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01/04/1999 | CEDH | N°26242/95

CEDH | AFFAIRE LEMOINE c. FRANCE


QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE LEMOINE c. FRANCE
(Requête n° 26242/95)
ARRÊT
STRASBOURG
1er avril 1999
DÉFINITIF
01/07/1999
En l’affaire Lemoine c. France,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 27 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »), telle qu’amendée par le Protocole n° 111, et aux clauses pertinentes de son règlement2, en une chambre composée des juges dont le nom suit :
MM. M. Pellonpää, prÃ

©sident,    G. Ress,    A. Pastor Ridruejo,    L. Caflisch,    J. Makarczyk,    J.-P. Costa,   Mme N. Vaj...

QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE LEMOINE c. FRANCE
(Requête n° 26242/95)
ARRÊT
STRASBOURG
1er avril 1999
DÉFINITIF
01/07/1999
En l’affaire Lemoine c. France,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 27 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »), telle qu’amendée par le Protocole n° 111, et aux clauses pertinentes de son règlement2, en une chambre composée des juges dont le nom suit :
MM. M. Pellonpää, président,    G. Ress,    A. Pastor Ridruejo,    L. Caflisch,    J. Makarczyk,    J.-P. Costa,   Mme N. Vajić,
et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 30 mars 1999,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  L’affaire a été déférée à la Cour, telle qu’établie en vertu de l’ancien article 19 de la Convention3, par le gouvernement français (« le Gouvernement ») le 9 novembre 1998 par une lettre datée du 27 octobre 1998. A son origine se trouve une requête (n° 26242/95) dirigée contre la République française et dont sept ressortissants français, M. Pierre Lemoine, son épouse et ses enfants, avaient saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 19 septembre 1994, en vertu de l’ancien article 25.
La requête du Gouvernement renvoie aux anciens articles 44 et 48 de la Convention, ainsi qu’à la déclaration française reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (ancien article 46). Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences de l’article 1 du Protocole n° 1.
2.  Ayant constaté que la requête introductive d’instance avait été déposée après l’expiration du délai visé à l’ancien article 32 § 1 de la Convention, M. L. Wildhaber, en sa qualité de président de la Cour, a chargé le greffier d’inviter le Gouvernement à présenter des observations sur ce point. Le greffier les a reçues le 18 décembre 1998.
3.  A la suite de l’entrée en vigueur du Protocole n° 11 le 1er novembre 1998, et conformément aux clauses de l’article 5 § 4 dudit Protocole, lu en combinaison avec les articles 100 § 1 et 24 § 6 du règlement, un collège de la Grande Chambre a décidé, le 20 janvier 1999, que l’affaire serait examinée par une chambre constituée au sein de l’une des sections de la Cour.
4.  Conformément à l’article 52 § 1 du règlement, le président de la Cour a ensuite attribué l’affaire à la quatrième section. La chambre constituée au sein de ladite section comprenait de plein droit M.  J.-P. Costa, juge élu au titre de la France (articles 27 § 2 de la Convention et 26 § 1 a) du règlement), et M. M. Pellonpää, président de la section (article 26 § 1 a) du règlement). Les autres membres désignés par ce dernier pour compléter la chambre étaient M. G. Ress, M. A. Pastor Ridruejo, M. L. Caflisch, M. J. Makarczyk et Mme N. Vajić (article 26 § 1 b) du règlement).
EN FAIT
5.  Ressortissant français, M. Lemoine est né en 1927 et réside à Glomel (Côtes d’Armor). Il est expert-architecte.
6.  En novembre 1980, le requérant a fait l'objet de l'établissement du forfait relatif à son imposition au titre des bénéfices industriels et commerciaux pour les années 1979 et 1980. L'évaluation forfaitaire de l'imposition donna lieu à une acceptation expresse du requérant le 1er décembre 1980.
7.  Le 10 mars 1982, une procédure de contrôle fiscal pour les années 1978, 1979 et 1980, portant vérification de comptabilité de l'exploitation commerciale et vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble du contribuable, fut engagée.
8.  Le 7 décembre 1982, le requérant reçut des notifications de redressements de base d'imposition au titre de ces années, dans la catégorie des bénéfices commerciaux et non commerciaux, des bénéfices agricoles, des revenus fonciers, des revenus de capitaux mobiliers, des revenus non dénommés et des plus-values immobilières.
9.  Le 31 juillet 1986, les impositions correspondantes furent mises en recouvrement.
10.  Le 23 octobre 1987, le requérant adressa une réclamation au centre des impôts de Guingamp.
11.  Les 2 et 30 juin 1988, le Trésor public fit inscrire une hypothèque légale sur les neuf terrains (représentant une surface totale de 155 108 m2, pour une valeur estimée par le requérant à plus d'un million de francs) dont le requérant était propriétaire, afin de garantir le paiement des redressements représentant 82 414,90 francs français (FRF). Il ressort de l'attestation du Bureau des hypothèques que cette inscription devait produire effet jusqu'au 26 mai 1998.
12.  Par une décision du 29 juillet 1988, notifiée le 22 septembre 1988, l'administration donna partiellement gain de cause à M. Lemoine, mais rejeta sa demande concernant la plus-value immobilière, les revenus de capitaux mobiliers et le bénéfice commercial provenant de l'exploitation d'un bar-restaurant.
13.  Le 19 novembre 1988, à la suite de cette décision de l'administration, le requérant saisit le tribunal administratif de Rennes afin d'obtenir un dégrèvement total pour les années 1978 à 1980.
14.  Le greffe du tribunal administratif enregistra la requête le 21 novembre 1988.
15.  Le directeur des services fiscaux des Côtes d'Armor, défendeur à l'instance, déposa un mémoire en réponse le 20 mars 1990.
16.  Par une lettre du 31 mars 1995, le tribunal administratif informa le requérant que l'affaire serait appelée à l'audience du 27 avril 1995.
17.  Par un jugement du 11 mai 1995, le tribunal administratif accueillit la demande du requérant pour autant qu’elle concernait le redressement en matière de revenus de capitaux mobiliers, et la rejeta pour le surplus. La dette fiscale du requérant se trouva ainsi réduite de près de la moitié, s'élevant donc à 40 609,90 FRF.
18.  Le requérant forma un recours devant la cour administrative d'appel de Nantes, laquelle enregistra son appel le 11 juillet 1995.
19.  L'appel n'ayant pas d'effet suspensif en la matière, le requérant versa au Trésor public, par un chèque du 26 octobre 1995, le montant de la dette fiscale telle qu'elle résultait du jugement rendu le 11 mai 1995, à savoir la somme de 40 609,90 FRF. Le requérant paya également les intérêts de retard qui s'élevaient à 15 318,95 FRF.
20.  L'affaire est actuellement pendante devant les juridictions administratives.
PROCÉDURE DEVANT LA COMMISSION
21.  M. Lemoine, son épouse et ses cinq enfants ont saisi la Commission le 19 septembre 1994. Invoquant les articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole n° 1, ils se plaignaient du caractère inéquitable du déroulement du contrôle fiscal et de la procédure devant le tribunal administratif de Rennes, de la durée de la procédure administrative et de l’atteinte à la propriété du premier requérant en raison de l’hypothèque légale inscrite à la demande du Trésor public sur ses terrains.
22.  Le 29 novembre 1995, la Commission (deuxième chambre) a ajourné l’examen des griefs tirés de la durée de la procédure et de l’article 1 du Protocole n° 1, en ce qui concerne le premier requérant, et a déclaré la requête (n° 26242/95) irrecevable pour le surplus. Le 2 juillet 1997, elle a retenu le grief relatif à l’atteinte au droit du requérant au respect de ses biens et a déclaré la requête irrecevable pour le surplus. Dans son rapport du 1er juillet 1998 (ancien article 31 de la Convention), elle formule l’avis, par treize voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole n° 13. Ledit rapport a été envoyé au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 31 juillet 1998.
EN DROIT
SUR L'OBSERVATION DE L'ANCIEN ARTICLE 32 § 1 DE LA CONVENTION
23.  Aux termes de l'ancien article 32 § 1 de la Convention,
« Si, dans un délai de trois mois à dater de la transmission au Comité des Ministres du rapport de la Commission, l'affaire n'est pas déférée à la Cour par application de l'article 48 de la (...) Convention, le Comité des Ministres prend (...) une décision sur la question de savoir s'il y a eu ou non une violation de la Convention. »
24.  La requête du gouvernement français est parvenue à la Cour le 9 novembre 1998, alors que l'envoi du rapport de la Commission au Comité des Ministres remonte au 31 juillet 1998.
25.  Le Gouvernement « sollicite de la Cour (...) qu’elle veuille bien, à titre exceptionnel, prendre en considération la lettre qu’il lui a adressée le 27 octobre, nonobstant le fait qu’elle ne lui a pas été transmise par télécopie ».
26.  Son agent apporte les précisions suivantes sur les raisons du retard en question :
« Comme vous le constatez, la lettre de mon Gouvernement est datée du 27 octobre [1998] et, ainsi qu’en atteste la copie du registre du courrier ci-jointe, elle vous a été envoyée le même jour, soit quatre jours avant l’expiration du délai de saisine.
En pareil cas, lorsque le terme du délai est proche, les services de la direction des affaires juridiques veillent à informer par télécopie le greffe de la Cour de la décision du gouvernement français. En l’espèce, toutefois, il semble que, par un regrettable concours de circonstances, la lettre de mon Gouvernement ne vous ait pas été transmise par cette voie. Ce n’est que par le canal de la Représentation française auprès du Conseil de l’Europe qu’elle vous est parvenue, plusieurs jours plus tard. »
27.  La Cour relève d'abord que la requête du Gouvernement porte la date du 27 octobre 1998 et qu’elle est parvenue au greffe le 9 novembre 1998. Elle note ensuite que le Gouvernement ne conteste pas avoir dépassé le délai qu'il lui incombait d'observer. Elle estime enfin que les explications fournies ne révèlent aucune circonstance spéciale propre à en interrompre ou suspendre le cours (voir, mutatis mutandis, les arrêts Istituto di Vigilanza c. Italie du 22 septembre 1993, série A n° 265-C, p. 35, § 14, et Morganti c. France du 13 juillet 1995, série A n° 20-C, p. 48, § 14).
En conséquence, la requête introductive d’instance se révèle irrecevable parce que tardive.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, à L'UNANIMITÉ,
Dit qu’elle ne peut connaître du fond de l’affaire.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 1er avril 1999, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Signé : Matti Pellonpää              Président
Signé : Vincent Berger           Greffier
Notes du greffe
1-2.  Entré en vigueur le 1er novembre 1998.
3.  Depuis l’entrée en vigueur du Protocole n° 11, qui a amendé cette disposition, la Cour fonctionne de manière permanente.
1.  Note du greffe : le rapport est disponible au greffe.
 ARRÊT LEMOINE DU 1er AVRIL 1999


Synthèse
Formation : Cour (quatrième section)
Numéro d'arrêt : 26242/95
Date de la décision : 01/04/1999
Type d'affaire : Arrêt (Incompétence)
Type de recours : Incompétence (tardiveté)

Parties
Demandeurs : LEMOINE
Défendeurs : FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1999-04-01;26242.95 ?

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