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22/12/2023 | FRANCE | N°23NT00040

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 22 décembre 2023, 23NT00040


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SA En Avant de Guingamp a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015.



Par un jugement n° 2003796 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a réduit la base de l'impôt sur les sociétés à concurrence des sommes correspondant à la réintégrat

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA En Avant de Guingamp a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015.

Par un jugement n° 2003796 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a réduit la base de l'impôt sur les sociétés à concurrence des sommes correspondant à la réintégration dans les résultats imposables de la SA En Avant de Guingamp des commissions versées aux agents sportifs afférentes aux primes à la signature, accordé la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant à la réduction des bases d'imposition et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2023, la SA En Avant de Guingamp, représentée par Me Darricau et Me de Montigny, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la provision pour risques et charges constituée au titre des exercices clos en 2014 et 2015 pour faire face au risque de devoir verser une indemnité d'ancienneté à M. A..., entraîneur de l'équipe professionnelle en 2014 et 2015 au regard de l'article 662 de la convention nationale des métiers du football ;

- pour justifier cette provision, il y a lieu de prendre en compte la circonstance que l'ancienneté minimale de quatre ans requise pour ouvrir droit au bénéfice de l'indemnité d'ancienneté soit atteinte et la forte probabilité que le contrat à durée déterminée d'entraineur de M. A... ne soit pas renouvelé au 30 juin 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SA En Avant de Guingamp ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'administration a procédé à une vérification de comptabilité de la SA En Avant de Guingamp, qui est un club de football professionnel, portant sur la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2015. A l'issue de cette vérification, elle a remis en cause, par une proposition de rectification du 15 décembre 2016, l'inscription dans sa comptabilité à la clôture des exercices 2014 et 2015, d'une part, d'une provision constituée au motif que la société a anticipé le risque de devoir verser à son entraîneur, M. A..., l'indemnité prévue à l'article 662 du titre IV de la convention collective nationale des métiers du football et, d'autre part, des charges à payer de certaines commissions dues à des agents sportifs au motif qu'elles ne correspondent pas à des dettes certaines dans leur principe. Par un jugement du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a réduit la base de l'impôt sur les sociétés à concurrence des sommes correspondant à la réintégration dans ses résultats imposables des commissions versées aux agents sportifs afférentes aux primes à la signature, accordé la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant à la réduction des bases d'imposition et, par l'article 3 du jugement, rejeté le surplus de la demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujetti au titre des exercices clos en 2014 et 2015. La SA En Avant de Guingamp relève appel de l'article 3 de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. En outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges et qu'en ce qui concerne les provisions pour perte, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogènes, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées.

3. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 39 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

4. Aux termes de l'article 662 de la convention nationale des métiers du football : " Une indemnité d'ancienneté sera versée à tout entraîneur en charge de la direction technique de l'équipe professionnelle dans un club qui ne lui renouvellera pas son contrat dans la même fonction et à salaire au moins égal s'il exerçait dans cette fonction au sein de ce club pendant au moins 4 saisons. / Le montant de celle-ci sera égal au salaire mensuel moyen de la dernière saison par année de présence à partir du début du premier contrat. / Cette indemnité ne pourra excéder six mois du salaire défini ci-dessus. Si l'entraîneur quitte son club de sa propre initiative, il perd le bénéfice de l'indemnité ". Il résulte de ces stipulations que l'indemnité d'ancienneté ne sera due qu'en cas d'absence de renouvellement du contrat à son échéance aux mêmes conditions si l'entraîneur exerçait au sein de ce club pendant au moins quatre saisons.

5. La SA En Avant de Guingamp a déduit de son résultat des provisions pour risques et charges pour un montant de 335 191 euros à la clôture des exercices 2014 et 2015 au motif que la cessation du contrat de son entraîneur, M. A..., n'était pas une simple éventualité, mais présentait un caractère certain dans son principe, eu égard à la durée déterminée du contrat de travail de l'intéressé qui ne pouvait être prorogé que jusqu'au 30 juin 2017. Toutefois, elle n'établit en aucune manière que les provisions qu'elle a constituées étaient destinées à faire face à des charges déductibles nettement précisées que des événements en cours aux clôtures des exercices 2014 et 2015 rendaient probables. En effet, elle ne justifie pas avoir licencié son entraîneur et donc d'avoir contracté envers lui une dette certaine dans son principe et dans son montant à la date de clôture des exercices en litige en application de l'article 662 de la convention nationale des métiers du football dès lors que M. A... était encore en fonctions au cours de ces deux années et que les résultats du club durant les saisons 2013-2014 et 2014-2015 ne pouvaient laisser présager le non renouvellement du contrat de l'entraineur de l'équipe professionnelle. En outre, la circonstance que l'ancienneté minimale de quatre ans requise pour ouvrir droit au bénéfice de l'indemnité d'ancienneté soit atteinte et la forte probabilité que le contrat d'entraineur de

M. A... ne soit pas renouvelé au 30 juin 2017 ne peuvent pas être des justifications suffisantes pour admettre le caractère probable et anticipé des provisions litigieuses. En effet, une rupture du contrat en cours de saison à l'initiative de M. A... ou de la société requérante était tout aussi envisageable qu'un non-renouvellement de son contrat, seule cause donnant droit au versement de l'indemnité d'ancienneté. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause les provisions litigieuses la société requérante ne justifiant pas d'un événement en cours, au sens des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts rappelées au point 3, rendant probable la charge née du versement de l'indemnité instituée par l'article 662 de la charte du football professionnel et que les sommes correspondantes ont été réintégrées dans les résultats imposables des deux exercices.

6. Il résulte de ce qui précède que la SA En Avant de Guingamp n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA En Avant de Guingamp est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA En Avant de Guingamp et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.

Le rapporteur

J.E. GEFFRAYLe président de chambre

Guy QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23NT0004002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00040
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : FIDAL DIRECTION PARIS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;23nt00040 ?
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