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05/01/2024 | FRANCE | N°22NT03130

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 05 janvier 2024, 22NT03130


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Camping-Car Park a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, d'annuler le contrat conclu entre la communauté de communes de Châteaubriant-Derval et la société Aire Services ayant pour objet la gestion d'une aire de service de camping-car, à titre subsidiaire, de résilier ce contrat et en tout état de cause, de condamner la communauté de communes de Châteaubriant Derval à lui verser la somme de 127 103 euros, assortie des intérêts et de

la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi par elle en raison de la p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Camping-Car Park a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, d'annuler le contrat conclu entre la communauté de communes de Châteaubriant-Derval et la société Aire Services ayant pour objet la gestion d'une aire de service de camping-car, à titre subsidiaire, de résilier ce contrat et en tout état de cause, de condamner la communauté de communes de Châteaubriant Derval à lui verser la somme de 127 103 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi par elle en raison de la perte de chance de remporter le marché relatif à la gestion d'une aire de camping-car.

Par un jugement n° 2005499 du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2022, la société Camping-Car Park, représentée par Me Boisset, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 juillet 2022 ;

2°) à titre principal, d'annuler le contrat conclu entre la communauté de communes de Châteaubriant-Derval et la société Aire Services ayant pour objet la gestion d'une aire de service de camping-car ;

3°) à titre subsidiaire, de résilier ce contrat ;

4°) de condamner la communauté de communes de Châteaubriant-Derval à lui verser la somme de 127 103 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi par elle en raison de la perte de chance de remporter le marché relatif à la gestion d'une aire de camping-car ;

5°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Châteaubriant Derval la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'offre de la société Aire Services était irrégulière ;

- les modalités de déroulement des négociations, prévues par le règlement de consultation, ont été méconnues ;

- l'exactitude des informations données par la société Aire Services n'a pas été vérifiée ;

- le choix de l'offre de la société Aire Services est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, la communauté de communes de Châteaubriant Derval, représentée par Me Marchand, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge de la société Camping-Car Park une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Camping-Car Park ne sont pas fondés et qu'en toute hypothèse, les vices allégués ne sont pas susceptibles d'entraîner l'annulation ou la résiliation du marché et de donner lieu à une indemnité en réparation de la perte de chance de remporter le marché.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique,

- et les observations de Me Boisset pour la SAS Camping-Car Park et de Me Angibaud substituant Me Marchand pour la communauté de communes Chateaubriant-Derval.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes de Châteaubriant Derval a engagé une procédure adaptée, sur le fondement de l'article L. 2123-1 du code de la commande publique, en vue de la conclusion d'un marché public pour la gestion d'une aire de service de camping-car pour une durée de cinq ans. Par une lettre du 17 février 2020, le pouvoir adjudicateur a écarté l'offre de la société Camping-Car Park. Le marché a été attribué à la société Aire Services pour un montant annuel de 11 268 euros HT et a été signé le 18 février 2020. Par une ordonnance du 26 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société Camping-Car Park tendant à l'annulation de la procédure de passation du marché public, dès lors que le contrat avait été signé avant l'enregistrement du référé précontractuel. Par une lettre du 5 mars 2020, la société Camping-Car Park a présenté à la communauté de communes de Châteaubriant Derval une demande préalable d'indemnisation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière. Par une lettre du 3 avril 2020, cette demande a été rejetée par le président de la communauté de communes. La société Camping-Car Park a demandé au tribunal administratif de Nantes, à titre principal, d'annuler le contrat conclu entre la communauté de communes de Châteaubriant Derval et la société Aire Services ayant pour objet la gestion de l'aire de service de camping-car, à titre subsidiaire, de résilier ce contrat et en tout état de cause, de condamner la communauté de communes de Châteaubriant Derval à lui verser la somme de 127 103 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi par elle en raison de la perte de chance de remporter le marché. Par un jugement du 27 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. La société Camping-Car Park fait appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du cahier des clauses particulières (CCP) du marché : " (...) le gestionnaire sera capable d'assurer entièrement l'évacuation de l'aire ou le confinement des usagers en cas d'alerte (...) ". A supposer même que la société Aire Services n'imposerait pas à tous les usagers de communiquer leur numéro de téléphone portable, la société attributaire du marché a prévu, dans son offre, une procédure type d'évacuation mentionnant non seulement une transmission, par SMS et courriel, de l'ordre d'évacuation aux usagers, mais également un affichage du message d'obligation d'évacuation sur l'écran de la borne d'accueil, le déclenchement d'une sirène, l'ouverture de la barrière de sortie, la liste des personnes sur site et un message sur la page Web de l'aire. Il ne résulte pas de l'instruction que, même sans la transmission de l'ordre d'évacuation par SMS, les autres modalités prévues ne permettraient pas l'évacuation de l'aire ou le confinement des usagers en cas d'alerte. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'offre de la société Aire Services ne respectait pas la mention précitée de l'article 2 du CCP.

3. En deuxième lieu, le point 7.2 du règlement de la consultation prévoyait, d'une part, que les deux critères retenus pour le jugement des offres, le prix des prestations et la valeur technique seraient pondérés, soit 40 % pour le prix et 60 % pour la valeur technique et, d'autre part que l'analyse du critère technique dépendrait de quatre sous-critères et notamment la multiplicité des modes de paiement, notée sur 10 points. A l'issue des négociations, la société Aire Services a proposé, le 29 janvier 2020, de mettre en place un système de réservation et de paiement en ligne, le paiement en ligne pouvant intervenir soit par prélèvement bancaire soit par l'envoi de chèques ou chèques vacances. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la société Aire Services ne proposait qu'un mode de paiement unique.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 7.3 du règlement de la consultation : " Après examen des offres, le pouvoir adjudicateur engagera des négociations avec tous les candidats sélectionnés. Elles se dérouleront par phases successives, de manière à réduire le nombre d'offres à négocier en appliquant les critères d'attribution. Toutefois, le pouvoir adjudicateur se réserve la possibilité d'attribuer le marché sur la base des offres initiales, sans négociation. (...) ". Il est constant que seules deux offres ont été présentées, l'une par la société Camping-Car Park et l'autre par la société Aire Services. A supposer même que les deux variantes proposées par les deux sociétés candidates soient regardées comme s'ajoutant aux deux offres initiales, le nombre d'offres restait très limité, ne justifiant pas plusieurs phases de négociation. En tout état de cause, les candidats ayant été placés dans la même situation, aucune méconnaissance des principes de mise en concurrence ne peut être retenue. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article 7.3 du règlement de la consultation a été méconnu au motif que le pouvoir adjudicateur a limité la négociation à une seule phase.

5. En quatrième lieu, lorsque, pour fixer un critère ou un sous-critère d'attribution du marché, le pouvoir adjudicateur prévoit que la valeur des offres sera examinée au regard d'une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d'exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats.

6. Aux termes de l'article 7. 2 du règlement de la consultation, la valeur technique des offres était appréciée au regard des éléments suivants : " Multiplicité des modes de paiement (10 points), Qualité du centre de réservation (multilingues, multiples supports, instantanéité...) (10 points), Qualité du service clients (procédure de suivi des demandes d'assistance, temps de réactivité...) (15 points), Suivi de qualité (quel suivi qualité interne ' quels supports de suivi de la prestation '...) (15 points) ". L'article 2 du CCP stipule : " 3/ L'assistance / Le gestionnaire doit assurer une assistance clientèle, à destination des camping-caristes, mais également une assistance technique à la Collectivité. / L'assistance clientèle doit être joignable au minimum, de 8h00 à 20h00. Elle doit répondre à toutes les difficultés rencontrées par le camping-cariste, notamment les problèmes liés au paiement ou au fonctionnement des équipements. / ".

7. S'agissant de la multiplicité des modes de paiement et de la qualité du centre de réservation, il n'est pas contesté que les candidats avaient des sites internet proposant une plateforme dématérialisée de gestion des réservations d'aires de camping-car déjà accessible. Ainsi, sans avoir à demander des justificatifs, ces sites internet permettaient de contrôler l'exactitude des offres des candidats sur ces aspects. Quant à l'assistance clientèle, excepté les horaires où elle devait être joignable, lesquels pouvaient être vérifiés sur les sites internet des candidats, la communauté de communes de Châteaubriant Derval n'avait pas émis d'exigences susceptibles de constituer une caractéristique technique déterminée à cet égard, se bornant à mentionner des indications peu précises, telles que " elle doit répondre à toutes les difficultés rencontrées par le camping-cariste ", " procédure de suivi des demandes d'assistance, temps de réactivité... ". Par conséquent, le moyen tiré de ce qu'en s'abstenant d'exiger des candidats qu'ils produisent des justificatifs portant sur le respect de telles exigences, la communauté de communes aurait manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence doit être écarté.

8. En cinquième et dernier lieu, d'une part, si la société requérante soutient qu'elle proposait davantage de moyens de paiement que sa concurrente, cette seule circonstance ne suffit pas à établir que la société Aire Services ne pouvait pas bénéficier, comme la société Camping-Car Park, de la note de 10/10 s'agissant du sous-critère " Multiplicité des modes de paiement ", alors surtout que comme il a été indiqué au point 3 la société attributaire proposait plusieurs modes de paiement. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que l'offre de la société Aire Services ne répondait pas aux exigences du sous-critère " Qualité du centre de réservation (multilingue, multiples supports, instantanéité...) ". A supposer même que le centre de réservation de la société Aire Services ne soit pas multilingue, ce seul élément ne suffit pas à entacher le choix de l'offre d'une erreur manifeste d'appréciation, alors d'ailleurs que la communauté de communes fait valoir que les réservations peuvent être effectuées pour le jour même et que la société Aire Services proposait de mettre en place un partenariat promotionnel et un plan de communication pour mettre en avant l'aire de camping-car.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Camping-Car Park n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande de première instance.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes de Châteaubriant Derval la somme que la société Camping-Car Park demande à ce titre. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel par la communauté de communes de Châteaubriant Derval et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Camping-Car Park est rejetée.

Article 2 : La société Camping-Car Park versera à la communauté de communes de Châteaubriant Derval la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Camping-Car Park, à la société Aire Services et à la communauté de communes de Châteaubriant Derval.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2024.

La rapporteure

P. PICQUET

Le président

L. LAINÉLe greffier

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03130
Date de la décision : 05/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : SELARL CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-05;22nt03130 ?
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