

- Premièrement, des tarifs préférentiels seraient accordés à des journaux quotidiens et à certains hebdomadaires ainsi qu'à l'agence de presse Belga. Ceci irait au-delà de ce que permet l'annexe I de la directive, qui limiterait aux «personnes handicapées ou ayant des besoins sociaux particuliers» les mesures particulières financées au titre du service universel.

- Deuxièmement, la méthode de calcul des contributions des opérateurs au financement du coût net du service universel serait incomplète et elle ne respecterait pas les obligations de transparence définies à l'article 5, paragraphe 1, de la directive. Plus précisément, le royaume de Belgique n'aurait pas adopté et publié, ou en tout état de cause pas notifié à la Commission, la mesure détaillant cette méthode de calcul.

- Troisièmement, la méthode de calcul du coût du service universel, décrite actuellement dans ses grandes lignes par la loi du 21 mars 1991, telle que modifiée, serait incorrecte en ce sens qu'elle ne prendrait notamment pas en compte les bénéfices «immatériels» liés à la fourniture du service universel et ne serait donc pas conforme à l'article 5, paragraphe 4, de la directive. En outre, elle ne prendrait pas en compte les principes comptables exposés à l'annexe III de la directive en ce qui
concerne la notion de coût net évitable, la prise en compte des coûts et recettes prévisionnels et non historiques et la prise en compte des recettes directes et indirectes inhérentes à la fourniture de chacun des services financés au titre du service universel.

12 Le gouvernement belge ne conteste pas que les dispositions combinées de l'article 5 et des annexes I et III de la directive n'ont pas été correctement transposées dans le délai imparti à son article 23, paragraphe 1, premier alinéa.

13 Ce gouvernement fait toutefois valoir que, en ce qui concerne le premier grief de la Commission, il a adopté, le 3 décembre 1999, un projet de loi qui prévoit en substance que les tarifs préférentiels accordés à certains journaux quotidiens, à certains magazines et à l'agence Belga ne peuvent plus être financés par les contributions d'autres opérateurs. Les tarifs préférentiels relèveront désormais des missions d'intérêt général attribuées à Belgacom et financées par des contributions de l'État
belge.

14 En ce qui concerne les deuxième et troisième griefs, le gouvernement belge soutient qu'il a adopté, le 23 décembre 1999, l'arrêté royal adaptant les articles 1er et 4 de l'annexe 2 de la loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises publiques économiques à la directive 97/33 (Moniteur belge du 9 février 2000, p. 3926). Les nouvelles dispositions applicables décriraient en détail la méthode de calcul du coût net de l'obligation de service universel, en tenant compte des avantages
dont peut bénéficier un opérateur de services universels ainsi que des critères énoncés à l'annexe III de la directive. Ce gouvernement aurait également adopté une circulaire administrative du 31 janvier 2000 (Moniteur belge du 18 février 2000, p. 5142) qui spécifie la notion de chiffre d'affaires à utiliser pour calculer la contribution des opérateurs au coût net du service universel.

15 Dans une lettre adressée à la Cour le 3 avril 2000, la Commission observe que, à son avis, la législation belge respecte désormais la directive en ce qui concerne les aspects soulevés par les deuxième et troisième griefs. Toutefois, pour ce qui est du premier grief, la Commission fait valoir qu'elle est toujours en train d'examiner la compatibilité des tarifs préférentiels, accordés à la presse belge en vertu de la nouvelle législation, avec les dispositions du traité relatives aux aides d'État.
Dans cette lettre, la Commission ne s'est cependant pas désistée d'un quelconque de ses trois griefs.

16 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt du 16 décembre 1997, Commission/Italie, C-316/96, Rec. p. I-7231, point 14).

17 En l'espèce, l'arrêté royal adaptant les articles 1er et 4 de l'annexe 2 de la loi du 21 mars 1991, invoqué par le gouvernement belge, a été adopté le 23 décembre 1999 et la circulaire administrative spécifiant la notion de chiffre d'affaires à utiliser pour calculer la contribution des opérateurs au coût net du service universel, également invoquée, a été adoptée le 31 janvier 2000, alors que le délai imparti par la Commission dans l'avis motivé expirait le 9 mai 1999. Dès lors, quand bien même
ces mesures constitueraient une transposition correcte de la directive, elles ne pourraient pas être prises en compte dans le cadre du présent recours.

18 Il convient dès lors de constater que, en ne mettant pas en vigueur, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux dispositions combinées de l'article 5 et des annexes I et III de la directive, le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

19 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(troisième chambre)

déclare et arrête:

1) En ne mettant pas en vigueur, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux dispositions combinées de l'article 5 et des annexes I et III de la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997, relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d'assurer un service universel et l'interopérabilité par l'application des principes de fourniture d'un réseau ouvert (ONP), le
royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2) Le royaume de Belgique est condamné aux dépens.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-384/99
Date de la décision : 30/11/2000
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'Etat - Télécommunications - Interconnexion des réseaux - Interopérabilité des services - Fourniture d'un service universel.

Rapprochement des législations

Télécommunications


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume de Belgique.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Gulmann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2000:660

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award