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10/11/2004 | CEDH | N°46117/99

CEDH | AFFAIRE TASKIN ET AUTRES c. TURQUIE


TROISIÈME SECTION1
AFFAIRE TAŞKIN ET AUTRES c. TURQUIE
(Requête no 46117/99)
ARRÊT
Cette version a été rectifiée conformément à l’article 81  du règlement de la Cour le 1er février 2005.
STRASBOURG
10 novembre 2004
DÉFINITIF
30/03/2005
En l’affaire Taşkın et autres c. Turquie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. G. Ress, président,    I. Cabral Barreto,    L. Caflisch,    R. Türmen,    B. Zupančič,   Mme H.S.

Greve,   M. K. Traja, juges,  et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil l...

TROISIÈME SECTION1
AFFAIRE TAŞKIN ET AUTRES c. TURQUIE
(Requête no 46117/99)
ARRÊT
Cette version a été rectifiée conformément à l’article 81  du règlement de la Cour le 1er février 2005.
STRASBOURG
10 novembre 2004
DÉFINITIF
30/03/2005
En l’affaire Taşkın et autres c. Turquie,
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. G. Ress, président,    I. Cabral Barreto,    L. Caflisch,    R. Türmen,    B. Zupančič,   Mme H.S. Greve,   M. K. Traja, juges,  et de M. V. Berger, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 3 juin et 21 octobre 2004,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 46117/99) dirigée contre la République de Turquie et dont dix ressortissants de cet Etat, M. Sefa Taşkın, M. Hasan Geniş, M. Tahsin Sezer, M. Ali Karacaoğlu, M. Muhterem Doğrul, M. İzzet Öçkan, M. İbrahim Dağ, M. Ali Duran et M. Sezer Umaç ainsi que Mme Günseli Karacaoğlu (« les requérants »), avaient saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 25 septembre 1998 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Par une lettre du 27 avril 2004, le greffe a été informé du décès de M. İzzet Öçkan, survenu le 13 janvier 2004. Son épouse, Mme Ayşe Öçkan, a exprimé son intention de poursuivre la requête.
3.  Les requérants sont représentés par Mes M.N. Terzi, S. Özay, E.İ. Günay, M. Özsüer, Y. Özsüer, E. Avşar, N. Özkan, İ. Arzuk, A. Okyay, U. Kalelioğlu, O.K. Cengiz, Ş. Şensoy, İ. Toktamış, A. Tansu, O. Yıldırım, et A. Eren, avocats à Izmir. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. M. Özmen.
4.  Les requérants alléguaient que tant les autorisations délivrées en vue de l’exploitation d’une mine d’or que le processus décisionnel y relatif avaient emporté violation des articles 2 et 8 de la Convention. En outre, ils soutenaient n’avoir pas bénéficié d’une protection juridique efficace, en violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention.
5.  La requête a été attribuée à la première section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.
6.  Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).
7.  Par une décision du 29 janvier 2004, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable.
8.  Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations écrites sur le fond de l’affaire (article 59 § 1 du règlement). Des observations ont également été reçues de la société Normandy Madencilik A.Ş., que le président avait autorisée à intervenir dans la procédure écrite (articles 36 § 2 de la Convention et 44 § 2 du règlement). Les parties ont répondu à ces commentaires (article 44 § 5 du règlement).
9.  Une audience s’est déroulée en public au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 3 juin 2004 (article 59 § 3 du règlement).
Ont comparu :
–  pour le Gouvernement  MM. M. Özmen, agent,   D. Orhon,     M. Çolakoğlu, conseils,  Mmes B. Ari,   D. Kilislioğlu,   H.D. Akal,   S. Şafak,   J. Kalay, conseillères ;
–  pour les requérants  Mes M.N. Terzİ,   N. Özkan, conseils,   İ. Arzuk,   S. Cengİz,   U. Kalelİoğlu, conseillers.
La Cour a d’abord assisté à la présentation visuelle proposée par les parties, puis entendu en leurs déclarations MM. Terzi, Özmen, Orhon et Özkan.
10.  Par des lettres des 3 septembre et 20 octobre 2004, le Gouvernement a informé la Cour de développements postérieurs à l’audience (paragraphes 77-81 ci-dessous). Dans sa lettre du 3 septembre, il a également invité la Cour à suspendre son examen jusqu’à l’issue de la procédure pendante devant le Conseil d’Etat (paragraphe 78 ci-dessous). Le 30 septembre 2004, la Cour a rejeté cette demande.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
11.  L’affaire concerne l’octroi d’autorisations d’exploiter une mine d’or à Ovacık, dans le district de Bergama (Izmir). Les requérants sont des habitants de Bergama et de villages situés aux alentours.
12.  M. Sefa Taşkın, né en 1950, était le maire de Bergama. Actuellement, il réside à Dikili, à dix kilomètres de la mine d’or d’Ovacık.
M. Tahsin Sezer, né en 1952, habite avec sa famille dans le village de Çamköy, qui se trouve à 300 mètres de la mine. Il est agriculteur et possède des terres aux environs.
M. Ali Karacaoğlu, né en 1950, réside avec sa famille dans le village de Çamköy. Il possède des terres jouxtant la mine où il cultive du tabac et récolte des olives.
Mme Günseli Karacaoğlu, née en 1976, est l’épouse du muhtar (élu local) du village de Çamköy. Elle est agricultrice éleveuse.
M. Muhterem Doğrul, né en 1949, réside dans le village de Çamköy. Il est agriculteur éleveur et possède, avec sa famille, une oliveraie jouxtant la mine.
M. İbrahim Dağ, né en 1951, réside à Çamköy. Il est agriculteur éleveur et possède des terres agricoles ou plantées d’oliviers près de la mine.
M. Ali Duran, né en 1976, réside avec sa famille à Çamköy. Il est agriculteur éleveur.
M. Sezer Umaç, né en 1978, résidait dans le village de Süleymanlı, situé à 900 mètres de la mine. Il affirme l’avoir quitté récemment en raison de la dégradation de l’environnement.
L’épouse de M. İzzet Öçkan, décédé le 13 janvier 2004, Mme Ayşe Öçkan, réside dans la région de Bergama et possède des terres près de la mine.
M. Hasan Geniş, né en 1968, réside dans le village de Süleymanlı. Il est chauffeur.
13.  Les requérants affirment qu’en raison de l’aménagement ainsi que de l’exploitation de la mine d’or d’Ovacık, ils ont subi et continuent de subir les effets de la dégradation de l’environnement, à savoir, entre autres, les mouvements de population et les nuisances sonores dues aux travaux des engins et à l’utilisation d’explosifs.
A.  L’historique des autorisations et la procédure d’évaluation de l’impact sur l’environnement
14.  Le 16 août 1989, la société anonyme E.M. Eurogold Madencilik (« la société »), qui a pris par la suite le nom de Normandy Madencilik A.Ş., obtint l’autorisation de se lancer dans la recherche d’or.
15.  Les 4 juillet et 12 août 1991, la direction des mines, au ministère des Mines, et le ministère des Forêts délivrèrent les deux autorisations nécessaires à la société.
16.  Le 14 janvier 1992, la direction des travaux publics d’Izmir adressa au ministère de l’Environnement une lettre lui demandant son avis sur la mine d’or d’Ovacık.
17.  Parallèlement, le 12 février 1992, le ministère de l’Energie et des Ressources naturelles attribua à la société une autorisation d’exploitation de la mine d’or d’Ovacık. Cette autorisation était valable dix ans et permettait aussi le recours à la technique de lessivage au cyanure pour l’extraction de l’or.
18.  Le 22 juin 1992, la société procéda à l’abattage partiel des arbres dans le domaine forestier qui lui avait été attribué. Le reste de la forêt fut conservé pour former une bande de protection.
19.  Une procédure d’évaluation de l’impact sur l’environnement, conformément à l’article 10 de la loi no 2872 sur l’environnement (paragraphe 91 ci-dessous), fut ouverte à l’initiative du ministère de l’Environnement.
20.  Le 26 octobre 1992, dans le cadre de la préparation de l’étude d’impact, une réunion publique fut organisée. Au cours de celle-ci, le public dénonça notamment l’abattage des arbres, l’utilisation d’explosifs et de cyanure de sodium ; il exprima aussi son inquiétude au sujet d’une infiltration des déchets dans l’eau souterraine. Plusieurs questions concernant le barrage de décharge, les risques en cas de tremblement de terre et l’état de la mine d’or après sa fermeture furent posées aux experts présents. Il fut notamment demandé qu’un référendum fût organisé et que les mesures nécessaires fussent prises.
Les experts rendirent compte des expériences des autres pays en la matière. M. İpekoğlu expliqua notamment que ce type d’activités comportait toujours un risque, qu’il fallait correctement gérer. M. Erdem critiqua la manière dont l’étude d’impact avait été préparée et préconisa d’en entreprendre une nouvelle.
Le maire, M. Taşkın, expliqua que le conseil municipal avait délibéré longuement sur la mine d’or en question et ses conséquences pour l’environnement. Il déclara ne pas être opposé à cette exploitation ; il demanda toutefois que les mesures nécessaires fussent prises, notamment pour le barrage de décharge et la mise en place d’un système strict de surveillance. Enfin, il souligna qu’en 1938 un séisme avait touché la région.
21.  Après vingt-sept mois de préparation, l’étude d’impact fut présentée au ministère de l’Environnement. Le 19 octobre 1994, se fondant notamment sur les conclusions de cette étude, ce ministère décida d’octroyer une autorisation d’exploiter la mine d’or d’Ovacık.
22.  A partir de novembre 1997, la mine fut prête à fonctionner, après que les autres procédures administratives eurent été accomplies et que, selon le Gouvernement, toutes les mesures exigées par les normes nationales et internationales eurent été prises.
B.  Le recours en annulation introduit par les requérants contre la décision d’octroi d’une autorisation adoptée le 19 octobre 1994 par le ministère de l’Environnement
23.  Le 8 novembre 1994, des habitants de Bergama et de villages avoisinants, dont les requérants, saisirent le tribunal administratif d’Izmir d’un recours en annulation de la décision d’octroi d’une autorisation adoptée par le ministère de l’Environnement. Ils tirèrent argument, entre autres, des dangers de l’utilisation du cyanure par la société pour procéder à l’extraction du métal précieux, plus particulièrement des risques de pollution de la nappe phréatique et de destruction de la faune et de la flore locales. Ils dénoncèrent également le danger que représentait une telle méthode d’exploitation pour la santé et la sécurité humaines.
24.  Le 2 juillet 1996, le tribunal administratif rejeta la demande des requérants. Il considéra que la mine d’or respectait les critères définis dans l’étude d’impact sur l’environnement et que la décision litigieuse avait été adoptée conformément à la procédure d’autorisation relative aux projets pouvant affecter l’environnement.
25.  Le 25 avril 1997, dans un souci de protection de l’ordre et de la tranquillité publics et en raison des nombreuses manifestations de contestation qui suivirent le prononcé du jugement du tribunal administratif, le préfet de la région d’Izmir ordonna l’arrêt de l’exploitation minière pour un mois.
26.  Le 13 mai 1997, le Conseil d’Etat, saisi par les requérants, infirma le jugement de première instance. Il procéda à l’évaluation des effets physiques, écologiques, esthétiques, sociaux et culturels de l’activité minière en question, tels que mis en évidence par l’étude d’impact sur l’environnement et les divers rapports d’expertise qui lui avaient été présentés. Il estima que ces études révélaient les dangers de l’usage du cyanure de sodium pour l’écosystème local, la santé et la sécurité humaines ; il conclut que l’autorisation d’exploiter la mine en question n’était aucunement conforme à l’intérêt public et que les mesures de sécurité que la société s’était engagée à prendre ne suffisaient pas à éliminer les risques inhérents à une telle activité.
Les passages pertinents de l’arrêt du Conseil d’Etat se lisent ainsi :
« Dans l’étude d’impact sur l’environnement et les rapports d’expertise, l’impact de l’usage du cyanure sur l’atmosphère, les sources d’eau souterraine, la flore et la faune, les gênes liées au bruit et aux vibrations, ainsi que les questions d’aménagement du territoire, ont été examinés. [Il est constaté que] le niveau du potentiel d’érosion de la terre de la région résultant de l’eau (par inondation) et du vent est relativement élevé et que le degré d’érosion des terres forestières se range dans les deuxième et troisième catégories et, à certains endroits, dans la première (...) Le sol a un caractère perméable ; la région se trouve dans la zone de séisme classée à [haut risque]. La pluie dans la zone en question provoquera des inondations à cause de sa composition ainsi que de sa force en été et au printemps ; des inondations se produisent en ces saisons dans la zone de glanage. Les habitants de la région utilisent l’eau souterraine ; en cas d’infiltration, des déchets toxiques peuvent se mêler à celle-ci. En ce qui concerne le cyanure, la valeur pH est importante et elle est influencée par la pluie : lorsque la valeur pH baisse, le cyanure peut se transformer en gaz hydrogène-cyanure (HCN). Le HCN, qui est un gaz dont le point d’ébullition est assez bas (25,7o), risque de se mêler à l’atmosphère (...) [En outre,] le risque d’infiltration des matériaux dans l’eau souterraine peut persister pendant vingt à cinquante ans (...) [et] en cas d’infiltration dans l’atmosphère ou dans le sol, l’environnement ainsi que la flore et la faune peuvent subir des effets négatifs. [Toutefois, dans les études susmentionnées, il est constaté que : les garanties telles que] la bonne foi de l’entreprise exploitante, le respect minutieux des conditions prévues dans le contrat d’engagement, la confiance dans la surveillance et le contrôle qui seront assurés par les autorités centrales et locales conduisent à conclure que l’acte en question poursuit l’intérêt public (...)
Il ressort des études susmentionnées que l’usage du cyanure dans l’exploitation d’une mine d’or et d’autres substances lourdes qui se dégageront par la suite constitue un risque potentiel mettant en danger l’environnement et la santé humaine ; notamment lorsque le cyanure, qui est une substance extrêmement toxique, se mêle au sol, à l’eau et à l’air, il est nuisible pour tous les êtres vivants. Par conséquent, il est possible que les déchets contenant du cyanure pompés vers les barrages s’infiltrent et se mêlent aux sources d’eau et aux autres endroits [où l’on utilise de l’eau] (...) La flore et la faune de la région sont elles aussi menacées. [Dès lors], il faut avoir à l’esprit que l’usage du cyanure présente un grand risque pour la santé humaine et l’environnement (...)
A la lumière des conclusions techniques et juridiques et compte tenu de l’obligation qui incombe à l’Etat de protéger le droit à la vie [et] à l’environnement (...), il convient d’infirmer le jugement attaqué, du fait que la méthode litigieuse d’exploitation de la mine d’or comporte les risques prévus dans l’étude d’impact sur l’environnement et les rapports d’expertise et que, si les risques encourus se réalisent, la santé humaine sera manifestement affectée, directement ou indirectement, par la dégradation de l’environnement (...) »
27.  Le 15 octobre 1997, se conformant à l’arrêt du Conseil d’Etat, le tribunal administratif annula la décision d’octroi d’une autorisation adoptée par le ministère de l’Environnement.
28.  Le 1er avril 1998, le Conseil d’Etat confirma le jugement du tribunal administratif.
C.  L’exécution de l’arrêt du Conseil d’Etat du 13 mai 1997
29.  En vertu de l’article 52 § 4 de la loi no 2577 sur la procédure administrative (« la loi no 2577 »), l’arrêt du 13 mai 1997 rendu par le Conseil d’Etat entraînait ipso facto le sursis à l’exécution de la décision d’octroi d’une autorisation adoptée par le ministère de l’Environnement (paragraphe 97 ci-dessous).
30.  Par une lettre du 26 juin 1997, le barreau d’Izmir demanda à la préfecture d’Izmir de veiller à l’exécution de l’arrêt du Conseil d’Etat et donc d’ordonner la cessation de toute activité sur le gisement minier litigieux.
31.  Le 27 juin 1997, la préfecture d’Izmir répondit qu’aucun jugement définitif n’avait encore été adopté et que le ministère de l’Energie et des Ressources naturelles s’était prononcé en faveur de la poursuite de l’exploitation.
32.  Le 20 octobre 1997, l’arrêt du Conseil d’Etat fut signifié au ministère de l’Environnement. Le 23 octobre 1997, ce dernier invita les autorités compétentes à reconsidérer, au vu de l’arrêt du Conseil d’Etat, les conditions d’octroi des autorisations d’exploitation litigieuses.
33.  Le 24 décembre 1997, les requérants adressèrent une lettre de mise en demeure au ministre de l’Environnement, à celui de l’Energie et des Ressources naturelles et à celui des Forêts, ainsi qu’au préfet d’Izmir, afin d’obtenir l’exécution des décisions des juridictions administratives.
34.  Le 6 janvier 1998, les requérants saisirent le tribunal de grande instance d’Ankara d’une action en dommages-intérêts dirigée, entre autres, contre le premier ministre et les ministères concernés ainsi que le préfet d’Izmir pour non-exécution des décisions des juridictions administratives.
35.  Le 27 février 1998, la fermeture de la mine d’or fut ordonnée par la préfecture d’Izmir. La mine, selon le Gouvernement, ne mena pas d’activités minières jusqu’en avril 2001.
36.  Le 3 mars 1998, le procureur de la République près le tribunal de police de Bergama déclencha l’action publique à l’encontre des responsables de la société exploitante pour s’être livrés à des activités d’exploitation par cyanuration sur le gisement minier litigieux sans en avoir obtenu l’autorisation préalable.
37.  Le 27 mars 1998, la gendarmerie d’Izmir dressa un procès-verbal de transport sur les lieux qui constatait l’utilisation de trois tonnes de cyanure ayant permis l’extraction d’une pépite d’or et d’argent mélangés de 932 grammes. Le procès-verbal ainsi établi indiquait en outre que dix-huit tonnes de cyanure demeuraient entreposées sur le site de l’exploitation minière.
38.  Le 25 novembre 1999, le tribunal de grande instance rejeta l’action en dommages-intérêts des requérants.
39.  Le 25 septembre 2001, la Cour de cassation infirma le jugement du 25 novembre 1999 et renvoya l’affaire devant la juridiction de première instance. Elle constata ainsi l’inertie des ministres mis en cause, lesquels n’avaient pris aucune mesure de nature à prévenir les activités d’extraction par le procédé de cyanuration dans le délai prévu par l’article 28 § 1 de la loi no 2577 (paragraphe 96 ci-dessous), nonobstant la notification qui leur avait été faite de l’arrêt du Conseil d’Etat annulant l’autorisation d’exploitation du gisement minier.
40.  Le 16 octobre 2002, le tribunal de grande instance, saisi sur renvoi, se conforma à l’arrêt de la Cour de cassation et accueillit la demande des requérants.
41.  Quant aux poursuites pénales, elles furent abandonnées en février 2001.
D.  Les développements ultérieurs
42.  Les 12 octobre 1998, 28 janvier et 3 mars 1999, la société s’adressa à différents ministères afin d’obtenir une autorisation. Elle affirma notamment avoir pris des mesures additionnelles en vue d’assurer une meilleure sécurité dans l’exploitation de la mine d’or et se référa entre autres à un rapport d’évaluation du risque en question préparé par la société britannique Golder Associates Ltd.
43.  Le premier ministre de l’époque intervint directement à propos de la demande de la société. Saisi par lui, le Conseil d’Etat, par un avis consultatif du 5 décembre 1999, considéra que son arrêt du 13 mai 1997 ne pouvait pas être interprété comme une interdiction absolue de l’usage du cyanure dans l’exploitation des mines d’or et qu’il y avait lieu de prendre en considération les cas particuliers.
44.  Parallèlement, le premier ministre chargea, en mars 1999, l’Institut de recherches scientifiques et techniques de Turquie (« le TÜBİTAK ») d’établir un rapport sur l’impact éventuel de l’usage du cyanure dans l’exploitation de la mine d’or.
En octobre 1999, le rapport d’expertise établi par le TÜBİTAK (« le rapport du TÜBİTAK ») fut déposé. Il avait été préparé par dix scientifiques, experts en environnement, droit de l’environnement, chimie, hydrogéologie, géologie, géotechnique et sismologie.
Ce rapport conclut que les risques menaçant la vie humaine et l’environnement énoncés dans l’arrêt du Conseil d’Etat avaient été complètement anéantis ou ramenés à un niveau inférieur aux limites acceptables, étant donné qu’il s’agissait de l’usage d’une haute technologie en harmonie avec l’environnement, fondée sur le principe de « zéro décharge », et que le risque d’impact sur l’écosystème était, selon les critères scientifiques, très inférieur au niveau acceptable.
1.  Les avis du premier ministre et du ministère de l’Environnement et les recours contentieux
45.  Le 5 janvier 2000, le premier ministre présenta le rapport du TÜBİTAK au ministère de l’Environnement, auquel il demanda son avis au sujet de l’exploitation de la mine d’or en question.
46.  Le 31 janvier 2000, le ministère émit un avis favorable à l’exploitation, au vu des conclusions de ce rapport.
47.  Le 5 avril 2000, le secrétariat du premier ministre établit un rapport consacré à l’exploitation de la mine. Ce rapport conclut qu’il y avait lieu d’autoriser cette exploitation eu égard aux mesures supplémentaires prises par la société, aux conclusions du rapport du TÜBİTAK et à l’avis favorable présenté par le ministère de l’Environnement ainsi qu’à l’avis du secrétariat général de la présidence de la République, lequel soulignait l’importance économique d’un tel investissement.
48.  Le 1er juin 2001, la 1re chambre du tribunal administratif d’Izmir rendit un jugement à la suite d’un recours en annulation introduit par dix-huit habitants de Bergama, dont M. Sefa Taşkın, contre le rapport du 5 avril 2000 dressé par le secrétariat du premier ministre. Elle décida d’annuler ce rapport, qui selon elle constituait un acte administratif exécutoire donnant lieu à l’octroi des autorisations requises. Elle estima que, nonobstant les mesures prises par la société exploitante, il avait été constaté par des décisions de justice définitives que « le risque et la menace » dont il s’agissait résultaient de l’usage de cyanure de sodium dans la mine d’or en question et qu’il n’était pas possible de conclure que ces risques pouvaient être évités par la mise en œuvre des nouvelles mesures. De même, il avait été établi que le risque lié à l’accumulation de métaux lourds ou de cyanure pouvait persister pendant vingt à cinquante ans et était de nature à porter atteinte au droit des habitants de la région à l’environnement. Dès lors, il y avait lieu de conclure que l’acte attaqué pouvait détourner une décision de justice définitive et n’était pas compatible avec le principe de l’Etat de droit.
49.  Le 26 juillet 2001, sur demande du premier ministre, le Conseil d’Etat décida de surseoir à l’exécution du jugement du 1er juin 2001, considérant que le rapport du 5 avril 2000 ne constituait pas un acte exécutoire et n’était pas susceptible de recours devant la justice administrative. Il estima en outre que seuls les ministères concernés, à savoir ceux de l’Environnement, de l’Intérieur, de la Santé, de l’Urbanisation, de l’Energie et des Ressources naturelles, et des Forêts étaient compétents en la matière.
50.  Le 14 février 2001, la 4e chambre du tribunal administratif d’Izmir, qui avait été saisi d’un recours en annulation introduit par quatorze habitants de Bergama, constata qu’aucune étude d’impact sur l’environnement n’avait été établie par le ministère de l’Environnement en vue de l’exploitation de la mine d’or. En conséquence, elle rejeta le recours en annulation sans examen au fond pour absence d’un acte administratif exécutoire. Le Conseil d’Etat confirma ce jugement le 26 septembre 2001.
51.  Le 28 mars 2003, la 1re chambre du tribunal administratif d’Izmir, qui avait été saisi par une habitante de Bergama, Mme Lemke, décida d’annuler le rapport du 5 avril 2000.
52.  Des recours contentieux sont pendants devant les juridictions administratives.
2.  La prorogation de l’autorisation d’exploitation par le ministère des Forêts et les recours contentieux
53.  Le 6 octobre 2000, la Direction générale des forêts adopta une décision portant prorogation de l’autorisation accordée à la société exploitante sur la base du rapport du TÜBİTAK.
54.  Dans un premier temps, par un jugement du 21 novembre 2001, la 4e chambre du tribunal administratif d’Izmir rejeta la demande visant au sursis à l’exécution de la décision de la Direction générale des forêts.
55.  Toutefois, le 23 janvier 2002, la 1re chambre du tribunal administratif d’Izmir, sur recours de Mme Lemke, décida de surseoir à la mise en œuvre de la décision du 6 octobre 2000, considérant que l’octroi d’une telle autorisation n’était pas conforme à la loi et que son exécution entraînerait un dommage irréparable2.
56.  Ce jugement fut confirmé par le tribunal administratif régional d’Izmir le 20 mars 20021.
57.  Par un jugement du 7 juin 2002, la 4e chambre du tribunal administratif d’Izmir rejeta le recours en annulation introduit par dix-huit habitants de Bergama contre la décision du 6 octobre 2000, au motif que celle-ci était fondée sur l’octroi d’une licence en date du 12 février 1992, laquelle était valable pour une durée de dix ans1.
58.  Le 27 mars 2003, le Conseil d’Etat confirma le jugement du 7 juin 20021.
59.  Parallèlement, le 3 mai 2002, la Direction générale des forêts autorisa notamment l’établissement d’une bande de sûreté près de la mine d’or, ainsi que la construction de routes, d’une zone de sondage et d’un barrage de décharge1.
60.  Le 13 novembre 2003, la 3e chambre du tribunal administratif d’Izmir, sur recours de Mme Lemke, rejeta la demande visant au sursis à l’exécution de la décision de la Direction générale des forêts du 3 mai 2002. Ce refus fut confirmé le 24 décembre 2003 par le tribunal administratif régional d’Izmir.
61.  Des recours contentieux sont pendants devant les juridictions administratives.
3.  L’autorisation provisoire d’exploitation octroyée par le ministère de la Santé et les recours contentieux
62.  Le 22 décembre 2000, le ministère de la Santé adopta une décision autorisant la poursuite de l’exploitation du gisement minier par cyanuration, à titre d’essai pour une durée d’un an. Cette autorisation fut notifiée à la société exploitante le 24 janvier 2001 par la préfecture d’Izmir.
Le 2 février 2001, un comité de surveillance et d’audit fut créé au sein de la préfecture d’Izmir et, le 13 avril 2001, la société débuta ses activités minières.
63.  Le 24 mai 2001, le recours en annulation introduit par certains habitants de Bergama (Mme Genç et autres) fut rejeté par la 3e chambre du tribunal administratif d’Izmir au motif que la décision attaquée ne constituait pas un acte exécutoire.
64.  Le 24 juin 2002, le Conseil d’Etat infirma le jugement du 24 mai 2001.
65.  Par un jugement du 10 janvier 2002, le tribunal administratif d’Izmir, sur recours du barreau d’Izmir, décida de surseoir à l’exécution de l’autorisation provisoire accordée par le ministère de la Santé, considérant que l’octroi d’une telle autorisation n’était pas compatible avec l’Etat de droit.
66.  Ce jugement fut confirmé par le tribunal administratif régional d’Izmir le 20 mars 2002.
67.  Le 3 décembre 2002, le tribunal administratif rejeta le recours en annulation formé par le barreau d’Izmir contre cette décision pour absence de qualité pour agir. Le 12 novembre 2003, le Conseil d’Etat confirma ce jugement.
68.  Le 12 février 2004, le ministère de l’Environnement et des Forêts prorogea l’autorisation concernant « l’unité de traitement chimique et le stockage de la boue de déchet » pour une durée de trois ans.
69.  Par un jugement du 27 mai 2004, la 3e chambre du tribunal administratif d’Izmir annula l’autorisation provisoire d’exploitation octroyée par le ministère de la Santé le 22 décembre 2000. Elle considéra notamment que les risques mis en évidence dans le jugement du 15 octobre 1997 étaient entre autres liés à l’usage de cyanure de sodium dans la mine d’or en question ainsi qu’aux conditions climatiques et aux caractéristiques de la région située dans une zone de séisme. Elle estima que ces risques et menaces ne pouvaient pas être réduits à néant par des mesures supplémentaires fondées toujours sur la même technique de lessivage. Elle conclut par ailleurs que l’octroi de l’autorisation litigieuse n’était pas conforme au principe de l’Etat de droit, dans la mesure où cet acte administratif visait en fait à modifier une décision de justice ayant acquis force de chose jugée.
70.  Des recours contentieux sont pendants devant les juridictions administratives.
4.  L’autorisation octroyée par le ministère de l’Environnement et les recours contentieux
71.  Le 13 janvier 2001, le ministère de l’Environnement accorda une autorisation valable trois ans pour « l’unité de traitement chimique et le stockage de la boue de déchet ». De même, le 16 février 2001, il autorisa l’importation de soixante tonnes de cyanure de sodium par la société exploitante.
72.  Le 24 mai 2001, la 3e chambre du tribunal administratif d’Izmir rejeta un recours en annulation introduit par quatorze habitants de Bergama contre l’octroi d’une autorisation provisoire d’exploitation en faveur de la société. Elle conclut à l’absence d’un acte administratif exécutoire.
73.  Les 10 et 23 janvier 2002, le tribunal administratif d’Izmir, saisi par le barreau d’Izmir et un résident de la région de deux demandes visant à l’annulation de l’octroi d’une autorisation provisoire, prononça le sursis à l’exécution de l’autorisation en question, eu égard à des considérations formulées dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 13 mai 1997 qui avait acquis force de chose jugée.
74.  Des recours contentieux sont pendants devant les juridictions administratives.
5.  La décision du Conseil des ministres
75.  Le 29 mars 2002, le Conseil des ministres adopta une « décision de principe » selon laquelle la mine d’or située dans les environs d’Ovacık et de Çamköy, dans le district de Bergama (Izmir), appartenant à la société Normandy Madencilik A.Ş., pouvait poursuivre ses activités. Cette décision ne fut pas rendue publique. Le Gouvernement a adressé à la Cour, à la demande de celle-ci, le texte de cette décision qui se lit ainsi :
« Il est établi, selon les études accomplies jusqu’à présent, que la mine d’or située à proximité d’Ovacık et de Çamköy, dans le district de Bergama (Izmir), est une exploitation qui renferme une réserve de 24 tonnes d’or et de 24 tonnes d’argent, procure un emploi à 362 personnes et est susceptible d’apporter à notre pays 1,2 milliard de dollars américains [USD] de valeur ajoutée, dont 280 millions de manière directe.
Il est également établi que la décision qui va porter sur cet investissement revêt une certaine importance dans la mesure où elle va ouvrir la voie à six autres mines d’or. Ces dernières, découvertes grâce aux recherches menées représentant un coût total de 200 millions de USD, vont, avec un investissement de 500 millions de USD, procurer 1 450 emplois et générer une contribution à l’économie de 2,5 milliards de USD de manière directe et 10 milliards de USD de manière indirecte.
Par ailleurs, selon les experts en la matière, il existe dans notre pays un potentiel d’or de plus de 6 500 tonnes et ce potentiel représente une valeur vénale de 70 milliards de USD, soit 300 milliards valeur ajoutée comprise.
D’après le rapport préparé par les dix scientifiques nommés par l’Institut de recherches scientifiques et techniques de Turquie et déposé en octobre 1999, « les risques suspectés de menacer la santé de l’homme et l’environnement sont éliminés ou ramenés à des valeurs très en dessous de celles jugées acceptables ».
D’ailleurs, les résultats des contrôles effectués lors de l’essai permis par le ministère de la Santé étant en dessous des valeurs de référence, aucune donnée négative n’a été détectée.
La partie « Substances chimiques » du rapport de la Commission de l’environnement et du développement mondial des Nations unies (1987), qui a suggéré pour la première fois à l’opinion publique internationale la notion de développement durable, indique que les substances chimiques constituent 10 % du commerce mondial et qu’il existe entre 70 et 80 000 sortes de substances chimiques, pour 80 % desquelles il n’existe pas de données de toxicité.
Notons que les données de la toxicité de la substance cyanure sont connues et que la technique de lessivage au cyanure, en progrès depuis plus de cent ans, est aujourd’hui à la pointe de la technologie et peut être appliquée sans nuire à la santé humaine, à condition que les précautions nécessaires soient prises.
Lorsque l’on examine les progrès de la mine d’or de Bergama/Ovacık enregistrés depuis douze ans, il convient de noter l’abandon de la technique de lessivage au cyanure, telle qu’elle apparaît dans l’étude d’impact sur l’environnement de 1991, sans filtrage, reposant uniquement sur la pression à l’argile et soumise à la décomposition naturelle dans le bassin de rejet, au profit d’une technique de haute technologie, avec la base du bassin de rejet recouverte à la fois d’argile et d’une géomembrane en polyéthylène de haute densité, une unité de filtrage du cyanure, une unité de purification [duraylama] du métal lourd, un puits d’observation et des outils de mesure divers.
Pour les raisons qui précèdent et compte tenu de leur contribution à l’économie du pays, il a été jugé opportun que les établissements d’extraction minière d’or et d’argent se trouvant dans les environs d’Ovacık et de Çamköy, dans le district de Bergama (Izmir), et exploités par la société Normandy Madencilik A.Ş. sous le permis no IR3549 en date du 12 février 1992, poursuivent leurs activités. »
76.  Le 30 juillet 2002, la 8e chambre du Conseil d’Etat déclara irrecevable un recours en annulation introduit par le barreau d’Izmir tendant à l’annulation de la décision du Conseil des ministres du 29 mars 2002 pour vice de procédure.
77.  Le 7 mars 2004, l’assemblée plénière du Conseil d’Etat infirma l’arrêt du 30 juillet 2002. Elle considéra notamment que la décision litigieuse du Conseil des ministres n’avait pas été publiée au Journal officiel et n’avait pas été rendue publique, alors qu’il était évident que la reprise des activités de la mine d’or en question était fondée sur cette décision. Elle estima que, face à l’impossibilité pour la partie demanderesse d’obtenir une copie de la décision litigieuse, la juridiction administrative devait s’en procurer une d’office en vue d’assurer un exercice effectif du recours juridictionnel.
78.  Le 23 juin 2004, la 6e chambre du Conseil d’Etat ordonna le sursis à l’exécution de la décision du Conseil des ministres. Elle dit notamment ceci :
« Après l’annulation de l’accord du ministère de l’Environnement par un jugement, il est clair que ce ministère n’a pas adopté un acte concernant une nouvelle étude d’impact sur l’environnement par laquelle la société exploitante aurait démontré avoir pris des mesures tendant à réduire ou anéantir les effets négatifs de l’activité en question mis en évidence dans les jugements précités (...) La décision du Conseil des ministres d’autoriser l’exploitation de la mine d’or dont il s’agit n’est dès lors pas légale, étant donné que la décision d’octroi d’autorisation fondée sur l’étude d’impact sur l’environnement a été annulée par des juridictions et qu’aucun autre acte n’a été adopté en vertu de la loi sur l’environnement ainsi que du règlement y relatif (...) »
79.  Le recours en annulation concernant la décision du Conseil des ministres est toujours pendant devant le Conseil d’Etat.
80.  Le 18 août 2004, la préfecture d’Izmir, se référant à l’arrêt du 23 juin 2004, ordonna la cessation de l’exploitation de la mine.
81.  Par une lettre du 27 août 2004, le ministère de l’Environnement et des Forêts informa la société Normandy Madencilik A.Ş. qu’il donnait un avis favorable au sujet de l’étude finale d’impact présentée par la société.
E.  La tierce intervenante
82.  La société Normandy Madencilik A.Ş. explique qu’après avoir obtenu les autorisations requises en 1994, 1996 et novembre 1997, la mine d’or était prête à l’exploitation. Du 20 au 23 février 1998, elle a été mise en marche à titre expérimental. Ces activités devaient servir à vérifier le bon fonctionnement des installations et ne visaient pas une production à but commercial. Pendant cette période expérimentale, 150 tonnes de minerai furent traitées et donnèrent 932 grammes d’or, alors que la capacité d’exploitation journalière de la mine était de 1 000 tonnes de minerai.
83.  Le 19 février 1998, la préfecture d’Izmir fut informée de la production expérimentale. Le 27 février 1998, elle ordonna la fermeture de la mine (paragraphe 35 ci-dessus). Par ailleurs, elle déclencha des poursuites pénales, lesquelles furent abandonnées en février 2001, contre la société et ses responsables.
84.  Le taux de concentration en cyanure dans le bassin de glanage a été mesuré jusqu’au 27 février 1998. Ces mesures démontrent que le taux de concentration est nettement inférieur au taux international admis. Par ailleurs, aucune décharge n’a eu lieu du bassin de glanage vers l’environnement.
85.  La société fait valoir qu’après que les juridictions administratives eurent statué sur les recours en annulation, il n’y eut aucune activité dans la mine d’or. Par la suite, de nouvelles mesures draconiennes allant au-delà des normes internationales ont été prises afin que soient respectées les exigences définies par les décisions de justice.
En outre, deux rapports relatifs aux risques liés au bassin de glanage et à l’usage de cyanure de sodium furent établis et conclurent que ces risques étaient négligeables.
86.  En 1999, se fondant sur les rapports relatifs à l’évaluation des risques, la société présenta une nouvelle demande d’autorisation de l’exploitation de la mine d’or en question.
87.  A la suite du rapport du TÜBİTAK, préparé à la demande du premier ministre, la société obtint les autorisations nécessaires et commença à exploiter la mine d’or en avril 2001. Actuellement, celle-ci fonctionne toujours.
88.  Après la reprise des activités de la mine, plusieurs études devant permettre d’évaluer le risque ou les conditions de fonctionnement furent réalisées soit par Golder Associates Ltd, soit par un comité de surveillance et d’audit créé à la préfecture d’Izmir, soit par les ministères concernés.
89.  En outre, tous les mois, la société distribue au public, aux organisations non gouvernementales, aux institutions et aux universités un rapport intitulé « Rapport environnemental mensuel de la mine d’or d’Ovacık ».
II.  LE DROIT PERTINENT
A.  Le droit interne
1.  La Constitution
90.  L’article 56 de la Constitution se lit ainsi :
« Toute personne a le droit de vivre dans un environnement sain et équilibré. L’Etat et les citoyens ont le devoir d’améliorer et de préserver l’environnement ainsi que d’en empêcher la pollution. (...) L’Etat s’acquitte de cette tâche en utilisant et en surveillant les institutions sanitaires et sociales des secteurs public et privé. (...) »
2.  Le droit de l’environnement
91.  L’article 10 de la loi no 2872 sur l’environnement, publiée au Journal officiel le 11 août 1983, dispose :
« Les établissements et exploitations qui envisagent de réaliser des activités susceptibles de causer des problèmes environnementaux, préparent une étude d’impact sur l’environnement. Cette étude porte notamment sur les mesures envisagées pour réduire les conséquences dommageables des déchets et les précautions nécessaires à cette fin.
Les types de projets pour lesquels une telle étude est requise, son contenu et les principes qui régissent son approbation par les instances compétentes seront déterminés par un règlement. »
92.  L’article 28 de la loi no 2872 énonce :
« Qu’il y ait ou non faute de sa part, la personne qui pollue et nuit à l’environnement est responsable du dommage résultant de la pollution ou de la détérioration de l’environnement.
Cette responsabilité est sans préjudice de celle qui pourrait découler des dispositions générales. »
93.  Selon l’article 13 de la loi no 2577 sur la procédure administrative, toute victime d’un dommage résultant d’un acte de l’administration peut demander réparation à cette dernière dans le délai d’un an à compter de la date de l’acte allégué. En cas de rejet de tout ou partie de la demande, ou si aucune réponse n’a été obtenue dans un délai de soixante jours, la victime peut engager une procédure administrative.
Par ailleurs, en vertu du code des obligations, les personnes lésées du fait d’un acte illicite ou délictueux peuvent introduire une action en réparation pour le préjudice tant matériel (articles 41-46) que moral (article 47). Les tribunaux civils ne sont liés en la matière ni par les considérations ni par le verdict des juridictions répressives relatif à la culpabilité de l’intéressé (article 53).
Toutefois, en vertu de l’article 13 de la loi no 657 sur les fonctionnaires de l’Etat, les personnes ayant subi un dommage du fait de l’exercice d’une fonction relevant du droit public, peuvent, en principe, actionner uniquement l’autorité publique dont relève le fonctionnaire en cause et non directement celui-ci (article 129 § 5 de la Constitution et articles 55 et 100 du code des obligations). Cette règle n’est toutefois pas absolue. Lorsque l’acte en question est qualifié d’illicite ou de délictueux et, par conséquent, perd son caractère d’acte ou de fait « administratif », les juridictions civiles peuvent accueillir une demande de dommages-intérêts dirigée contre l’auteur lui-même, sans préjudice de la possibilité d’engager la responsabilité conjointe de l’administration en sa qualité d’employeur de l’auteur de l’acte (article 50 du code des obligations).
94.  Le règlement relatif à l’impact environnemental fut tout d’abord adopté, le 7 février 1993, par le ministère de l’Environnement. Un deuxième règlement succéda au premier le 27 juin 1997. Puis un nouveau règlement fut adopté et publié au Journal officiel du 6 juin 2002. Le règlement tel qu’il est en vigueur actuellement est celui qui fut publié au Journal officiel le 16 décembre 2003.
En vertu de l’article 7 et de l’annexe I à ce règlement, les exploitations minières sont soumises à l’étude d’impact lorsque la surface du site dépasse vingt-cinq hectares. La procédure de préparation est déclenchée à la suite d’une demande présentée par le porteur du projet au ministère de l’Environnement. Ensuite, une commission d’examen, composée des experts et des établissements concernés ainsi que des représentants du porteur du projet, est constituée (article 8). Cette commission précise la manière dont l’enquête publique se déroulera (article 9) et définit par la suite le contenu et les modalités de l’étude d’impact qui doit être préparée au plus tard dans l’année suivant la fixation de son cadre (article 10). L’étude ainsi réalisée est accessible au public et examinée par la commission qui détermine si elle est conforme à son cadre et peut demander des études supplémentaires (article 12). Enfin, eu égard à l’ensemble des éléments soumis à son attention, le ministère de l’Environnement rend une décision d’octroi ou de refus d’autorisation. La préfecture concernée informe le public intéressé de la décision du ministère par des moyens appropriés. Les porteurs des projets refusés peuvent faire une nouvelle demande en cas de disparition de toutes les circonstances à l’origine de la décision de refus (article 14). Par ailleurs, quel que soit le contenu de la décision du ministère, celle-ci peut être l’objet d’un recours contentieux devant les juridictions administratives.
L’article 6 du règlement dispose :
« Lorsque les personnes physiques et morales envisagent de réaliser un projet dans le cadre du présent règlement, elles doivent préparer une étude d’impact sur l’environnement (Çevresel etki değerlendirme raporu, « étude d’impact » ou « EI »), la présenter aux autorités compétentes et réaliser le projet en vertu de la décision prise (...)
Lorsque aucune décision d’octroi concernant le projet soumis à l’étude d’impact ou aucune décision attestant l’absence de nécessité d’une telle autorisation n’a été prise, aucune approbation ou autorisation, aucun permis de construction concernant ces projets ne peut être délivré, et l’investissement concernant ce projet ne peut être commencé. »
3.  L’exécution des décisions judiciaires par l’administration
95.  Aux termes de l’article 138 § 4 de la Constitution :
« Les organes des pouvoirs exécutif et législatif ainsi que l’administration sont tenus de se conformer aux décisions judiciaires ; lesdits organes et l’administration ne peuvent, en aucun cas, modifier les décisions judiciaires ni en différer l’exécution. »
96.  Les parties pertinentes de l’article 28 de la loi no 2577 sur la procédure administrative sont ainsi libellées :
« 1.  L’administration est tenue d’adopter sans tarder un acte ou d’agir en vertu des décisions relatives au fond ou à une demande de sursis à exécution rendues par le Conseil d’Etat, les tribunaux administratifs ordinaires, régionaux ou du contentieux des impôts. Ce délai ne peut en aucun cas dépasser les trente jours qui suivent la signification de la décision à l’administration.
3.  Lorsque l’administration n’a pas établi un acte ou n’a pas réagi conformément à une décision du Conseil d’Etat, des tribunaux administratifs ordinaires, régionaux ou du contentieux des impôts, une action en réparation du dommage moral ou matériel peut être engagée contre l’administration devant le Conseil d’Etat et les tribunaux compétents.
4.  En cas de non-exécution délibérée des décisions des tribunaux par les fonctionnaires dans les trente jours [qui suivent la décision], une action en indemnisation peut être engagée tant contre l’administration que contre le fonctionnaire qui refuse d’exécuter la décision en question. »
97.  L’article 52 § 4 de la loi no 2577 dispose :
« L’annulation d’un jugement entraîne ipso facto le sursis à l’exécution de la décision. »
B.  Les textes internationaux pertinents concernant le droit à l’environnement
98.  En juin 1992, à Rio de Janeiro (Brésil), la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement a adopté une déclaration (« Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement », A/CONF.151/26 (Vol. 1)) destinée à faire progresser le concept des droits et responsabilités des Etats dans le domaine de l’environnement. Le « principe 10 » de cette déclaration est ainsi libellé :
« La meilleure façon de traiter les questions d’environnement est d’assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu doit avoir dûment accès aux informations relatives à l’environnement que détiennent les autorités publiques, y compris aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux processus de prise de décision. Les Etats doivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré. »
99.  Adoptée le 25 juin 1998 en application du principe 10 de la déclaration de Rio pour la région Europe couverte par la Commission économique des Nations unies, la Convention d’Aarhus (« Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement », ECE/CEP/43) est entrée en vigueur le 30 octobre 2001. A présent, trente pays ont ratifié cette convention. La Turquie ne l’a pas signée et n’y a pas adhéré.
La Convention d’Aarhus se décline selon les axes suivants :
–  Développer l’accès du public à l’information détenue par les autorités publiques, en prévoyant notamment une diffusion transparente et accessible des informations fondamentales.
–  Favoriser la participation du public à la prise de décisions ayant des incidences sur l’environnement. Il est notamment prévu d’encourager la participation du public dès le début d’une procédure d’aménagement, « c’est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ». Le résultat de sa participation doit être pris en considération dans la décision finale, laquelle doit faire également l’objet d’une information.
–  Etendre les conditions d’accès à la justice en matière de législation environnementale et d’accès à l’information.
100.  L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté le 27 juin 2003 la Recommandation 1614 (2003) concernant l’environnement et les droits de l’homme. La partie pertinente de cette recommandation est ainsi libellée :
« 9.  L’Assemblée recommande aux gouvernements des Etats membres :
i.  d’assurer une protection adéquate de la vie, de la santé, de la vie privée et familiale, de l’intégrité physique et des biens de la personne, tels que garantis par les articles 2, 3 et 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et par l’article 1 de son Protocole additionnel, en tenant aussi particulièrement compte de la nécessité de protéger l’environnement ;
ii.  de reconnaître un droit de l’homme à un environnement sain, viable et digne, droit qui contient l’obligation objective pour l’Etat de protéger l’environnement dans sa législation nationale, de préférence au niveau constitutionnel ;
iii.  de garantir les droits procéduraux individuels, reconnus par la Convention d’Aarhus, à l’information environnementale, à la participation du public au processus décisionnel et à l’accès aux tribunaux en matière d’environnement ;
EN DROIT
I.  OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
101.  La Cour note que M. İzzet Öçkan, l’un des requérants, est décédé le 13 janvier 2004 et que sa veuve, Mme Ayşe Öçkan, a exprimé le souhait de poursuivre l’instance.
102.  Au vu des circonstances (paragraphe 12 ci-dessus), la Cour considère que Mme Öçkan peut prétendre avoir un intérêt légitime à faire constater que l’autorisation délivrée pour l’exploitation d’une mine d’or située près de Bergama a eu lieu en méconnaissance des droits garantis par les articles 2, 6 § 1, 8 et 13 de la Convention invoqués par M. Öçkan devant les organes de la Convention (voir, mutatis mutandis, Dalban c. Roumanie [GC], no 28114/95, § 39, CEDH 1999-VI).
Par conséquent, la Cour reconnaît à Mme Öçkan qualité pour se substituer au requérant dans la présente instance.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION
103.  Les requérants allèguent que tant l’octroi par les autorités nationales d’une autorisation de recourir à un procédé d’exploitation d’une mine d’or par cyanuration que le processus décisionnel y relatif emportent violation de leurs droits garantis par l’article 8 de la Convention, lequel est ainsi libellé :
« 1.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2.  Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
A.  Thèses des parties
1.  Les requérants
104.  Les requérants se plaignent tout d’abord de l’octroi par les autorités nationales d’une autorisation d’exploitation d’une mine d’or par cyanuration. Par ailleurs, l’existence d’un risque menaçant leur droit à la vie et au respect de leur vie privée et familiale est établie par des décisions de justice. Ils citent à cet égard le jugement du 1er juin 2001 rendu par le tribunal administratif d’Izmir qui a déclaré notamment que « le risque lié à l’accumulation de métaux lourds ou de cyanure pouvait persister pendant vingt à cinquante ans et était de nature à porter atteinte au droit des habitants de la région à l’environnement » (paragraphe 48 ci-dessus).
105.  Les requérants soulignent également que plusieurs tonnes d’explosifs ont été employées dans l’exploitation de la mine d’or, ce qui a entraîné une nuisance sonore considérable.
106.  Par ailleurs, selon eux, la longue querelle juridique entre l’administration et la population de la région, déclenchée par le défi délibéré des autorités de l’Etat face à des décisions de justice définitives, a rendu leur vie privée insupportable.
2.  Le Gouvernement
107.  Le Gouvernement conteste tout d’abord l’applicabilité de l’article 8 au cas d’espèce. Selon lui, le risque auquel les requérants font référence est hypothétique, car il ne peut se produire que dans une période de vingt à cinquante ans. Il ne s’agit pas d’un risque imminent et sérieux. De plus, les requérants ne peuvent citer aucun fait concret relatif à un incident directement causé par la mine d’or en question.
108.  Par ailleurs, étant donné qu’aucune décharge ou concentration de cyanure de sodium n’a eu lieu dans la région et qu’il n’existe aucun risque mesurable lié à la décharge des déchets contenant du cyanure de sodium, l’utilisation de celui-ci n’a pas d’effet sur les droits des requérants. Or, d’après la jurisprudence de la Cour, l’article 8 ne pourrait s’appliquer que si l’utilisation du cyanure de sodium avait une incidence directe sur le droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale, ce qui n’est pas le cas.
109.  Depuis avril 2001, la mine d’or mène ses activités à titre expérimental, conformément à l’avis du ministère de l’Environnement selon lequel la société propriétaire a pris de nouvelles mesures et s’est conformée à ses engagements. Le Gouvernement fait valoir que l’exploitation de la mine d’or ne présente aucun danger pour la santé de la population locale, pour les oliviers ou pour les terres agricoles. A la lumière de ce qui précède, il soutient, à titre principal, que l’article 8 n’est pas applicable en l’espèce.
110.  A titre subsidiaire, le Gouvernement nie toute violation de la Convention dans la présente affaire. Il soutient que l’administration a dûment respecté les décisions de justice, étant donné que toutes les autorisations ont été révoquées à la suite de ces décisions et que la mine d’or d’Ovacık n’a jamais fonctionné avant avril 2001. Selon lui, les autorisations délivrées en 2000 et 2001 étaient fondées sur plusieurs études qui confirmaient l’absence de risque. Quoi qu’il en soit, les recours les concernant sont toujours pendants devant les juridictions.
B.  Appréciation de la Cour
1.  Sur l’applicabilité de l’article 8
111.  La Cour note d’abord que les intéressés résident à Dikili et dans les villages de Çamköy et Süleymanlı, des lieux situés aux environs de la mine d’or d’Ovacık, qui recourt à la technique de lessivage au cyanure de sodium pour l’exploitation du gisement minier en question (paragraphe 12 ci-dessus).
112.  Plusieurs études ont mis en évidence les risques que présentait la mine d’or et, se fondant sur celles-ci, le 13 mai 1997, le Conseil d’Etat a conclu que la décision d’octroi d’une autorisation n’était pas conforme à l’intérêt public. Selon lui, en raison de la position géographique de la mine d’or et des caractéristiques du sol de la région, l’usage de cyanure de sodium dans la mine constituait une menace pouvant mettre en danger l’environnement et les droits à la vie de la population environnante, et les mesures de sécurité auxquelles s’était engagée la société exploitante ne suffisaient pas à éliminer le risque que représente une telle activité (paragraphe 26 ci-dessus).
113.  La Cour rappelle que l’article 8 s’applique aux atteintes graves à l’environnement pouvant affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale, sans pour autant mettre en grave danger la santé de l’intéressée (López Ostra c. Espagne, arrêt du 9 décembre 1994, série A no 303-C, pp. 54-55, § 51).
Il en va de même lorsque les effets dangereux d’une activité auxquels les individus concernés risquent d’être exposés ont été déterminés dans le cadre d’une procédure d’évaluation de l’impact sur l’environnement, de manière à établir un lien suffisamment étroit avec la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la Convention. S’il n’en allait pas ainsi, l’obligation positive de l’Etat – adopter des mesures raisonnables et adéquates pour protéger les droits des individus en vertu du paragraphe 1 de l’article 8 – serait réduite à néant.
114.  Au vu du constat effectué par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 13 mai 1997, la Cour conclut que l’article 8 trouve à s’appliquer.
2.  Sur l’observation de l’article 8
115.  La Cour rappelle que, dans une affaire qui a trait à des décisions de l’Etat ayant une incidence sur des questions d’environnement, l’examen auquel elle peut se livrer comporte deux aspects. Premièrement, elle peut apprécier le contenu matériel de la décision des autorités nationales en vue de s’assurer qu’elle est compatible avec l’article 8. Deuxièmement, elle peut se pencher sur le processus décisionnel afin de vérifier si les intérêts de l’individu ont été dûment pris en compte (voir, mutatis mutandis, Hatton et autres c. Royaume-Uni [GC], no 36022/97, § 99, CEDH 2003-VIII).
a)  Sur l’aspect matériel
116.  La Cour a dit à maintes reprises que dans des affaires soulevant des questions liées à l’environnement, l’Etat devait jouir d’une marge d’appréciation étendue (Hatton et autres, précité, § 100, et Buckley c. Royaume-Uni, arrêt du 25 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, pp. 1291-1293, §§ 74-77).
117.  En ce qui concerne la présente affaire, la Cour observe que la décision des autorités d’octroyer un permis d’exploitation de la mine d’or d’Ovacık a été annulée par le Conseil d’Etat (paragraphe 26 ci-dessus). Ce dernier, après avoir procédé à la mise en balance des intérêts concurrents en l’espèce, s’est fondé sur la jouissance effective par les requérants des droits à la vie et à l’environnement pour conclure que cette autorisation n’était en aucune manière conforme à l’intérêt public (ibidem). Au vu de cette conclusion, aucun autre examen concernant l’aspect matériel de l’affaire au regard de la marge d’appréciation généralement reconnue aux autorités nationales en la matière ne s’impose. Par conséquent, il reste à la Cour à vérifier si, dans son ensemble, le processus décisionnel s’est déroulé dans le respect des garanties procédurales reconnues par l’article 8.
b)  Sur l’aspect procédural
118.  La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence constante, même si l’article 8 ne renferme aucune condition explicite de procédure, il faut que le processus décisionnel débouchant sur des mesures d’ingérence soit équitable et respecte comme il se doit les intérêts de l’individu protégés par l’article 8 (voir, mutatis mutandis, McMichael c. Royaume-Uni, arrêt du 24 février 1995, série A no 307-B, p. 55, § 87). Il y a donc lieu d’examiner l’ensemble des éléments procéduraux, notamment le type de politique ou de décision en jeu, la mesure dans laquelle les points de vue des individus ont été pris en compte tout au long du processus décisionnel, et les garanties procédurales disponibles (Hatton et autres, précité, § 104). Il n’en résulte pas pour autant que des décisions ne peuvent être prises qu’en présence de données exhaustives et vérifiables sur tous les aspects de la question à trancher.
119.  Lorsqu’il s’agit pour un Etat de traiter des questions complexes de politique environnementale et économique, le processus décisionnel doit tout d’abord comporter la réalisation des enquêtes et études appropriées, de manière à prévenir et évaluer à l’avance les effets des activités qui peuvent porter atteinte à l’environnement et aux droits des individus et à permettre ainsi l’établissement d’un juste équilibre entre les divers intérêts concurrents en jeu (Hatton et autres, précité, § 128). L’importance de l’accès du public aux conclusions de ces études ainsi qu’à des informations permettant d’évaluer le danger auquel il est exposé ne fait pas de doute (voir, mutatis mutandis, les arrêts Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 228, § 60, et McGinley et Egan c. Royaume-Uni, 9 juin 1998, Recueil 1998-III, p. 1362, § 97). Enfin, les individus concernés doivent aussi pouvoir former un recours contre toute décision, tout acte ou toute omission devant les tribunaux, s’ils considèrent que leurs intérêts ou leurs observations n’ont pas été suffisamment pris en compte dans le processus décisionnel (voir, mutatis mutandis, Hatton et autres, précité, § 127).
120.  En l’espèce, la décision d’octroyer une autorisation à la mine d’or d’Ovacık adoptée le 19 octobre 1994 par le ministère de l’Environnement a été précédée d’une série d’enquêtes et d’études menées sur une longue période. Une étude d’impact a été effectuée conformément à l’article 10 de la loi sur l’environnement (paragraphe 21 ci-dessus). Le 26 octobre 1992, une réunion destinée à informer la population de la région a été organisée. Au cours de cette réunion, cette étude a été portée à la connaissance des participants qui ont pu formuler leurs observations (paragraphe 20 ci-dessus). Les requérants et les habitants de la région ont eu accès à tous les documents pertinents, y compris l’étude en cause.
121.  Lorsque, le 13 mai 1997, le Conseil d’Etat, saisi d’un recours en annulation, cassa la décision du 19 octobre 1994, il se fonda sur l’obligation positive de l’Etat concernant le droit à la vie et le droit à l’environnement. Se référant aux conclusions de l’étude d’impact et aux autres rapports, il considéra qu’en raison de la position géographique de la mine d’or et des caractéristiques du sol de la région, l’autorisation d’exploiter la mine n’était pas conforme à l’intérêt général ; en effet, ces études avaient révélé les dangers de l’usage du cyanure de sodium pour l’écosystème local, la santé et la sécurité humaines (paragraphe 26 ci-dessus).
122.  L’arrêt du 13 mai 1997 était exécutoire au plus tard après sa signification le 20 octobre 1997 (paragraphes 29 et 32 ci-dessus) ; la fermeture de la mine d’or d’Ovacık n’a pourtant été ordonnée que le 27 février 1998, soit dix mois après le prononcé de cet arrêt et quatre mois après sa signification à l’administration (paragraphe 35 ci-dessus).
123.  Quant à la thèse du Gouvernement selon laquelle les autorités s’étaient pleinement conformées aux décisions judiciaires après le 1er avril 1998, elle ne résiste pas à l’examen. Tout d’abord, la longue querelle concernant la légalité des autorisations délivrées par différents ministères à la suite de l’intervention du premier ministre le 1er avril 2000 a pour seule origine le refus de l’administration de se conformer aux décisions de justice et à la législation interne. De fait, au vu de l’article 6 du règlement qui concerne l’étude d’impact (paragraphe 94 ci-dessus), ces autorisations ne pouvaient avoir aucune base légale en l’absence d’une décision d’octroi d’une autorisation fondée sur une étude d’impact. Nul n’invoque par ailleurs l’existence d’une nouvelle décision se substituant à celle qui fut annulée par les juridictions (paragraphe 50 ci-dessus).
Au surplus, cette thèse du Gouvernement n’a jamais été accueillie par les juridictions internes ayant été appelées à se prononcer sur la légalité des décisions ultérieures (paragraphes 45-79 ci-dessus).
124.  La Cour tient à rappeler que l’administration constitue un élément de l’Etat de droit, dont l’intérêt s’identifie avec celui d’une bonne administration de la justice, et que, si l’administration refuse ou omet de s’exécuter ou tarde à le faire, les garanties dont a bénéficié le justiciable pendant la phase judiciaire de la procédure perdent toute raison d’être (voir, mutatis mutandis, Hornsby c. Grèce, arrêt du 19 mars 1997, Recueil 1997-II, p. 511, § 41).
125.  Cette constatation s’impose d’autant plus que les circonstances de l’espèce font clairement ressortir que, nonobstant les garanties procédurales accordées par la législation turque ainsi que la concrétisation de ces garanties par les décisions de justice, le Conseil des ministres autorisa le 29 mars 2002, par une décision qui ne fut pas rendue publique, la poursuite des activités de la mine d’or, laquelle avait déjà commencé à fonctionner en avril 2001 (paragraphe 75 ci-dessus). Les autorités ont ainsi privé de tout effet utile les garanties procédurales dont les requérants disposaient.
c)  Conclusion
126.  La Cour constate donc que l’Etat défendeur a failli à son obligation de garantir le droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale, au mépris de l’article 8 de la Convention.
Par conséquent, il y a eu violation de cette disposition.
III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
127.  Les requérants allèguent que le refus de l’administration de se conformer aux décisions des juridictions administratives méconnaît leur droit à une protection judiciaire effective s’agissant des contestations sur leurs droits de caractère civil. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, dont la partie pertinente est ainsi libellée :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A.  Sur l’applicabilité de l’article 6 § 1
128.  Le Gouvernement soutient que l’article 6 § 1 ne s’applique pas en l’espèce, étant donné que les requérants ne se fondent que sur un risque probable, hypothétique et qui, notamment, n’est pas imminent du tout. Les griefs soulevés par ceux-ci ne relèveraient dès lors pas des « droits et obligations de caractère civil » au sens de cette disposition.
129.  Les requérants arguënt que la législation turque leur reconnaît la faculté de demander une indemnisation pour atteinte à leur droit à l’environnement. Ils ont aussi le droit de demander une indemnisation pour non-exécution d’un jugement, ce qu’ils ont d’ailleurs fait (paragraphes 34 et 38-40 ci-dessus). Par conséquent, leurs intérêts patrimoniaux se trouvaient directement en jeu dans la procédure litigieuse, laquelle relevait donc manifestement de l’article 6 § 1.
130.  La Cour rappelle que, pour que l’article 6 § 1 sous sa rubrique « civile » trouve à s’appliquer, il faut qu’il y ait « contestation » sur un « droit » de « nature civile » que l’on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne. Il doit s’agir d’une « contestation » réelle et sérieuse ; elle peut concerner aussi bien l’existence même d’un droit que son étendue ou ses modalités d’exercice. L’issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question : un lien ténu ou des répercussions lointaines ne suffisent pas à faire entrer en jeu l’article 6 § 1 (voir, parmi plusieurs autres, les arrêts Balmer-Schafroth et autres c. Suisse, 26 août 1997, Recueil 1997-IV, p. 1357, § 32, et Athanassoglou et autres c. Suisse [GC], no 27644/95, § 43, CEDH 2000-IV).
131.  La Cour note d’abord que le recours du 8 novembre 1994 montre que les requérants se sont opposés à la décision d’octroi d’une autorisation adoptée par le ministère de l’Environnement en raison des risques que la mine d’or d’Ovacık présentait, selon l’étude d’impact, pour l’environnement ainsi que pour la vie et la santé de la population du voisinage dont ils font partie (paragraphe 23 ci-dessus). Le droit invoqué en substance par les intéressés devant les juridictions administratives est celui d’obtenir une protection adéquate de leur intégrité physique contre les risques engendrés par l’exploitation de la mine d’or d’Ovacık.
132.  La Cour estime que ce droit est reconnu par le droit turc, comme cela ressort notamment du droit à vivre dans un environnement sain et équilibré (article 56 de la Constitution – paragraphe 90 ci-dessus), auquel le Conseil d’Etat s’est explicitement référé (paragraphe 26 ci-dessus). Dès lors, les requérants pouvaient de manière défendable prétendre avoir droit, en vertu du droit turc, à une protection contre les atteintes à l’environnement en raison des activités de la mine d’or en question. Il s’agissait sans aucun doute d’une « contestation » réelle et sérieuse.
133.  Quant au caractère civil du droit contesté, la Cour observe que l’ampleur du risque que présentait l’exploitation de la mine d’or d’Ovacık utilisant la technique de cyanuration a été établie par le Conseil d’Etat, se fondant sur les études préalables. Ce constat permet à la Cour de conclure que le droit à la protection de l’intégrité des requérants était directement en jeu. De même, en introduisant un recours en annulation, les requérants ont utilisé l’unique moyen dont ils disposaient pour se plaindre d’une atteinte à leur droit à vivre dans un environnement sain et équilibré et à leur mode de vie (voir, mutatis mutandis, Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, no 62543/00, §§ 46-47, CEDH 2004-III). Il est en même temps hors de doute qu’une fois que le Conseil d’Etat a rendu son arrêt d’annulation, tout acte administratif tendant à le contrecarrer ouvre la voie de l’indemnisation (paragraphes 93 et 96 ci-dessus). Par conséquent, l’issue de la procédure devant les juridictions administratives, dans son ensemble, peut être considérée comme portant sur des droits de caractère civil des requérants.
134.  Partant, l’article 6 de la Convention est applicable au cas d’espèce.
B.  Sur l’observation de l’article 6 § 1
135.  La Cour constate que l’arrêt du 13 mai 1997 rendu par le Conseil d’Etat a eu un effet suspensif avant même d’avoir acquis force de chose jugée le 1er avril 1998 (paragraphe 29 ci-dessus). Toutefois, comme l’ont noté les juridictions (paragraphe 39 ci-dessus), cette décision n’a pas été exécutée dans les délais prévus à cet effet.
136.  Quant à la reprise des activités de la mine d’or d’Ovacık à titre expérimental le 13 avril 2001 fondée sur les autorisations ministérielles, suscitées directement par le premier ministre, elle n’avait aucune base légale et revenait, comme le soulignent les juridictions administratives (paragraphes 48, 65, 66, 69, 73 et 78 ci-dessus), à contourner une décision de justice. Une telle situation porte atteinte à l’Etat de droit, fondé sur la prééminence du droit et la sécurité des rapports juridiques.
137.  Au vu des considérations qui précèdent, la Cour estime que les autorités nationales ont omis de se conformer réellement et dans un délai raisonnable au jugement rendu par le tribunal administratif d’Izmir le 15 octobre 1997 et confirmé par le Conseil d’Etat le 1er avril 1998, privant ainsi l’article 6 § 1 de tout effet utile.
138.  Il y a donc eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
IV.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 2 ET 13 DE LA CONVENTION
139.  Les requérants soutiennent que l’octroi par les autorités nationales d’une autorisation d’exploitation d’une mine d’or par cyanuration ainsi que le refus de ces autorités de se conformer aux décisions des juridictions administratives constituent une violation respectivement de leur droit à la vie et de leur droit à une protection judiciaire effective. Ils invoquent les articles 2 et 13 de la Convention.
140.  La Cour constate que ces griefs sont, par essence, les mêmes que ceux soumis sous l’angle des articles 8 et 6 § 1 de la Convention, considérés ci-dessus. Dès lors, elle estime qu’il ne s’impose pas de les examiner séparément sous l’angle des dispositions invoquées.
V.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
141.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage ainsi que frais et dépens
142.  Les requérants ne demandent d’indemnité ni pour dommage matériel ni pour frais et dépens. Par contre, ils sollicitent 10 000 euros (EUR) chacun au titre du dommage moral.
143.  Le Gouvernement ne se prononce pas à ce sujet.
144.  La Cour considère que la violation de la Convention a causé aux requérants un tort certain et considérable. La décision de justice annulant l’acte d’octroi d’une autorisation n’a pas été exécutée, en méconnaissance des principes fondateurs de l’Etat de droit. Ainsi, les intéressés ont été obligés de tolérer des conditions de vie difficiles et d’entamer plusieurs procédures contre les actes émanant du pouvoir central pour que les autorités respectent cette décision. Un tel dommage ne se prête pas à un calcul exact. Statuant en équité, la Cour alloue 3 000 EUR à chacun des requérants.
B.  Intérêts moratoires
145.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1.  Reconnaît à Mme Ayşe Öçkan qualité pour se substituer à M. İzzet Öçkan dans la présente instance ;
2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;
3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4.  Dit qu’il ne s’impose pas d’examiner séparément les griefs tirés des articles 2 et 13 de la Convention ;
5.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser à chacun des requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 3 000 EUR (trois mille euros) pour dommage moral et tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur ladite somme, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 10 novembre 2004, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Vincent Berger Georg Ress   Greffier Président
1.  Dans sa composition antérieure au 1er novembre 2004.
1.  Paragraphes 55 à 59 rectifiés le 1er février 2005.
ARRÊT TAŞKIN ET AUTRES c. TURQUIE
ARRÊT TAŞKIN ET AUTRES c. TURQUIE 


Synthèse
Formation : Cour (troisième section)
Numéro d'arrêt : 46117/99
Date de la décision : 10/11/2004
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 8 ; Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner l'art. 2 et 13 ; Préjudice moral - réparation pécuniaire

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE ADMINISTRATIVE, (Art. 6-1) ACCES A UN TRIBUNAL, (Art. 6-1) DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL, (Art. 8-1) RESPECT DE LA VIE PRIVEE


Parties
Demandeurs : TASKIN ET AUTRES
Défendeurs : TURQUIE

Références :

Notice Hudoc


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2004-11-10;46117.99 ?
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