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01/12/2023 | FRANCE | N°22DA02455

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 01 décembre 2023, 22DA02455


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme L... O... épouse G..., agissant en son nom personnel, en qualité d'ayant droit de H... G... et en tant que représentante légale de M. M... et Mme C... E... et de M. J... G..., M. I... G..., M. K... B..., M. A... G..., Mme P... F... épouse G... ainsi que Mme N... D... épouse O..., agissant en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de H... G..., ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Lens à les indemniser des préjudices

subis par H... G... lors de la prise en charge fautive assurée par cet établissemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme L... O... épouse G..., agissant en son nom personnel, en qualité d'ayant droit de H... G... et en tant que représentante légale de M. M... et Mme C... E... et de M. J... G..., M. I... G..., M. K... B..., M. A... G..., Mme P... F... épouse G... ainsi que Mme N... D... épouse O..., agissant en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de H... G..., ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Lens à les indemniser des préjudices subis par H... G... lors de la prise en charge fautive assurée par cet établissement et de ceux qu'ils ont eux-mêmes subis en raison du décès de cette dernière.

Par un jugement n° 2005358 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a condamné M. et Mme G... à reverser la somme de 4 670,10 euros au centre hospitalier de Lens. Par le même jugement, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Lens à verser à M. A... G... et à Mmes P... G... et N... D... des sommes de 2 000 euros chacun. Enfin, il a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros, à la charge du centre hospitalier de Lens et il a mis à la charge de celui-ci la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 novembre 2022, 6 janvier 2023 et 27 février 2023, Mme L... G... née O..., agissant en son nom personnel, en qualité d'ayant droit de H... G... et en tant que représentante légale de ses enfants mineurs M. M... E..., Mme C... E... et M. J... G..., M. I... G..., agissant en son nom personnel, en qualité d'ayant droit de H... G... et en tant que représentant légal de son fils mineur M. J... G..., M. K... B..., M. A... G..., Mme P... G... née F... et Mme N... O... née D..., représentés par Me Alexia Navarro, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Lens à leur verser une somme totale de 371 256,80 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Lens le paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers frais et dépens.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur un mémoire du centre hospitalier de Lens enregistré le 17 août 2022 qui ne leur a pas été communiqué ;

- le jugement attaqué, en tant qu'il fixe le montant des indemnités qu'il leur alloue, est insuffisamment motivé ; ces montants sont en effet très nettement inférieurs à leurs demandes et aussi à l'offre d'indemnisation amiable préalablement adressée par le centre hospitalier de Lens ; il en va ainsi particulièrement pour l'indemnité allouée au titre des souffrances endurées par H... G... avant son décès, que les premiers juges ont limité à 1 000 euros ;

- la responsabilité du centre hospitalier de Lens est engagée du fait des fautes commises lors de la prise en charge de H... G... et il lui revient d'indemniser intégralement les préjudices en résultant ;

- ces préjudices doivent être réparés par l'octroi des indemnités suivantes : 90 000 euros au titre des souffrances endurées par H... G... avant son décès ; 50 000 euros au titre du préjudice d'affection de chacun des deux parents de H... G... ; 50 000 euros au titre du préjudice professionnel de Mme L... G... ; 1 256,80 euros au titre des frais d'obsèques ; 25 000 euros au titre du préjudice d'affection de chacun des quatre frères, demi-frères et demi-sœurs de H... G... ; 10 000 euros au titre du préjudice d'affection de chacun des trois grands-parents de H... G....

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2022, le centre hospitalier de Lens, représenté par Me Alexandra Romatif, conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

2°) à titre subsidiaire, et selon les postes de préjudices, au rejet des demandes indemnitaires présentées par les consorts G... ou à ce qu'elles soient ramenées à de plus justes proportions ainsi qu'au rejet du surplus de leurs conclusions.

Il fait valoir que :

- le défaut de communication par le tribunal de son mémoire en défense enregistré le 17 août 2022 n'a pas préjudicié aux droits des consorts G... ;

- les premiers juges n'étaient liés ni par l'offre d'indemnisation qu'il avait préalablement adressée aux consorts G..., ni par l'ordonnance du juge du référé provision ;

- le montant des indemnités allouées par le tribunal correspond à la jurisprudence habituelle des juridictions administratives dans des cas similaires ;

- à titre subsidiaire, le montant des indemnités ne saurait excéder : 5 000 euros s'agissant des souffrances endurées par Bleuenne G... avant son décès, 1 256,80 euros au titre des frais d'obsèques, 25 000 euros chacun au titre des préjudices d'affection de Mme L... G... et M. I... G..., 5 000 euros chacun au titre des préjudices d'affection de M. M... E..., Mme C... E... et M. K... B... et 3 000 euros chacun au titre des préjudices d'affection de M. A... G... et Mmes P... G... et N... O... ;

- aucune indemnité n'est due au titre du préjudice d'affection de M. J... G..., lequel est né à une date postérieure au fait litigieux, et au titre du préjudice professionnel de Mme L... G..., qui n'établit pas un lien direct et certain entre le fait dommageable et l'interruption de ses activités de sage-femme.

La requête et l'ensemble des pièces de la procédure ont été communiqués à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 6 février 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12 heures.

Un mémoire présenté pour le centre hospitalier de Lens, enregistré au greffe de la cour le 28 février 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- les observations de Me Alexia Navarro, représentant les consorts G...,

- et les observations de Me Simon Cazade, représentant le centre hospitalier de Lens.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 juin 2015, Mme L... G..., qui était enceinte de son quatrième enfant et à 38 semaines d'aménorrhée, s'est présentée au centre hospitalier de Lens en raison d'une rupture spontanée des membranes supérieures. Le 14 juin 2015, elle a accouché par voie basse d'une petite fille, prénommée H.... L'enfant, étant hypotonique et souffrant d'une détresse respiratoire légère, a été transférée au service de réanimation néonatale du même établissement de santé. Le 19 juin 2015, lors de la réalisation d'un examen d'imagerie par résonance magnétique (IRM), l'enfant a présenté un arrêt cardio-respiratoire, a été réanimée et a subi une intervention en urgence. Des signes de séquelles neurologiques majeures sont apparus le 21 juin 2015. L'enfant est décédée le 26 juin 2015 après l'arrêt des soins proposé par l'équipe médicale de l'hôpital " Jeanne de Flandres " situé à Lille dans lequel elle avait été transférée à la demande de ses parents.

2. M. et Mme I... et L... G..., estimant que le décès de leur fille est imputable à des fautes commises lors de l'accouchement et lors de la prise en charge postérieure, ont obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Lille l'organisation d'une expertise par une ordonnance n° 1707748 du 11 décembre 2017. Le rapport d'expertise a été déposé le 2 avril 2018. Par un courrier du 26 juin 2020, M. et Mme I... et L... G..., agissant en qualité d'ayants droit de leur fille décédée, H... G..., au titre de leurs préjudices propres et en qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs, M. M... E..., Mme C... E... et M. J... G..., ainsi que M. K... B..., M. A... G..., Mme P... G... née F... et Mme N... O... née D... ont demandé au centre hospitalier de Lens de les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de H... G.... Par un courrier du 16 juillet 2020, le centre hospitalier de Lens leur a proposé une indemnité totale de 103 256,80 euros.

3. Les consorts G... ont refusé cette offre et, le 31 juillet 2020, ils ont saisi le tribunal administratif de Lille, d'une part, d'une demande tendant à ce que le juge des référés leur alloue une provision de 103 256,80 euros et, d'autre part, d'une requête au fond à fin de condamnation du centre hospitalier de Lens à leur verser une indemnité totale de 321 256,80 euros. Par une ordonnance n° 2005328 du 8 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier de Lens à verser à M. et Mme I... et L... G... une provision de 51 784 euros au titre de leurs préjudices personnels et une provision de 20 000 euros en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs. Par un jugement n° 2005358 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Lille a ordonné à M. et Mme I... et L... G... de reverser au centre hospitalier de Lens la somme de 4 670,10 euros, correspondant à la différence entre la provision totale de 71 784 leur ayant été accordée et le montant de l'indemnité totale de 67 113,90 euros à laquelle ils ont droit au même titre, et il a condamné le centre hospitalier de Lens à verser M. A... G..., Mme P... G... et Mme N... O... la somme de 2 000 euros chacun.

4. Les consorts G... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a limité leur indemnisation aux montants précités et demandent à la cour de condamner le centre hospitalier de Lens à leur verser une somme totale de 371 256,80 euros. En défense, le centre hospitalier de Lens demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement attaqué et, à titre subsidiaire, de limiter la majoration des indemnités susceptibles d'être accordée aux consorts G... à la somme totale de 80 256,80 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

6. En l'espèce, le centre hospitalier de Lens, malgré une mise en demeure de produire ses observations dans un délai d'un mois adressée le 15 juillet 2021 par la magistrate rapporteure, n'a déposé son premier mémoire en défense auprès du greffe du tribunal que le 17 août 2022, soit postérieurement non seulement à la clôture de l'instruction intervenue le 31 août 2021 mais aussi à l'avis d'audience émis le 10 août 2022. Alors que les motifs du jugement attaqué ne font pas référence à ce mémoire en défense et que les premiers juges ont même opposé au centre hospitalier de Lens, en application des dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, qu'il avait admis l'exactitude matérielle des faits invoqués par les consorts G..., ils ne peuvent être regardés comme s'étant fondés sur des éléments communiqués dans ce mémoire. Au demeurant, le centre hospitalier de Lens n'y conteste pas le principe même de sa responsabilité et limite ses observations aux chiffrages des indemnités susceptibles d'être mises à sa charge, lesquels demeurent dans les mêmes ordres de grandeur que dans la proposition d'indemnisation amiable qu'il avait adressée aux consorts G... avant leur recours contentieux. Dans ces conditions, le défaut de communication aux consorts G... du mémoire en défense du centre hospitalier de Lens enregistré le 17 août 2022 n'a pas préjudicié aux droits des intéressés. Dès lors, les consorts G... ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif de Lille a, ce faisant, entaché son jugement d'irrégularité.

7. En second lieu, le juge du fond, d'une part, n'est pas tenu d'accorder une somme au moins égale à celle que l'administration s'est déclarée prête à verser à l'amiable au demandeur et, d'autre part, n'est pas lié par la provision accordée le cas échéant par le juge des référés dont l'ordonnance est, compte tenu de son caractère provisoire, dépourvue de l'autorité de chose jugée. La circonstance qu'il accorde des indemnités d'un montant inférieur à ceux des indemnités que l'administration avait proposées à l'amiable ou des provisions accordées par le juge des référés n'a pas davantage pour effet de renforcer son obligation de motiver son jugement. A cet égard, les motifs du jugement attaqué énoncent précisément, pour chacun des postes de préjudices qu'il examine, les considérations de fait conduisant les premiers juges à accueillir ou écarter leur indemnisation et, le cas échéant, celles justifiant le montant des indemnités qu'ils allouent. S'agissant en particulier des souffrances endurées par H... G... avant son décès, les premiers juges ont suffisamment motivé le montant de l'indemnité allouée à ce titre en soulignant qu'il résulte du rapport d'expertise que l'enfant était sédatée au moment de l'accident et que la durée des souffrances a été brève. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Lens :

8. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I.- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ".

9. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 2 avril 2018, qu'au cours de la réalisation d'une IRM le 19 juin 2015, un praticien du centre hospitalier de Lens a par inadvertance branché la sonde d'intubation de H... G... à l'oxygène mural, conduisant à un débit d'oxygène en continu à 1,5 l/mn, six fois supérieur au débit qu'un nourrisson peut normalement supporter. Cette erreur a causé un pneumothorax bilatéral et un pneumopéricarde constrictif, eux-mêmes responsables de l'arrêt cardio-respiratoire de H... G... et des graves lésions neurologiques en résultant. Il n'est en outre pas contesté que l'arrêt des soins proposé ultérieurement aux parents de H... G... à la suite de cet incident et ayant conduit au décès de l'enfant le 26 juin 2015 était conforme aux règles de l'art compte tenu de la gravité des lésions neurologiques qu'elle avait conservées. Il s'ensuit que l'erreur de branchement commise lors de l'IRM du 19 juin 2015 doit être regardée comme étant directement à l'origine du décès de H... G... le 26 juin 2015 et est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Lens, ce que ce dernier n'a au demeurant jamais contesté. Dès lors, les consorts G... sont fondés à demander qu'il soit condamné à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis du fait du décès de H... G....

En ce qui concerne la réparation des consorts G... :

S'agissant des préjudices propres subis par H... G..., transmis à sa succession :

10. Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers. En outre, le préjudice subi par la victime, ayant cessé au moment du décès, doit être évalué à la date de cet événement, y compris lorsque le décès est lié au fait ouvrant droit à indemnisation.

11. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 2 avril 2018, que l'erreur de branchement commise lors de l'IRM pratiquée le 19 juin 2015 sur la jeune H... G... lui a causé un pneumothorax bilatéral, pathologie décrite par les experts comme étant " très douloureuse ". Elle a été suivie par un arrêt cardio-respiratoire ayant nécessité la réanimation de l'enfant ainsi qu'une intervention chirurgicale lourde. L'enfant a conservé des séquelles neurologiques graves à l'origine de souffrances se manifestant à compter du 21 juin 2015 par, notamment, des mouvements anormaux répétés avec révulsion oculaire, des clonies du membre supérieur droit, de la bradycardie et des crises convulsives. Mais il y a aussi lieu de tenir compte du fait que l'enfant était sédatée lors de l'incident du 19 juin 2015, qu'elle a par la suite reçu un traitement antalgique puissant et que la durée des souffrances a été limitée à huit jours, son décès étant intervenu le 26 juin 2015. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par H... G... avant son décès en lui allouant une indemnité, entrée dans le patrimoine de sa succession, de 7 500 euros.

S'agissant des préjudices des victimes indirectes :

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. et Mme I... et L... G... se sont acquittés d'une facture de 1 113,90 euros de l'entreprise de pompes funèbres ayant assuré l'inhumation de leur fille ainsi que d'une facture de 142,90 euros de la commune de Villeneuve d'Ascq en règlement des frais de concession funéraire et de la taxe d'inhumation. Dès lors, il sera fait une exacte évaluation du préjudice financier qu'ils ont subi en leur allouant une indemnité de 1 256,80 euros.

13. En deuxième lieu, M. et Mme I... et L... G... sont fondés à demander à être indemnisés du préjudice d'affection qu'ils ont subi du fait du décès de leur fille, lequel est intervenu 12 jours seulement après sa naissance et est directement imputable à l'erreur commise lors de l'IRM réalisée le 19 juin 2015. Compte tenu des circonstances traumatisantes dans lesquelles se sont produits non seulement l'erreur commise par le centre hospitalier de Lens mais aussi le décès de leur enfant, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par M. et Mme I... et L... G... en leur allouant la somme de 25 000 euros chacun.

14. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que Mme L... G..., après son accouchement et le décès de sa fille, a repris la formation de sage-femme qu'elle avait commencée avant les faits litigieux. Elle a été diplômée au cours de l'année 2017/2018. Elle a exercé cette profession pendant plus de trois années, d'abord en établissement de santé, puis en secteur libéral. Si elle s'est réorientée vers une activité commerciale en 2021, elle n'établit pas que cette décision soit directement et certainement imputable au retentissement que les faits litigieux exerceraient toujours sur sa santé, notamment mentale, plus de six ans après. En particulier, si elle produit un certificat médical daté du 29 novembre 2021, ce document énonce que les troubles psychologiques au vu desquels un arrêt de travail de trois mois est prescrit à l'intéressée sont apparus à l'automne 2021 et il ne les présente pas comme étant en lien avec les faits de 2015. Dans ces conditions, Mme L... G... n'établit pas avoir subi, du fait de la prise en charge fautive de son enfant par le centre hospitalier de Lens en 2015 et du décès de celle-ci, un préjudice professionnel de quelque sorte que ce soit. Dès lors, l'indemnité qu'elle sollicite à ce titre doit être écartée.

15. En quatrième lieu, les consorts G... sont fondés à demander l'indemnisation du préjudice d'affection subi par les enfants de Q... et Mme I... et L... G..., à savoir M. K... B..., M. M... E... et Mme C... E..., du fait du décès de leur demi-sœur et du retentissement qu'il a eu sur leurs parents et leur famille. Compte tenu des circonstances traumatisantes dans lesquelles ce décès s'est produit et de l'âge que les intéressés avaient au moment des faits, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par M. K... B..., M. M... E... et Mme C... E... en leur allouant la somme de 5 000 euros chacun.

16. En cinquième lieu, M. J... G... étant né le 3 juin 2016, soit près d'un an après le décès de sa sœur, H... G..., il n'a pu éprouver aucune douleur morale au moment de celui-ci. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que les faits litigieux aient eu ou aient toujours sur ses parents et sa famille un retentissement tel qu'il perturberait ses propres conditions d'existence et d'éducation. Dans ces conditions, son préjudice d'affection ne peut être regardé comme établi. Dès lors, l'indemnité sollicitée pour lui à ce titre doit être écartée.

17. En sixième lieu, M. A... G..., Mme P... G... et Mme N... O... sont fondés à demander à être indemnisés du préjudice d'affection qu'ils ont subi du fait du décès de leur petite-fille, lequel est intervenu 12 jours seulement après sa naissance, et du retentissement que celui-ci a emporté pour leur propre fils ou fille, à savoir M. et Mme I... et L... G.... Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection qu'ils ont subi en leur allouant la somme de 2 000 euros chacun.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Lens doit être condamné à verser à M. et Mme I... et L... G..., en qualité d'ayants droit de leur fille H... G... et au titre de leurs préjudices personnels, la somme globale de 58 756,80 euros. Le centre hospitalier de Lens doit en outre être condamné à verser au titre des préjudices propres aux enfants du couple qui étaient vivants à la date des faits litigieux, soit M. K... B..., M. M... E... et Mme C... E..., la somme globale de 15 000 euros. Il en résulte une indemnité totale mise à la charge du centre hospitalier de Lens au titre de ces préjudices d'un montant de 73 756,80 euros, qu'il y a lieu de ramener à 1 972,80 euros après déduction de la somme de 71 784 euros déjà versée par le centre hospitalier de Lens au titre de la provision à laquelle il a été condamné par une ordonnance du 8 octobre 2020 du juge de référés du tribunal administratif de Lille. Enfin, le centre hospitalier de Lens doit être condamné à verser aux grands-parents de H... G..., soit M. A... G..., Mme P... G... et Mme N... O..., la somme de 2 000 euros chacun. Par voie de conséquence, les consorts G... sont seulement fondés, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont mis à la charge de M. et Mme I... et L... G... le reversement d'une somme de 4 670,10 euros au centre hospitalier de Lens et, d'autre part, à demander la réformation du jugement en tant qu'il fixe le montant total de l'indemnisation due à M. et Mme I... et L... G..., en qualité d'ayants droit de leur fille H... G..., au titre de leurs préjudices personnels et au titre des préjudices propres de ceux de leurs enfants qui étaient vivants à la date des faits litigieux.

Sur les frais liés au litige :

En ce qui concerne les dépens de l'instance :

19. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge saisi au fond du litige de statuer, au besoin d'office, sur la charge des frais de l'expertise ordonnée par la juridiction administrative.

20. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 1 800 euros par des ordonnances du 5 avril 2018 du président du tribunal administratif de Lille, sont mis définitivement à la charge du centre hospitalier de Lens.

En ce qui concerne les frais exposés et non compris dans les dépens :

21. Aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Lens une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les consorts G... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2005358 du 28 septembre 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Lens est condamné à verser à M. et Mme I... et L... G... une somme de 1 972,80 euros (mille-neuf-cent-soixante-douze euros et quatre-vingt centimes).

Article 3 : Le jugement n° 2005358 du 28 septembre 2022 du tribunal administratif de Lille, dans sa partie non annulée par l'article 1er, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros (mille-huit-cents euros), sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Lens.

Article 5 : Le centre hospitalier de Lens versera aux consorts G... une somme de 2 000 euros (deux-mille euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme L... G... née O..., qui a été désignée à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, au centre hospitalier de Lens et à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing.

Délibéré après l'audience publique du 14 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA02455


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02455
Date de la décision : 01/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARL FABRE SAVARY FABBRO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-01;22da02455 ?
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