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04/09/2014 | CJUE | N°C-408/12

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, YKK Corporation e.a. contre Commission européenne., 04/09/2014, C-408/12


ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

4 septembre 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Ententes — Marchés des fermetures à glissière et des autres types de fermetures ainsi que des machines de pose — Responsabilités successives — Plafond légal de l’amende — Article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 — Notion d’‘entreprise’ — Responsabilité personnelle — Principe de proportionnalité — Multiplicateur de dissuasion»

Dans l’affaire C‑408/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour d

e justice de l’Union européenne, introduit le 3 septembre 2012,

YKK Corporation, établie à Tokyo (Japon),

YKK Hold...

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

4 septembre 2014 ( *1 )

«Pourvoi — Ententes — Marchés des fermetures à glissière et des autres types de fermetures ainsi que des machines de pose — Responsabilités successives — Plafond légal de l’amende — Article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 — Notion d’‘entreprise’ — Responsabilité personnelle — Principe de proportionnalité — Multiplicateur de dissuasion»

Dans l’affaire C‑408/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 septembre 2012,

YKK Corporation, établie à Tokyo (Japon),

YKK Holding Europe BV, établie à Sneek (Pays-Bas),

YKK Stocko Fasteners GmbH, établie à Wuppertal (Allemagne),

représentées par Mes D. Arts, W. Devroe, E. Winter et F. Miotto, avocats,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. A. Bouquet et R. Sauer, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), G. Arestis, J.‑C. Bonichot et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. V. Tourrès, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 octobre 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 février 2014,

rend le présent

Arrêt

1 Par leur pourvoi, YKK Corporation (ci-après «YKK Corp.»), YKK Holding Europe BV (ci-après «YKK Holding») et YKK Stocko Fasteners GmbH (ci-après «YKK Stocko») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne YKK e.a./Commission (T‑448/07, EU:T:2012:322, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel ce dernier a rejeté leur recours tendant à obtenir, à titre principal, l’annulation de la décision C(2007) 4257 final de la Commission, du 19 septembre 2007, relative à une procédure
d’application de l’article [81 CE] (affaire COMP/39.168 – PO/Articles de mercerie métalliques et plastiques: Fermetures) (ci-après la «décision litigieuse»), dans la mesure où elle les concernait, ainsi que, à titre subsidiaire, l’annulation ou la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée par cette décision, dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 26 février 2009 (JO C 47, p. 8).

Le cadre juridique

2 L’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE]et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), dispose:

«La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81 CE] ou [82 CE], ou

[...]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[...]»

3 La communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la «communication sur la coopération de 1996»), prévoyait à son titre D:

«1. Lorsqu’une entreprise coopère sans que les conditions exposées aux titres B et C soient toutes réunies, elle bénéficie d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération.

2. Tel peut notamment être le cas si:

— avant l’envoi d’une communication des griefs, une entreprise fournit à la Commission des informations, des documents ou d’autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l’existence de l’infraction commise,

— après avoir reçu la communication des griefs, une entreprise informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations.»

4 La communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la «communication sur la coopération de 2002»), énonce à son titre B:

«20. Les entreprises qui ne remplissent pas les conditions prévues au titre A peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de l’amende qui à défaut leur aurait été infligée.

21. Afin de pouvoir prétendre à une telle réduction, une entreprise doit fournir à la Commission des éléments de preuve de l’infraction présumée qui apportent une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission, et doit mettre fin à sa participation à l’activité illégale présumée au plus tard au moment où elle fournit ces éléments de preuve.

[…]

23. Dans toute décision finale arrêtée au terme de la procédure administrative, la Commission déterminera:

a) si les éléments de preuve fournis par une entreprise ont représenté une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission;

b) le niveau de réduction dont l’entreprise bénéficiera, qui s’établira comme suit par rapport au montant de l’amende qu’à défaut la Commission aurait infligée:

— Première entreprise à remplir la condition énoncée au point 21: réduction comprise entre 30 et 50 %;

— Deuxième entreprise à remplir la condition énoncée au point 21: réduction comprise entre 20 et 30 %;

— Autres entreprises remplissant la condition énoncée au point 21: réduction maximale de 20 %.

Pour définir le niveau de réduction à l’intérieur de ces fourchettes, la Commission prendra en compte la date à laquelle les éléments de preuve remplissant la condition énoncée au point 21 ont été communiqués et le degré de valeur ajoutée qu’ils ont représenté. Elle pourra également prendre en compte l’étendue et la continuité de la coopération dont l’entreprise a fait preuve à partir de la date de sa contribution.

En outre, si une entreprise fournit des éléments de preuve de faits précédemment ignorés de la Commission qui ont une incidence directe sur la gravité ou la durée de l’entente présumée, la Commission ne tiendra pas compte de ces faits pour fixer le montant de l’amende infligée à l’entreprise qui les a fournis.

[…]

28. À compter du 14 février 2002, la présente communication remplace la communication de 1996 pour toutes les affaires dans lesquelles aucune entreprise ne s’est prévalue de cette dernière. La Commission examinera s’il y a lieu de modifier la présente communication dès qu’elle aura acquis une expérience suffisante de son application».

Les antécédents du litige

5 Les antécédents du litige et la décision litigieuse sont exposés aux points 1 à 6, 8, 10, 12, 14, 16 à 18 et 20 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants:

«1 La première requérante, YKK Corp. est une entreprise japonaise. Elle est l’un des leaders mondiaux du marché des fermetures à glissière, mais opère également dans le secteur des ‘autres types de fermetures’.

2 La deuxième requérante, [YKK Holding] est une entreprise établie aux Pays-Bas. Elle a 24 filiales dont [YKK Stocko]. Elle est une filiale à 100 % d’YKK Corp. Ses filiales fabriquent des boutons et des fermetures. Elle ne produit, ne vend et ne distribue aucun de ces produits. Elle est un holding à caractère purement financier.

3 La troisième requérante, [YKK Stocko], anciennement Stocko Fasteners GmbH et Stocko Verschlußtechnik GmbH & Co. KG, est une société allemande installée à Wuppertal. Elle a été constituée en 1901 et enregistrée sous le nom d’YKK Stocko Fasteners en septembre 1995, lorsque YKK Holding a racheté 76 % de ses parts avant d’en acquérir la totalité en mars 1997.

4 Le secteur de la fabrication d’articles de fermeture peut être divisé en deux grandes catégories, à savoir les fermetures à glissière et les ‘autres types de fermetures’, comprenant différents types de boutons-pression, fermoirs à pression et fermetures à pression, mais aussi fermetures à pince, agrafes, œillets, boutons pour jeans, rivets et accessoires en métal et en plastique destinés aux secteurs du cuir et de l’habillement.

5 Les 7 et 8 novembre 2001, la Commission des Communautés européennes a effectué des vérifications […] dans les locaux de plusieurs producteurs d’articles de mercerie métalliques et plastiques, d’autres articles de mercerie et de fils (parmi lesquels Entaco Ltd, Coats plc et William Prym GmbH & Co. KG), ainsi qu’auprès du Fachverband Verbindungs- und Befestigungstechnik [association des entreprises allemandes du secteur des produits métalliques] (ci-après ‘VBT’).

6 Le 26 novembre 2001, les groupes Prym et Coats, invoquant la [communication sur la coopération de 1996], ont présenté des demandes tendant à ce qu’il en soit fait application concernant le secteur des fermetures à glissière.

[…]

8 Le 8 août 2003, [YKK Stocko] (devenue YKK Stocko Fasteners), invoquant la [communication sur la coopération de 2002], a présenté une demande concernant les ‘autres types de fermetures’.

[…]

10 Le 16 septembre 2004, la Commission a adressé une communication des griefs (ci-après la ‘communication des griefs’) concernant les ‘autres types de fermetures’, les machines de pose et les fermetures à glissière aux sociétés Prym Fashion, William Prym, Éclair Prym, Fiocchi Prym, Fiocchi Snaps France, YKK Stocko Fasteners, YKK Holding, YKK Corp., Coats, A. Raymond, Berning & Söhne, Berning France, Scovill Fasteners Europe (anciennement Unifast), Scovill Fasteners ainsi qu’au VBT.

[…]

12 Le 12 novembre 2004, le groupe Prym, invoquant la communication sur la coopération de 2002, a présenté, au nom de l’ensemble de ses filiales, une demande d’immunité ou, à titre subsidiaire, de réduction du montant des amendes concernant les ‘autres types de fermetures’.

[…]

14 Le 18 février 2005, le groupe YKK, invoquant la communication sur la coopération de 2002, a présenté une demande de réduction du montant des amendes concernant les ‘autres types de fermetures’.

[…]

16 Les éléments de preuve fournis à l’appui des demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 2002 des groupes Prym et YKK ont permis à la Commission d’adresser aux sociétés concernées, le 7 mars 2006, une communication des griefs complémentaire (ci-après la ‘communication des griefs complémentaire’).

17 Ladite communication des griefs complémentaire, concernant les ‘autres types de fermetures’, les machines de pose et les fermetures à glissière a été adressée aux sociétés A. Raymond, Berning & Söhne et Berning France, Coats et Coats Deutschland et Éclair Prym, Prym Fashion, Fiocchi Prym, Scovill Fasteners Europe, Scovill Fasteners, William Prym, YKK Corp., YKK Holding et [YKK Stocko], ainsi qu’au VBT. […]

18 La communication des griefs complémentaire portait sur les mêmes produits que ceux de la communication des griefs et, au besoin, corrigeait, précisait, synthétisait et étendait les griefs qui y étaient formulés. […]

[…]

20 Après avoir consulté le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes, et au vu du rapport final du conseiller-auditeur, la Commission a adopté, le 19 septembre 2007, la [décision litigieuse].»

6 Par la décision litigieuse, la Commission a constaté, d’une part, l’existence de quatre infractions distinctes aux règles de concurrence du droit de l’Union commises dans le secteur des articles de mercerie métalliques et plastiques ainsi que des fermetures et que, d’autre part, les requérantes ont participé à trois d’entre elles, à savoir:

— la coopération au sein des cercles de Bâle-Wuppertal et d’Amsterdam sur le marché des fermetures métalliques et plastiques («autres types de fermetures») et des machines de pose, au cours de la période allant du mois de mai 1991 à celui de mars 2001, dans le cadre de laquelle les participants se sont mis d’accord, lors des réunions, sur des augmentations coordonnées des prix et ont échangé des informations confidentielles sur les prix et la mise en œuvre des augmentations de prix, à l’échelon
allemand et européen (ci-après la «coopération BWA»);

— la coopération bilatérale entre les groupes Prym et YKK sur le marché des autres types de fermetures, entre l’année 1999 et l’année 2003. Cette infraction a consisté en des accords et des pratiques concertées portant sur la fixation de prix, notamment de prix minimaux, moyens et indicatifs, le contrôle des augmentations des prix au moyen d’échanges réguliers de barèmes de prix et de contacts bilatéraux fréquents et la répartition de la clientèle, à l’échelon européen et mondial, et

— la coopération tripartite entre les groupes YKK, Coats et Prym, sur le marché des fermetures à glissière, au cours de la période allant du mois d’avril 1998 à celui de novembre 1999, durant laquelle les participants ont échangé des informations sur les prix, discuté des prix et des augmentations de prix et convenu d’une méthode de fixation de prix minimaux pour les produits standard sur le marché européen (ci-après la «coopération tripartite»).

7 En conséquence, la Commission a infligé aux entreprises concernées des amendes pour infraction à l’article 81 CE dont le montant a été calculé en application de la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article [65, paragraphe 5, CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices de 1998»), ainsi que dans les communications sur la coopération de 1996 et de 2002.

8 En ce qui concerne la coopération BWA, la décision litigieuse a infligé des amendes aux entreprises suivantes:

— A. Raymond Sarl: 8325000 euros;

— Berning & Söhne GmbH & Co. KG: 1123000 euros;

— Scovill Fasteners Europe SA et Scovill Fasteners Inc., conjointement et solidairement responsables: 6002000 euros;

— William Prym GmbH & Co. KG et Prym Inovan GmbH & Co. KG, conjointement et solidairement responsables: 24913000 euros;

— YKK Stocko: 68250000 euros, dont YKK Corp. et YKK Holding sont tenues conjointement et solidairement responsables pour la somme de 49000000 euros;

— Fachverband Verbindungs- und Befestigungstechnik: 1000 euros.

9 À cet égard, il convient de relever que, selon la décision litigieuse, YKK Stocko a participé à l’infraction pendant l’ensemble de la durée de celle-ci, à savoir durant neuf ans et neuf mois, tandis que YKK Corp. et YKK Holding n’ont commencé à y prendre part (directement ou indirectement) qu’après l’acquisition de la société allemande Stocko en 1997 (devenue YKK Stocko) et y ont participé pendant quatre ans (considérants 466 à 468 et article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse).

10 C’est la raison pour laquelle, d’une part, YKK Corp. et YKK Holding sont tenues pour responsables non pas du paiement de la totalité de l’amende infligée à YKK Stocko, mais uniquement de la somme de 49000000 euros et, d’autre part, cette dernière entreprise a été tenue pour seule responsable du paiement du reste de l’amende qui lui a été infligée, soit 19250000 euros (article 2, paragraphe 1, de la décision litigieuse).

11 S’agissant de la coopération bilatérale entre les groupes Prym et YKK sur le marché des autres types de fermetures, une amende de 19500000 euros a été infligé à YKK Corp., YKK Holding et YKK Stocko, à titre de responsabilité conjointe et solidaire. En revanche, selon la décision litigieuse, le groupe Prym remplissait les conditions pour pouvoir bénéficier d’une immunité totale de l’amende qui, à défaut, lui aurait été infligée pour cette infraction.

12 Enfin, concernant les infractions commises dans le cadre de la coopération tripartite, les amendes suivantes ont été infligées:

— YKK Corp. et YKK Holding, conjointement et solidairement responsables: 62500000 euros;

— Coats Holdings Ltd. et Coats Deutschland GmbH, conjointement et solidairement responsables: 12155000 euros;

— William Prym GmbH & Co. KG et Prym Inovan GmbH & Co. KG, conjointement et solidairement responsables: 6727500 euros, dont Éclair Prym Group SA est tenue pour conjointement et solidairement responsable pour un montant de 5850000 euros.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

13 Au soutien de leur recours aux fins d’annulation de la décision litigieuse, les requérantes ont soulevé huit moyens, dont l’ordre d’examen a été modifié par le Tribunal et qui ont été répartis en trois catégories.

14 Premièrement, les requérantes ont soulevé cinq moyens relatifs à la coopération tripartite, tirés, en substance de:

— l’absence de preuve de l’existence de l’infraction (premier moyen);

— l’appréciation erronée de la nature et de la mise en œuvre de l’infraction, d’une part, et de l’impact concret de celle-ci, d’autre part (deuxième, troisième et quatrième moyens), et

— l’application erronée des communications sur la coopération de 1996 et de 2002 (cinquième moyen);

15 Deuxièmement, sans contester l’existence de l’infraction, elles ont soulevé deux moyens relatifs à la coopération BWA tirés de:

— l’application erronée de la limitation de l’amende en ce que la Commission n’a pas appliqué le plafond de 10 % à YKK Stocko, en tant que filiale, pour la période antérieure à l’acquisition de celle-ci, en 1997, par YKK Holding (sixième moyen);

— l’application erronée du multiplicateur de dissuasion dans le calcul de l’amende infligée à YKK Stocko pour la période antérieure à ladite acquisition (septième moyen).

16 Troisièmement, les requérantes ont soulevé un huitième moyen commun aux infractions liées à la coopération tripartite ainsi qu’à la coopération BWA et tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité concernant l’application du multiplicateur de dissuasion de 1,25 lors du calcul de l’amende.

17 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’ensemble des moyens soulevés par les requérantes et, partant, il a rejeté leur recours et a condamné ces dernières aux dépens.

Les conclusions des parties devant la Cour

18 Les requérantes concluent à ce que la Cour:

— à titre principal, annule l’arrêt attaqué et l’article 2, paragraphes 1 et 3, de la décision litigieuse dans la mesure où elle les concerne et/ou réduise les amendes qui leur ont été infligées;

— à titre subsidiaire, renvoie l’affaire devant le Tribunal, et

— condamne la Commission aux dépens.

19 La Commission demande à la Cour:

— à titre principal, de rejeter le pourvoi,

— à titre subsidiaire, de rejeter le recours en annulation dirigé contre la décision litigieuse, et

— de condamner les requérantes à la totalité des dépens relatifs tant à la procédure de pourvoi qu’à celle de première instance.

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen, tiré du défaut de motivation de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la coopération tripartite

Argumentation des parties

20 Dans le cadre de leur premier moyen, les requérantes reprochent au Tribunal de ne pas avoir dûment exposé les motifs pour lesquels il a rejeté leur moyen tiré du caractère disproportionné du montant de départ de l’amende, fixé à 50 millions d’euros, eu égard à l’absence d’impact sur le marché pertinent de l’infraction en cause. Ce défaut de motivation empêcherait les requérantes de déterminer si le Tribunal a rejeté ce moyen parce ce qu’il considère que la Commission a suffisamment pris en compte
l’impact de l’infraction sur le marché ou, à l’inverse, si elle n’a pas pris en compte un tel impact parce qu’elle n’avait pas l’obligation de le faire.

21 S’il devait ressortir de l’arrêt attaqué que la Commission a suffisamment pris en compte l’impact de l’infraction sur le marché, les requérantes font valoir que, en statuant ainsi, le Tribunal a mal interprété la décision litigieuse et a enfreint le droit de l’Union, en particulier l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1/2003. Le Tribunal aurait également méconnu la jurisprudence de la Cour qui impose à la Commission, lorsqu’elle juge approprié de tenir compte de l’impact de
l’infraction sur le marché pour majorer le montant de départ de l’amende au-delà du montant minimal envisageable de 20 millions d’euros prévu par les lignes directrices de 1998, de fournir des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur ledit marché.

22 En revanche, s’il devait ressortir de l’arrêt attaqué que la Commission n’a pas pris en compte l’impact de l’infraction sur le marché parce qu’elle n’était pas tenue de le faire, les requérantes font valoir que, en statuant de la sorte, le Tribunal a appliqué de manière incorrecte le droit de l’Union en vertu duquel les sanctions prévues par le droit national et le droit de l’Union doivent non seulement être effectives et avoir un effet dissuasif, mais également être proportionnelles à
l’infraction. À cet égard, les requérantes soutiennent qu’il est disproportionné de faire passer le montant minimal envisageable de 20 à 50 millions d’euros (soit une augmentation de 250 %) sans tenir compte de l’absence d’impact de la coopération tripartite sur le marché. S’il devait en aller autrement, l’arrêt attaqué accorderait trop d’importance à la taille de l’entreprise en tant qu’élément de détermination du montant de l’amende et contredirait les lignes directrices de 1998 ainsi que la
jurisprudence de la Cour.

23 La Commission estime que les arguments des requérantes doivent être rejetés comme non fondés ou irrecevables.

Appréciation de la Cour

24 Il y a lieu de constater d’emblée que le Tribunal a clairement exposé, notamment aux points 140 à 143 de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles, selon lui, la Commission avait pu qualifier l’infraction en cause de «particulièrement grave» et fixer, en conséquence, le montant de départ de l’amende à 50 millions d’euros, sans prendre en compte l’impact concret de cette infraction sur le marché pertinent, puisqu’elle n’avait pas l’obligation de le faire.

25 Comme le Tribunal l’a relevé auxdits points 140 et 143 de l’arrêt attaqué, en se référant au point 1, A, des lignes directrices de 1998, cet impact ne doit être pris en considération que «lorsqu’il est mesurable». Selon le Tribunal, dès lors qu’il s’agissait d’un accord global visant à supprimer la concurrence potentielle, dont l’effet concret est par hypothèse difficilement mesurable, la Commission n’était pas tenue de démontrer précisément l’impact concret de l’entente sur le marché et de le
quantifier, mais pouvait s’en tenir à des estimations de probabilité d’un tel effet.

26 Cette analyse est conforme à la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’impact concret de l’infraction sur le marché n’est pas un critère décisif pour la détermination du montant des amendes. En particulier, des éléments relevant de l’aspect intentionnel de l’infraction peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs aux effets de celle-ci, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves, telles qu’une répartition des marchés (voir, arrêts Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P,
EU:C:2003:527, point 118; Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 96, ainsi que Carbone-Lorraine/Commission, C‑554/08 P, EU:C:2009:702, point 44).

27 En outre, le Tribunal a clairement expliqué, aux points 141 et 142 de l’arrêt attaqué, que c’est sans contradiction aucune que, dans la décision litigieuse, il a pu être constaté, d’une part, que la coopération tripartite dans son ensemble avait été mise en œuvre et était vraisemblablement susceptible d’avoir eu une incidence sur le marché et, d’autre part, que cet impact n’était toutefois pas mesurable, parce qu’il était impossible de déterminer avec une certitude suffisante les paramètres
concurrentiels (prix, conditions commerciales, qualité, innovation, etc.) qui auraient été applicables en l’absence des infractions.

28 Au vu de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’examiner les autres arguments invoqués par les requérantes pour le cas où il ressortirait de l’arrêt attaqué que la Commission a pris en compte, dans la décision litigieuse, l’impact concret de l’infraction sur le marché.

29 Pour autant que les requérantes font grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir censuré le caractère prétendument disproportionné du montant de départ de l’amende en raison de l’absence d’impact sur le marché de la coopération tripartite, il suffit de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence bien établie que c’est au Tribunal qu’il incombe d’examiner le caractère approprié du montant d’une amende et que, en principe, il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit
dans le cadre d’un pourvoi, de substituer pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l’Union (voir, arrêts SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, EU:C:2007:277, point 98, ainsi que Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, EU:C:2013:351, point 57 et jurisprudence citée).

30 Il résulte de l’ensemble des considérations précédentes que le premier moyen invoqué par les requérantes au soutien de leur pourvoi doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de l’insuffisance de motivation de l’arrêt attaqué et du refus d’appliquer le principe de la loi la plus favorable en ce qui concerne la coopération tripartite

Argumentation des parties

31 Par leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent, à titre liminaire, que le Tribunal n’a pas dûment exposé les motifs pour lesquels il a rejeté le moyen tiré de l’inapplication de la communication sur la coopération de 2002.

32 Quant au fond, elles estiment que le Tribunal a commis une erreur de droit consistant à appliquer non pas la communication sur la coopération de 2002, mais celle de 1996, en méconnaissance du principe de l’application de la loi la plus favorable, tel que consacré à l’article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi qu’à l’article 49, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne, en vertu duquel la loi la plus favorable doit s’appliquer rétroactivement.

33 À cet égard, les requérantes soutiennent que, alors que la communication sur la coopération de 1996, contrairement à celle de 2002, faisait dépendre le bénéfice d’une réduction de l’amende de la non-contestation des faits, ce bénéfice leur a été refusé sur la base d’une condition qui n’était plus applicable à la date de la décision litigieuse.

34 Par conséquent, les requérantes estiment qu’elles auraient dû bénéficier, en vertu du point 23 de la communication sur la coopération de 2002, en sus de l’immunité partielle qui leur a été accordée pour avoir permis d’établir la durée prolongée de l’infraction, d’une réduction de l’amende au titre des éléments de preuve fournis, représentant une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission.

35 Les requérantes indiquent avoir fourni la preuve de la tenue de certaines réunions qui auraient permis à la Commission de prolonger la durée de l’infraction constatée, en fixant la date de départ de celle-ci au 28 avril 1998 au lieu du 2 juin 1999. Toutefois, alors qu’un bénéfice équivalent à celui prévu au point 23, sous b), troisième alinéa, de la communication sur la coopération de 2002 a été de facto accordé par la Commission, aux considérants 588 et 589 de la décision litigieuse, cette
dernière n’a pas, en revanche, accordé la réduction de l’amende en vertu du point 23, sous a) de la même communication, au seul motif, selon les requérantes, que, au sens du titre D de la communication sur la coopération de 1996, les requérantes ont contesté l’objectif anticoncurrentiel et le contenu des réunions.

36 La Commission conteste cette argumentation, en soutenant qu’elle n’est pas fondée.

Appréciation de la Cour

37 Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de vérifier si le Tribunal a commis une erreur de droit en ne censurant pas la décision litigieuse au motif que, dans celle-ci, la Commission a examiné le comportement des requérantes au regard de la communication sur la coopération de 1996, en leur refusant par conséquent le bénéfice d’un traitement plus favorable qui aurait pu résulter de l’application de la communication sur la coopération de 2002.

38 À cet égard, il convient de rappeler que si, certes, la communication sur la coopération de 1996, applicable au présent litige ratione temporis, ne comporte aucun point prévoyant que la Commission ne tiendra pas compte des faits révélés par les entreprises ayant une incidence sur la gravité ou la durée de l’entente, cette institution a néanmoins considéré, ainsi qu’il ressort des points 185 et 186 de l’arrêt attaqué renvoyant aux considérants 584, 585, 588 et 589 de la décision litigieuse, que
les requérantes, en révélant à la Commission des faits précédemment ignorés par elle, avaient permis d’établir une durée plus longue de l’infraction, en incluant dans cette durée la période allant du 28 avril 1998 au 2 juin 1999. La Commission a alors considéré cette coopération comme une circonstance atténuante permettant d’accorder aux requérantes une réduction du montant de base de l’amende de 9,375 millions d’euros, afin de ne pas pénaliser ces dernières pour leur coopération en leur
infligeant une amende supérieure à celle qu’elles auraient dû payer en l’absence de cette coopération. Ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 187 dudit arrêt, le montant de base, ainsi réduit, de l’amende à infliger aux requérantes était donc identique à la somme hypothétique qu’elles auraient dû payer pour une infraction d’une durée inférieure à un an.

39 Le Tribunal a également jugé, aux points 177 et 180 de l’arrêt attaqué, que, s’agissant de la période du 2 juin au 12 novembre 1999, les requérantes n’ont produit aucune preuve par rapport aux éléments déjà en possession de la Commission, se contentant de confirmer la tenue de certaines réunions, tout en contestant, par ailleurs, l’existence d’un objet anticoncurrentiel de ces réunions.

40 Il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que la coopération d’une entreprise avec la Commission peut justifier une réduction de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 1996 uniquement si elle permet effectivement à la Commission d’accomplir sa mission consistant à constater l’existence d’une infraction et à y mettre fin (voir, en ce sens, arrêt SGL Carbon/Commission, EU:C:2007:277, point 83 et jurisprudence citée). Il convient, en outre, de rappeler que la
Commission jouit d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise (arrêt SGL Carbon/Commission, EU:C:2007:277, point 88).

41 Ainsi que l’a constaté le Tribunal au point 185 de l’arrêt attaqué, la Commission a, conformément au point 28 de la communication sur la coopération de 2002, apprécié la coopération tripartite entre les requérantes et les groupes Prym et Coats au regard de la communication sur la coopération de 1996, dès lors que lesdits groupes ont présenté leurs demandes tendant au bénéfice de la communication sur la coopération en ce qui concerne les infractions relatives au marché des fermetures à glissière
avant le 14 février 2002, date à compter de laquelle la communication sur la coopération de 1996 a été remplacée par la communication sur la coopération de 2002.

42 Il convient cependant de constater que, tant la communication sur la coopération de 1996 (titres C et D) que celle de 2002 (points 21 et 23) exigent, en tant que condition permettant de bénéficier d’une réduction de l’amende qui, à défaut, aurait été infligée, que les entreprises concernées fournissent à la Commission des éléments de preuve qui contribuent à la détermination de l’infraction commise.

43 À cet égard, il ne saurait raisonnablement être soutenu que des informations qui ne remplissent pas la condition selon laquelle elles doivent «contribuer à confirmer l’existence de l’infraction commise», au sens de la communication sur la coopération de 1996, pourraient constituer des preuves apportant «une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en la possession de la Commission» au sens du point 21 de la communication sur la coopération de 2002.

44 Il convient de rappeler, dans ce contexte, que, conformément à une jurisprudence constante, le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulte des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. En revanche, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui
en ont été tirées par le Tribunal sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments. En tout état de cause, une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves.

45 Or, devant la Cour, les requérantes n’ont nullement démontré, ni même allégué, que le Tribunal aurait commis une dénaturation manifeste des faits en jugeant que les requérantes ne satisfaisaient pas à l’exigence de la communication sur la coopération de 1996 mentionnée au point 42 du présent arrêt et, par voie de conséquence, à l’exigence similaire énoncée dans la communication sur la coopération de 2002.

46 Par ailleurs, en ce qui concerne la période antérieure au 2 juin 1999, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 38 du présent arrêt, la coopération des requérantes a été récompensée par la réduction du montant de base de l’amende à infliger, octroyée à ces dernières à titre de circonstance atténuante en dehors des prévisions de la communication sur la coopération de 1996.

47 Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 69 à 71 de ses conclusions, les entreprises concernées ne peuvent prétendre au bénéfice d’une double récompense pour les mêmes informations, à savoir celles qui leur ont permis de bénéficier d’une immunité partielle pour la période à laquelle elles se réfèrent, si ces informations n’ont apporté, pour la période postérieure à celle-ci, aucune valeur ajoutée à l’enquête de la Commission.

48 Il s’ensuit que le deuxième moyen invoqué par les requérantes à l’appui de leur pourvoi doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la prétendue applicabilité du principe de la loi la plus favorable au domaine des infractions aux règles de la concurrence du droit de l’Union couvert par les communications sur la coopération de 1996 et de 2002.

Sur le troisième moyen, dirigé contre le refus d’appliquer le plafond de 10 % du chiffre d’affaires d’YKK Stocko à la partie de l’amende pour laquelle cette société a été tenue comme seule responsable en ce qui concerne la coopération BWA

Argumentation des parties

49 Dans le cadre du troisième moyen de leur pourvoi, les requérantes font valoir que, en rejetant le moyen tiré de l’application incorrecte du plafond de 10 %, en ce qui concerne la coopération BWA, durant la période ayant précédé l’acquisition par YKK Holding d’YKK Stocko, période au cours de laquelle cette dernière a été considérée comme exclusivement responsable de l’infraction, le Tribunal a enfreint l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, y compris les principes de proportionnalité,
d’égalité de traitement et d’individualisation des peines, selon lequel une entreprise ne peut être sanctionnée que pour les faits qui peuvent lui être imputés personnellement.

50 En effet, la partie de l’amende relative à la période initiale de l’infraction s’élève à 19,25 millions d’euros, ce qui représente 55 % du chiffre d’affaires total d’YKK Stocko en 2006, qui s’élevait à 34,91 millions d’euros, soit un montant considérablement plus élevé que le plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003.

51 La Commission rétorque que cet argument repose sur une interprétation juridiquement erronée de la finalité du plafond de 10 % visé à ladite disposition du règlement no 1/2003.

52 En effet, selon la Commission, une amende unique devait être infligée. D’après cette institution, la limite prévue à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 n’est pas un élément de l’amende lié au comportement collusoire au cours de la période infractionnelle, mais il s’agit d’un maximum légal qui se rapporte à la capacité financière de payer l’amende, visant principalement à protéger l’entreprise contre l’infliction d’une amende excessive, compte tenu de sa taille,
lors de l’adoption de la décision infligeant l’amende. Ce qui importe serait donc la puissance économique de l’entreprise, dont le chiffre d’affaires global donne une indication, telle qu’elle existe lors de l’adoption de la décision infligeant l’amende. Ces considérations seraient les seules susceptibles d’expliquer la raison pour laquelle ladite disposition fait expressément référence à l’exercice social précédent l’adoption de la décision de la Commission pour le calcul du plafond de 10 %. Par
conséquent, le fait que l’entreprise ait eu une moindre capacité financière à un moment donné du passé, avant l’acquisition de la société visée par un groupe économique, comme dans le cas d’espèce, serait dépourvu de pertinence au regard de la détermination du montant de l’amende.

53 La Commission ajoute que, même si la société mère décide de n’apporter aucun soutien financier à sa filiale en ce qui concerne la partie de l’amende pour laquelle cette dernière est tenue pour seule responsable, ce qui pourrait menacer la viabilité de cette filiale, il s’agit là d’un risque inhérent à l’investissement réalisé par la société mère, lié à une personne morale, à savoir la filiale, qui, avant mais également après l’acquisition de cette dernière, a adopté un comportement
anticoncurrentiel passible d’amendes. En acquérant le contrôle de la filiale, la société mère assume ce risque, qu’elle peut néanmoins limiter en prévoyant un dédommagement dans le contrat de vente conclu avec le propriétaire initial de cette société.

54 La Commission ajoute que seule l’entreprise responsable au cours des dernières phases de l’infraction et lors de l’adoption de la décision finale est l’entité de référence adéquate pour l’appréciation des questions de responsabilité et d’effet dissuasif, dans la mesure où la Commission établit que cette entreprise, à savoir l’entité qui comprend la nouvelle société mère, a participé à l’infraction. Pour ces mêmes raisons, la Commission soutient que les requérantes ne sauraient utilement faire
valoir que l’amende a été infligée en violation du principe de proportionnalité ou d’égalité de traitement.

Appréciation de la Cour

55 Le troisième moyen du pourvoi soulève la question de la détermination du plafond légal de l’amende, au sens de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, dans un cas de responsabilités successives dans le cadre de la même entente et, plus précisément, lorsqu’une entité ayant participé à cette entente passe, pendant la durée de cette dernière, sous le contrôle d’une autre entreprise, au sein d’un groupe économique ayant également participé à l’infraction.

56 À cet égard, les requérantes critiquent l’arrêt attaqué en ce que, aux points 192 à 195 et 204 de celui-ci, le Tribunal a accueilli l’approche de la Commission dans la décision litigieuse, consistant à retenir un plafond légal unique, calculé sur la base du seul chiffre d’affaires consolidé du groupe YKK pour toute la période infractionnelle allant du 24 mai 1991 au 15 mars 2001, soit une durée de neuf ans et neuf mois incluant la première période de l’infraction, allant du 24 mai 1991 au
1er mars 1997, soit une durée de cinq ans et neuf mois, au titre de laquelle YKK Holding et YKK Corp. ne sont pourtant pas tenues pour responsables, au motif que la filiale YKK Stocko ne leur appartenait pas durant cette dernière période.

57 Il importe de souligner que le troisième moyen du pourvoi est susceptible d’avoir une incidence uniquement sur la partie de l’amende, s’élevant à la somme de 19250000 euros, qui est infligée à YKK Stocko à titre exclusif et concerne les faits commis par elle seule, avant son acquisition par YKK Holding, le montant restant de cette amende, qui s’élève à 49 000 000 euros, n’ayant, d’ailleurs, pas été contesté dans le cadre du présent pourvoi.

58 À cet égard, il convient de constater, en premier lieu, que le libellé de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003 est clair en tant qu’il exige que, «[p]our chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent».

59 Or, la notion d’«entreprise participant à l’infraction» au sens de ladite disposition doit nécessairement être la même aux fins de l’application de l’article 81 CE, une telle notion ne pouvant pas être interprétée de manière différente aux fins de l’imputation de l’infraction et aux fins de l’application du plafond de 10 %.

60 Ainsi, lorsque, comme dans le cas d’espèce, une entreprise considérée par la Commission comme responsable d’une violation de l’article 81 CE est acquise par une autre entreprise au sein de laquelle elle conserve, en tant que filiale, la qualité d’entité économique distincte, la Commission doit tenir compte du chiffre d’affaires propre à chacune de ces entités économiques afin de leur appliquer, le cas échéant, le plafond de 10 %.

61 En l’espèce, la Commission a correctement réparti les responsabilités de chaque entreprise ayant participé à l’infraction, étant donné que, avant le mois de mars 1997, date à laquelle YKK Holding a procédé à l’acquisition de YKK Stocko, cette dernière et le groupe YKK constituaient deux «entités économiques» ou entreprises distinctes au sens des articles 81 CE et 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003. Elle n’a toutefois pas tiré de cette constatation la conclusion qui
s’imposait pour l’application du plafond de 10 %.

62 Dès lors, ne saurait prospérer l’argument invoqué par la Commission selon lequel ce serait une seule et même entreprise, dont la structure et la capacité financière ont évolué au cours du temps, qui serait en cause durant la période de l’infraction. En outre, dans le cas d’espèce, une telle évolution n’est pas le résultat d’une croissance structurelle de l’entreprise YKK Stocko, d’une augmentation de son chiffre d’affaires ou encore de l’acquisition par cette dernière d’entreprises indépendantes
au cours de l’entente, mais elle constitue, au contraire, le résultat de l’acquisition de cette entreprise par une autre entreprise.

63 Il convient de relever, à cet égard, que l’objectif visé par l’établissement, à l’article 23, paragraphe 2, d’un plafond de 10 % du chiffre d’affaires de chaque entreprise ayant participé à l’infraction est notamment d’éviter que l’infliction d’une amende d’un montant supérieur à ce plafond dépasse la capacité de paiement de l’entreprise à la date où elle est reconnue responsable de l’infraction et où une sanction pécuniaire lui est infligée par la Commission.

64 La constatation faite au point précédent est corroborée par l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003, qui exige, en ce qui concerne le plafond de 10 %, que celui-ci soit calculé en se fondant sur l’exercice social de l’année précédant la décision de la Commission sanctionnant une infraction. Or une telle exigence est tout à fait respectée lorsque, comme en l’occurrence, ce plafond est déterminé sur la base du seul chiffre d’affaires de la filiale, en ce qui concerne
l’amende qui lui est infligée à titre exclusif, s’agissant de la période antérieure à son acquisition par la société mère, ce que les requérantes ne contestent pas dans le cadre du présent pourvoi. Il s’ensuit que, dans de telles circonstances, l’évolution structurelle de l’entreprise responsable en tant qu’entité économique est effectivement prise en compte dans le calcul de l’amende.

65 De même, l’argument de la Commission tiré de ce qu’une amende unique devrait être infligée au titre de la période infractionnelle ne saurait prospérer. Ainsi que la Commission l’a admis lors de l’audience, s’agissant de la partie de l’amende pour laquelle YKK Stocko a été considérée comme exclusivement responsable, il ne serait pas possible d’exécuter cette partie de l’amende à l’égard de la société mère en cas de défaut de paiement de YKK Stocko. En effet, une société ne peut pas être tenue pour
responsable des infractions commises à titre indépendant par ses filiales avant la date de leur acquisition, ces dernières devant répondre elles-mêmes de leur comportement infractionnel antérieur à cette acquisition sans que la société qui les a acquises puisse être tenue pour responsable (voir arrêt Cascades/Commission, C‑279/98 P, EU:C:2000:626, points 77 à 79).

66 Il convient, au surplus, de relever que les constatations effectuées aux points 60 à 65 du présent arrêt sont conformes, d’une part, au principe de proportionnalité et, d’autre part, au principe de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines tels qu’ils résultent de la jurisprudence de la Cour (arrêt Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, EU:C:2007:326, point 24, en ce qui concerne le principe de proportionnalité; arrêts General Química e.a./Commission, C‑90/09 P,
EU:C:2011:21, points 34 à 36, ainsi que ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C‑352/09 P, EU:C:2011:191, point 143 pour ce qui est du principe de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines).

67 Il découle de ce qui précède et sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argument tiré de la violation du principe d’égalité de traitement, que le troisième moyen du pourvoi doit être déclaré fondé, dans la mesure où le Tribunal a fait une interprétation erronée de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003.

68 Par conséquent l’arrêt attaqué doit être annulé pour ce qui concerne, dans le cadre de la coopération BWA, l’application, aux fins de la détermination du montant maximal de l’amende, d’un plafond de 10 % calculé sur la base du chiffre d’affaires du groupe YKK au cours de l’année ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse, s’agissant de la période de l’infraction pour laquelle YKK Stocko a été tenue pour seule responsable.

Sur le quatrième moyen, relatif à l’application d’un multiplicateur de dissuasion en ce qui concerne la coopération BWA pour la période antérieure à l’acquisition d’YKK Stocko par YKK Holding

Argumentation des parties

69 Le quatrième moyen invoqué par les requérantes au soutien de leur pourvoi comporte deux branches.

70 S’agissant de la première branche de ce moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé l’obligation de motivation qui lui incombe en vertu des articles 36 et 53 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

71 À cet égard, elles font valoir que le Tribunal s’est abstenu de se prononcer sur leur argument selon lequel, alors que la Commission avait justifié l’application du multiplicateur de dissuasion par référence aux ressources financières supérieures dont disposaient les requérantes par rapport à leurs concurrents, une telle considération ne pouvait pas s’appliquer à YKK Stocko, en raison de sa taille et de ses ressources limitées, alors que celle-ci est seule responsable de l’infraction au cours de
la période antérieure au mois de mars 1997.

72 Selon les requérantes, le Tribunal se serait borné à réitérer que le chiffre d’affaires est un critère approprié pour évaluer la puissance économique d’une entreprise et à rappeler la jurisprudence de la Cour concernant les fonctions auxquelles répond l’adoption d’un multiplicateur de dissuasion. Par conséquent, elles ne seraient pas en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles leur moyen concernant l’application du coefficient de dissuasion a été rejeté.

73 S’agissant de la seconde branche de ce moyen, les requérantes estiment que le Tribunal a enfreint l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, les principes de proportionnalité, d’individualisation des peines et des sanctions ainsi que celui d’égalité de traitement en considérant que l’application d’un multiplicateur de dissuasion était justifiée non seulement pour la période d’infraction postérieure au mois de mars 1997, mais également pour la période antérieure à cette date, qui est
celle de l’acquisition de YKK Stocko par YKK Holding.

74 Concernant la violation du principe d’individualisation des peines, les requérantes soutiennent que le Tribunal a méconnu le lien devant exister entre responsabilité et sanction, en validant l’approche de la Commission selon laquelle le multiplicateur de dissuasion pouvait être appliqué, en raison de la taille et des ressources du groupe YKK, même à la partie de l’amende relative à la période d’infraction antérieure à l’acquisition de YKK Stocko par YKK Holding.

75 Selon les requérantes, la jurisprudence a dégagé deux raisons principales de nature à justifier qu’un coefficient multiplicateur de dissuasion soit appliqué, à savoir la nécessité d’assurer un effet dissuasif significatif à l’amende et le fait que les grandes entreprises ont pu disposer, au cours de la période infractionnelle, de ressources supérieures à celles de leurs concurrents et se sont trouvées dans une situation meilleure que celle de ces derniers pour connaître le droit et agir dans ses
limites. En particulier, s’agissant du second motif de majoration de l’amende, le Tribunal aurait reconnu que la taille des entreprises concernées doit se rapporter à leur situation au moment de l’infraction (arrêt Hoechst/Commission, T‑410/03, EU:T:2008:211, points 379 et 382). Il en découlerait que, aux fins de l’application du multiplicateur de dissuasion, seuls les ressources et les moyens de l’entreprise responsable de l’infraction peuvent être pris en considération.

76 Or, alors que la Commission avait correctement estimé que YKK Stocko, au cours de la période d’infraction précédant son acquisition par YKK Holding, soit au cours de la période allant du mois de mai 1991 à celui de mars 1997, était la seule entreprise responsable de l’infraction, elle aurait, toutefois, aux fins de l’application du multiplicateur de dissuasion, pris en compte la taille et les ressources globales d’YKK Holding et d’YKK Corp., sans tenir compte du fait qu’YKK Stocko était une
petite société disposant de moyens limités et dépourvue de service juridique.

77 S’agissant de la deuxième fonction du multiplicateur de dissuasion, à savoir l’effet dissuasif de celui-ci, les requérantes soutiennent qu’il incombe uniquement à l’entreprise responsable de la violation de l’article 81 CE, et non à ses sociétés mères, de payer l’amende. Ainsi, en raison des ressources limitées d’YKK Stocko, il n’aurait pas été possible d’augmenter le montant de l’amende à des fins de dissuasion sans violer le principe de proportionnalité.

78 En ce qui concerne la violation du principe d’égalité de traitement, les requérantes estiment que le Tribunal, en imposant un multiplicateur de dissuasion à la partie de l’amende infligée pour la période antérieure au mois de mars 1997, a, en substance, traité de la même manière deux situations qui n’étaient pas comparables, à savoir celle d’YKK Stocko et celle du groupe YKK.

79 La Commission conteste l’ensemble des arguments des requérantes et considère qu’ils ne sont pas fondés.

Appréciation de la Cour

80 En ce qui concerne les arguments tirés d’un prétendu défaut de motivation de l’arrêt attaqué, il convient de relever d’emblée que, aux points 203 et 204 de celui-ci, le Tribunal a précisé les raisons qui, selon lui, peuvent justifier la prise en compte du chiffre d’affaires de l’entité économique constituée par l’ensemble des requérantes au moment de l’adoption de la décision litigieuse, aux fins de l’application d’un multiplicateur de dissuasion.

81 Par ailleurs, comme la Commission l’a relevé à juste titre, le point 114 du pourvoi fait apparaître que les requérantes ont pu comprendre le raisonnement du Tribunal, figurant, notamment, aux points 203 et 204 de l’arrêt attaqué, selon lequel l’élément déterminant qu’il convient de prendre en considération aux fins du calcul du montant de l’amende et de l’effet dissuasif de celle-ci est la capacité économique de l’entreprise concernée, telle qu’elle existe lors de l’adoption d’une décision
infligeant une amende.

82 Dans ces conditions, l’argumentation des requérantes concernant un prétendu défaut de motivation de l’arrêt attaqué doit être rejetée.

83 Dans le cadre de la seconde branche de leur quatrième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 204 de l’arrêt attaqué, que c’est à bon droit que la Commission avait pris en compte, aux fins de la fixation du multiplicateur de dissuasion, la taille et le chiffre d’affaires des requérantes prises en tant qu’entité économique unique au cours de l’année ayant précédé celle de l’adoption de la décision litigieuse.

84 Dans ce contexte, il convient de rappeler que la notion de «dissuasion» constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le calcul du montant de l’amende. Il est en effet de jurisprudence constante que les amendes infligées en raison de violations de l’article 81 CE, telles que prévues à l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, ont pour objet de réprimer les actes illégaux des entreprises concernées ainsi que de dissuader tant les entreprises en question que d’autres opérateurs
économiques de violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union. À cet égard, le lien entre, d’une part, la taille et les ressources globales des entreprises et, d’autre part, la nécessité d’assurer un effet dissuasif à l’amende ne saurait être contesté (arrêts Showa Denko/Commission, C‑289/04 P, EU:C:2006:431, point 16, et Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 102).

85 En effet, c’est, au premier chef, l’impact recherché sur l’entreprise concernée qui justifie la prise en considération de la taille et des ressources globales de cette entreprise afin d’assurer un effet dissuasif suffisant à l’amende, la sanction ne devant pas être négligeable au regard, notamment, de la capacité financière de ladite entreprise (arrêt Lafarge/Commission, EU:C:2010:346, point 104).

86 Il s’ensuit que, aux fins d’infliger une amende d’un montant susceptible de dissuader les entreprises concernées de violer, à l’avenir, les règles du droit de la concurrence de l’Union, il convient de prendre en considération la taille et les ressources globales de ces dernières au moment de l’adoption de la décision litigieuse. En conséquence, la taille et les ressources globales éventuellement réduites desdites entreprises à un stade antérieur de l’infraction sont sans incidence pour la
fixation d’un multiplicateur de dissuasion (arrêt Alliance One International/Commission, C‑668/11 P, EU:C:2013:614, point 64).

87 Partant, le fait qu’YKK Holding et YKK Corp. ne sont pas tenues pour solidairement responsables de l’infraction commise par YKK Stocko pour la période antérieure au mois de mars 1997 est sans incidence pour la fixation d’un multiplicateur de dissuasion.

88 Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments des requérantes tels que résumés aux points 73 à 78 du présent arrêt.

89 S’agissant de la prétendue rupture du lien entre responsabilité et sanction, il y a lieu de constater que les requérants confondent la logique qui préside au plafonnement de l’amende à 10 % du chiffre d’affaires, prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003, point qui a déjà été examiné dans le cadre du troisième moyen du pourvoi, avec celle qui est à la base de l’application d’un multiplicateur de dissuasion.

90 En effet, le plafonnement vise à adapter le montant de l’amende infligée pour l’infraction commise à la capacité économique de l’entreprise jugée responsable, même si la période de référence pour le calcul du chiffre d’affaires à prendre en compte est l’exercice social ayant précédé l’adoption de la décision de la Commission infligeant une sanction à cette entreprise.

91 À l’inverse, la recherche d’un effet dissuasif de la sanction pécuniaire vise essentiellement à discipliner, pour l’avenir, le comportement de l’entité économique destinataire de la décision de la Commission. Un tel effet doit se produire nécessairement à l’égard de l’entreprise concernée dans l’état où elle se trouve au moment de l’adoption de cette décision.

92 Dans le cas d’espèce, ainsi que l’a relevé la Commission, YKK Stocko n’existait plus comme entité économique indépendante à la date de l’adoption de la décision litigieuse. Par conséquent, la recherche de l’effet dissuasif de l’amende devait nécessairement se référer au groupe YKK, dont YKK Stocko faisait désormais partie, et cela indépendamment du fait qu’YKK Corp. et YKK Holding n’avaient pas participé à l’infraction pendant la période allant du mois de mai 1991 à celui de mars 1997.

93 Par ailleurs, il y a lieu de relever que la recherche de l’effet dissuasif ne concerne pas uniquement les entreprises précisément visées par la décision infligeant des amendes, dans la mesure où il convient également d’inciter les entreprises de même taille et disposant de ressources analogues à s’abstenir de participer à des infractions similaires aux règles du droit de la concurrence de l’Union (arrêt Caffaro/Commission, C‑447/11 P, EU:C:2013:797, point 37).

94 Il résulte des considérations qui précèdent que le quatrième moyen invoqué par les requérantes au soutien de leur pourvoi doit être rejeté.

Sur le recours devant le Tribunal

95 Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour, en cas d’annulation de l’arrêt attaqué, peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas de la présente affaire en ce qui concerne la partie du litige relative, dans le cadre de la coopération BWA, à la fixation du plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003.

96 À cet effet, compte tenu des considérations exposées aux points 55 à 68 du présent arrêt, il y a lieu d’annuler la décision litigieuse dans la mesure où elle a pris en compte, aux fins de l’application du plafond de 10 % prévu à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1/2003, le chiffre d’affaires consolidé du groupe YKK, au cours du dernier exercice social ayant précédé l’adoption de cette décision, en ce qui concerne la période de l’infraction pendant laquelle YKK Stocko a
été tenue pour seule responsable de cette infraction.

97 En outre, il convient de rappeler que les requérantes n’ont pas contesté la détermination du montant de départ de l’amende, opérée par la Commission. Par conséquent il y a lieu pour la Cour, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de fixer l’amende infligée exclusivement à YKK Stocko pour des faits infractionnels qu’elle a commis de manière indépendante et sous sa propre responsabilité, dans le cadre de la coopération BWA, à 3 491 000 euros, ce montant représentant 10 % du chiffre
d’affaires qu’elle a réalisé au cours de l’exercice social ayant précédé l’adoption de la décision litigieuse.

98 Enfin, il convient de relever que les requérantes avaient demandé au Tribunal à bénéficier, sur le montant de l’amende plafonné à 10 % de leur chiffre d’affaires pertinent, de la réduction de 20 % au titre de l’application de la communication sur la coopération de 2002. À cet égard, compte tenu du fait que la Commission, s’agissant de l’amende infligée pour l’infraction relative à la coopération BWA, a accordé une telle réduction et que cette dernière a été appliquée à toutes les sociétés du
groupe YKK, y compris YKK Stocko, il y a lieu d’utiliser la même méthode de calcul du montant final de l’amende que celle mise en œuvre par la Commission dans la décision litigieuse, conformément à ce qui est prévu dans les lignes directrices de 1998 et, partant, il convient d’appliquer la réduction au titre de la coopération après l’application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires.

99 Dès lors, il y a lieu d’appliquer ladite réduction de 20 %, au titre de la communication sur la coopération de 2002 au montant de l’amende révisé, tel que déterminé au point 97 du présent arrêt. Par conséquent, le montant de l’amende infligée exclusivement à YKK Stocko, en ce qui concerne la coopération BWA, doit être fixé à la somme de 2792800 euros.

Sur les dépens

100 Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 3, du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit que, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié
au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

101 En l’occurrence, il y a lieu de relever que seul l’un des moyens invoqués par les requérantes a été accueilli par la Cour dans le cadre du pourvoi.

102 Dans ces conditions, il y a lieu de décider que les requérantes supporteront, en ce qui concerne l’ensemble de la procédure tant devant le Tribunal que devant la Cour, leurs propres dépens ainsi que les trois quarts des dépens de la Commission, cette dernière supportant un quart de ses propres dépens.

  Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

  1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne YKK e.a./Commission (EU:T:2012:322) est annulé en ce qui concerne l’application, aux fins de la détermination du montant maximal de l’amende, dans le cadre de la coopération au sein des cercles de Bâle-Wuppertal et d’Amsterdam sur le marché des fermetures métalliques et plastiques et des machines de pose, d’un plafond de 10 % calculé sur la base du chiffre d’affaires du groupe YKK dans l’année ayant précédé l’adoption de la décision C(2007) 4257 final
de la Commission, du 19 septembre 2007, relative à une procédure d’application de l’article [81 CE] (affaire COMP/39.168 – PO/Articles de mercerie métalliques et plastiques: Fermetures), s’agissant de la période de l’infraction pour laquelle YKK Stocko Fasteners GmbH a été tenue pour seule responsable.

  2) Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

  3) L’article 2, paragraphe 2, de ladite décision C(2007) 4257 final est annulé en ce qui concerne le calcul de l’amende dont YKK Stocko Fasteners GmbH a été tenue pour seule responsable dans le cadre de la coopération au sein des cercles de Bâle-Wuppertal et d’Amsterdam.

  4) L’amende infligée à YKK Stocko Fasteners GmbH pour l’infraction dont elle est exclusivement responsable, dans le cadre de la coopération au sein des cercles de Bâle-Wuppertal et d’Amsterdam, est fixée à 2 792 800 euros.

  5) YKK Corporation, YKK Holding Europe BV et YKK Stocko Fasteners GmbH sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que les trois quarts des dépens de la Commission européenne afférents tant à la procédure de première instance qu’à la procédure de pourvoi.

  6) La Commission européenne est condamnée à supporter un quart de ses propres dépens afférents tant à la procédure de première instance qu’à la procédure de pourvoi.

  Signatures

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( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-408/12
Date de la décision : 04/09/2014
Type d'affaire : Pourvoi - fondé, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation - fondé, Recours contre une sanction, Recours en annulation - non fondé

Analyses

Pourvoi – Ententes – Marchés des fermetures à glissière et des autres types de fermetures ainsi que des machines de pose – Responsabilités successives – Plafond légal de l’amende – Article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003 – Notion d’‘entreprise’ – Responsabilité personnelle – Principe de proportionnalité – Multiplicateur de dissuasion.

Pratiques concertées

Concurrence

Ententes


Parties
Demandeurs : YKK Corporation e.a.
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Wathelet
Rapporteur ?: da Cruz Vilaça

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2014:2153

Source

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