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01/02/2011 | CEDH | N°15383/05

CEDH | OKMEN c. TURQUIE


DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 15383/05  présentée par Nasır ÖKMEN  contre la Turquie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 1er février 2011 en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,   Danutė Jočienė,   David Thór Björgvinsson,   Dragoljub Popović,   András Sajó,   Işıl Karakaş,   Guido Raimondi, juges,  et de Stanley Naismith, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 11 avril 2005,
Vu les obse

rvations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avo...

DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 15383/05  présentée par Nasır ÖKMEN  contre la Turquie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 1er février 2011 en une chambre composée de :
Françoise Tulkens, présidente,   Danutė Jočienė,   David Thór Björgvinsson,   Dragoljub Popović,   András Sajó,   Işıl Karakaş,   Guido Raimondi, juges,  et de Stanley Naismith, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 11 avril 2005,
Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Nasır Ökmen, est un ressortissant turc, né en 1964 et résidant à Izmir. Il a été représenté devant la Cour par Me M. İşeri, avocat à İzmir.^* Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
Toutefois, il convient de noter que le requérant M. Nasır Ökmen est décédé le 31 juillet 2007. De ce fait, Mmes Sevim Ökmen, Fatma Berfin Ökmen, MM. Fırat Ökmen et Özgür Ökmen, en tant que ses héritiers, continuent l’instance devant la Cour. Ces derniers sont des ressortissants turcs nés respectivement en 1971, 1991, 1989 et 1997. Ils résident à Izmir et sont représentés devant la Cour par Me M. İşeri, avocat à Izmir. Pour des raisons d’ordre pratique, la Cour continuera à citer M. Nasır Ökmen comme « le requérant ».
A.  Les circonstances de l’espèce
Par un acte d’accusation du 16 mai 1997, le procureur de la République d’Izmir engagea une action pénale à l’encontre du requérant pour escroquerie et usage de faux.
Lors de plusieurs audiences qui se tinrent entre le 10 septembre 1997 et le 14 mai 2001, le requérant fut absent sans présenter d’excuses. N’ayant été retrouvé à aucune de ses adresses connues, le requérant fit l’objet d’un mandat d’arrêt.
Le 14 mai 2001, le requérant se présenta pour la première fois devant la cour d’assises d’Izmir.
Entre le 14 mai 2001 et le 22 décembre 2004, la cour d’assises tint douze audiences. Le requérant fut absent aux dix audiences sans présenter d’excuses. Toutefois, la cour d’assises continua la procédure en son absence.
Par un arrêt du 22 décembre 2004, la cour d’assises reconnut le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés et le condamna à une peine d’emprisonnement d’un an et huit mois.
Le 17 mars 2005, le requérant se pourvut en cassation.
Le 18 juillet 2005, la Cour de cassation infirma l’arrêt de la cour d’assises.
Par un arrêt du 16 décembre 2005, la cour d’assises condamna le requérant à une peine d’emprisonnement d’un an et huit mois. Toutefois, tenant compte du casier judiciaire vierge du requérant et de ses comportements lors des audiences, la cour d’assises ordonna le sursis à l’exécution de la peine d’emprisonnement. Cet arrêt a été prononcé publiquement en présence du requérant.
Le 15 février 2006, soit un mois et vingt-deux jours après le délai du pourvoi, à savoir une semaine à compter de la date de signification de la décision en question (article 310 du Code de procédure pénale), le requérant se pourvut en cassation.
Par un arrêt du 24 septembre 2008, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant pour tardiveté.
GRIEFS
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée excessive de la procédure pénale.
Invoquant l’article 13 de la Convention, le requérant se plaint également du fait qu’en Turquie il n’existe aucune juridiction à laquelle l’on puisse s’adresser pour se plaindre de la durée excessive de la procédure.
EN DROIT
Le premier grief porte sur la durée de la procédure. Le requérant allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention.
La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Daneshpayeh c. Turquie, no 21086/04, §§ 26-29, 16 juillet 2009).
Le Gouvernement fait notamment prévaloir que l’absence du requérant lors de plusieurs audiences avait contribué à la prolongation de la procédure. Le Gouvernement soutient qu’aucun retard n’est imputable aux autorités judiciaires en l’espèce.
La Cour constate que la période à considérer a débuté le 16 mai 1997, date de l’acte d’accusation et s’est terminée le 16 décembre 2005 par l’arrêt de la cour d’assises d’Izmir. S’agissant du terme final de la période en question, la Cour note qu’elle ne peut pas prendre en considération le laps de temps écoulé entre le 16 décembre 2005 et le 24 septembre 2008, date de l’arrêt de la Cour de cassation, dans la mesure où le requérant ne s’est pas pourvu en cassation dans le délai prévu par le code de procédure pénale. A cet égard, la procédure en cause a duré donc environ huit ans et sept mois pour une affaire ayant connu deux degrés de juridictions.
Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour constate que l’objet de l’affaire ne revêtait pas une complexité particulière. Toutefois, s’agissant des comportements du requérant, la Cour observe qu’entre le 10 septembre 1997 et le 14 mai 2001, en dépit du mandat d’arrêt lancé contre lui, le requérant n’a pas participé aux audiences, sans présenter d’excuses. Cette absence a retardé le déroulement de la procédure pour une durée de trois ans et huit mois. Par ailleurs, tenant compte des procès-verbaux des audiences, la Cour constate que le requérant était absent lors de plusieurs audiences qui se tinrent entre le 14 mai 2001 et le 22 décembre 2004.
La Cour rappelle que l’obligation de comparaître est un élément essentiel de la procédure pénale, sauf cas de force majeure ou excuse légitime (Sarı c. Turquie et Danemark, no 21889/93, § 85, 8 novembre 2001). Elle rappelle également que la comparution d’un prévenu revêt une importance capitale en raison tant du droit de celui-ci à être entendu que de la nécessité de contrôler l’exactitude de ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime, dont il y a lieu de protéger les intérêts, ainsi que des témoins (Poitrimol c. France, 26 octobre 1993, § 35, série A no 277-A, Medenica c. Suisse, 14 juin 2001, § 54, CEDH 2001-VI, et Sarı, précité, § 86). Cela étant, la Cour note que le requérant n’a présenté aucune explication pouvant justifier sa non-comparution aux audiences qui a assurément contribué à la durée globale de la procédure. Par ailleurs, elle ne constate aucune indication significative selon laquelle les autorités nationales auraient manqué de diligence dans la procédure en l’espèce.
Partant, à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence des organes de la Convention en matière de « délai raisonnable » (complexité de l’affaire, comportement du requérant et des autorités compétentes), et compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, elle estime que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, conformément à l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Le second grief porte sur  l’absence de recours interne pour se plaindre du défaut de célérité de la procédure. Le requérant invoque l’article 13 de la Convention.
Compte tenu de ce qu’elle a conclu que le grief du requérant, tiré de la durée de la procédure, était manifestement mal fondé conformément à l’article 6 § 1 de la Convention, la Cour constate que le grief énoncé par le requérant à cet égard n’est dès lors pas « défendable » aux fins de l’article 13 de la Convention (Boyle et Rice c. Royaume-Uni, 27 avril 1988, § 55, série A no 131).
Il s’ensuit que ce grief est également manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Déclare la requête irrecevable.
Stanley Naismith Françoise Tulkens    Greffier Présidente
DÉCISION ÖKMEN c. TURQUIE
DÉCISION ÖKMEN c. TURQUIE 


Synthèse
Formation : Cour (deuxième section)
Numéro d'arrêt : 15383/05
Date de la décision : 01/02/2011
Type d'affaire : Décision
Type de recours : Violation de l'art. 6-3-c+6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE


Parties
Demandeurs : OKMEN
Défendeurs : TURQUIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2011-02-01;15383.05 ?

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