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05/03/2013 | CEDH | N°001-116967

CEDH | CEDH, AFFAIRE GIUSEPPE ROMANO c. ITALIE, 2013, 001-116967


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE GIUSEPPE ROMANO c. ITALIE

(Requête no 35659/02)

ARRÊT

STRASBOURG

5 mars 2013

DÉFINITIF

05/06/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Giuseppe Romano c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Danutė Jočienė, présidente,
Guido Raimondi,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Işıl Kara

kaş,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 fév...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE GIUSEPPE ROMANO c. ITALIE

(Requête no 35659/02)

ARRÊT

STRASBOURG

5 mars 2013

DÉFINITIF

05/06/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Giuseppe Romano c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Danutė Jočienė, présidente,
Guido Raimondi,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Işıl Karakaş,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 février 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 35659/02) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Giuseppe Romano (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des droits de l’homme (« la Commission ») le 20 mai 1998 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me Giovanni Romano, avocat à Bénévent. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Spatafora, ainsi que par sa coagente, Mme P. Accardo.

3. Le requérant se plaint de la durée de la procédure de faillite, du temps nécessaire pour récupérer ses créances ainsi que du retard dans l’obtention du montant reconnu dans le cadre de la procédure « Pinto ». Il invoque à ce titre les articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 à la Convention. Le requérant dénonce aussi le fait de ne pas disposer d’une voie de recours efficace afin de solliciter la liquidation des biens faisant partie de l’actif de la faillite ainsi que l’inefficaité du remède prévu par la loi « Pinto ». Il invoque à ce titre l’article 13 de la Convention.

4. Le 9 mai 2006, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

1. La procédure introduite devant le juge d’instance de Bénévent

5. Le 29 septembre 1984, le requérant, ancien salarié de la société C.T., assigna cette dernière devant le juge d’instance de Bénévent afin d’obtenir les rétributions non-payées auxquelles il estimait avoir droit ainsi que la prime d’ancienneté (trattamento di fine rapporto – T.F.R.).

6. Le 9 octobre 1984, le juge fixa au 12 décembre 1984 l’audience de plaidoiries.

7. Par un jugement déposé le 29 décembre 1984, le juge condamna la société défenderesse au paiement de 17 273 347 lires italiennes (ITL) en faveur du requérant.

8. Le 30 avril 1985, le syndic de la faillite (voir ci-dessous) interjeta appel devant le tribunal de Bénévent afin d’obtenir la révocation du jugement déposé le 29 décembre 1984.

9. Par un jugement déposé le 4 août 1986, le tribunal de Bénévent rejeta cette demande.

2. La procédure de faillite

10. Entre-temps, par un jugement déposé le 21 novembre 1984, le tribunal de Bénévent déclara la faillite de la société de fait existant entre M. C.T. et M. G.T.

11. Le 14 janvier 1985, sur la base du jugement du juge d’instance de Bénévent déposé le 29 décembre 1984 (voir paragraphe 7 ci-dessus), le requérant introduisit une demande devant le tribunal afin d’être admis au passif de la faillite à la hauteur de la somme pour laquelle la société C.T. avait été condamnée.

12. Le 23 octobre 1985, le tribunal rejeta la demande du requérant, alléguant que le jugement du juge d’instance était nul car successif à la déclaration de faillite de la société de fait existant entre M. C.T. et M. G.T.

13. Le 24 mars 1986, l’état du passif de la faillite fut déclaré exécutoire et, le 8 avril 1986, le requérant fit opposition.

14. Par un jugement déposé le 24 janvier 1992, le tribunal fit droit à la demande de ce dernier et admit celui-ci au passif de la faillite à la hauteur de 18 633 206 ITL.

15. Le 16 mai 2002, la procédure de faillite fut close et, lors de la répartition finale de l’actif, le requérant obtint le paiement de 5 751, 84 euros (EUR).

3. La procédure introduite conformément à la loi no 89 du 24 mars 2001 (« loi Pinto »)

16. Le 16 octobre 2001, le requérant introduisit un recours devant la cour d’appel de Rome conformément à la « loi Pinto », se plaignant de la durée de la procédure et de la limitation de son droit au respect de ses biens.

17. Par une décision déposée le 24 mars 2003, la cour d’appel condamna le ministère de la Justice au paiement de 1 000 EUR pour le dommage moral que le requérant avait subi. Cette décision devint définitive le 10 mai 2004.

4. La procédure en exécution de la décision prise conformément à la « loi Pinto »

18. Le ministère de la Justice n’ayant pas payé la somme accordée par la cour d’appel de Rome, le 11 novembre 2003 le requérant signifia au ministère une injonction de payer.

19. Le 10 février 2004, le ministère de la Justice alloua au requérant 1 244,81 EUR.

EN DROIT

I. SUR L’EXCEPTION DU GOUVERNEMENT TIRÉE DU NON-ÉPUISEMENT DES VOIES DE RECOURS INTERNES

20. Le Gouvernement excipe tout d’abord que, le requérant ne s’étant pas pourvu en cassation contre la décision de la cour d’appel de Rome déposée le 24 mars 2003, il a omis d’épuiser les voies de recours internes.

21. La Cour relève d’emblée que la décision de la cour d’appel « Pinto » est devenue définitive le 10 mai 2004. A la lumière de sa jurisprudence (Di Sante c. Italie (déc.), no 56079/00, 24 juin 2004), elle rappelle que c’est à partir du 26 juillet 2004 qu’il doit être exigé des requérants qu’ils usent du recours en cassation au sens de la « loi Pinto » aux fins de l’article 35 § 1 de la Convention pour se plaindre de la durée de la procédure.

22. La Cour observe en outre que le grief du requérant tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention est strictement lié à la durée de la procédure.

23. Elle rejette donc l’exception du Gouvernement tiré du non-épuisement des voies de recours internes.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION (DURÉE DE LA PROCÉDURE)

24. Invoquant les articles 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de la procédure de faillite. Cet article est ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

A. Sur la recevabilité

25. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

26. Le Gouvernement fait valoir que la procédure de faillite a été complexe.

27. Le requérant réitère son grief.

28. La Cour observe que la procédure de faillite dans laquelle le requérant était créancier a duré environ seize ans et un mois pour un degré de juridiction. Elle constate aussi que le requérant a obtenu 1 244,81 EUR en raison de la durée de la procédure dans le cadre de la procédure « Pinto ».

29. La Cour a traité à maintes reprises des requêtes soulevant des questions semblables à celles du cas d’espèce et a constaté une méconnaissance de l’exigence du « délai raisonnable », compte tenu des critères dégagés par sa jurisprudence bien établie en la matière (voir, parmi beaucoup d’autres, Cocchiarella c. Italie [GC], no 64886/01, §§ 117-121, CEDH 2006‑V). N’apercevant rien qui puisse mener à une conclusion différente dans la présente affaire, la Cour estime qu’il y a également lieu de constater, dans cette requête, une violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 A LA CONVENTION (RELATIVEMENT AU RETARD DANS L’OBTENTION DES CRÉANCES DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE DE FAILLITE)

30. Invoquant l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, le requérant se plaint du temps nécessaire afin de récupérer sa créance dans le cadre de la procédure de faillite. Cet article est ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

A. Sur la recevabilité

31. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

32. Le Gouvernement fait valoir que le requérant n’a pas bénéficié d’un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, les créances admises à l’état passif de la faillite n’étant ni certes ni définitives.

33. Le requérant réitère son grief.

34. A titre liminaire, la Cour relève que, selon la jurisprudence des organes de la Convention, un gain futur constitue un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention si le gain a été acquis ou fait l’objet d’une créance exigible. Dans le cas d’espèce, le requérant, ancien salarié de la société C.T., a été admis à l’état passif de la faillite de cette dernière le 24 janvier 1992 pour un montant de 18 633 206 ITL, dont une partie lui a été allouée à la suite de la clôturé de la procédure de faillite. Il ne fait donc pas de doute que les créances du requérant constituent un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (voir Ambruosi c. Italie, no 31227/96, § 20, 19 octobre 2000 ; Saggio c. Italie, no 41879/98, §§ 24-25, 25 octobre 2001 et F.L. c. Italie, no 25639/94, § 23-24, 20 décembre 2001).

35. La Cour relève en outre que le grief du requérant doit être examiné sur le terrain du droit des Etats de réglementer, en vertu de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, l’usage des biens dans l’intérêt général.

36. Pour être en conformité avec l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, l’ingérence des autorités publiques, non contestée entre les parties dans le cas d’espèce, dans le droit au respect des biens du requérant doit satisfaire au principe de légalité, poursuivre un but légitime et ménager un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, §§ 144-146, CEDH 2004‑V et Belev et autres c. Bulgarie, nos 16354/02, et autres, § 86, 2 avril 2009).

37. La Cour constate que l’ingérence litigieuse avait une base légale consistant notamment en l’ancienne loi sur la faillite (décret royal no 267 du 16 mars 1942), dans ses parties concernant la demande d’admission des créanciers à l’état du passif de la faillite et la liquidation de l’actif de celle-ci (réglementées respectivement par les articles 93 et suivants et 104 et suivants dudit décret). De plus, cette ingérence visait des buts légitimes conformes à l’intérêt général, à savoir une bonne gestion de l’administration et la protection des droits d’autrui à travers une gestion équitable des biens de la société en faillite.

38. En ce qui concerne le respect du « juste équilibre », la Cour rappelle que l’Etat ne saurait en principe être tenu responsable d’un défaut de paiement dû à l’insolvabilité d’un débiteur privé (Sanglier c. France, no 50342/99, § 39, 27 mai 2003)

39. Cependant, elle relève avoir reconnu que, dans des cas de mise en liquidation d’une société ayant fait l’objet d’une privatisation partielle, les retards dans l’exécution de jugements reconnaissant des créances en faveur des requérants, anciens salariés da la société mise en liquidation, et l’impossibilité pour ceux-ci d’obtenir le paiement de l’intégralité de leurs créances ont entraîné une violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (Belev et autres, précité, §§ 97-99 et Hristova et autres c. Bulgarie, nos 11472/04 et 40590/08, §§ 48-51, 26 juin 2012).

40. Se tournant vers la présente affaire, la Cour note avoir conclu à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de la durée excessive de la procédure de faillite. Elle relève ensuite que le retard dans le paiement du requérant n’était pas dû principalement à l’insolvabilité de la société débitrice mais était la conséquence de la durée excessive de la procédure litigieuse (voir, a contrario, F.L. c. Italie, précité et Saggio c. Italie, précité).

41. Par conséquent, la Cour estime qu’en l’espèce, le juste équilibre qui doit être ménagé entre la sauvegarde du droit de l’individu au respect de ses biens et les exigences de l’intérêt général n’a pas été préservé. Elle conclut donc à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 § 1 ET 13 DE LA CONVENTION QUANT À LA PRÉTENDUE IMPOSSIBILITÉ DE CONTRÔLER L’ACTIVITÉ DU SYNDIC DE LA FAILLITE

42. Le requérant se plaint de ne pas disposer d’une voie de recours pour contrôler l’activité du syndic et pour solliciter la liquidation des biens faisant partie de la faillite. Il invoque à ce titre les articles 6 § 1 de la Convention (quant au droit d’accès au tribunal) et 13 de la Convention. Le texte de l’article 6 § 1 de la Convention est reporté au paragraphe 24 ci-dessus. L’article 13 de la Convention dispose ainsi :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

43. Le Gouvernement soutient que le requérant aurait pu se prévaloir des remèdes prévus par les articles 26 et 36 de l’ancienne loi sur la faillite (décret royal no 267 du 16 mars 1942), prévoyant respectivement la possibilité d’introduire une réclamation contre les actes du juge délégué de la faillite et du syndic de la faillite. Il note aussi que, dans les affaires Saggio c. Italie (précité, §§ 21 et 44) et Chizzotti c. Italie (no 15535/02, § 46, 2 février 2006), la Cour a reconnu la validité de remèdes similaires dans le cadre de procédures d’administration extraordinaire.

44. Le requérant réitère son grief.

45. Même en admettant que les griefs soulevés par le requérant aient été suffisamment étayés, à l’instar du Gouvernement, la Cour relève avoir implicitement reconnu, dans les affaires citées par le gouvernement défendeur, que la possibilité de contester devant les instances judiciaires les actes du commissaire liquidateur dans le cadre d’une procédure d’administration extraordinaire constitue un remède efficace au regard de l’article 13 de la Convention. Ces remèdes étant de toute évidence assimilables à ceux prévus par les articles 26 et 36 de l’ancienne loi sur la faillite, la Cour rejette le grief du requérant pour défaut manifeste de fondement, au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

V. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 A LA CONVENTION (QUANT AU TEMPS NÉCESSAIRE POUR OBTENIR LA SOMME ACCORDÉE PAR LA COUR D’APPEL DE ROME AU SENS DE LA « LOI PINTO »)

46. Le requérant se plaint du temps nécessaire pour obtenir la somme accordée par la cour d’appel de Rome au sens de la « loi Pinto ». Il invoque l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Le texte de cet article est reporté au paragraphe 30 ci-dessus.

47. Le Gouvernement conteste la thèse du requérant.

48. Le requérant réitère son grief.

A. Sur la recevabilité

49. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

50. La Cour relève avoir conclu à maintes reprises à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention dans des cas similaires (voir, parmi beaucoup d’autres, Simaldone c. Italie, no 22644/03, § 84, 31 mars 2009 et Gaglione et autres c. Italie, nos 45867/07 et autres, § 47, 21 décembre 2010).

51. Elle relève que le Gouvernement n’a pas fourni d’arguments permettant d’aboutir à une conclusion différente en l’espèce. Partant, elle conclut qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

VI. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 13 ET 53 DE LA CONVENTION QUANT AU MANQUE D’EFFICACITÉ DU REMÈDE PRÉVU PAR LA « LOI PINTO »

52. Invoquant les articles 13 et 53 de la Convention, le requérant se plaint du fait que la « loi Pinto » ne constitue pas un remède efficace pour se plaindre de la durée de la procédure et de la limitation de son droit au respect des biens.

53. La Cour considère que ce grief doit être analysé uniquement sous l’angle de l’article 13 de la Convention, dont le texte est reporté au paragraphe 42 ci-dessus.

54. Le Gouvernement conteste la thèse du requérant.

55. Le requérant réitère son grief.

56. Au vu de sa jurisprudence constante en la matière (Simaldone, précité, §§ 39-64 et Gaglione et autres, précité, §§ 12-45), la Cour estime qu’il y a lieu de déclarer ce grief irrecevable pour défaut manifeste de fondement au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

VI. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

57. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

58. Le requérant réclame 86 500 EUR au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

59. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

60. La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 10 700 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

61. Le requérant demande également 15 754,78 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

62. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

63. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1000 EUR pour la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.

C. Intérêts moratoires

64. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 6 § 1 de la Convention, en ce qui concerne la durée de la procédure, et de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, en ce qui concerne le temps nécessaire au requérant pour récupérer ses créances dans le cadre de la procédure de faillite ainsi que la somme accordée par la cour d’appel de Rome au sens de la « loi Pinto » ;

4. Dit,

a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i) 10 700 EUR (dix mille sept cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii) 1 000 EUR (mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 5 mars 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stanley NaismithDanutė Jočienė
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-116967
Date de la décision : 05/03/2013
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure civile;Article 6-1 - Délai raisonnable);Violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété (article 1 al. 1 du Protocole n° 1 - Respect des biens)

Parties
Demandeurs : GIUSEPPE ROMANO
Défendeurs : ITALIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : ROMANO G.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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