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05/12/2023 | FRANCE | N°21TL04384

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 05 décembre 2023, 21TL04384


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme Indigo Infra CGST a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Sète à lui verser la somme de 6 211 993,43 euros augmentée des intérêts légaux à compter de sa demande préalable du 18 février 2016, eux-mêmes capitalisés, à la suite de la résiliation par la commune de la convention de concession de stationnement urbain conclue entre les parties.



Par un jugement n° 1602683 du 27 juillet 2017, le trib

unal administratif de Montpellier a condamné la commune de Sète à verser à la société Indigo Infra CGST...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Indigo Infra CGST a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Sète à lui verser la somme de 6 211 993,43 euros augmentée des intérêts légaux à compter de sa demande préalable du 18 février 2016, eux-mêmes capitalisés, à la suite de la résiliation par la commune de la convention de concession de stationnement urbain conclue entre les parties.

Par un jugement n° 1602683 du 27 juillet 2017, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la commune de Sète à verser à la société Indigo Infra CGST la somme de 76 224,51 euros par année restant à courir prévue à l'article 5 de l'avenant n° 1 à la convention de concession, dans les conditions prévues au paragraphe 1/2 de l'article 1er de cet avenant, augmentée des intérêts légaux à compter du 24 février 2016 eux-mêmes capitalisés à compter du 24 février 2017.

Par un arrêt n° 17MA03992 du 21 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de la société Indigo Infra CGST, a porté le montant de l'indemnité que la commune de Sète est condamnée à lui payer à la somme de 5 521 187,64 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2016 et de leur capitalisation à compter du 24 février 2017 et réformé en conséquence le jugement du tribunal administratif.

Par une décision n° 449985 du 10 novembre 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la commune de Sète, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 21 décembre 2020 en tant qu'il statue sur le montant du préjudice de la société Indigo Infra CGST et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la même cour.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés le 27 septembre 2017, les 27 février, 1er juin et 19 juin 2018, la société Indigo Infra CGST, représentée par Me Symchowicz, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 juillet 2017 ;

2°) à titre principal, de condamner la commune de Sète à lui verser la somme de 6 211 993,43 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable du 18 février 2016 et de leur capitalisation, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise en vue d'établir son préjudice et, à titre plus subsidiaire, de condamner la commune de Sète à lui verser la somme de 2 546 558 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable du 18 février 2016 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sète une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il omet de répondre au moyen tiré de l'absence de motif d'intérêt général fondant la résiliation contestée ;

- les premiers juges se sont irrégulièrement abstenus de faire usage de leurs pouvoirs d'instruction en vue d'évaluer son préjudice ;

- aucun des motifs d'intérêt général invoqués par la commune de Sète à l'appui de la résiliation de la convention en litige n'est fondé ;

- en prononçant néanmoins cette résiliation, la commune a engagé sa responsabilité contractuelle pour faute à son encontre ;

- elle demeure fondée à rechercher la responsabilité contractuelle sans faute de la commune au titre de cette résiliation ;

- elle est fondée à lui réclamer l'indemnisation des préjudices subis du fait de cette mesure de résiliation dans les conditions suivantes :

* 5 551 585,47 euros au titre du préjudice lié au capital investi mais non encore amorti au jour de la résiliation ;

* 660 407,69 euros au titre du manque à gagner sur les années d'exécution de la convention litigieuse restant à courir.

Par trois mémoires en défense enregistrés les 30 janvier, 10 avril et 19 juin 2018, la commune de Sète, représentée par Me Jeanjean, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Indigo Infra CGST sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement de première instance est motivé ;

- les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence de motif d'intérêt général ;

- la mesure de résiliation en litige ne repose ni sur le seul caractère rentable de l'exploitation ni sur l'impossibilité de réaffecter l'excédent à la satisfaction des usagers mais est fondée sur le caractère excessif de la durée de la convention qui doit être apprécié au regard de la durée normale d'amortissement, lequel s'entend comme l'amortissement économique des investissements ;

- le délégataire avait, dès 2015, amorti ses investissements et réalisé un bénéfice raisonnable au titre des quatre exercices 2012 à 2015 ; la baisse des taux d'intérêt ayant permis une amélioration très sensible du résultat comptable et un amortissement économique plus important des actifs et le compte de résultat de l'exploitant de 1992 à 2015 montrant qu'il a dégagé une marge suffisante ;

- il n'existe pas de préjudice indemnisable ; le motif d'intérêt général invoqué pour résilier la convention excluant, par construction, toute indemnisation du manque à gagner ou de la valeur non amortie des biens de retour ;

- le montant du préjudice calculé contractuellement est disproportionné ; le montant réclamé en application des clauses contractuelles excédant le préjudice réel subi par la requérante ;

- les tableaux d'amortissement financiers ne peuvent refléter l'amortissement des biens figurant dans le contrat de concession ;

- le taux d'intérêt contractuel ne saurait s'appliquer ;

- les tableaux d'amortissement financier annexés au contrat sont entachés d'erreur ;

- les installations ont été remises en mauvais état et il a été nécessaire d'engager des travaux de réfection ;

- le montant de l'indemnité présenté par la SA Indigo Infra CGST présente une erreur d'actualisation ;

- les modalités d'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation prévues par la convention litigieuse sont illégales ;

- les autres moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Procédure devant la cour après cassation :

Par trois mémoires en reprise d'instance après cassation, enregistrés devant la cour administrative d'appel de Marseille le 16 décembre 2021, puis, les 22 mars et 30 septembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, devant la cour administrative d'appel de Toulouse, sous le n° 21TL04384, la société Indigo Infra CGST, représentée par Me Symchowicz, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 juillet 2017 ;

2°) de condamner la commune de Sète à lui verser, à titre principal, la somme de 6 211 993,47 euros, portée en dernier lieu à la somme de 11 394 558 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 3 154 829,68 euros, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable du 18 février 2016 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sète une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- c'est à tort que la commune de Sète persiste à soutenir qu'elle n'est débitrice d'aucune indemnisation alors que le principe même de son indemnisation n'est plus en débat puisqu'il a été admis par une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée ;

- à titre principal, eu égard, d'une part, à la portée de l'annulation prononcée par le Conseil d'État, laquelle implique d'écarter les stipulations contractuelles relatives au remboursement du capital restant dû car elles conduisent au versement d'une indemnité supérieure au montant des investissements non amortis à la date de la résiliation et, d'autre part, à l'indivisibilité de ces stipulations contractuelles avec celles portant sur l'indemnité forfaitaire de rachat anticipé prévues dans le même article 43 de la convention tel que modifié par l'article 5 de l'avenant n° 1, il y a lieu d'écarter l'application de l'article 43 de la convention dans son ensemble car les deux volets indemnitaires dus en cas de résiliation anticipée sont contenus dans le même instrumentum et participent d'un même équilibre financier du contrat, qui était déterminant dans la commune intention des parties, et, par suite, de régler le litige en faisant application des règles générales applicables aux contrats administratifs en condamnant la commune de Sète à lui verser un indemnité de 11 394 558 euros ventilée comme suit : 2 546 558 euros au titre de la valeur nette comptable des investissements à la date de la résiliation, cette somme ayant été admise par les premiers juges d'appel comme non contestée ni contestable, et 8 848 000 euros au titre du manque à gagner résultant de cette résiliation, cette somme étant calculée selon les méthodes usuellement mises en œuvre par les experts et validées par la jurisprudence dites " méthode du résultat courant avant impôt " (RCAI) et " méthode du free cash-flow actualisé ", également appelée " discounted cashflow " (DCF) ;

- le règlement du litige en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs ne revient pas à soulever une cause juridique nouvelle en appel dès lors que le juge d'appel est fondé, lorsqu'il écarte l'application d'une clause d'indemnisation du contrat en raison de son illicéité, à régler le litige en faisant application des règles dégagées par la jurisprudence, ce qui ne revient à modifier que le fondement retenu pour faire droit à la demande et non la cause juridique sur laquelle elle repose ;

- à titre subsidiaire, si la cour considérait les clauses de l'article 43 de la convention comme divisibles et décidait de régler le litige, d'une part, en appliquant les stipulations contractuelles pour le calcul de l'indemnité de rachat anticipé et, d'autre part, en appliquant les règles jurisprudentielles propres à la détermination de la valeur nette comptable des investissements à la date de la résiliation, il y aurait alors lieu de condamner la commune de Sète à lui verser une indemnité totale de 3 154 829,68 euros incluant la somme de 2 546 558 euros au titre de la valeur nette comptable des investissements non amortis à la date de la résiliation et celle de 608 271, 68 euros au titre de l'indemnité de rachat anticipé due en application de l'article 43 de la convention ;

- l'évaluation du manque à gagner a été opérée à partir d'une méthode de calcul communément appliquée par les experts judiciaires et validée par la jurisprudence ; les investissements réalisés l'ont été au-delà du prévisionnel prévu ; le taux de 9 % appliqué au titre des frais généraux correspond au taux déterminé pour l'ensemble des exploitations du groupe auquel elle appartient et qui a été exposé dans chacun des comptes-rendus annuels établis en application de l'article 34 du contrat de concession sans que la commune formule de contestation à ce sujet ; enfin, le taux d'actualisation appliqué est documenté car il correspond à la méthode usuelle " MEDAF " ;

- la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 n'a eu aucune incidence sur ses résultats dès lors que cet événement, survenu plus de cinq ans après la résiliation du contrat, n'a pas à être pris en compte pour calculer le préjudice subi par le concessionnaire, lequel doit être évalué à la date de la résiliation sans devoir tenir compte du compte prévisionnel d'exploitation lequel ne repose que sur des éléments hypothétiques ;

- c'est à tort que la commune demande à la cour, au demeurant pour la première fois en appel, de ramener le montant de l'indemnité due au titre de la valeur nette comptable des investissements non amortis à la somme de 1 142 684,48 euros alors que :

* l'avance de 7 750 000 francs a été contractuellement intégrée à l'article 59 de la convention aux investissements par définition amortissables, les parties ayant convenu que le nouveau délégataire prenne en charge le financement d'un droit d'entrée correspondant notamment au montant dû par l'autorité délégante au précédent concessionnaire, ce qui a ainsi permis d'amortir cette charge aux risques et périls du nouveau concessionnaire ;

* le défaut d'entretien des parcs de stationnement n'est pas établi en l'absence d'état des lieux contradictoire, la commune se bornant à produire, de manière purement opportune, un constat d'huissier dressé à son initiative, plusieurs mois avant la prise d'effet de la résiliation ainsi qu'un chiffrage des travaux établi en janvier 2017 de manière purement indicative sur la base de ce même constat, ces éléments ne reflétant pas l'état des installations au 31 décembre 2015 ;

* le montant des investissements prévisionnel mentionné dans ses rapports annuels n'a aucune valeur contractuelle tandis qu'elle a toujours investi au-delà du niveau prévisionnel d'investissement prévu en année N-1 dans les rapports annuels.

Par deux mémoires en reprise d'instance après cassation enregistrés les 18 février et 12 juillet 2022, la commune de Sète, représentée par Me Jeanjean, demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de la société Infra Indigo CGST ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter les condamnations prononcées à son encontre à la somme de 457 347, 06 euros au titre de l'indemnité forfaitaire destinée à indemniser le manque à gagner sur les années restant à courir du contrat et à celle de 1 142 684,48 euros ou à défaut, 2 456 558 euros, au titre de la valeur nette comptable des investissements non amortis ;

3°) de mettre à la charge de la société Indigo Infra CGST une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle persiste en ses écritures et soutient, en outre, que :

- à titre principal, les conclusions indemnitaires présentées par la société appelante en appel à hauteur de 11 394 558 euros sont irrecevables dès lors que le contentieux n'a pas été lié à hauteur d'un tel montant ;

- à titre subsidiaire, les conclusions présentées par la société Indigo Infra CGST sur le fondement extra-contractuel doivent être rejetées dès lors qu'elle est liée à cette société par un contrat qui n'a pas été annulé de sorte que le litige doit être réglé sur le terrain contractuel s'agissant de l'indemnisation du manque à gagner résultant de la résiliation ;

- la circonstance que l'indemnisation des biens de retour non encore amortis doit être opérée selon la méthode d'évaluation de la valeur nette comptable dégagée par la jurisprudence, ce qui réduit les espérances indemnitaires de la société appelante, n'est pas de nature à faire échec à l'application des règles issues du contrat s'agissant de la clause relative à l'indemnité forfaitaire de rachat anticipé ;

- en tout état de cause, l'indemnité de 11 394 558 euros réclamée par la société Indigo Infra CGST est issue de la somme des résultats futurs actualisés et ne présente pas de caractère certain dès lors, premièrement, que cette indemnité a été calculée de manière contestable à partir de la moyenne des quatre dernières années du contrat correspondant à une période de sous-investissements de nature à accroître artificiellement les résultant servant de référence, deuxièmement, que les frais généraux fixés à 9 % des revenus annuels générés sont excessifs par rapport au compte prévisionnel d'exploitation qui prévoit une charge de 3,8 %, troisièmement, que le taux d'actualisation de 5,9 % n'est assorti d'aucune justification, et, enfin, quatrièmement, que la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 a nécessairement impacté les résultats de cette société ainsi qu'en atteste la perte de 5,7 millions d'euros qu'elle a enregistrée au niveau national ;

- le seul " manque à gagner " susceptible d'être indemnisé est celui qui correspond au compte prévisionnel d'exploitation lequel retrace l'évolution prévisible des recettes ;

- à titre subsidiaire, l'indemnité de 3 154 829,68 euros réclamée par la société appelante n'est pas justifiée ; la somme réclamée de 2 546 558 euros réclamée au titre la valeur nette comptable des biens de retour non amortis n'est pas certifiée par un commissaire aux comptes et la valeur probante de la comptabilité de cette société est contestable ;

- la valeur nette comptable, chiffrée à la somme de 2 546 558 euros par la société appelante, doit être ramenée à 1 142 684,48 euros après déduction des sommes suivantes :

* une somme de 551 357,27 euros correspondant à l'application d'un taux d'amortissement de 4,6666659 % sur la somme de 7 750 000 francs, doit être déduite de la valeur des droits d'entrée inclus dans la valeur nette comptable, dès lors que cette somme de 7 750 000 francs correspond à une écriture comptable intitulée " avances de l'opérateur sur la période antérieure au 31 décembre 1991 " qui a été considérée, à tort, comme un investissement amortissable par la société Infra Indigo CGST au titre des droits d'entrée versés lors de la conclusion du contrat en litige alors qu'elle correspond, en réalité, à une simple libéralité comptable devant être qualifiée d'abandon de créance sur le plan comptable ;

* une somme de 560 717,25 euros, correspondant au coût de remise en état des parcs de stationnement des Halles et du Canal, qui étaient mal entretenus par la société Indigo Infra CGST ; les articles 3, 4 et 46 du contrat de concession mettant à la charge de la société appelante une obligation d'entretien et de remise en état normal d'entretien et de fonctionnement des équipements au cours et à l'issue de l'exploitation ;

* une somme de 291 799 euros correspondant aux investissements et au gros entretien non réalisés par rapport au programme prévisionnel à compter de l'année 2010, sur les cinq dernières années précédant la résiliation du contrat.

Par une ordonnance du 19 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, le 30 septembre 2022 à 12 heures.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;

- les observations de Me Scanvic, représentant la société Indigo Infra CGST et celles de Me Rigeade, représentant la commune de Sète.

Considérant ce qui suit :

1. Le 20 décembre 1991, la commune de Sète (Hérault) a conclu avec la société Setex une convention de concession des parcs de stationnement et de gestion du stationnement sur voirie pour les durées, respectivement, de 45 ans et 30 ans. Ainsi, la gestion du stationnement sur voirie devait expirer le 31 décembre 2021 et la concession des parcs de stationnement le 31 décembre 2035. Le 1er août 2000, un premier avenant à cette convention a été conclu entre la commune et la Compagnie générale de stationnement, venant aux droits de la société Setex, en vue de tenir compte de l'évolution technique et financière des conditions de l'exploitation à la suite d'observations émises par la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon. Un deuxième avenant a été conclu, le 5 octobre 2005, entre la commune et la société Sogeparc CGST, venant elle-même aux droits de la Compagnie générale de stationnement, afin de modifier le calcul de la clause d'indexation. Par une délibération du 30 janvier 2015, le conseil municipal de Sète a décidé la résiliation de la concession avec effet au 31 décembre 2015, pour un motif d'intérêt général. Le 18 février 2016, la société Indigo Infra CGST, venant aux droits de la société Sogeparc CGST, a demandé à la commune de Sète l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de cette résiliation, évalué à la somme de 6 211 993,43 euros. Par décision du 21 mars 2016, le maire de Sète a rejeté cette demande. Par un jugement du 27 juillet 2017, le tribunal administratif de Montpellier a partiellement fait droit à la demande de la société en condamnant la commune à lui verser la somme de 76 224,51 euros par année de contrat restant à courir jusqu'en 2021. La société Indigo Infra CGST a relevé appel de ce jugement et demandé à la cour administrative d'appel de Marseille de condamner la commune de Sète à lui verser la somme de 6 211 993,43 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 2 546 558 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable du 18 février 2016 et de leur capitalisation au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la résiliation du contrat précité. En réponse à la communication d'un moyen d'ordre public soulevé par la cour administrative d'appel de Marseille, le 24 juillet 2020, tiré de la nullité du contrat en ce qu'il confie des pouvoirs de police au concessionnaire, la société Indigo Infra CGST a, en dernier lieu, demandé, à titre subsidiaire, la condamnation de la commune de Sète à lui verser une indemnité de 11 394 558 euros sur le fondement extra-contractuel.

2. Par un arrêt n° 17MA03992 du 21 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a porté le montant de l'indemnité que la commune de Sète est condamnée à payer à la société précitée à la somme de 5 521 187,64 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2016 et de leur capitalisation à compter du 24 février 2017 et réformé en conséquence le jugement du tribunal administratif.

3. Par une décision n° 449985 du 10 novembre 2021, le Conseil d'État a annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur le montant du préjudice de la société Indigo Infra CGST et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille avant son transfert à la présente cour.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. / Le délai prévu au premier alinéa n'est pas applicable à la contestation des mesures prises pour l'exécution d'un contrat ".

5. D'une part, il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au paiement d'une somme d'argent est irrecevable. D'autre part, la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle.

6. Il résulte de l'instruction qu'en réponse à un moyen d'ordre public qui lui a été communiqué par la cour administrative d'appel de Marseille, le 24 juillet 2020, tiré de ce que la formation de jugement était susceptible de fonder son arrêt sur un moyen d'ordre public relevé d'office, tiré de la nullité de la convention en litige en raison des pouvoirs de police qu'elle confère au concessionnaire, la société Indigo Infra CGST a demandé, à titre subsidiaire et pour la première fois en appel, à la cour d'écarter les stipulations du contrat et de régler le litige sur le terrain quasi-contractuel en demandant la condamnation de la commune de Sète à lui verser, à titre principal, une somme de 11 394 558 euros.

7. Si dans le cadre d'un litige indemnitaire, l'une des parties ou le juge soulève, avant la clôture de l'instruction, un moyen tiré de l'illicéité de la clause du contrat relative aux modalités d'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation anticipée, il appartient à ce dernier de demander au juge la condamnation de la personne publique à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de la résiliation du contrat par la personne publique sur le fondement des règles générales applicables, dans le silence du contrat, à l'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d'intérêt général. Dans l'hypothèse où le juge inviterait les parties, après la clôture de l'instruction, à présenter leurs observations, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, sur le moyen soulevé d'office et tiré de l'illicéité de la clause d'indemnisation du contrat, le cocontractant de la personne publique peut, dans ses observations en réponse soumises au contradictoire, fonder sa demande de réparation sur ces règles générales applicables aux contrats administratifs.

8. En application de ce principe, et dès lors que le litige était susceptible d'être tranché sur le fondement des règles générales applicables aux contrats administratifs, la société Indigo Infra CGST pouvait valablement présenter sa demande de réparation sur ce fondement, sans que cela revienne à soulever une cause juridique nouvelle en appel. En revanche, il résulte de la procédure suivie devant la cour administrative d'appel de Marseille qu'en réponse au moyen d'ordre public précité, la société appelante a, en outre, porté, à titre subsidiaire, puis, en dernier lieu, à titre principal, ses conclusions indemnitaires à la somme de 11 394 558 euros alors qu'en première instance, sa demande indemnitaire se limitait à la somme de 6 211 993,47 euros. Dès lors que les conclusions indemnitaires présentées en appel excèdent le montant contenu dans la demande devant le tribunal et que l'indemnité demandée en dernier lieu par la société appelante trouve sa source dans le même fait générateur sans correspondre à une aggravation de son préjudice, ces conclusions sont irrecevables en tant qu'elles excèdent la somme de 6 211 993,47 euros. Par suite, il y a lieu d'accueillir, dans cette mesure, la fin de non-recevoir opposée sur ce point par la commune de Sète.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le cadre juridique du litige et la portée des stipulations du contrat :

9. Si les parties à un contrat administratif peuvent déterminer l'étendue et les modalités des droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d'intérêt général, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le préjudice subi, la fixation des modalités d'indemnisation de la part non amortie des biens de retour dans un contrat de concession obéit, compte tenu de la nature d'un tel préjudice, à des règles spécifiques. Lorsqu'une personne publique résilie une concession avant son terme normal, le concessionnaire est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qu'il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, dès lors qu'ils n'ont pu être totalement amortis. Lorsque l'amortissement de ces biens a été calculé sur la base d'une durée d'utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d'utilisation était supérieure à la durée du contrat, l'indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l'amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d'une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, sous réserve que l'indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne puisse, en toute hypothèse, excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus, il est exclu qu'une telle dérogation, permettant de ne pas indemniser ou de n'indemniser que partiellement les biens de retour non amortis, puisse être prévue par le contrat lorsque le concessionnaire est une personne publique.

10. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Les stipulations d'un contrat qui méconnaissent les règles d'ordre public d'indemnisation des biens de retour non amortis revêtent un caractère illicite qui doit conduire le juge, le cas échéant d'office, à en écarter l'application. En cas de divisibilité des clauses illicites du contrat, le juge peut toutefois régler le litige dans le cadre contractuel en écartant l'application de ces seules clauses.

11. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le contrat de concession a été conclu pour une durée de 45 ans s'agissant des parcs de stationnement et de 30 ans s'agissant du stationnement sur voirie. Initialement, la durée d'amortissement des équipements a été fixée à 45 ans pour un montant de 28 233 000 francs hors taxes. Au cours de l'exécution du contrat, les parties ont entendu, à la faveur d'un avenant n° 1 conclu le 1er août 2000, redéfinir les modalités d'amortissement des installations, sans modifier la durée de la convention. En application des articles 2, 3 et 5 de cet avenant et de ses annexes 2 et 3, les parties ont arrêté de nouveaux tableaux d'amortissement du capital restant dû au 1er janvier 2000 en prévoyant que le montant du capital restant à amortir au titre des parcs de stationnement serait de 23 892 313 francs hors taxes et 2 351 027 francs hors taxes au titre du stationnement sur voirie. Au titre de l'année 2015, le capital non amorti restant dû s'élevait à la somme de 20 921 429,85 francs, soit 3 189 451,41 euros pour les parcs de stationnement et à la somme de 1 134 980,53 francs, soit 173 026,66 euros, pour le stationnement sur voirie.

12. Par ailleurs, par cet avenant n° 1, les parties ont entendu contractuellement définir les modalités de calcul de l'indemnité due au concessionnaire en cas de résiliation anticipée du contrat en instituant deux mécanismes contractuels d'indemnisation à l'article 43 de la convention du 20 décembre 1991 tel que modifié par l'avenant n°1 et ses annexes. D'une part, les parties ont convenu du versement, au concessionnaire, d'une indemnité correspondant au montant du capital restant dû, calculé à partir d'un tableau conventionnel d'amortissement annexé à la convention, et actualisé selon l'indice du coût de la construction défini au chapitre VI de la convention, le tableau d'amortissement à prendre en compte étant celui figurant en annexes 2 et 3 à l'avenant n° 1 au contrat. D'autre part, les parties ont convenu que la commune versera également une indemnité de rachat anticipé, calculée en dernier lieu, selon les stipulations issues de l'article 5 de l'avenant n° 1 à cette convention, de manière forfaitaire, et correspondant à la somme de 500 000 francs hors taxes, soit 76 224,50 euros hors taxes, par année restant à courir jusqu'au 31 décembre 2021, cette indemnité forfaitaire devant être indexée suivant des modalités fixées à l'article 1er paragraphe 1-2 du même avenant.

13. Les dispositions contractuelles citées aux points 11 et 12 ne font pas obstacle à ce qu'une indemnité soit due au titre des immobilisations de la société Indigo Infra CGST lorsque, comme en l'espèce, le contrat a été résilié de manière anticipée et que les biens de retour n'ont pas encore été amortis. En outre, il n'existe aucune contestation entre les parties sur l'inventaire des biens de retour non amortis avant le terme de la résiliation, la seule contestation portant sur l'état dans lequel ils ont été restitués à la date de la résiliation.

14. Pour écarter l'application du contrat et demander le règlement du litige sur le fondement des règles applicables aux contrats administratifs, la société Indigo Infra CGST soutient que les stipulations de l'article 43 de la convention en litige présentent un caractère indivisible dès lors que l'indemnisation forfaitaire au titre du manque à gagner en cas de résiliation forme un équilibre d'ensemble avec le remboursement du capital restant dû suivant le tableau conventionnel annexé au contrat. S'il est constant que les parties ont entendu régler les conséquences indemnitaires s'attachant à la résiliation du contrat avant son terme au sein d'un même article, il résulte toutefois de l'économie de l'article 43 précité que les modalités d'indemnisation ainsi instituées ne concourent pas à la réparation des mêmes chefs de préjudice quand bien même ces derniers seraient nés du même fait générateur tenant à la résiliation du contrat. De fait, alors que l'indemnité correspondant au montant du capital restant dû calculé à partir du tableau conventionnel d'amortissement annexé au contrat doit être regardée comme visant à indemniser les investissements réalisés par le concessionnaire et non amortis avant le terme du contrat, l'indemnité forfaitaire de rachat anticipé est, quant à elle, destinée à indemniser forfaitairement le manque à gagner du concessionnaire par année de contrat restant à courir jusqu'en 2021. Or, sur ce point, en prévoyant une limitation dans le temps de l'indemnité forfaitaire due par le concédant en cas de résiliation anticipée, laquelle ne s'applique ainsi qu'en cas de résiliation antérieure à l'année 2021, alors que le contrat en litige court jusqu'en 2035 s'agissant des parcs de stationnement, les parties ont entendu dispenser la commune de régler une indemnité de rachat anticipé en cas de résiliation comprise entre l'année 2021 et le terme de la convention et, par suite, faire une application différenciée dans le temps des différentes indemnités prévues en cas de résiliation. En outre, s'il est constant que l'article 43 du contrat évoque un " principe d'équilibre économique global de la convention du 20 décembre 1991 ", le seul équilibre contractuel visé par ces stipulations porte sur le caractère indivisible de la résiliation, toute mesure de résiliation portant sur l'une des deux modalités de stationnement devant entraîner la résiliation de l'ensemble de la convention afin de garantir l'équilibre économique du contrat. Eu égard à leur objet et à leurs modalités d'application dans le temps, il y a, dès lors, lieu de regarder les stipulations de l'article 43 de la convention en litige comme présentant un caractère divisible s'agissant des indemnités dues au concessionnaire en cas de résiliation.

En ce qui concerne l'indemnisation des investissements non amortis à la date de la résiliation en litige suivant les règles relatives aux biens de retour :

15. Il résulte de l'instruction, notamment des tableaux conventionnels d'amortissement annexés à l'avenant n° 1, que l'application des règles issues de l'article 43 du contrat conduit à fixer le montant de l'indemnité due au titre du capital investi et non amorti à la date de la résiliation aux sommes respectives de 20 921 429,85 francs, soit 3 189 451,41 euros pour les parcs de stationnement et de 1 134 980,53 francs, soit 173 026,66 euros, pour le stationnement sur voirie, cette indemnité devant, en outre être indexée sur les indices prévus par les parties. Pour sa part, la société Indigo Infra CGST évalue le capital restant dû à la somme de 5 551 585,78 euros incluant une somme de 3 133 279,26 euros au titre des investissements réalisés sur les parcs de stationnement, une somme de 150 028 euros au titre des investissements réalisés sur le stationnement en voirie et, enfin, une somme de 2 268 278,52 euros au titre de l'indexation selon l'indice INSEE du coût de la construction.

16. Il résulte également de l'instruction, en particulier du tableau détaillé des immobilisations au 31 décembre 2015 produit par la société appelante et dont la teneur n'est pas sérieusement contestée, que la valeur nette comptable non amortie des biens de retour à la date de la résiliation est susceptible de s'élever à la somme de 2 546 558 euros, au maximum, et à celle de 1 142 684,48 euros selon la commune de Sète, qui soutient qu'une réfaction correspondant à trois créances doit être opérée sur le montant de la valeur nette comptable. Dès lors que l'application des stipulations du contrat, qui se fondent sur l'amortissement économique des biens faisant l'objet de la concession et non sur leur valeur nette comptable, conduit, en tout état de cause et ainsi que le reconnaît elle-même la société appelante, à assurer au concessionnaire une indemnité supérieure à la valeur nette comptable des biens de retour à la date de la résiliation en litige, il y a lieu, pour la cour, d'exercer pleinement l'office du juge en matière d'indemnisation des biens de retour dans le cadre d'une concession résiliée avant son terme et, par suite, après avoir écarté les stipulations de l'article 43 en tant seulement qu'elles portent sur l'indemnisation du capital investi non amorti, de régler le litige en faisant application des règles relatives à l'indemnisation des biens de retour telles que rappelées au point 9.

17. Pour contester le montant de la valeur nette comptable qui résulte du tableau détaillé des immobilisations au 31 décembre 2015, la commune de Sète soutient, d'une part, que ce calcul conduit à intégrer, de manière indue, une somme de 551 357,27 euros dans les investissements amortissables, correspondant à l'application d'un taux d'amortissement de 4,6666659 % sur la somme de de 7 750 000 euros, alors que cette dernière somme, qui a été prise en compte au titre des droits d'entrée réglés par le concessionnaire lors de la prise d'effet du contrat, correspond, en réalité, aux pertes d'exploitation dans le cadre de la précédente convention à laquelle la société appelante était partie. Il est constant que la concession des parcs de stationnement et de la gestion du stationnement de la commune de Sète a, par le passé, été confiée à la société Setex, aux droits de laquelle vient la société appelante, et que ce contrat a fait l'objet d'une résiliation anticipée à l'initiative de la commune avec effet au 31 décembre 1991. Lors de la résiliation de cette convention et de la conclusion de la convention en litige, les parties ont convenu, à l'article 59.1 du contrat en litige relatif aux " investissements ", que le concessionnaire versera au concédant, au plus tard, le 31 décembre 1991, une redevance due en une fois, d'un montant de 20 210 000 francs ainsi que des " avances de l'opérateur sur la période antérieure au 31.12.1991 " évaluées de manière forfaitaire à la somme de 7 750 000 francs, soit un montant de 28 233 000 francs. Il résulte également de l'instruction, notamment de l'article 59 du contrat en litige et de son annexe I, que cette somme de 7 750 000 francs a été contractuellement intégrée aux investissements amortissables de la société Indigo Infra CGST, qui s'élèvent au montant total de 28 233 000 francs tel que reporté sur le tableau du capital non encore amorti en début d'exercice et que, en vertu de l'article 67 de cette même convention, la commune de Sète a été dispensée de régler une indemnité de résiliation anticipée à la société Setex. En consentant à cette opération, en contrepartie de laquelle le concédant a été déchargé de l'obligation de payer une indemnité au titre de la résiliation de la précédente concession, la commune de Sète doit être regardée, en vertu du principe de loyauté des relations contractuelles, comme ayant contractuellement accepté qu'un amortissement soit opéré sur la somme de 7 750 000 francs, alors même que cette somme correspondrait au déficit d'exploitation résultant de la précédente concession qui a été résiliée avant son terme. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu, ainsi que le demande la commune de Sète, de déduire la somme de 551 357,27 euros du montant de la valeur nette comptable des biens de retour non amortis.

18. D'autre part, la commune de Sète soutient qu'une somme de 560 717,25 euros, correspondant au coût de remise en état des parcs de stationnement des Halles et du Canal, qui étaient mal entretenus par la société Indigo Infra CGST, doit être déduite de la valeur nette comptable réclamée par cette société. Il est constant qu'en application de l'article 3 du contrat de concession, le concessionnaire est tenu, tout au long de l'exploitation des parcs de stationnement et des places de stationnement sur la voirie, de procéder, à ses frais, à des travaux d'entretien et de réparation afin de conserver toutes les installations et les ouvrages en état normal d'entretien et de fonctionnement. En application de l'article 4 de la même convention, le concessionnaire est tenu de procéder à des travaux de renouvellement des équipements, d'amélioration et de déplacement des appareils de comptage. Enfin, à l'expiration du contrat, le concessionnaire est tenu, en application de l'article 46 du contrat, de remettre tous les équipements, toutes les installations et tous les ouvrages qui font partie intégrante de l'exploitation en état normal d'entretien et de fonctionnement.

19. Toutefois, la circonstance que les équipements, installations et ouvrages faisant l'objet du contrat de concession n'ont pas été restitués dans un état normal d'entretien et de fonctionnement est sans incidence sur l'indemnisation due au titre de la valeur nette comptable des biens de retour non amortis à la date de la résiliation. Par suite, la commune de Sète n'est pas fondée à demander à ce que la somme de 560 717,25 euros soit déduite de l'indemnité due à la société Indigo Infra CGST au titre de la valeur nette comptable des biens de retour.

20. Enfin, selon la commune de Sète, une somme de 291 799 euros doit être déduite de la valeur nette comptable réclamée par la société Indigo Infra CGST correspondant au chiffrage des investissements et du gros entretien qu'elle s'est abstenue de réaliser alors qu'un programme prévisionnel d'investissements a été mis en place à compter de l'année 2010, soit sur les cinq dernières années précédant la résiliation du contrat. Toutefois, indépendamment du caractère fautif ou non de la carence du concessionnaire à réaliser ces investissements tels que prévus dans le programme prévisionnel institué entre les parties, la somme de 291 799 euros correspond à des investissements qui n'ont, par construction, pas été effectivement réalisés dans le cadre de l'exécution du contrat. Par suite, cette somme ne peut, en tout état de cause, rétroactivement être incluse dans la valeur nette comptable des biens non amortis à la date de la résiliation en litige, ce qui reviendrait, au demeurant, à rehausser cette dernière sans que les investissements en question soient effectifs. Par suite, la circonstance que le concessionnaire n'ait pas réalisé les investissements et le gros entretien tels qu'ils ont été prévus dans le cadre du programme prévisionnel institué entre les parties à partir de l'année 2010 est sans incidence sur la détermination de la valeur nette comptable des biens de retour non amortis. Dès lors, il n'y a pas lieu, ainsi que le demande la commune de Sète, de déduire la somme de 291 799 euros de l'indemnité des biens de retour non amortis.

21. Compte tenu de ce qui précède, l'indemnisation à laquelle la société Indigo Infra CGST peut prétendre au titre de l'indemnisation des biens de retour non amortis à la date de la résiliation en litige doit être fixée à la somme de 2 546 558 euros.

En ce qui concerne l'indemnisation forfaitaire du manque à gagner subi par le concessionnaire :

22. L'étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations du contrat, sous réserve qu'il n'en résulte pas, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le concessionnaire, des dépenses qu'il a exposées et du gain dont il a été privé.

23. L'indemnisation des biens de retour non amortis avant le terme d'une concession telle qu'elle vient d'être opérée au point 21 dans le respect des principes régissant de tels biens, ne fait pas échec à l'application des stipulations contractuelles par lesquelles les parties ont entendu fixer l'indemnisation des autres chefs de préjudice susceptibles de naître d'une résiliation anticipée. Dès lors que les stipulations relatives à l'indemnisation forfaitaire du manque à gagner du concessionnaire présentent, ainsi qu'il a été dit au point 14, un caractère divisible du mécanisme d'indemnisation des investissements non amortis et qu'elles ne conduisent pas, dans les circonstances de l'espèce et au regard du résultat courant avant impôt attendu sur les années 2016 à 2021 tel que mentionné dans le tableau de synthèse produit par la société appelante, à instituer, au détriment d'une personne publique, une disproportion manifeste entre l'indemnité à laquelle elle est tenue et le montant du préjudice résultant du manque à gagner pour le concessionnaire, il y a lieu de faire application des stipulations de l'article 43 de la convention relatives à l'indemnisation forfaitaire du manque à gagner du concessionnaire et de confirmer le jugement attaqué en tant qu'il condamne la commune de Sète à verser à la société Indigo Infra CGST une indemnité annuelle forfaitaire de 76 224,51 euros (500 000 francs) hors taxes pour la période de contrat restant à courir, cette somme devant être indexée dans les conditions fixées au paragraphe 1-2 de l'article 1er de l'avenant n° 1 du 1er août 2000.

24. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que, la société Indigo Infra CGST est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité l'indemnisation des préjudices résultant de la résiliation de la concession en litige à l'indemnisation de son seul manque à gagner en condamnant la commune de Sète à lui verser l'indemnité forfaitaire de 76 224,51 euros par année de contrat restant à courir liquidée et indexée dans les conditions prévues à l'article 5 et au paragraphe 1-2 de l'article 1er de l'avenant à la convention n° 1 du 1er août 2000 et, d'autre part, que la commune de Sète doit, en outre, être condamnée à verser à la société Indigo Infra CGST une indemnité de 2 546 558 euros au titre de l'indemnisation des biens de retour, laquelle vient s'ajouter à l'indemnité annuelle forfaitaire à laquelle elle a été condamnée par le tribunal.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

25. La société Indigo Infra CGST a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 2 546 558 euros que la commune de Sète est condamnée à lui verser dans le cadre de la réformation prononcée au point 24 du présent arrêt, à compter du 24 février 2016, date à laquelle cette commune a reçu sa demande préalable adressée par une lettre du 18 février précédent.

26. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée dans le cadre de la requête introductive d'instance enregistrée devant le tribunal administratif de Montpellier le 23 mai 2016. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 23 mai 2017, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Indigo Infra CGST, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Sète demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Sète une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Indigo Infra CGST et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1 : La commune de Sète est condamnée à verser à la société Indigo Infra CGST une somme de 2 546 558 euros au titre de l'indemnisation des biens de retour visés par le présent arrêt sans que le montant issu de la somme des indemnités de résiliation auxquelles cette commune a été condamnée en première instance et en appel excède la somme de 6 211 993,47 euros demandée en première instance.

Article 2 : L'indemnité des biens de retour prévue à l'article 1 portera intérêts au taux légal à compter du 24 février 2016, date de réception de la demande indemnitaire préalable. Les intérêts échus à la date du 23 mai 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement n° 1602683 du 27 juillet 2017 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Sète versera à la société Indigo Infra CGST une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Indigo Infra CGST et à la commune de Sète.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL04384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04384
Date de la décision : 05/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-05-02-02 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats. - Fin des concessions. - Résiliation. - Droit à indemnité du concessionnaire.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : SELARL SYMCHOWICZ-WEISSBERG & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;21tl04384 ?
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