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21/12/2023 | FRANCE | N°22LY02042

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 21 décembre 2023, 22LY02042


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le lycée polyvalent Vaucanson de Grenoble, établissement support du Greta de Grenoble, à lui verser les sommes de 17 634,52 euros, 30 000 euros et 32 615 euros correspondant respectivement à une perte de revenus subie entre juillet 2018 et décembre 2019, une perte de chance au titre de droits à la retraite ainsi qu'un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, avec les intérêts au

taux légal à compter du 18 juin 2020 et la capitalisation de ces intérêts.



Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le lycée polyvalent Vaucanson de Grenoble, établissement support du Greta de Grenoble, à lui verser les sommes de 17 634,52 euros, 30 000 euros et 32 615 euros correspondant respectivement à une perte de revenus subie entre juillet 2018 et décembre 2019, une perte de chance au titre de droits à la retraite ainsi qu'un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, avec les intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2020 et la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 2005315 du 30 juin 2022, le tribunal a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Leblanc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le lycée polyvalent Vaucanson de Grenoble, établissement support du Greta de Grenoble, à lui verser ces sommes, avec les intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2020 et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge du lycée polyvalent Vaucanson de Grenoble une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son premier licenciement est fautif, en l'absence de justification de difficultés économiques ;

- son premier licenciement est également fautif, à défaut de mise en œuvre de l'obligation de recherche de reclassement, et est à l'origine de sa perte injustifiée d'emploi tout comme son absence de réintégration effective en 2020 ;

- la décision du 20 mars 2018 était illégale, étant entachée d'un défaut de motivation ;

- l'illégalité de son premier licenciement lui a causé un préjudice direct et certain correspondant à une perte de revenus durant la période du 1er juin 2018 au 31 décembre 2019, pour un montant de 17 634,52 euros, une perte de chance de bénéficier d'une pension de retraite plus importante, pour un montant de 30 000 euros, ainsi qu'un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, à hauteur de 32 615 euros.

Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2022, le lycée polyvalent Vaucanson de Grenoble, représenté par Me Le Chatelier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés, et qu'en toute hypothèse, les montants des chefs de préjudice invoqués sont excessifs.

Par une ordonnance du 27 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chassagne, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Leblanc, pour M. A..., ainsi que celles de Me Riffard, substituant Me Le Chatelier, pour le lycée polyvalent Vaucanson de Grenoble, établissement support du Greta de Grenoble ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été recruté par le Greta de Grenoble, dont le lycée polyvalent Vaucanson de Grenoble est l'établissement support, en dernier lieu par contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2007, en qualité de formateur en menuiserie et ébénisterie, au sein de la filière dite " bois et toit " du service bâtiment de cet organisme. Par un courrier du 20 mars 2018, l'ordonnateur du Greta de Grenoble a prononcé son licenciement pour motif de difficultés économiques, avec effet au 31 mai 2018. Le tribunal administratif de Grenoble, par un jugement devenu définitif du 15 octobre 2019, a annulé cette décision et a enjoint à cette autorité, sous deux mois, de le réintégrer juridiquement à compter du 1er juin 2018 et de reconstituer ses droits sociaux et ses droits à la retraite entre cette date et la date du jugement mais également de le réintégrer effectivement à compter de cette dernière date. Par un arrêté du 21 novembre 2019, prévoyant également la reconstitution rétroactive de ses droits sociaux et à la retraite, M. A... a été juridiquement réintégré à compter du 1er juin 2018. Puis, après une réintégration effective de l'intéressé à compter du 1er janvier 2020, l'ordonnateur du Greta de Grenoble, faute de pouvoir lui confier un poste équivalent à celui qu'il occupait, a prononcé son licenciement pour suppression du besoin d'emploi par décision du 15 juillet 2020, avec effet au 30 septembre 2020. La réclamation indemnitaire préalable de M. A..., formée par un courrier du 11 mai 2020, notamment au titre des chefs de préjudice qu'il estimait avoir subis du fait de la première décision de licenciement, a été rejetée sur ce point par un courrier du 15 juillet 2020. M. A... relève appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de condamnation du lycée polyvalent Vaucanson de Grenoble, établissement support du Greta de Grenoble, à lui verser une somme totale de 80 249,52 euros, avec les intérêts au taux légal et la capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 20 mars 2018.

2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.

Sur le principe de la responsabilité :

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment tant du procès-verbal du conseil d'administration du lycée polyvalent Vaucanson de Grenoble, établissement support du Greta de Grenoble, du 17 octobre 2017, relatif aux projections budgétaires pour l'année 2018, que du document intitulé " compte-rendu de suivi d'accompagnement " de l'intéressé, qu'à la date de la décision du 20 mars 2018, la situation économique de cet organisme et en particulier de la filière dite " bois et toit " de son service bâtiment, au sein de laquelle M. A... exerçait ses fonctions, était fortement affectée. Ainsi, il apparaît que, compte tenu de la baisse significative des demandes de formation dans cette filière, amorcée depuis plusieurs années, alors qu'elles représentaient une part importante de l'activité du Greta, son financement ne bénéficiant pas de subventions directes et étant fonction des formations rémunérées qu'il dispense, une baisse des effectifs, comprenant certains agents en contrat à durée indéterminée, était nécessaire. Ni l'insuffisance formelle de motivation de la décision de licenciement du 20 mars 2018, qui a justifié son annulation par le jugement du 15 octobre 2019, ni le document budgétaire du mois de mai 2018 postérieur à cette décision, qu'il ne produit d'ailleurs pas, ne permettent d'établir l'absence de réalité du motif tiré de difficultés économiques. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que son premier licenciement serait fautif en l'absence de justification de difficultés économiques.

4. En second lieu, par son jugement du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a définitivement estimé que l'ordonnateur du Greta de Grenoble avait entaché la décision de licenciement du 20 mars 2018 d'un défaut de motivation et n'avait pas respecté son obligation de recherche d'un reclassement, prévue par l'article 45-5 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État, pour prendre cette décision, dans la mesure où il n'avait pas mis M. A... au cours de la procédure de licenciement en situation d'exprimer sa position quant à un éventuel reclassement. Ainsi, de telles illégalité sont constitutives de fautes qui sont, à condition d'avoir causé à ce dernier un préjudice direct et certain, susceptibles d'engager, à son égard, la responsabilité du lycée polyvalent Vaucanson de Grenoble, établissement support du Greta de Grenoble.

Sur la réparation du préjudice :

5. En premier lieu, M. A... soutient que l'illégalité de son premier licenciement lui a causé un préjudice correspondant à une perte de revenus durant la période du 1er juin 2018 au 31 décembre 2019, pour un montant de 17 634,52 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que, compte-tenu des difficultés économiques évoquées au point 3, le Greta de Grenoble a arrêté l'activité de formation de sa filière dite " bois et toit ", qui a, au demeurant, été ultérieurement transférée à un autre organisme par convention du 20 avril 2018, bénéficiant de formateurs propres. M. A..., alors même qu'il n'incombait pas au Greta de rechercher à reclasser l'intéressé dans un autre organisme, a été reçu par une cellule d'accompagnement académique mise en place pour aider les personnels subissant un licenciement et a indiqué refuser d'enseigner en dehors de sa discipline et ailleurs qu'au Greta. Dans ces conditions, M. A... n'a pas perdu une chance sérieuse d'être reclassé. Par ailleurs, la seule faute tirée de l'insuffisance de motivation de la décision du 20 mars 2018 ne saurait être regardée comme étant à l'origine, de manière directe et certaine, d'un quelconque préjudice dès lors qu'il résulte de l'instruction que compte tenu de ce qui a été exposé au point 3, la même décision aurait pu légalement être prise. L'indemnisation de ce chef de préjudice doit donc être écartée.

6. En deuxième lieu, M. A... demande à être indemnisé de la perte de chance de bénéficier d'une pension de retraite plus importante, qu'il évalue à la somme de 30 000 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction que le lycée polyvalent Vaucanson de Grenoble, établissement support du Greta de Grenoble, a régularisé sa situation, pour la période du 1er juin 2018 au 31 décembre 2019, au titre de ses droits à la retraite, et de ses droits sociaux auprès de l'Urssaf, en vertu d'un arrêté du 21 novembre 2019 pris en application du jugement du 15 octobre 2019 précité. Pour la période postérieure au 1er octobre 2020, la perte des droits à la retraite ne résulte pas de l'illégalité de la décision du 20 mars 2018, mais de son second licenciement intervenu à la suite de la décision du 15 juillet 2020, dont il ne critique pas le bien-fondé, qui est donc sans lien avec les fautes dont il se prévaut. Ce chef de préjudice ne peut ainsi être retenu.

7. En dernier lieu, et alors au demeurant que pour demander l'indemnisation d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence, évalués à hauteur de 32 615 euros, M. A..., qui était un agent public, ne saurait utilement se référer aux barèmes existant en droit du travail, il n'est pas fondé à en obtenir réparation pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5. Ce chef de préjudice ne saurait être indemnisé.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par le lycée polyvalent Vaucanson, établissement support du Greta de Grenoble et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le lycée polyvalent Vaucanson, établissement support du Greta de Grenoble au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au lycée polyvalent Vaucanson, établissement support du Greta de Grenoble.

Copie en sera adressée au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;

M. Chassagne, premier conseiller ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

La présidente de la formation de jugement,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY02042

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02042
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : Mme DUGUIT-LARCHER
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : LEBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22ly02042 ?
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