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21/12/2023 | FRANCE | N°21NC00921

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 21 décembre 2023, 21NC00921


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Chalindrey a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge et la restitution des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des intérêts de retard réclamés au titre de l'année 2016.



Par un jugement no 1901816 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer à hauteur d'un montant de 117 euros et, d'autre part, reje

té le surplus des conclusions de la demande.



Procédure devant la cour :



Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Chalindrey a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge et la restitution des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des intérêts de retard réclamés au titre de l'année 2016.

Par un jugement no 1901816 du 28 janvier 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer à hauteur d'un montant de 117 euros et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2021, la commune de Chalindrey, représentée par Me Ponsart, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 janvier 2021, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin de décharge ;

2°) de prononcer la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 29 961 euros ainsi que l'intérêt de retard pour un montant de 1 953 euros, subsidiairement de prononcer la restitution d'un montant de 14 943 euros de taxe sur la valeur ajoutée et du montant de l'intérêt de retard correspondant ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché de défaut de motivation ;

- la proposition de rectification est entachée de défaut de motivation, la privant de la possibilité de formuler ses observations sur le critère de la prise en compte des surfaces respectives des lots ;

- l'administration a retenu, sans justifier de sa pertinence, le critère de la superficie des lots, qui ne présente pas de lien avec le coût des équipements, alors que le seul critère pertinent est celui du nombre des lots.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Chalindrey ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brodier,

- les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique,

- les observations de Me Ponsart, avocat de la commune de Chalindrey.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Chalindrey située en Haute-Marne a procédé à une opération de lotissement de parcelles qu'elle détenait en vue de vendre les sept lots créés comme lots à bâtir. Elle a déduit la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à l'occasion des travaux de viabilisation de ce lotissement à hauteur de 52 563 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 4 janvier 2019, établie dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, et qui a annulé et remplacé une précédente adressée le 12 janvier 2018, remis en cause la déduction de la taxe afférente aux deux lots qui avaient été vendus pour un euro symbolique chacun à l'Office public de l'habitat de la Haute-Marne en avril 2016 au motif que cette cession se situait hors du champ d'application de la taxe. Des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à la charge de la commune, par un avis de mise en recouvrement du 30 avril 2019, pour un montant de 31 914 euros, en droits et majorations. La réclamation préalable formée par la commune a été rejetée par une décision du 21 juin 2019. La commune de Chalindrey relève appel du jugement du 28 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur de 117 euros, rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires mis à sa charge.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la demanderesse, ont suffisamment motivé les raisons pour lesquelles ils ont estimé que le montant des travaux de viabilisation était fonction de la distance nécessaire et, selon eux, de la surface des parcelles. Ils ont, pour ce motif, tant écarté le critère proposé par la commune visant à déterminer la part de taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces travaux déductible en recourant au nombre de lots plutôt qu'en rapportant le coût des travaux à la superficie de chacun des lots et validé le critère retenu par l'administration fiscale. Par suite, la commune de Chalindrey n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

5. Il ressort de la proposition de rectification du 4 janvier 2019 adressée à la commune de Chalindrey qu'elle mentionne l'impôt concerné, le trimestre correspondant de l'année 2016, le montant de la rectification opérée et son fondement juridique. Elle énonce notamment que la cession des lots à bâtir n° 4 et 5 le 26 avril 2016 pour un euro symbolique chacun, qui ne peut être regardée comme une cession réalisée à titre onéreux, n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et que le coefficient d'admission et le coefficient d'assujettissement de l'opération étant fixés à zéro, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les travaux de viabilisation de ces deux lots n'était par suite pas déductible. Les factures des travaux de viabilisation ne permettant pas d'isoler le montant de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces deux lots, l'administration fiscale a déterminé le coefficient de déduction de l'opération en ventilant le coût total des travaux entre les parcelles ouvrant droit à déduction d'une part et les lots n° 4 et 5 d'autre part selon la superficie des parcelles concernées, soit un coefficient de déduction de 43 %, permettant la déduction d'un montant de 22 602 euros de taxe sur la valeur ajoutée au lieu de 52 563 euros. Ce motif était énoncé de manière suffisamment précise pour permettre à la commune de Chalindrey de discuter du coefficient de déduction admis par l'administration fiscale, en particulier en proposant un critère de détermination qu'elle estimerait plus adapté à l'opération en litige. La commune requérante ne saurait à cet égard soutenir qu'il appartenait à l'administration fiscale de démontrer, dans la proposition de rectification, la pertinence du critère de la superficie des parcelles par rapport à d'éventuels autres critères envisageables. Par suite, la commune de Chalindrey n'est pas fondée à soutenir que la garantie prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales aurait été méconnue.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

6. Aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. ". Aux termes du 1 de l'article 273 du même code : " 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. / Ils fixent notamment : / (...) - les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II à ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de la même annexe : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. / II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. / (...) / IV. - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. / 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) / 3° Lorsque le bien est cédé sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à son prix normal, notamment à titre de commission, salaire, gratification, rabais, bonification, cadeau, quelle que soit la qualité du bénéficiaire ou la forme de la distribution, sauf quand il s'agit de biens de très faible valeur. Un arrêté du ministre chargé du budget en fixe la valeur maximale ; (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administration fiscale a procédé au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les travaux de viabilisation se rattachant aux lots n° 4 et 5 du lotissement " Amaryllis " au motif que la cession, pour un euro symbolique, de ces lots, était une opération située hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. La commune conteste uniquement le choix fait par l'administration fiscale de fixer à 43 % le coefficient de déduction applicable à l'opération de cession des lots à titre onéreux sur la base du rapport entre la surface de ces cinq lots et la surface totale des lots pour lesquels elle avait réalisé des travaux de viabilisation. Elle sollicite l'application d'un coefficient de déduction de 72 % correspondant au rapport du nombre de lots cédés à titre onéreux sur le nombre total des lots concernés par les travaux. Elle se borne toutefois à soutenir que la voirie n'est pas plus utilisée par les occupants des grandes parcelles que par les occupants des petites parcelles et à faire valoir que la taille des réseaux est la même quelle que soit la superficie des parcelles, sans produire le moindre élément, que la commune est seule à détenir, pour établir qu'au cours de l'opération de viabilisation, chaque parcelle a fait l'objet du même équipement en réseaux d'eau, d'électricité et de gaz et que la voirie aurait vocation à être utilisée de la même façon depuis chacun des lots. Il résulte au contraire de l'instruction que les cinq parcelles les plus petites ont été cédées à des particuliers tandis que les deux grandes parcelles ont été vendues à un Office public de l'habitat, le nombre d'utilisateurs des réseaux ayant ainsi vocation à être plus nombreux sur les grandes parcelles que sur les petites parcelles. Aussi, en l'absence de proposition alternative mieux adaptée à la consistance des travaux de viabilisation concernés, la clé de répartition utilisée par l'administration, fondée sur le rapport de superficie des cinq lots cédés à titre onéreux sur la surface totale du lotissement, doit être regardée comme reflétant la proportion du coût d'installation des réseaux et de la voirie sur les premiers. Par suite, c'est à juste titre que l'administration fiscale a procédé, dans les conditions mentionnées ci-dessus, au rappel de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux travaux de viabilisation correspondant aux deux lots cédés à titre non onéreux que la commune avait à tort déduite.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Chalindrey n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Chalindrey est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chalindrey et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 21NC00921


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00921
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : PONSART

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21nc00921 ?
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