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22/02/2024 | FRANCE | N°22DA02654

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 22 février 2024, 22DA02654


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.



Par un jugement no 2001822 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé M. C... de la pénalité mise à sa charge en application de l'article 1729 du code général des impôts et a rejeté le surplus de sa demande.r>


Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement no 2001822 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé M. C... de la pénalité mise à sa charge en application de l'article 1729 du code général des impôts et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 décembre 2022, 1er septembre 2023, 24 octobre 2023 et 19 décembre 2023, M. B... C..., représenté par Me Wemaëre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la souscription qu'il a réalisée au capital d'une société civile immobilière ouvrait droit au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts au titre des revenus de la même année dès lors qu'il apporte la preuve que l'intégralité de cette souscription a été consacrée au financement d'un investissement éligible dans les dix-huit mois qui ont suivi ;

- il ne peut être fait droit à la demande de l'administration tendant à ce que la pénalité de l'article 1758 A du code général des impôts soit substituée à celle de l'article 1729 du même code dès lors qu'aucune omission ou inexactitude dans ses déclarations ne peut lui être reprochée.

Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 21 juin, 3 octobre et 14 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé la décharge de la majoration de 40 % prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts, à ce que la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du même code soit substituée à celle de 40 %, et à ce que les pénalités dont M. C... a été déchargé soient partiellement remises à sa charge.

Il soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- il y a lieu de substituer la majoration de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts à celle de 40 % résultant du a de l'article 1729 du même code.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Debels, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. A la suite d'un contrôle sur pièces de la déclaration d'impôt sur le revenu présentée par M. C... au titre de l'année 2012, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 14 décembre 2015, a remis en cause le bénéfice auquel prétendait le contribuable de la réduction d'impôt résultant de l'application de l'article 199 undecies C du code général des impôts au titre de l'acquisition de 18,79 % du capital d'une société civile immobilière (SCI) constituée aux fins d'acquérir des logements sociaux dans le cadre d'une opération immobilière dénommée " Joli Cœur ", réalisée dans la commune de Sainte-Anne, en Martinique. A la suite du rejet implicite de sa réclamation, M. C... a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens. Par un jugement du 27 octobre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a déchargé M. C... de la pénalité mise à sa charge en application du a de l'article 1729 du code général des impôts et a rejeté le surplus de sa demande. M. C... relève appel de ce jugement dans cette dernière mesure. Par la voie de l'appel incident, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour de remettre à la charge de M. C... les pénalités appliquées à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012 à hauteur de la majoration de 10 % prévue par les dispositions de l'article 1758 A du code général des impôts.

Sur l'appel principal de M. C... :

2. Aux termes de l'article 199 undecies C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable du 30 décembre 2011 au 28 juillet 2013 : " I. - Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison de l'acquisition ou de la construction de logements neufs dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy et dans les îles Wallis et Futuna (...). / III. - La réduction d'impôt est accordée au titre de l'année d'achèvement du logement ou de son acquisition si elle est postérieure. / (...) / IV. - La réduction d'impôt est également acquise au titre des investissements réalisés par une société civile de placement immobilier régie par les articles L. 214-50 et suivants du code monétaire et financier ou par toute autre société mentionnée à l'article 8 du présent code, à l'exclusion des sociétés en participation, dont les parts ou les actions sont détenues, directement ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B, dont la quote-part du revenu de la société est soumise en leur nom à l'impôt sur le revenu, sous réserve des parts détenues par les sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux visées à l'article L. 481-1 du code de la construction et de l'habitation, conformément à l'article L. 472-1-9 du code de la construction et de l'habitation, par les sociétés d'habitations à loyer modéré. Dans ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société au titre de l'année au cours de laquelle les parts ou actions sont souscrites. /(...)/ La réduction d'impôt (...), est subordonnée à la condition que 95 % de la souscription serve exclusivement à financer un investissement pour lequel les conditions d'application du présent article sont réunies (...). Le produit de la souscription doit être intégralement investi dans les dix-huit mois qui suivent la clôture de celle-ci. / (...) / ".

3. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf disposition contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention. Toutefois, les éléments de preuve qu'une seule partie est en mesure de détenir, ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier au terme de son instruction si le contribuable remplit les conditions pour bénéficier du crédit d'impôt institué par l'article 199 undecies C du code général des impôts.

4. En l'espèce, les premiers juges ont fait droit à la demande de l'administration tendant, pour justifier du bien-fondé de la remise en cause du bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts, à ce que le motif tiré de ce que le produit de la souscription n'avait pas été intégralement investi dans les dix-huit mois qui suivent la clôture de celle-ci comme l'exige le dernier alinéa du IV de cet article, soit substitué à celui initialement opposé tiré de l'absence d'engagement des travaux pour la réalisation du projet immobilier.

5. Pour démontrer que la condition prévue au dernier alinéa du IV de l'article 199 undecies C du code général des impôts est remplie, M. C... produit un courrier d'un cabinet d'avocats du 29 janvier 2013, selon lequel les sommes versées par lui à l'occasion de l'investissement litigieux étaient supposées être transférées sous quinzaine sur " un compte séquestre de la société d'économie mixte en charge " du projet " afin de procéder au lancement du programme immobilier ", un bordereau d'instruction adressé par ce cabinet d'avocats à la caisse des règlements pécuniaires des avocats le 5 février 2013 tendant à ce que la somme totale de 402 500 euros soit virée à une société d'économie mixte en Martinique, ainsi qu'un relevé de cette caisse faisant apparaître la réalisation de cette opération à la date du 8 février 2013.

6. Toutefois, s'il résulte de l'instruction que cette somme comprend le montant de 15 200 euros souscrit par M. C... pour entrer au capital de la SCI, le nom de cette dernière société n'apparaît dans aucun des documents émanant du cabinet d'avocats. Par ailleurs, il ne résulte d'aucun des documents produits que la somme de 402 500 euros aurait été effectivement investie dans une opération de construction ou d'acquisition de logements neufs éligibles à la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies C du code général des impôts. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que M. C... ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de cette réduction d'impôt.

Sur l'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :

7. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a estimé que la pénalité de 40 % prononcée par l'administration à l'encontre de M. C... sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts n'était pas fondée et a donc prononcé la décharge de cette pénalité. Si le ministre ne conteste pas le motif ainsi retenu par le tribunal, il demande que la pénalité de 10 % prévue en cas d'omission ou d'inexactitude des déclarations par le I de l'article 1758 A soit substituée à la pénalité initialement retenue.

8. Aux termes du I de l'article 1758 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. / (...) ".

9. Si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, c'est à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée.

10. En l'espèce, il résulte des termes de la proposition de rectification du 14 décembre 2015 que, pour assujettir M. C... à des pénalités pour manquement délibéré, l'administration s'est notamment fondée sur le fait que le contribuable avait rempli la case 7QW de la déclaration 2042-IOM de l'année 2012 pour bénéficier de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts alors qu'il n'en remplissait pas les conditions. Une telle inexactitude dans la déclaration faite par M. C... était de nature à justifier légalement l'application de la pénalité prévue par le I de l'article 1758 A du code général des impôts, laquelle est exclusive de toute appréciation du caractère intentionnel ou non du manquement imputable au contribuable.

11. Il s'ensuit que le ministre est fondé à demander, sur le fondement des dispositions du I de l'article 1758 A du code général des impôts, l'application d'une majoration de 10 % par substitution à la majoration de 40 % appliquée initialement, dès lors que cette substitution ne prive le contribuable d'aucune garantie.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

13. En revanche, le ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique, est fondé à demander que les pénalités dont M. C... a été déchargé soient remises à sa charge à hauteur d'une majoration de 10 % en droits.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les pénalités appliquées à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. C... a été assujetti au titre de l'année 2012 sont remises à sa charge à hauteur d'une majoration de 10 % des droits.

Article 3 : Le jugement n° 2001822 du 27 octobre 2022 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 8 février 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef

Et par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

1

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N°22DA02654

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3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02654
Date de la décision : 22/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-22;22da02654 ?
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