La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2023 | FRANCE | N°21LY03888

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 23 novembre 2023, 21LY03888


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



La société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le syndicat intercommunal des eaux de la Dhuy (SIED) à lui verser la somme de 257 334,50 euros assortie des intérêts de retard à compter du 24 avril 2017, correspondant aux achats d'eau que la métropole Grenoble Alpes Métropole lui a refacturés au titre de l'année 2015, sur le fondement de l'enrichissement injustifié et de la répétition de l'indu.

Par jugement n° 1908466 du 7 octobre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.







Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le syndicat intercommunal des eaux de la Dhuy (SIED) à lui verser la somme de 257 334,50 euros assortie des intérêts de retard à compter du 24 avril 2017, correspondant aux achats d'eau que la métropole Grenoble Alpes Métropole lui a refacturés au titre de l'année 2015, sur le fondement de l'enrichissement injustifié et de la répétition de l'indu.

Par jugement n° 1908466 du 7 octobre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 décembre 2021 et le 28 juin 2023, la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, représentée par Me Frêche et Me Dourlens, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la communauté de communes du Grésivaudan, venant aux droits du SIED, à lui verser la somme de 257 334,50 euros, assortie des intérêts de retard à compter du 24 avril 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Grésivaudan la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande ne tend pas à l'annulation des titres exécutoires émis par le SIED ou par la métropole Grenoble Alpes Métropole, ce qu'elle n'aurait au demeurant pas pu faire dans le délai de recours contentieux, mais a un objet indemnitaire ; dans ces conditions, les décisions du Conseil d'Etat Lafon et Communauté de communes du pays roussillonnais ne trouvent pas à s'appliquer, et sa demande, soumise aux seules règles de la prescription quadriennale, est recevable, en l'absence de tardiveté ;

- sa demande, qui s'analyse selon elle comme une demande en répétition de l'indu, est recevable, sans qu'on puisse lui opposer le caractère subsidiaire d'une telle demande ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, dès lors qu'il ne justifie pas des motifs pour lesquels il a estimé que les titres exécutoires émis par le SIED portaient sur l'année 2014 alors qu'ils font mention de la participation due pour 2015, qu'il n'identifie pas la " pratique habituelle " à laquelle il se réfère ni ses implications, qu'il n'indique pas les motifs pour lesquels il n'a pas retenu son argument tenant à ce que le versement qu'elle a opéré dès l'année 1998 équivalait nécessairement à la consommation d'eau de l'année 1998 et qu'il ne répond pas à son moyen tiré de ce que, si la participation devait être regardée comme afférente à l'année 2014, la méthode de calcul appliquée, se fondant sur une rétroactivité partielle, serait irrégulière ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est entaché de contradictions de motifs pour avoir retenu, d'une part, que la convention ne règle pas la question du tarif applicable en 2014 et, d'autre part, que les facturations des années 2014 et 2015 sont réglées par la convention ;

- le SIED a facturé deux fois le coût de la fourniture d'eau de la commune de Meylan au titre de 2015, à elle-même et à la métropole Grenoble Alpes Métropole qui a émis un titre exécutoire du même montant à son encontre ; en conséquence, elle est fondée à demander la restitution de l'indu conformément aux dispositions des articles 1302, 1302-1, et 1302-2 du code civil.

Par mémoire enregistré le 11 février 2022, la communauté de communes du Grésivaudan, représentée par Me Dumas, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande est irrecevable, dès lors qu'elle est tardive, les titres exécutoires étant devenus définitifs et que la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux ne peut obtenir par la voie indemnitaire ce qu'elle pouvait obtenir par la voie du recours contre ces titres ;

- le SIED a émis en 2015, deux séries de titres exécutoires ayant pour objet deux créances distinctes ;

- les titres exécutoires émis à l'encontre de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, délégataire du service public de l'eau potable de la commune de Meylan, correspondent à la participation de la commune au SIED au titre de l'année 2014 ;

- les titres exécutoires émis à l'encontre de la métropole Grenoble Alpes Métropole correspondent à la facturation d'eau de la commune de Meylan au titre de l'année 2015 ;

- ces titres ont été émis conformément aux statuts du SIED et à la convention qu'il a conclue avec la métropole Grenoble Alpes Métropole ; ils interviennent la même année compte tenu du changement dans les modalités de facturation résultant du transfert de la compétence à la métropole ;

- en l'absence de double facturation, l'action en répétition de l'indu de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux ne peut qu'être rejetée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de M. A...,

- et les observations de Me Foltzer pour la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, et celles de Me Villard pour la métropole Grenoble Alpes Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Meylan, comprise dans le territoire de la communauté d'agglomération de Grenoble, était membre du syndicat intercommunal des eaux de la Dhuy (SIED) qui exerçait la compétence communale en matière d'eau potable. A compter du 1er janvier 2015, date de création de la métropole Grenoble Alpes Métropole, la compétence en matière d'eau potable a été transférée des communes à la métropole qui a conclu, le 23 février 2015, avec le SIED une convention de fourniture d'eau à distribuer sur le territoire de Corenc. La communauté de communes du Grésivaudan s'est substituée à compter du 1er janvier 2018 au SIED. Au cours de l'année 2015, le président du SIED a émis à l'encontre de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, délégataire du service public de l'eau potable de la commune de Meylan, des titres exécutoires d'un montant total de 257 334,52 euros TTC et un titre exécutoire de même montant à l'ordre de la métropole Grenoble Alpes Métropole. Estimant qu'elle avait versé une somme indue, la métropole Grenoble Alpes Métropole a émis, le 23 février 2016, un titre exécutoire d'un montant de 257 335,52 euros TTC à l'encontre de la société Véolia Eau - Compagnie générale des eaux. Le 23 février 2017, cette société a demandé au SIED la restitution de la somme de 257 335,52 euros qu'elle estimait avoir versée à tort, en vain. Par jugement du 7 octobre 2021 dont la société Véolia Eau - Compagnie générale des eaux relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de condamnation du SIED à lui restituer cette somme, sur le fondement de l'enrichissement injustifié et de la répétition de l'indu.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En mentionnant, pour justifier de l'absence d'une double facturation des consommations d'eau de l'année 2015, que les titres exécutoires émis en 2015 par le SIED à l'encontre de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux correspondaient en réalité aux consommations d'eau de l'année 2014 auxquelles a été appliqué le tarif 2015, conformément à la pratique habituelle de facturation du SIED, les premiers juges ont exposé avec une précision suffisante les motifs pour lesquels ils ont estimé que les titres exécutoires en cause étaient afférents à l'année 2014 et, en renvoyant à l'article 14 de la convention de fourniture d'eau potable conclue entre la métropole Grenoble Alpes Métropole et le SIED, qu'ils ont citée au paragraphe précédent, qui décrit les modalités de facturation, ils ont suffisamment explicité la nature de la pratique habituelle à laquelle ils se sont référé et son origine. En outre, en indiquant que les modalités de facturation étaient réglées par cette convention et que la société requérante n'établissait pas leur incohérence en se bornant à formuler des hypothèses sur leur mise en œuvre à compter de la date de conclusion de la délégation de service public, en 1998, le jugement expose avec une précision suffisante les motifs pour lesquels il n'a pas été fait droit au moyen soulevé par la société requérante tiré du caractère rétroactif des modalités de facturation retenues. Il en résulte que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la société, ont suffisamment motivé leur jugement.

3. En second lieu, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une contradiction de motifs n'est, en tout état de cause, pas susceptible d'entacher sa régularité, mais seulement son bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. D'une part, aux termes de l'article 1302 du code civil : " Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution ", et aux termes de l'article 1302-1 du même code : " Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales : " Les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable (...) Elles peuvent également assurer la production d'eau potable, ainsi que son transport et son stockage ". Aux termes de l'article L. 5217-2 du même code : " I. - La métropole exerce de plein droit, en lieu et place des communs membres, les compétences suivantes : (...) 5° En matière de gestion des services d'intérêt collectif : a) Assainissement et eau (...) ".

6. Enfin, aux termes de la délibération du 24 septembre 2003 du comité syndical du SIED, opposable à la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, en sa qualité de délégataire du SIED puis de la métropole Grenoble Alpes Métropole : " (...) à compter du 1er janvier 2004 : - les participations restent calculées sur la base des consommations en eau de l'année précédente ; - le prix du m3 d'eau continue d'être fixé chaque année par le comité syndical lors du vote du budget primitif ; - une moyenne des consommations de chaque commune adhérente est calculée sur les années 2001 et 2003 ; - une consommation minimum correspondant à 90 % de cette moyenne est désormais retenue comme base de calcul pour définir la participation des communes ". Par délibération du 12 février 2009, le conseil syndical du SIEC a substitué, comme base de calcul des participations des communes, la consommation réelle de l'année N-1 à la moyenne des consommations des années antérieures. Enfin, aux termes de l'article 14 de la convention de fourniture d'eau conclue par la métropole Grenoble Alpes Métropole avec le SIED le 23 février 2015 : " Les consommations de l'année 2014 seront réglées en 2015 directement par les communes ou leur prestataire de service au rythme d'un appel tous les trimestres. A partir du 1er janvier 2015, les participations seront adressées pour paiement à Grenoble Alpes Métropole. Les participations 2015 correspondent aux consommations 2015. La facturation des volumes consommés en année N-1 multipliés par le prix du m3 de l'année N sera effectuée au rythme d'un appel tous les trimestres. Il sera adressé à Grenoble Alpes Métropole le 1er jour de chaque trimestre. Cette estimation sera régularisée sur la base de la consommation de l'année N en complément de la facturation du premier trimestre de l'année N+1 et de la prise en-compte des conditions stipulées à l'article 9 (...) ".

7. La demande de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, qui sollicite, sur le fondement des articles 1302 et suivants du code civil, la restitution de la somme de 257 334,52 euros TTC qu'elle a versée au SIED, et non la réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait d'une double facturation établie à tort par cette collectivité, s'analyse comme une demande en répétition de l'indu.

8. Il résulte de l'instruction que le SIED a émis, à l'encontre de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, les 8 janvier 2015, 1er avril 2015, 1er juillet 2015 et 1er octobre 2015, des titres exécutoires d'un montant respectif de 64 333, 62 euros TTC, soit au total la somme de 257 334,52 euros TTC. Si ces titres comportent en objet la mention " participation 1T2015 Meylan ", il résulte des termes mêmes de la convention du 23 février 2015 ainsi que du tableau de calcul des participations joint aux titres que ces derniers ne correspondent pas, comme la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux le soutient, à la participation de la commune de Meylan au titre, respectivement, des premier, deuxième, troisième et quatrième trimestres de l'année 2015 mais au volume d'eau fourni à cette commune au titre de l'année 2014, une fois connue la consommation effective. Par suite, ces titres exécutoires n'ont pas le même objet que les titres émis par le SIED à l'encontre de la métropole Grenoble Alpes Métropole pour des montants identiques, lesquels correspondent à la consommation d'eau de la commune de Meylan pour l'année 2015, telle que calculée selon les nouvelles modalités prévues par la convention du 23 février 2015. Il s'ensuit que la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux n'est pas fondée à demander la restitution de la somme de 257 334,52 euros TTC qu'elle a versée au SIED en paiement des volumes d'eau qu'elle a distribués aux usagers sur le territoire de la commune de Meylan. La société ayant acquitté la somme litigieuse en exécution des obligations de délégataire de service public qu'elle a contractées, ses conclusions tendant à la constatation d'un enrichissement injustifié du SIED ne peuvent qu'être rejetées.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance, la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Les conclusions de sa requête doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les conclusions de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux, partie perdante, doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux une somme de 1 000 euros à verser à la communauté de communes du Grésivaudan.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux est rejetée.

Article 2 : La société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux versera à la communauté de communes du Grésivaudan une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Veolia Eau - Compagnie générale des eaux et à la communauté de communes du Grésivaudan.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY03888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03888
Date de la décision : 23/11/2023

Analyses

135-05-01-01 Collectivités territoriales. - Coopération. - Établissements publics de coopération intercommunale - Questions générales. - Dispositions générales et questions communes.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : FRECHE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-11-23;21ly03888 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award