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21/12/2023 | FRANCE | N°22LY01155

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 21 décembre 2023, 22LY01155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



La société par actions simplifiée (SAS) Renove Palettes a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, assortie d'intérêts de retard, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 ou, à titre subsidiaire, d'en prononcer la réduction.



Par un jugement n°2007484 du 15 février 2022, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, constaté qu'il n'y avait p

as lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge ou, à défaut, de réduction présentées par la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société par actions simplifiée (SAS) Renove Palettes a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, assortie d'intérêts de retard, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 ou, à titre subsidiaire, d'en prononcer la réduction.

Par un jugement n°2007484 du 15 février 2022, le tribunal administratif de Lyon a, dans un article 1er, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge ou, à défaut, de réduction présentées par la société Renove Palettes à hauteur de la somme, en droits et pénalités, de 23 074 euros et, dans un article 2, rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 avril 2022 et 27 janvier 2023, la SAS Renove palettes, représentée par Me Moulinier, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de lui accorder la décharge sollicitée ou, à titre subsidiaire, de faire droit à sa demande de décalage de la reprise de provision d'un montant de 331 979 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017 à l'exercice clos le 30 septembre 2016 et la décharger de l'imposition supplémentaire mise à sa charge au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017 en droits et intérêts de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas procédé à l'amortissement des trois éléments d'actif corporel visés par l'administration dès lors que ces matériels n'ont jamais été mis en service ; ils n'ont d'ailleurs pas été cédés en 2017 lors de la cession de l'usine ;

- si, comme le fait valoir l'administration, ces éléments auraient dû être amortis, la provision passée constitue une erreur comptable involontaire qui doit être rectifiée à la clôture du premier exercice non prescrit soit au 30 septembre 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 4 septembre 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 4 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Moulinier pour la SAS Renove palettes.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Renove Palettes a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2017. Elle relève appel de l'article 2 du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge ou à la réduction du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'année 2017 en conséquence de ce contrôle.

Sur la charge de la preuve :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque (...) s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. ".

3. En l'espèce, il est constant que la SAS Renove palettes n'a produit aucune observation dans le délai qui lui était ouvert pour répondre à la proposition de rectification du 18 juin 2019. En application des dispositions précitées, elle ne peut obtenir la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés en litige qu'en apportant la preuve de son exagération.

Sur les conclusions en décharge :

4. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) 2° Sauf s'ils sont pratiqués par une copropriété de navires, une copropriété de cheval de course ou d'étalon, les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte tenu des dispositions de l'article 39 A, sous réserve des dispositions de l'article 39 B. (...) ". Aux termes de l'article 39 B de ce code : " A la clôture de chaque exercice, la somme des amortissements effectivement pratiqués depuis l'acquisition ou la création d'un élément donné ne peut être inférieure au montant cumulé des amortissements calculés suivant le mode linéaire et répartis sur la durée normale d'utilisation. A défaut de se conformer à cette obligation, l'entreprise perd définitivement le droit de déduire la fraction des amortissements qui a été ainsi différée. ". Aux termes de l'article 39 duodecies du même code : " 4. Le régime des moins-values à court terme s'applique : / (...) b. aux moins-values subies lors de la cession de biens amortissables, quelle que soit la durée de leur détention. Le cas échéant, ces moins-values sont diminuées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39 B. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification notifiée à la SAS Renove palettes le 18 juin 2019 qu'à l'occasion de la sortie des immobilisations " mise en service chaîne de revidage ", " rachat d'une chaîne de revidage " et " rachat d'une machine tri bouteille " de son actif à la clôture de l'exercice 2017 pour un montant total de 331 979 euros, la société Renove Palettes a comptabilisé une moins-value. L'administration a estimé que ces immobilisations auraient dû faire l'objet d'un amortissement et elle a, en vertu des dispositions de l'article 39 duodecies précitées, diminué le montant de cette moins-value du montant des amortissements irrégulièrement différés.

6. D'une part, la société requérante soutient qu'elle n'a pas amorti ces éléments d'actifs dès lors qu'ils n'ont jamais été mis en service. Toutefois, il n'est pas contesté par la requérante que si elle n'a pas amorti les éléments d'actifs visés au point 5, elle a bien procédé à l'amortissement d'une fraction de l'élément d'actif " mise en service chaîne de revidage " pour un montant de 1 061 798,33 euros et d'une fraction de l'élément d'actif " rachat d'une chaîne de revidage " pour un montant de 7 268,42 euros. En outre, aucun élément produit ne démontre que les éléments d'actifs visés dans la proposition de rectification n'ont pas pu être mis en service et utilisés par la requérante pour son activité. A ce titre, elle admet ne pas pouvoir en justifier pour l'élément " mise en service chaîne de revidage " d'un montant de 212 359,65 euros pour lequel elle n'a pas produit de justificatifs. Si elle soutient que cette ligne de 212 359,65 euros correspondrait à divers coûts matériels et humains déployés pour mettre en service la chaîne de revidage, aucun élément ne démontre que celle-ci n'a pas été mise en service et la requérante ne soutient pas que certains coûts revendiqués auraient été comptabilisés à tort dans les immobilisations. S'agissant de l'actif " machine tri bouteille ", elle produit un document intitulé " synthèse du projet Recop 2007 " faisant état d'un projet de tri de bouteilles à recycler sur 2006/2007 indiquant qu'une machine devait être installée en parallèle du tri manuel existant pour permettre la reconnaissance de certaines bouteilles mais que ce projet a été abandonné au bout de 14 mois, le taux de reconnaissance des bouteilles n'étant pas satisfaisant. Ce document ne permet pas de démontrer que l'immobilisation comptabilisée au 5 juin 2010, soit trois ans après l'abandon de ce projet, n'aurait pas été mise en service. Par son argumentation, la requérante ne démontre pas l'exagération du supplément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge pour l'année 2017. En tout état de cause, l'inscription à l'actif de l'immobilisation permettant la comptabilisation d'un amortissement ou d'une provision à ce titre, la circonstance que ladite immobilisation ait été ou non mise en service est sans incidence sur cette comptabilisation.

7. D'autre part, la société requérante soutient que l'absence de comptabilisation des amortissements au titre des éléments d'actif en litige constituant une erreur comptable, la comptabilisation des provisions pour dépréciation de ces mêmes éléments à hauteur de 100% de leur valeur d'acquisition à partir de l'exercice clos en 2011 jusqu'à la reprise de cette provision au 31 décembre 2017 lors de leur sortie du bilan constitue elle-même une erreur comptable qu'il convient de corriger. Toutefois, il est constant que l'administration n'a pas remis en cause les provisions pour dépréciation pratiquées puis leur réintégration au bilan de l'exercice 2017. En outre, la société requérante ne saurait soutenir que l'absence de comptabilisation des amortissements pour les actifs en litige relèverait d'une erreur comptable dès lors qu'il est constant, ainsi qu'il a été rappelé, que la requérante a elle-même amorti une partie des actifs " mise en service chaîne de revidage " et " rachat d'une chaîne de revidage ". Dans ces conditions, la provision pour dépréciation qu'elle a comptabilisée à compter de l'année 2011 pour les éléments en litige ne relève pas davantage d'une erreur comptable mais bien d'une décision de gestion opposable à la société requérante.

8. Il résulte de ce qui précède que la SAS Renove palettes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS Renove palettes la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Renove palettes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Renove palettes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

V. Rémy-Néris

Le président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N°22LY01155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01155
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : PHILIPPE MOULINIER CABINET JURIDIQUE ET FISCAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22ly01155 ?
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