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25/04/2002 | CJUE | N°C-184/01

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 25 avril 2002., Peter Hirschfeldt contre Agence européenne pour l'environnement (AEE)., 25/04/2002, C-184/01


Avis juridique important

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62001C0184

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 25 avril 2002. - Peter Hirschfeldt contre Agence européenne pour l'environnement (AEE). - Pourvoi - Fonctionnaires - Concours interne - Annulation - Transfert - Promotion - Article 8 du statut. - Affaire C-184/01 P.
Recue

il de jurisprudence 2002 page I-10173

Conclusions de l'avocat général

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Avis juridique important

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62001C0184

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 25 avril 2002. - Peter Hirschfeldt contre Agence européenne pour l'environnement (AEE). - Pourvoi - Fonctionnaires - Concours interne - Annulation - Transfert - Promotion - Article 8 du statut. - Affaire C-184/01 P.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-10173

Conclusions de l'avocat général

1. Dans la présente affaire, le demandeur au pourvoi, M. Hirschfeldt, demande à la Cour de justice d'annuler l'arrêt rendu dans l'affaire T-166/00 (ci-après l'«arrêt attaqué») et les deux décisions de l'Agence européenne pour l'environnement (ci-après l'«AEE») qui étaient en cause dans cette affaire.

2. L'arrêt attaqué concernait deux décisions prises par l'AEE en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination AIPN. La première décision avait trait à l'annulation d'un concours interne organisé en vue du recrutement d'un fonctionnaire de grade A 4/A 5 à l'AEE. La seconde concernait le transfert de M. Hirschfeldt, à sa demande, de la Commission vers l'AEE. Par l'arrêt attaqué, le Tribunal de première instance a rejeté la demande de M. Hirschfeldt tendant à l'annulation de la première
décision ainsi que de la seconde décision dans la mesure où elle le classait en tant que fonctionnaire de grade A 5 (plutôt que de grade A 4).

Les dispositions législatives pertinentes

3. Le statut des fonctionnaires et autres agents (ci-après le «statut») établit des dispositions générales relatives au recrutement et au transfert des fonctionnaires.

4. L'article 8 du statut dispose comme suit:

«Le fonctionnaire qui a été détaché dans une autre institution des trois Communautés européennes peut, à l'issue d'un délai de six mois, demander à être transféré dans cette institution.

S'il est fait droit à cette demande, du commun accord de l'institution d'origine du fonctionnaire et de l'institution dans laquelle il a été détaché, le fonctionnaire est alors réputé avoir accompli sa carrière communautaire au sein de cette dernière institution. Il ne bénéficie au titre de ce transfert d'aucune des dispositions financières prévues au présent statut à l'occasion de la cessation définitive des fonctions d'un fonctionnaire dans une institution des Communautés.

La décision faisant droit à cette demande, si elle emporte titularisation dans un grade supérieur à celui que l'intéressé occupe dans son institution d'origine, est assimilée à une promotion et ne peut intervenir que dans les conditions prévues à l'article 45.»

5. Aux termes de l'article 27, paragraphe 1, du statut:

«Le recrutement doit viser à assurer à l'institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité.»

6. L'article 29, paragraphe 1, du statut dispose comme suit:

«En vue de pourvoir aux vacances d'emploi dans une institution, l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné:

a) les possibilités de promotion et de mutation au sein de l'institution;

b) les possibilités d'organisation de concours internes à l'institution;

c) les demandes de transfert de fonctionnaires d'autres institutions des trois Communautés européennes

ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. La procédure de concours est déterminée à l'annexe III.

Cette procédure peut être ouverte également en vue de constituer une réserve de recrutement.»

Faits et procédure

7. Le cadre factuel et procédural de l'affaire, tel qu'il ressort de l'arrêt attaqué, peut être résumé comme suit.

8. M. Hirschfeldt (ci-après le «demandeur au pourvoi») a été affecté en tant que fonctionnaire à la DG XI (actuellement la direction générale «Environnement») de la Commission, de 1987 à 1996. En janvier 1997 il a, à sa demande, été détaché à l'AEE. À ce moment-là, il était fonctionnaire de grade A 5. Avec effet au mois d'avril 1997, il a été nommé directeur financier de l'AEE en tant qu'agent temporaire de grade A 4.

9. Le 14 septembre 1999, l'AEE a publié un avis de concours interne pour le recrutement d'un fonctionnaire de grade A 5/A 4 pour le poste de chef du département des finances de l'AEE (concours EEA/T/99/1). Le demandeur au pourvoi a posé sa candidature à ce concours le 23 septembre 1999.

10. Dans une lettre du 22 septembre 1999 adressée à M. Jiménez-Beltrán, directeur exécutif de l'Agence européenne pour l'environnement, le directeur de la direction A «Politique du personnel» à la DG IX (à présent direction générale «Personnel et Administration»), M. Bisarre, a exprimé des doutes sur la légalité du concours envisagé. Il déclarait, notamment, ce qui suit:

«La décision d'ouvrir un concours pour l'emploi de responsable du département des finances me paraît [...] regrettable à deux titres: elle est contraire à une politique introduite à la demande des agences et qui reste difficilement admise par la représentation du personnel de la Commission; elle ne répond pas à un besoin de service incontestable, puisque le but recherché - pourvoir l'emploi qui sera vacant en février 2000 - peut être atteint plus facilement par l'utilisation du transfert.

[...]

Je ne peux donc que vous inviter à reconsidérer l'organisation du concours EEA/99/1 et à réexaminer la possibilité d'un transfert [du requérant à l'AEE], au grade et à l'échelon qu'il avait lors de son détachement. Comme vous l'ont déjà indiqué mes services, [l'AEE] pourra ensuite le promouvoir au grade supérieur dès que les conditions statutaires seront remplies.

[...]

Si toutefois vous préfériez continuer dans la voie du concours interne, la DG [IX] se verrait au regret de ne pas s'associer à ce dernier ni à aucun de ceux que vous seriez amenés à organiser dans le futur pour pourvoir vos autres emplois permanents. Elle devrait également renoncer définitivement pour l'avenir à l'utilisation des transferts au profit de l'[AEE]».

11. Le 24 septembre 1999, l'AEE a annoncé sa décision d'annuler le concours EEA/T/99/1 (ci-après la «première décision litigieuse»). M. Jiménez-Beltrán a communiqué cette décision au demandeur au pourvoi par lettre du 27 septembre 1999. Dans cette lettre, il déclare, notamment, ce qui suit:

«J'ai le regret de vous informer que, après la réception de cette lettre [de M. Bisarre], je n'ai pas d'autre alternative que d'annuler le concours interne pour lequel vous avez fait acte de candidature.

Au vu du contenu de cette lettre, je vous encourage vivement à demander, aussitôt que possible, votre transfert de la Commission à l'AEE, cela étant la seule possibilité pour vous de continuer à travailler pour l'agence».

12. Le demandeur au pourvoi a alors demandé son transfert de la Commission à l'AEE, conformément à l'article 8 du statut, le 27 octobre 1999. Par lettre du 6 décembre 1999, la Commission l'a informé de son accord sur ce transfert. Dans cette lettre, elle relevait que le demandeur au pourvoi était classé au grade A 5 (depuis le 1er avril 1996), échelon 3 (depuis le 1er août 1996). Par décision du 13 décembre 1999, le demandeur au pourvoi a été transféré auprès de l'AEE avec effet au 1er novembre 1999
(ci-après la «seconde décision litigieuse»). Dans cette décision, son classement était fixé au grade A 5, échelon 3.

13. Le demandeur au pourvoi a introduit des réclamations, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, à l'encontre des deux décisions litigieuses. Ces deux réclamations ont été rejetées par l'autorité investie du pouvoir de nomination à l'AEE.

L'arrêt faisant l'objet du pourvoi

14. Devant le Tribunal, le demandeur au pourvoi a conclu à l'annulation de la première décision litigieuse ainsi que de la seconde décision litigieuse, en ce qu'elle fixait son classement au grade A 5, échelon 3, avec effet au 1er novembre 1999.

15. En ce qui concerne la première décision litigieuse, il invoquait un moyen unique, tiré de la violation de l'article 27 du statut. Se référant à la lettre de M. Bisarre, du 22 septembre 1999, il soutenait que c'était en raison d'un «accord interinstitutionnel» que l'AEE avait choisi de pourvoir le poste de directeur financier par voie de transfert plutôt que d'organiser un concours interne. Le choix de la procédure de recrutement n'aurait donc pas été déterminé par les nécessités du service,
comme l'imposait l'article 27 du statut, mais par une directive imposée par la Commission. Étant contraire au statut, la décision d'annuler le concours EEA/T/99/1 serait donc illégale.

16. En ce qui concerne la seconde décision litigieuse, il soulevait également un moyen unique, tiré de la violation des articles 5, 8 et 45 du statut. Il relevait, plus particulièrement, que la décision de le transférer à l'AEE, en application de l'article 8 du statut, avait pour objet de le titulariser dans l'emploi qu'il occupait depuis plus de deux ans en qualité d'agent temporaire de grade A 4 à l'AEE. Il soutenait, en outre, que l'AEE aurait dû, conformément à l'article 8, deuxième alinéa, du
statut, «reconstituer» sa carrière et - considérant qu'il avait vocation à être promu depuis le 1er avril 1998 - examiner la possibilité de le promouvoir dans le contexte des exercices 1998 et 1999.

17. Le Tribunal n'a pas admis les arguments de M. Hirschfeldt.

18. En ce qui concerne la première décision litigieuse, le Tribunal a rappelé que selon une jurisprudence constante , l'autorité investie du pouvoir de nomination n'est pas tenue de donner suite à une procédure de recrutement engagée en application de l'article 29 du statut . Selon le Tribunal, il découle de la même jurisprudence que si l'AIPN dispose d'un pouvoir discrétionnaire quant à la suite à donner à un concours, elle est, par là même, en droit d'annuler celui-ci lorsqu'il existe des doutes
sur la légalité du recours à une telle procédure . Le fait que, en l'espèce, les doutes aient été soulevés par un tiers, à savoir la Commission, ne saurait être assimilé à un «accord interinstitutionnel» et ne vicie pas la manière dont l'AIPN a exercé son pouvoir discrétionnaire .

19. Le Tribunal a ajouté qu'en tout état de cause M. Hirschfeldt ne justifiait pas d'un intérêt pour agir aux fins de l'annulation de la première décision litigieuse . Ayant été nommé au poste de directeur financier à l'AEE, avant l'introduction de son recours devant le Tribunal, seul son classement au grade A 5 était susceptible de lui faire grief. Le fait que le poste ait été pourvu par voie de transfert plutôt que par voie de concours n'était pas susceptible de l'affecter, étant donné que l'avis
de concours du 22 avril 1999 portait sur le recrutement d'un fonctionnaire de grade A 5/A 4 et que la personne nommée à l'issue du concours n'aurait donc pas nécessairement été classée au grade A 4.

20. En ce qui concerne la seconde décision litigieuse, le Tribunal a constaté que, ayant été transféré à sa demande, M. Hirschfeldt était réputé, en application de l'article 8, deuxième alinéa, du statut, avoir accompli l'ensemble de sa carrière communautaire au sein de l'AEE . Toutefois, le Tribunal a constaté - ce que l'intéressé lui-même avait admis à l'audience - que l'on ne pouvait déduire de l'article 8, troisième alinéa, du statut un droit automatique à être promu dans le cadre d'un transfert
. L'argument suivant lequel l'AEE aurait dû examiner la possibilité de promouvoir M. Hirschfeldt ne pouvait pas non plus être accepté . La promotion d'un fonctionnaire en application de l'article 8, troisième alinéa, du statut est possible seulement lorsque i) le transfert du fonctionnaire doit nécessairement emporter la titularisation dans un grade supérieur, et ii) que la promotion respecte les conditions prévues à l'article 45 du statut . Dans le cas de M. Hirschfeldt, le Tribunal a considéré que
la première de ces conditions n'était pas remplie. Nonobstant le fait qu'il avait été nommé agent temporaire de grade A 4 à l'AEE, il était resté - conformément aux règles relatives au détachement - fonctionnaire de grade A 5 à la Commission . Son transfert à un poste de la carrière A 5/A 4 à l'AEE n'emportait donc pas nécessairement sa titularisation dans un grade supérieur à celui qu'il détenait à la Commission .

21. Partant, le Tribunal a rejeté comme non fondé le recours de M. Hirschfeldt.

Le pourvoi

22. Dans le cadre du pourvoi, le demandeur au pourvoi conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler l'arrêt du Tribunal;

- annuler la première décision litigieuse;

- annuler la seconde décision litigieuse, pour autant qu'elle fixe son classement au grade A 5, échelon 3, avec effet au 1er novembre 1999;

- condamner l'AEE aux dépens.

23. L'AEE conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- rejeter le pourvoi comme irrecevable, en ce qu'il conteste des constatations de fait du Tribunal, et comme non fondé pour le surplus;

- à titre subsidiaire, au cas où la Cour déciderait d'annuler l'arrêt attaqué, renvoyer l'affaire devant le Tribunal,

- condamner le demandeur au pourvoi aux dépens du présent pourvoi.

La première décision litigieuse

- Recevabilité

24. Le demandeur au pourvoi fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en décidant, au point 27 de l'arrêt attaqué, qu'il ne justifiait pas d'un intérêt pour agir en annulation de la première décision litigieuse. Il soutient que si son nom avait été inscrit sur la liste des lauréats du concours annulé par cette décision, l'AIPN de l'AEE aurait dû le titulariser dans l'emploi et le grade qui était le sien en qualité d'agent temporaire (grade A 4). L'AIPN aurait dû, en tout état de
cause, examiner la possibilité de le promouvoir au titre de l'article 31, paragraphe 2, du statut .

25. Selon l'AEE, le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit. Elle souligne que, selon une jurisprudence constante, l'intérêt pour agir d'une personne s'apprécie au moment de l'introduction du recours . Cependant, au moment de l'introduction du présent pourvoi, le demandeur au pourvoi avait déjà été nommé au poste concerné. De plus, l'avis de concours mentionnait que l'emploi relevait de la carrière A 5/A 4, de sorte que la personne nommée à cet emploi à l'issue du concours n'aurait pas
nécessairement été classée au grade A 4.

26. Il est manifeste, comme le souligne l'AEE, que les commentaires exposés au point 27 de l'arrêt attaqué - suivant lesquels M. Hirschfeldt ne justifiait pas d'un intérêt juridique aux fins de l'annulation de la première décision litigieuse - étaient obiter dicta, comme le confirment le libellé du jugement («En outre et en tout état de cause») et le fait que le Tribunal a jugé le recours non fondé, mais non irrecevable. Il n'est dès lors pas nécessaire que la Cour statue en l'espèce sur la question
de savoir si le point de vue exprimé par le Tribunal sur la question de l'intérêt juridique est erroné en droit.

27. Nous osons toutefois suggérer que l'arrêt attaqué repose sur une interprétation indûment étroite de la notion d'intérêt juridique. Le fait que le demandeur au pourvoi n'aurait pas nécessairement été titularisé au grade A 4 en cas de réussite au concours supprimé ne le prive pas, à notre sens, d'un intérêt juridique à voir annuler cette suppression. Il apparaît du dossier que, eu égard aux qualifications et à l'expérience professionnelle du demandeur, ainsi qu'aux besoins particuliers de l'AEE,
celui-ci aurait eu une forte chance d'être titularisé au grade A 4. Dans ces circonstances, il nous paraît inapproprié de lui dénier le droit de saisir le Tribunal, motif pris d'un défaut d'intérêt.

- Sur le fond

28. Le demandeur au pourvoi soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la lettre de la Commission du 22 septembre 1999, dans laquelle elle exprimait des doutes sur la légalité et le caractère approprié du concours EEA/T/99/1, n'équivalait pas à un «accord institutionnel» et ne viciait pas l'exercice, par l'AIPN, de son pouvoir discrétionnaire au titre de l'article 27, paragraphe 1, du statut.

29. Il soutient que, tout en ayant un large pouvoir discrétionnaire aux fins de la mise en oeuvre d'une procédure de recrutement, l'autorité investie du pouvoir de nomination doit exercer ce pouvoir dans l'intérêt du service. Or, se référant à la lettre du 27 septembre 1999 de M. Jiménez-Beltrán , le demandeur au pourvoi soutient que la première décision litigieuse n'a été adoptée que dans le but d'aller au devant de la menace explicite de la Commission de «renoncer définitivement pour l'avenir à
l'utilisation des transferts au profit de l'[AEE]». L'AIPN n'a donc pas exercé son pouvoir discrétionnaire ni agi dans l'intérêt du service, comme l'exige l'article 27, paragraphe 1, du statut. Il soutient, en outre, que puisque le concours envisagé aurait été ouvert à tous les fonctionnaires communautaires remplissant les conditions visées dans l'avis de concours, on ne saurait soutenir que le concours avait été organisé à seule fin de le nommer au poste déclaré vacant.

30. L'AEE s'oppose à ces arguments.

31. Elle soutient, tout d'abord, que le moyen soulevé par le demandeur au pourvoi est irrecevable parce qu'il a trait à des constatations de fait ou à une appréciation des faits, contenues dans l'arrêt attaqué. À son sens, la question de savoir si les doutes exprimés par la Commission, dans sa lettre du 22 septembre 1999, à propos du concours envisagé, ont vicié l'exercice, par l'AIPN, de son pouvoir d'appréciation n'est pas une question de droit, susceptible d'être contrôlée par la Cour au titre de
l'article 225 CE et de l'article 51 du statut.

32. Selon l'AEE, le moyen soulevé par le demandeur au pourvoi n'est pas non plus fondé. Elle souligne que le Tribunal a jugé que l'AEE avait décidé de supprimer le concours EEA/T/99/1 parce que ce concours - contrairement à une jurisprudence bien établie - avait été organisé en vue uniquement de pallier les anomalies d'une situation administrative concernant un fonctionnaire particulier et de nommer ledit fonctionnaire au poste déclaré vacant. Dans ces circonstances, l'organisation d'un concours
interne n'aurait manifestement pas été dans l'intérêt du service, de sorte que l'AEE était en droit d'annuler le concours.

33. Nous sommes d'accord avec l'AEE pour considérer que le moyen soulevé par le demandeur au pourvoi est irrecevable.

34. Il ressort de l'arrêt attaqué que le Tribunal a estimé que l'AEE a annulé le concours EEA/T/99/1 parce qu'elle avait des doutes sur sa légalité à la lumière de la jurisprudence de la Cour concernant les concours essentiellement destinés à titulariser un candidat donné dans un poste vacant. Cet aspect de l'arrêt attaqué - conforme aux motifs exposés dans la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination à l'AEE rejetant la réclamation formée par le demandeur au pourvoi au titre de
l'article 90, paragraphe 2, du statut - est, à notre sens, une constatation de fait, qui ne peut pas être soumise au contrôle de la Cour.

35. En conclusion, il y a lieu selon nous de rejeter comme irrecevable le premier moyen avancé par le demandeur au pourvoi.

La seconde décision litigieuse

36. Selon le demandeur au pourvoi, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la seconde décision litigieuse était légale pour autant qu'elle titularisait le demandeur au pourvoi au grade A 5, troisième échelon, avec effet au 1er novembre 1999. À l'appui de ce moyen, il se fonde, essentiellement, sur deux arguments.

37. Premièrement, il soutient que le Tribunal de première instance a commis une erreur de droit en jugeant que la promotion d'un fonctionnaire dans le cadre de l'article 8, troisième alinéa, du statut n'est possible que lorsque le transfert de ce fonctionnaire emporte nécessairement sa titularisation à un grade plus élevé et que cette condition n'était pas remplie en l'espèce. Selon lui, la seconde décision litigieuse doit s'analyser non comme une décision de le transférer de la Commission sur un
poste vacant de la catégorie A 5/A 4 de l'AEE, mais comme une décision de le titulariser dans l'emploi qu'il occupait déjà à l'AEE en tant qu'agent temporaire de grade A 4. À cet égard, il souligne que c'est en sa qualité d'agent temporaire à l'AEE de grade A 4 qu'il a sollicité le transfert et il soutient que, en application des principes de sécurité juridique et de confiance légitime, un fonctionnaire transféré à la suite d'un détachement (et à sa propre demande) doit être titularisé dans l'emploi
et au grade occupés par le fonctionnaire concerné, dans son institution d'affectation, en tant qu'agent temporaire. Cette interprétation est, de l'avis du demandeur au pourvoi, corroborée par le libellé de l'article 8, troisième alinéa, qui se réfère à la «titularisation» des fonctionnaires transférés à leur propre demande.

38. Deuxièmement, le demandeur au pourvoi soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant (implicitement) ses arguments au soutien d'une violation de l'article 8, deuxième alinéa, du statut. Selon lui, il résulte des termes de cette disposition - qui veut que le fonctionnaire transféré est réputé avoir accompli l'ensemble de sa carrière communautaire au sein de l'institution vers laquelle il a été transféré - que l'autorité investie du pouvoir de nomination à l'AEE était tenue, en
approuvant le transfert, d'examiner si sa carrière avait été correctement «reconstruite» et, dans ce contexte, de considérer la possibilité de le promouvoir. Dans ce contexte, il se réfère à une lettre du 26 avril 1999 dans laquelle le directeur exécutif de l'AEE a encouragé le demandeur au pourvoi à solliciter son transfert et dans laquelle il déclarait que «your present category and grade A 4 would be confirmed and your years of service with the European Environment Agency recognised» («vous serez
confirmé dans votre présente catégorie et grade A 4, et vos années de service à l'Agence européenne de l'environnement vous seront reconnues»). En s'abstenant d'examiner si l'AEE avait effectivement reconstitué sa carrière correctement (et examiné les possibilités de promotion) et en s'abstenant de répondre à ces arguments à cet égard, le Tribunal a commis une erreur de droit et omis de motiver, de manière appropriée, sa décision sur ce point.

39. L'AEE conteste l'un et l'autre de ces arguments.

40. Elle soutient, premièrement, que l'emploi et le grade occupés par un fonctionnaire détaché ne sont pas pertinents aux fins de l'article 8 du statut. Cette disposition n'implique pas un droit pour le fonctionnaire d'être titularisé dans l'emploi et au grade qu'il occupe en tant qu'agent temporaire en détachement. Au contraire, il ressort du libellé du de l'article 8, troisième alinéa - qui se réfère au grade «occupé [par le fonctionnaire transféré] dans son institution d'origine» - qu'un
fonctionnaire transféré conserve normalement le grade qui est le sien au moment du transfert dans l'institution d'origine. Ainsi que l'a jugé l'arrêt attaqué, la possibilité d'une titularisation dans un grade plus élevé, envisagée à l'article 8, troisième alinéa, n'existe qu'au cas où, par dérogation à la situation normale, la décision accordant le transfert emporte nécessairement titularisation dans un grade supérieur à celui occupé par le fonctionnaire dans l'institution d'origine. Dans ce cas, le
transfert doit être considéré comme une promotion et est dès lors soumis, conformément à l'article 8, troisième alinéa, aux conditions prévues à l'article 45 du statut .

41. Or, le demandeur au pourvoi a demandé à être transféré d'un poste de fonctionnaire de grade A 5 à la Commission à un emploi de grade A 5/A 4 à l'AEE, de sorte que ce transfert ne nécessitait pas sa titularisation dans un grade supérieur. Le Tribunal n'a donc pas commis d'erreur de droit en rejetant l'argument du demandeur suivant lequel il avait un droit à être titularisé sur le poste qu'il occupait à l'AEE en tant qu'agent temporaire de grade A 4.

42. L'AEE s'oppose également à l'argument du demandeur au pourvoi - fondé sur l'article 8, deuxième alinéa, du statut - suivant lequel le Tribunal aurait dû vérifier si l'autorité investie du pouvoir de nomination à l'AEE a examiné les possibilités de promotion en liaison avec le transfert. Il découle certes de cette disposition que l'autorité investie du pouvoir de nomination à l'AEE doit, lors des exercices de promotion à tenir dans les années suivant son transfert, considérer l'ensemble de la
carrière du demandeur au sein de la fonction publique communautaire comme si elle avait été accomplie à l'AEE, mais cette disposition n'oblige pas l'AIPN à effectuer, au moment du transfert, un examen séparé de la situation spécifique du demandeur au pourvoi en vue de le promouvoir. En ce qui concerne le demandeur au pourvoi, l'AEE a satisfait aux obligations que lui impose l'article 8, deuxième alinéa, puisqu'elle a examiné sa situation lors de l'exercice de promotion pour l'an 2000 et qu'elle a
ajouté son nom à la liste des fonctionnaires promouvables.

43. Partant, l'AEE estime que le Tribunal n'a pas commis une erreur de droit en rejetant l'argument suivant lequel l'AEE aurait dû examiner les possibilités de promouvoir le demandeur au pourvoi et qu'il a rencontré de manière appropriée les arguments de ce dernier.

44. Bien que nous ne soyons pas entièrement d'accord avec l'interprétation de l'article 8, troisième alinéa, du statut adoptée par le Tribunal et soutenue par l'AEE dans le cadre du pourvoi, l'approche légèrement différente que nous proposons n'aurait pas abouti à un résultat différent de l'arrêt attaqué.

45. L'article 8, troisième alinéa, renvoie à des situations où un transfert «emporte» («involves, umfaßt, gepaard gaat met, comporta, implicase, medfører») titularisation dans un grade supérieur. Ainsi que l'a souligné le demandeur au pourvoi, cette phrase n'apparaît pas limitée à une situation dans laquelle le transfert emporte «nécessairement» une titularisation dans un grade supérieur. Il y a lieu, toutefois, d'interpréter le troisième alinéa dans le contexte de l'article 8 pris dans son
ensemble, eu égard au système du statut.

46. L'article 8, deuxième alinéa, montre en particulier, à l'évidence, que le système des transferts repose sur le principe de continuité des carrières des fonctionnaires communautaires. D'une part, les droits d'un fonctionnaire transféré ne doivent pas être lésés: le fonctionnaire est réputé avoir accompli l'ensemble de sa carrière communautaire au sein de l'institution d'accueil. D'autre part, un transfert n'implique pas normalement une promotion pour le fonctionnaire concerné. Un fonctionnaire
transféré demeure dans le grade qu'il avait au moment du transfert dans l'institution d'origine. Toute titularisation dans un grade supérieur est exceptionnelle et doit se conformer aux règles régissant la promotion.

47. La promotion des fonctionnaires communautaires a lieu dans le cadre d'exercices réguliers de promotion conformément à des modalités définies dans le statut et destinées à garantir l'égalité de traitement de tous les candidats à travers un examen comparatif de leurs mérites. Les dispositions envisageant la promotion de fonctionnaires en dehors de ces procédures doivent être d'interprétation restrictive.

48. Partant, l'article 8 du statut ne saurait, selon nous, être interprété de manière à exiger la promotion d'un fonctionnaire lors de son transfert, ou d'exiger que l'on envisage sa promotion en dehors du cadre des procédures régulières régies, en particulier, par l'article 45. L'article 8, deuxième alinéa, garantit au fonctionnaire transféré qu'il ne sera pas lésé en termes de promotion du fait de son transfert, alors que le troisième alinéa ne fait qu'autoriser sa promotion, à titre exceptionnel,
dans l'hypothèse visée par cette disposition - en tant que conséquence d'une nécessité administrative réelle ou pour toute autre raison liée, par exemple, à l'organisation du service concerné - sous réserve du respect des conditions prévues à l'article 45.

49. Cette interprétation de l'article 8 du statut, qui apparaît cohérente avec la pratique des institutions, se justifie en outre pour des raisons d'égalité de traitement. Si les fonctionnaires transférés après une période de détachement devaient bénéficier soit d'un droit à la titularisation dans le grade qu'ils détenaient en tant qu'agents temporaires en détachement, soit d'un droit à voir examiner leur situation particulière en vue d'une promotion, ces fonctionnaires se verraient accorder un
avantage par rapport aux fonctionnaires qui, plutôt que de chercher un transfert, optent de rester dans leur institution communautaire d'origine. Il n'y a rien dans les dispositions du statut qui suggère qu'une différence de ce genre ait été voulue et elle apparaît, en tout état de cause, injustifiée.

50. Enfin, nous ne pouvons accepter la thèse du demandeur au pourvoi, qui veut que le Tribunal aurait omis d'examiner ses arguments fondés sur l'article 8, deuxième alinéa, du statut et que l'arrêt attaqué serait sur ce point entaché d'un défaut de motivation.

51. Certes, le Tribunal n'a pas explicitement statué sur l'interprétation de l'article 8, deuxième alinéa, du statut; toutefois, il a manifestement examiné l'argument principal du demandeur au pourvoi suivant lequel l'autorité investie du pouvoir de nomination est obligée de «reconstruire» la carrière d'un fonctionnaire transféré et qu'elle doit, dans ce contexte, examiner la possibilité de le promouvoir. Après avoir jugé - au point 42 de l'arrêt attaqué - que cet argument ne trouvait pas d'appui à
l'article 8, troisième alinéa, du statut, le Tribunal a conclu, en termes généraux, que «le transfert du requérant n'a pas entraîné l'obligation, pour l'AEE, d'examiner la possibilité de le promouvoir dans les conditions prévues aux articles 8 et 45 du statut» . Selon nous, cette dernière phrase, qui conclut le raisonnement du Tribunal, fait implicitement apparaître - et de manière suffisamment claire - que le Tribunal était d'avis que le libellé et l'économie de l'article 8 du règlement, considéré
dans son ensemble - y compris son deuxième alinéa - ne militaient pas en faveur de l'argument essentiel développé par le demandeur au pourvoi.

52. Il convient, dans ces conditions, de rejeter comme non fondé le deuxième moyen soulevé par le demandeur au pourvoi.

Conclusion

53. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour:

1) de rejeter le pourvoi;

2) de condamner le demandeur au pourvoi aux dépens du présent pourvoi.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-184/01
Date de la décision : 25/04/2002
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé, Pourvoi - irrecevable
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi - Fonctionnaires - Concours interne - Annulation - Transfert - Promotion - Article 8 du statut.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Peter Hirschfeldt
Défendeurs : Agence européenne pour l'environnement (AEE).

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Timmermans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2002:268

Source

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