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05/12/2023 | FRANCE | N°22MA01871

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 décembre 2023, 22MA01871


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 29 mai 2020 par lequel le ministre de l'intérieur l'a affecté en qualité d'adjoint au commandant de la compagnie républicaine de sécurité d'Ollioules à compter du 8 juin 2020 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001584 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté

sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 29 mai 2020 par lequel le ministre de l'intérieur l'a affecté en qualité d'adjoint au commandant de la compagnie républicaine de sécurité d'Ollioules à compter du 8 juin 2020 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001584 du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2022, M. B..., représenté par Me Marc, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 29 avril 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du ministre de l'intérieur du 29 mai 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête n'est pas tardive et est recevable ;

- sur l'illégalité externe de l'arrêté du 29 mai 2020 :

. en méconnaissance des dispositions de l'article 18 de la loi du 11 janvier 1984, les lignes directrices de gestion en matière de mobilité ne lui ont pas été communiquées préalablement à l'édiction de cet arrêté ;

. cet arrêté ne vise pas ces lignes directrices ;

. cette absence de communication et ce défaut de visa ont influencé le sens de cet arrêté ;

. aucune commission administrative paritaire n'a été saisie préalablement à l'édiction de cet arrêté, ce qui constitue un vice de procédure ;

- sur l'illégalité interne de l'arrêté du 29 mai 2020 :

. contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Toulon qui a ainsi commis une erreur, il ne peut lui être reproché d'être sans affectation alors même qu'il a démontré avoir candidaté, à plusieurs reprises, sur de nombreux postes ;

. alors que le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté du 29 mai 2020 est illégal en ce qu'il ne fait pas application des lignes directrices de gestion est rappelé dans les visas du jugement attaqué, le tribunal administratif n'y a pas répondu ;

. cet arrêté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 et des lignes directrices de gestion qui, contrairement à ce que fait valoir le ministre de l'intérieur, sont bien applicables à sa situation qui s'assimile à une mutation ;

. cet arrêté porte une atteinte disproportionnée à sa vie familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 3 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mai 2023, à 12 heures.

Un mémoire, présenté par le ministre de l'intérieur et des outre-mer, a été enregistré le 26 septembre 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 2019-1265 du 29 novembre 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Après la fin, le 30 septembre 2015, de sa mise à disposition auprès de la préfecture de l'Hérault en qualité de délégué du préfet dans les quartiers prioritaires de Béziers,

M. B..., commandant de police, est demeuré sans affectation tout en continuant à percevoir son traitement. Par un courrier du 14 avril 2020, le ministre de l'intérieur lui a proposé trois postes vacants et lui a demandé de choisir l'un d'entre eux. Après que, par un courrier du

7 mai 2020, M. B... a indiqué qu'il ne se positionnerait sur aucun de ces postes, ledit ministre l'a affecté, par un arrêté du 29 mai 2020, à la compagnie républicaine de sécurité d'Ollioules, en qualité d'adjoint au commandant de compagnie, à compter du 8 juin 2020.

M. B..., qui n'a au demeurant pas rejoint son poste d'affectation, demande à la Cour d'annuler le jugement du 29 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. B... a soulevé en première instance le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté du 29 mai 2020 aurait été pris en méconnaissance des lignes directrices de gestion en matière de mobilité. A cet égard, il indiquait, dans ses écritures, que ces dernières prévoyaient " notamment les conditions d'évaluation des critères personnels et familiaux pour la mobilité énoncées à l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 ". A supposer que ce moyen soit opérant, alors même qu'il ressort de la consultation du site Internet du ministère de l'intérieur et des outre-mer, librement accessible tant au juge qu'aux parties, que les lignes directrices de gestion en matière de mobilité de ce ministère du 12 mars 2020, n'ont été publiées à son bulletin officiel (BOMI) que le 15 juin suivant, les premiers juges l'ont dûment visé et l'ont, en tout état de cause, implicitement mais nécessairement écarté, en jugeant, au point 10 de leur jugement attaqué, que M. B... n'était pas fondé à soutenir que l'administration n'avait pas pris en compte sa situation familiale avant de l'affecter dans le département du Var. Lesdits juges n'ont, ce faisant, pas entaché leur jugement d'une irrégularité. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté contesté du ministre de l'intérieur du 29 mai 2020 :

3. En premier lieu, la circonstance que l'arrêté contesté du ministre de l'intérieur du 29 mai 2020 ne vise pas les lignes directrices de gestion en matière de mobilité est sans influence sur sa légalité. Un tel moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 18 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige et issue de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, depuis lors codifié aux articles L. 413-1 à L. 413-5 du code général de la fonction publique : " L'autorité compétente édicte des lignes directrices de gestion, après avis du comité social d'administration. Les lignes directrices de gestion déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines dans chaque administration et établissement public, notamment en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les lignes directrices de gestion fixent, d'une part, dans chaque administration, les orientations générales en matière de mobilité et, d'autre part, dans chaque administration et établissement public, les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours, sans préjudice du pouvoir d'appréciation de cette autorité en fonction des situations individuelles, des circonstances ou d'un motif d'intérêt général. Les lignes directrices de gestion en matière de mobilité respectent les priorités énumérées au II de l'article 60. Ces deux catégories de lignes directrices de gestion sont communiquées aux agents. "

5. Aux termes du I de l'article 2 du décret susvisé du 29 novembre 2019 relatif aux lignes directrices de gestion et à l'évolution des attributions des commissions administratives paritaires : " Les lignes directrices de gestion sont établies par le ministre pour le département ministériel dont il est chargé. / Elles peuvent comporter des orientations qui sont propres à certains services, ensemble de services, missions, ensemble de corps ou types d'emplois. / Tout projet de lignes directrices de gestion relevant du présent I est transmis pour accord au ministre chargé de la fonction publique (direction générale de l'administration et de la fonction publique) avant saisine du comité social ministériel. A défaut de réponse formalisée dans un délai d'un mois à compter de la réception du projet, un accord est réputé avoir été donné ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les lignes directrices de gestion sont établies pour une durée pluriannuelle qui ne peut excéder cinq années. Elles peuvent faire l'objet, en tout ou partie, d'une révision en cours de période selon la même procédure ". Selon l'article 5 dudit décret :

" Les lignes directrices de gestion sont rendues accessibles aux agents par voie numérique et, le cas échéant, par tout autre moyen. "

6. Nonobstant la date de publication évoquée plus haut des lignes directrices de gestion en matière de mobilité du ministère de l'intérieur, les dispositions citées aux deux points précédents du présent arrêt, et en particulier celles contenues à l'article 18 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 in fine, dans sa rédaction applicable au présent litige, dont M. B... se prévaut, n'imposent pas à l'autorité administrative de notifier ces lignes directrices de gestion, lesquels sont dépourvues de portée individuelle, à chaque agent public, avant l'édiction d'une décision d'affectation. Ce moyen doit dès lors en tout état de cause être écarté.

7. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré du défaut de consultation de la commission administrative paritaire n'est pas davantage assorti devant la Cour que devant le tribunal administratif de Toulon des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il s'ensuit que ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté contesté du ministre de l'intérieur du 29 mai 2020 :

8. D'une part, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

9. D'autre part, aux termes du II de l'article 6 du décret susvisé du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " II. - Lorsque cesse la mise à disposition, le fonctionnaire qui ne peut être affecté aux fonctions qu'il exerçait précédemment dans son service d'origine reçoit une affectation dans l'un des emplois que son grade lui donne vocation à occuper, dans le respect des règles fixées au quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 (...). " Aux termes du II de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige, qui reprend les dispositions qui figuraient antérieurement au quatrième alinéa de cet article : " Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service les affectations prononcées tiennent compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille ".

10. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que M. B... réside sur le territoire de la commune d'Agde, dans le département de l'Hérault, le ministre de l'intérieur l'a, par l'arrêté contesté du 29 mai 2020 et à compter du 8 juin suivant, affecté en qualité d'adjoint au commandant de la compagnie républicaine de sécurité d'Ollioules, dans le Var. L'appelant soutient que, divorcé, il s'est vu attribuer la garde alternée de ses deux enfants qui, à la date d'édiction de cet arrêté, étaient respectivement âgés de six et dix ans et qui étaient scolarisés à Agde. M. B... ajoute avoir dû héberger son père qui, âgé et malade, était en situation de dépendance. Mais, il ressort également des pièces du dossier que les services gestionnaires du ministère de l'intérieur ont proposé des postes vacants à M. B..., qui relevaient de son grade, dont certains étaient situés à Montpellier ou dans d'autres villes du département de l'Hérault, soit à proximité de son domicile. L'appelant ne peut dès lors soutenir que l'autorité administrative n'aurait pas pris en compte sa situation familiale. En outre, et alors même qu'elles sont susceptibles d'emporter, du fait du nouveau lieu d'affectation de M. B..., une désorganisation voire une dégradation de ses conditions de vie, les circonstances susmentionnées avancées par l'appelant ne sauraient suffire à faire regarder l'arrêté contesté du 29 mai 2020, pris dans l'intérêt du service et alors que, bien que sans affectation, ce dernier a continué à percevoir son plein traitement durant cinq années, comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

ni comme révélant une méconnaissance des dispositions de l'article 60 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ou encore des lignes directrices de gestion adoptées par le ministre de l'intérieur, à les supposer invocables par M. B.... En effet, pas davantage devant la Cour que devant le tribunal administratif de Toulon, M. B... n'établit l'impossibilité d'aménager le régime de garde alternée de ses deux enfants, ni de continuer à héberger son père, le cas échéant, dans le nouveau domicile qu'il pourrait prendre à proximité de son nouveau lieu d'affectation. Il suit de là que ces moyens doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 29 avril 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. B... soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2023.

2

No 22MA01871


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01871
Date de la décision : 05/12/2023

Analyses

36-05-01-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation. - Affectation.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : MARC

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-05;22ma01871 ?
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