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30/01/2024 | FRANCE | N°23DA00375

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 30 janvier 2024, 23DA00375


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête enregistrée sous le n° 2004057 puis une seconde requête enregistrée sous le n° 2100421, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Soissons a rejeté sa demande indemnitaire du 7 octobre 2020, d'autre part, de condamner la commune de Soissons à lui verser une somme de 626,19 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, une somme de 62,61 euros au titre des congés

payés, une somme de 764 euros à titre d'indemnité de licenciement, une somme de 4 500 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 2004057 puis une seconde requête enregistrée sous le n° 2100421, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Soissons a rejeté sa demande indemnitaire du 7 octobre 2020, d'autre part, de condamner la commune de Soissons à lui verser une somme de 626,19 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, une somme de 62,61 euros au titre des congés payés, une somme de 764 euros à titre d'indemnité de licenciement, une somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et abusif ainsi qu'une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour maintien d'une situation de précarité de façon abusive. Enfin, elle a demandé qu'il soit mis à la charge de la commune de Soissons une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2004057 et 2100421 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la commune de Soissons à verser à Mme B... une somme de 2 400 euros, a rejeté le surplus de ses demandes et mis à la charge de la commune la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 février 2023, Mme B..., représentée par Me Chalon, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Soissons à lui verser une indemnité s'élevant à la somme totale de 13 952,80 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Soissons une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu que son contrat à durée déterminée courant du 1er janvier au 31 juillet 2016 n'avait pas été rompu de manière anticipée ;

- l'ensemble des témoignages datant des mois de mai et juin 2016 suffisent à établir qu'elle a été évincée en cours d'exécution de son contrat ;

- la commune a mis fin à son contrat dans des conditions irrégulières ;

- en méconnaissance des articles 39-5 et 42 du décret n° 88-145 du 15 février 1988, elle n'a pas été convoquée à un entretien préalable au cours duquel elle aurait pu être représentée et assistée ;

- la décision est intervenue sans la consultation de la commission consultative paritaire, prévue par l'article 49-2 du décret du 15 février 1988 ;

- conformément aux dispositions de l'article 42-1 de ce décret, une décision lui indiquant le ou les motifs de son licenciement devait lui être notifiée ;

- la rupture anticipée de son contrat à durée déterminée étant abusive, elle peut prétendre à une indemnité ;

- en application des dispositions de l'article 40 du décret du 15 février 1988, elle a droit à une indemnité de 626,19 euros équivalant à un mois de salaire, au titre du préavis ; les congés payés afférents à cette somme s'élèvent à la somme de 62,61 euros ;

- elle a également droit à une indemnité de licenciement de 764,74 euros, calculée selon les modalités fixées par les articles 45 et 46 du décret du 15 février 1988 ;

- les conditions illégales et abusives dans lesquelles elle a été licenciée lui permettent de solliciter des dommages et intérêts à hauteur de 4 500 euros ;

- si le tribunal a retenu à juste titre le caractère abusif des contrats à durée déterminée auxquels la commune de Soissons a eu recours pour l'employer, en fixant à la somme de 2 400 euros l'indemnité réparant ce préjudice, il a cependant commis une erreur d'appréciation ;

- son préjudice doit être apprécié sur l'ensemble de la période durant laquelle la collectivité l'a recrutée par contrats successifs et non pour la seule période courant de 2012 à 2016 ;

- maintenue dans une situation de précarité alors qu'elle occupait un emploi permanent dans les mêmes fonctions et la même école, elle est fondée à solliciter la réparation de son préjudice à hauteur de la somme de 8 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2023, la commune de Soissons, représentée par Me Rouquet, conclut :

1°) au rejet de la requête et à la confirmation du jugement en tant qu'il a rejeté la demande indemnitaire fondée sur l'existence alléguée d'une rupture abusive du contrat de travail de Mme B... ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à Mme B... la somme de 2 400 euros au titre du préjudice résultant du recours abusif à une succession de contrats à durée déterminée.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que l'appelante se borne à se référer à sa demande de première instance sans présenter de moyens d'appel ;

- les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés ;

- en la condamnant à verser une indemnité de 2 400 euros à Mme B... en réparation du préjudice résultant du recours abusif à des contrats à durée déterminée, le tribunal a commis une erreur de droit ;

- si la collectivité n'entend pas remettre en cause le caractère abusif du recours à une succession de contrats à durée déterminée à compter de 2012, Mme B..., employée à temps incomplet sur une période d'environ dix années, n'a en réalité travaillé que deux années en équivalent temps-plein, de telle sorte que, conformément aux principes en régissant le calcul, l'indemnité à laquelle elle peut prétendre doit être ramenée de la somme de 2 400 euros à celle de 457,27 euros.

Par une ordonnance du 6 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 7 décembre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été employée par la commune de Soissons par cent treize arrêtés de recrutement, qui se sont succédés du 9 mai 2006 au 5 février 2016, en qualité d'accompagnatrice de restauration scolaire, d'agent des services techniques ou d'agent d'animation dans les services de la commune pour des durées de quelques heures à quelques mois. Mme B... a été recrutée, en dernier lieu, en qualité d'adjoint technique de 2ème classe remplaçante pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2016, aux termes d'un arrêté du maire de Soissons du 5 février 2016. Par une demande préalable adressée au maire de la commune le 7 octobre 2020, elle a sollicité le versement d'indemnités réparant les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait, d'une part, de la fin anticipée de son dernier contrat à durée déterminée et, d'autre part, du recours abusif, par son employeur, à de multiples contrats à durée déterminée pendant plus de dix ans. Par deux requêtes, Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite rejetant sa demande du 7 octobre 2020 et la décision explicite de rejet du 8 décembre 2020, ainsi que la condamnation de la commune à l'indemniser de ses préjudices.

2. Par un jugement du 30 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a joint les deux requêtes, a condamné la commune de Soissons à verser à Mme B... une somme de 2 400 euros en réparation de ses préjudices et a rejeté le surplus de ses demandes. Mme B... relève appel de ce jugement en sollicitant une augmentation de cette condamnation de la somme 2 400 euros à celle de 13 952,80 euros. Par la voie de l'appel incident, la commune de Soissons demande que l'indemnité accordée en réparation du préjudice résultant de l'usage abusif de contrats à durée déterminée pour employer Mme B... soit ramenée à la somme de 457,27 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Soissons :

3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

4. Il ressort des écritures de la requête d'appel présentée par Mme B... qu'elle demande l'infirmation du jugement. Si elle reprend en grande partie ses écritures de première instance, elle apporte une critique du jugement, notamment en faisant valoir, d'une part, que c'est à tort que le tribunal a retenu que son contrat à durée déterminée courant du 1er janvier au 31 juillet 2016 n'avait pas été interrompu de manière anticipée et, d'autre part, que les premiers juges ont mal apprécié le préjudice résultant du recours abusif à des contrats à durée déterminée en retenant la seule période courant de 2012 à 2016 pour limiter le montant de son indemnité à la somme 2 400 euros. Par suite, la commune de Soissons n'est pas fondée à soutenir que la requête d'appel est irrecevable en tant qu'elle n'est que la reproduction littérale de la requête de première instance.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation du préjudice résultant de la rupture de l'engagement contractuel conclu pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2016 :

5. Aux termes de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les collectivités et établissements mentionnés à l'article 2 peuvent recruter temporairement des agents contractuels sur des emplois non permanents pour faire face à un besoin lié à : / 1° Un accroissement temporaire d'activité, pour une durée maximale de douze mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de dix-huit mois consécutifs ; / 2° Un accroissement saisonnier d'activité, pour une durée maximale de six mois, compte tenu, le cas échéant, du renouvellement du contrat, pendant une même période de douze mois consécutifs ". Aux termes de l'article 39-5 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " (...) / II.- Lorsque l'autorité territoriale envisage de licencier un agent pour l'un des motifs mentionnés au I du présent article, elle convoque l'intéressé à un entretien préalable selon les modalités définies à l'article 42. A l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire, prévue à l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. / Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci doit intervenir, compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis prévu à l'article 40. / Cette lettre invite également l'intéressé à présenter une demande écrite de reclassement, dans un délai correspondant à la moitié de la durée du préavis prévu à l'article 40, et indique les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont susceptibles de lui être adressées. ". Aux termes de l'article 40 de ce décret : " L'agent recruté pour une durée indéterminée ainsi que l'agent qui, engagé par contrat à durée déterminée, est licencié avant le terme de son contrat, a droit à un préavis qui est de : / (...) -un mois pour celui qui justifie auprès de l'autorité qui l'a recruté d'une ancienneté de services comprise entre six mois et deux ans ;/ (...) ". Aux termes de son article 42 : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / (...) ". Enfin, aux termes de l'article 43 de ce décret : " En cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, une indemnité de licenciement est versée à l'agent recruté pour une durée indéterminée ou à l'agent recruté pour une durée déterminée et licencié avant le terme de son contrat. / (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que par un arrêté du 5 février 2016, le maire de Soissons a recruté Mme B... en qualité d'adjoint technique de 2ème classe " remplaçante " pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2016. Pour soutenir que la commune a prématurément mis fin à son contrat de travail, de sorte qu'elle devrait bénéficier des dispositions précitées du décret du 15 février 1988 applicables en cas de licenciement, Mme B... allègue, sans toutefois indiquer de date précise, qu'elle s'est vu enjoindre de quitter l'école Michelet et de ne plus revenir y travailler. A l'appui de son argumentation, elle invoque divers témoignages, datés des mois de mai et juin 2016, recueillis auprès de parents d'élèves faisant part de leur mécontentement suscité par son absence au sein du service, que certains témoins imputent à un renvoi. Toutefois, la commune fait de nouveau valoir en appel, sans être contredite par l'appelante, que, conformément à l'article 2 du contrat de travail de Mme B... fixant sa rémunération au vu d'un état des heures effectuées, cette dernière n'était employée qu'en fonction des besoins de remplacement d'agents au sein de la collectivité. Il résulte ainsi de l'instruction que les heures de services réalisées par Mme B... étaient susceptibles de varier d'un mois à l'autre, aucune heure n'étant réalisée au cours du mois en l'absence de remplacement à effectuer. Dans ces conditions, si Mme B... a été employée et rémunérée à hauteur de 89 heures en janvier 2016, 61 heures en février, 45 heures en mars, 58 heures en avril et 52 heures en mai, cette circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à démontrer la persistance d'un besoin de remplacement, durant les mois de juin et juillet 2016, notamment au sein de l'école Michelet où Mme B... avait été affectée en dernier lieu. Par suite, contrairement à ce que soutient l'appelante, les attestations et les lettres de soutien dont elle se prévaut, au demeurant peu circonstanciées sur les conditions de son départ du service, ne suffisent pas à établir que la commune aurait décidé de mettre fin à son engagement de manière anticipée.

7. Il en résulte que l'engagement de Mme B... s'étant régulièrement achevé le 31 juillet 2016, soit à l'expiration de son contrat à durée déterminée conclu le 5 février 2016, cette fin de contrat est consécutive non pas à un licenciement, pour quelque motif que ce soit, mais au non-renouvellement de ce dernier contrat à durée déterminée. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la rupture de son contrat est abusive, ni ne peut utilement soutenir qu'elle est intervenue en méconnaissance des dispositions des articles 39-2 et suivants du décret du 15 février 1988 qui concernent exclusivement la procédure préalable au licenciement. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la responsabilité de la commune de Soissons ne pouvait être engagée en raison d'une rupture illégale du contrat à durée déterminée conclu avec Mme B.... Dès lors, c'est également à bon droit qu'ils ont rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la collectivité au versement d'une indemnité de 626,19 euros, équivalant à un mois de salaire, au titre du préavis, des congés payés afférents à cette somme s'élevant à la somme de 62,61 euros, d'une indemnité de licenciement de 764,74 euros et de dommages et intérêts à hauteur de 4 500 euros.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation du préjudice résultant du recours abusif, par la commune de Soissons, à des contrats à durée déterminée :

8. Les dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, citées au point 5, offrent aux collectivités territoriales la possibilité de recourir, le cas échéant, à une succession de contrats à durée déterminée. Elles ne font toutefois pas obstacle à ce qu'un renouvellement abusif de contrats à durée déterminée ouvre à l'agent concerné un droit à l'indemnisation du préjudice qu'il subit lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Il incombe au juge, pour apprécier si le recours à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.

9. Il résulte de l'instruction qu'à compter du mois d'avril 2006 et jusqu'au 31 juillet 2016, la commune de Soissons a recruté Mme B... par une centaine d'arrêtés successifs pris sur le fondement du 1° ou du 2° de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984, en vertu desquels elle a exercé des fonctions d'accompagnatrice de cantine, d'animatrice, d'agent des services techniques, d'animatrice d'atelier cuisine et d'adjointe d'animation, au sein de différentes structures municipales de la commune, et pour accomplir un nombre d'heures mensuelles de travail très variable. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a retenu que la commune de Soissons avait recouru de manière abusive à la conclusion de contrats à durée déterminée pour employer Mme B... en qualité d'agent technique pour la seule période courant à compter du mois de juillet 2012 jusqu'au mois de juillet 2016 et a fixé à la somme de 2 400 euros le montant de l'indemnité devant être allouée à l'intéressée, en réparation du préjudice résultant de cette faute.

10. Pour écarter toute indemnisation au titre de la période comprise entre avril 2006 et juillet 2012 et limiter à 2 400 euros l'indemnité pouvant être accordée à la requérante, les premiers juges ont retenu que durant celle-ci, la relation d'emploi avait été interrompue à diverses reprises et parfois pendant plusieurs mois, de telle sorte que le recours à des contrats à durée déterminée n'avait pas revêtu un caractère abusif. Si Mme B... soutient contester cette appréciation par la voie de son appel, elle n'apporte à l'appui de son moyen aucune précision permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

11. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a estimé que la commune de Soissons avait recouru de manière abusive à la conclusion de contrats à durée déterminée pour l'employer en qualité d'agent technique à compter du mois de juillet 2012 jusqu'à la fin du mois de juillet 2016.

Sur l'appel incident de la commune de Soissons :

12. Aux termes de l'article 45 du décret du 15 février 1988 : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. / Le montant de la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement d'un agent employé à temps partiel est égal au montant de la rémunération définie à l'alinéa précédent qu'il aurait perçue s'il avait été employé à temps complet. / Lorsque le dernier traitement de l'agent est réduit de moitié en raison d'un congé de maladie ou de grave maladie, le traitement servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est sa dernière rémunération à plein traitement. Il en est de même lorsque le licenciement intervient après un congé non rémunéré. ". Aux termes de l'article 46 de ce décret : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. Elle est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. / (...) / Pour l'application de cet article, toute fraction de service égale ou supérieure à six mois sera comptée pour un an ; toute fraction de service inférieure à six mois n'est pas prise en compte. ".

13. Comme indiqué au point 8 du présent arrêt, l'agent qui a subi un renouvellement abusif de contrats à durée déterminée peut prétendre à une indemnisation du préjudice qu'il subit lors de l'interruption de la relation d'emploi, fixée en fonction des avantages financiers dus en cas de licenciement dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, et parmi lesquels figure l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions rappelées ci-dessus.

14. Il résulte de l'instruction, et notamment du dernier bulletin de paie du mois de mai 2016 de Mme B..., que la rémunération de base devant être prise en compte pour le calcul de

l'indemnité de licenciement, nette des cotisations de la sécurité sociale et sans y inclure, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ni les autres indemnités accessoires, s'élève à la somme de 457,27 euros. Selon les mentions des différents contrats de Mme B..., l'intéressée a occupé divers emplois à temps non-complet ne pouvant être assimilés à l'exercice d'un temps partiel. Par ailleurs, il résulte du tableau produit en appel par la commune de Soissons reprenant toutes les heures effectivement travaillées et décomptées par l'appelante, qu'au cours de la période de juillet 2012 à juillet 2016, son activité professionnelle n'a été interrompue que durant les mois d'août 2012, de juillet 2013 et d'août 2014. Il s'ensuit, contrairement au mode de calcul proposé par la commune, que la totalité de la durée cumulée des contrats à durée déterminée abusivement conclus, qui doit être retenue pour déterminer le montant de l'indemnité due à Mme B... en application des dispositions citées au point 12, est de quatre années et non de deux années. Dans ces conditions, l'indemnité à laquelle Mme B... est en droit de prétendre s'élève à la somme de 915 euros (457,27 / 2 x 4) et non à celle de 2 400 euros, retenue à tort par le tribunal administratif d'Amiens.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que la commune de Soissons est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a fixé le montant de l'indemnité due à Mme B... à la somme de 2 400 euros, qu'il y a lieu de ramener à celle de 915 euros.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Soissons, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B... au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La somme de 2 400 euros que la commune de Soissons a été condamnée à verser à Mme B... par le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 30 décembre 2022 est ramenée à la somme de 915 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens n° 2004057 et 2100421 du 30 décembre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus de l'appel incident de la commune de Soissons est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Soissons.

Délibéré après l'audience publique du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

Le président de la formation de jugement,

Signé : J-M. Guérin-Lebacq

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au préfet de l'Aisne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

F. Cheppe

N° 23DA00375 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00375
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Guerin-Lebacq
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : D4 AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23da00375 ?
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