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14/03/2024 | FRANCE | N°23DA00286

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 14 mars 2024, 23DA00286


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.



Par un jugement no 2003077 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistr

e le 15 février 2023, et par un mémoire, enregistré le 14 février 2024 et qui n'a pas été versé à l'instruction contradictoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer une réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Par un jugement no 2003077 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 février 2023, et par un mémoire, enregistré le 14 février 2024 et qui n'a pas été versé à l'instruction contradictoire, M. A..., représenté par Me Garnier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que l'administration a rejeté la déduction, en tant que charges de son activité individuelle d'expert auprès des compagnies d'assurance, de dépenses afférentes à des déplacements professionnels effectués en Guadeloupe et de redevances versées à la société Union d'Experts, au motif qu'il n'avait pas justifié du paiement de ces dépenses, alors que les preuves qu'il a été en mesure de verser à l'instruction, dans le contexte des suites d'un incendie de son habitation, sont suffisantes ; dans ces conditions, il est fondé à demander la déduction des sommes correspondantes de ses bénéfices non commerciaux de l'année 2015 ;

- la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts, que l'administration a appliquée à une partie des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige est insuffisamment motivée ;

- cette majoration n'est pas fondée, dès lors que l'administration n'a pas rapporté la preuve, qui lui incombe en application de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qu'elle lui prête, alors, en particulier, qu'il justifie avoir déposé une déclaration de revenus non commerciaux pour son activité individuelle d'expert au titre de l'année 2015 et que c'est de bonne foi qu'il a imputé à tort un déficit antérieur sur les revenus fonciers déclarés par lui au titre de la même année ; les énonciations du paragraphe n°30 de la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-CF-INF-10-20-20, dont il est fondé à se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, confortent son analyse ;

- la majoration de 10 % prévue, en cas de défaut ou de retard de déclaration, par l'article 1758 A du code général des impôts, que l'administration a appliquée à une autre partie des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, n'est pas davantage fondée, dès lors qu'il justifie avoir déclaré, en temps utile, les revenus en cause, qu'il n'a aucunement manifesté une intention d'éluder l'impôt et qu'il a cru de bonne foi disposer d'un déficit foncier antérieur non imputé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut, d'une part, à ce que la cour constate qu'il n'y a pas lieu de statuer, à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance, sur les conclusions de la requête à fin de réduction des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige, d'autre part, à ce que soit substituée à la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts, en tant qu'elle a été appliquée aux suppléments d'impôt sur le revenu résultant des rectifications notifiées en matière de bénéfices non commerciaux et de revenus fonciers, la majoration de 10 % prévue, en cas de retard ou d'omission de déclaration, par l'article 1758 A du même code, enfin, au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- s'il était fait droit à sa requête, M. A..., eu égard aux moyens qu'il soulève et qui ont seulement trait à la rectification de ses bénéfices non commerciaux, ne pourrait prétendre à une réduction, en droits, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en litige que dans la limite de 10 607 euros, ainsi qu'à une décharge des pénalités correspondantes, mais à aucune réduction en matière de prélèvements sociaux ;

- les pièces que M. A... a versées à l'instruction ne sont pas de nature à justifier du paiement effectif des dépenses de voyage en Guadeloupe et des redevances dont il demande la prise en compte en tant que charges de son activité individuelle d'expert auprès des compagnies d'assurance ;

- l'administration renonce à l'application de la majoration de 40 %, prévue en cas de manquement délibéré par le a de l'article 1729 du code général des impôts, aux suppléments d'impôt sur le revenu résultant des rectifications notifiées en matière de bénéfices non commerciaux et de revenus fonciers ; elle sollicite toutefois que lui soit substituée, dès lors que les manquements reprochés à M. A... constituent des inexactitudes ou omissions déclaratives, la majoration de 10 % prévue, en présence de tels manquements, par l'article 1758 A du même code ;

- en tant qu'elle a été appliquée aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant des rectifications notifiées en matière de revenus de capitaux mobiliers et de plus-value sur cession d'actions, la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a de l'article 1729 du code général des impôts est fondée, M. A... ne pouvant ignorer, en sa qualité de gérant et d'associé de la société Elitex d'une part, et en tant que signataire de l'acte de cession d'autre part, avoir perçu des revenus distribués et une plus-value de cession imposables, qu'il n'a cependant pas portés, en toute connaissance de cause, sur sa déclaration de revenus de l'année 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. A..., qui exerce, à titre indépendant, la profession d'expert auprès des compagnies d'assurance, a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur la période s'étendant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, qui faisait suite à une vérification de la comptabilité de l'entreprise individuelle de M. A..., l'administration a regardé l'intéressé comme ayant eu, au cours de la période en cause, le lieu de sa résidence principale en métropole, à Tully dans la Somme et non en Guadeloupe, a retenu que M. A... avait omis de déclarer, au titre de l'année 2015, des revenus de capitaux mobiliers, des revenus issus d'une location meublée non professionnelle, des bénéfices non commerciaux issus de son activité d'expert et une plus-value de cession d'actions, l'intéressé ayant seulement porté, selon le service, des revenus fonciers sur sa déclaration de revenus souscrite au titre de cette année. Le service a, en conséquence, réintégré, dans les revenus imposables de M. A... au titre de l'année en cause, les éléments ainsi considérés comme omis et a fait connaître à l'intéressé son analyse par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 21 février 2018. M. A... ayant présenté des observations qui n'ont pas conduit le service à reconsidérer cette analyse, les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant des rehaussements notifiés ont été mis en recouvrement les 31 mai et 9 juin 2019, pour les montants respectifs, pénalités incluses, de 232 185 euros et de 33 924 euros.

2. Sa réclamation n'ayant fait l'objet que d'une admission partielle, portant pour l'essentiel sur la prise en compte, en tant que charges, de frais de voyage en Guadeloupe et sur un ajustement à la baisse du bénéfice non commercial imposé, ce qui a conduit l'administration à prononcer des dégrèvements, en droits et pénalités, de 92 574 euros, en matière d'impôt sur le revenu, et de 29 151 euros, en matière de prélèvements sociaux, M. A... a porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer une nouvelle réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il demeurait assujetti au titre de l'année 2015. M. A... relève appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Sur l'étendue du litige :

3. Par une décision prise le 17 août 2023, après l'enregistrement de la requête, la directrice départementale des finances publiques de la Somme a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 19 978 euros en pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige. Les conclusions de la requête tendant à la décharge de ces pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet et il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux :

4. Aux termes de l'article 93 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle. / (...) ".

5. Indépendamment des règles de dévolution de la charge de la preuve attachées à la procédure d'imposition mise en œuvre par l'administration, il appartient au contribuable exerçant une activité générant des bénéfices non commerciaux d'établir la nature professionnelle des dépenses qu'il entend déduire pour le calcul de ses bénéfices imposables, et d'en justifier la réalité.

6. En premier lieu, M. A... soutient que, dans le cadre des rectifications apportées à ses bénéfices non commerciaux de l'année 2015, l'administration aurait dû prendre en compte, en tant que charges déductibles, l'ensemble des dépenses qu'il a exposées pour effectuer des déplacements professionnels en Guadeloupe, et non seulement une partie d'entre elles.

7. Toutefois, la production d'un courriel du 20 juillet 2015 par lequel la compagnie aérienne a confirmé à M. A... une réservation prise pour des vols aller et retour prévus les 2 et 5 août 2015 entre Paris et Pointe-à-Pitre, n'est pas de nature, même rapprochée de l'attestation établie, le 30 janvier 2019, par la même compagnie, selon laquelle M. A... a effectué les vols en cause dont les références et le prix sont précisés mais qui ne comporte aucune mention relative au paiement de ce prix, à établir que l'intéressé a effectivement exposé les dépenses en cause, représentant un montant total de 1 490,45 euros.

8. M. A... ne peut utilement faire état, pour expliquer l'absence de production de justifications complémentaires, de l'incendie survenu dans sa propriété de Tully, dans une situation dans laquelle il n'allègue pas s'être trouvé dans l'impossibilité de se procurer, auprès des établissements bancaires détenteurs de ses comptes, une copie des relevés de compte se rapportant aux opérations en cause.

9. Dès lors et quand bien même les autres pièces versées à l'instruction suffiraient à établir que M. A... s'est effectivement rendu, à plusieurs reprises au cours de l'année 2015 et notamment du 2 au 5 août 2015, en Guadeloupe, où il disposait d'un logement permanent et d'un bureau secondaire, c'est à bon droit que l'administration a, dans le cadre de la rectification de ses bénéfices non commerciaux de cette année, refusé de regarder ces dépenses comme constituant des charges déductibles, contrairement à ce qu'elle a fait, au vu des justificatifs s'y rapportant, pour d'autres dépenses de même nature exposées au cours de la même année.

10. En second lieu, M. A... reproche aussi à l'administration de n'avoir pas davantage regardé comme des charges déductibles de ses bénéfices non commerciaux de l'année 2015 des redevances qu'il indique avoir versées, à hauteur d'une somme totale de 19 206,14 euros, à la société par actions simplifiée (SAS) Union d'Experts.

11. N'ayant pu justifier du paiement effectif de cette dépense au cours du contrôle dont il a fait l'objet, dans une situation dans laquelle le service n'a pas davantage pu identifier d'opération correspondante sur les relevés de ses comptes bancaires, M. A... a produit, à l'appui de sa réclamation, la copie de six chèques tirés sur ces comptes entre le 10 juillet 2015 et le 28 octobre 2015, mais qui, portant d'ailleurs sur un montant total différent de 19 275 euros, se sont avérés, après examen, sans lien avec la SAS Union d'Experts s'agissant des cinq premiers chèques produits, tandis que le bénéficiaire du sixième chèque, établi le 28 octobre 2015 pour un montant de 1 100 euros, n'a pas pu être identifié.

12. M. A... a cependant produit, devant les premiers juges, un courrier que lui a adressé, le 1er juillet 2015, l'avocate de la SAS Union d'Experts par lequel elle lui proposait, compte tenu de son souhait de retirer sa participation au capital de la société, de procéder à une compensation entre le montant du rachat de ses actions, que la société proposait de fixer à un prix de 3 892,56 euros, et le montant des redevances non réglées par lui, qui s'élevaient à un montant de 19 206,14 euros, de sorte que, s'il acceptait cette proposition, il demeurerait redevable d'une somme de 15 313,58 euros.

13. Toutefois, ce courrier, par lequel le conseil de la SAS Union d'Experts proposait à M. A... une modalité de règlement de sa dette de redevances qu'il lui revenait d'accepter, ne peut suffire, dès lors qu'il n'est accompagné d'aucune preuve d'une telle acceptation de sa part, à justifier d'un paiement partiel, à concurrence de la somme de 3 892,56 euros, des redevances non réglées par lui à la date de ce courrier, représentant la somme de 19 206,14 euros, ni, en tout état de cause, du paiement du solde de cette dette, s'élevant à 15 313,58 euros, en l'absence de production de tout justificatif d'un tel paiement.

14. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a, dans le cadre de la rectification des bénéfices non commerciaux déclarés par M. A... au titre de l'année 2015, refusé de regarder cette somme de 19 206,14 euros comme ayant la nature d'une charge déductible.

Sur les pénalités :

15. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

16. Aux termes de l'article 1758 A du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. / (...) ".

17. En outre, aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration. ".

18. Enfin, en vertu de l'article L. 80 D du même livre, lorsqu'elle décide de mettre à la charge d'un contribuable une sanction fiscale, l'administration doit, avant la mise en recouvrement de la somme correspondante, lui adresser un acte comportant la mention des considérations de droit et de fait sur lesquels cette sanction se fonde.

En ce qui concerne la demande de substitution de base légale :

19. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, à la double condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que le service invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'il avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée.

20. Le ministre fait valoir, devant la cour, que l'administration a renoncé à appliquer la majoration prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions du a de l'article 1729 du code général des impôts aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant des rectifications en matière de bénéfices non commerciaux et de revenus fonciers. Il demande cependant à la cour de substituer à cette majoration, pour ces suppléments, celle de 10 % prévue par les dispositions précitées du I de l'article 1758 A du code général des impôts en cas de retard ou de défaut de déclaration des bases imposables, ainsi qu'en cas d'omission ou d'inexactitude d'une telle déclaration et précise avoir d'ores et déjà prononcé le dégrèvement correspondant, mentionné au point 3.

21. Pour justifier, comme le lui imposent les dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, l'application, à ces suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant des rectifications en matière de bénéfices non commerciaux et de revenus fonciers, de la majoration, initialement appliquée, du a de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 21 février 2018 à M. A..., d'une part, que ce dernier n'avait pas satisfait à ses obligations déclaratives concernant l'intégralité des bénéfices non commerciaux tirés, en 2015, de ses activités d'expert auprès des compagnies d'assurance et, d'autre part, que des insuffisances déclaratives avaient été constatées, à hauteur de 19 182 euros, en matière de revenus fonciers, dans une situation dans laquelle M. A... avait perçu les mêmes revenus fonciers que ceux qui avaient été taxés d'office, au titre des années 2013 et 2014, à l'issue d'un précédent examen contradictoire de situation fiscale personnelle.

22. Ces faits, auxquels le ministre fait référence dans son mémoire présenté devant la cour, sont de nature à justifier la majoration de 10 % prévue, en cas d'omission ou d'inexactitude déclarative, par les dispositions du I de l'article 1758 A du code général des impôts, dont le prononcé n'est pas subordonné à la démonstration, par l'administration, d'une intention délibérée d'éluder l'impôt ou de la mauvaise foi du contribuable. Dans ces conditions et dès lors que la substitution de base légale demandée par le ministre ne prive M. A... d'aucune garantie de procédure, il y a lieu de faire droit à cette demande.

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré maintenue à la charge du contribuable :

23. Pour justifier, comme le lui imposent les dispositions précitées de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, l'application, aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant des autres rectifications notifiées à M. A..., de la majoration prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu, dans la proposition de rectification adressée le 21 février 2018 à M. A..., d'une part, que ce dernier avait perçu de la société à responsabilité limitée (SARL) Elitex, dont il était le gérant et l'associé, des revenus de capitaux mobiliers qu'il n'avait portés que partiellement sur sa déclaration de revenus de l'année 2015 et que l'importance de cette minoration, la position de dirigeant de l'intéressé au sein de cette société et la réitération de cette insuffisance déclarative par rapport aux années 2013 et 2014 qui avaient précédemment fait l'objet de rectifications de même nature révélaient le caractère délibéré du comportement du contribuable, d'autre part, que M. A... n'avait pas déclaré la plus-value réalisée par lui lors de la cession, le 3 juin 2015, de ses droits dans la société par actions simplifiée (SAS) Sogedex, dont il détenait 470 actions, alors qu'il ne pouvait pas ignorer leur prix d'acquisition initial, ni leur prix de vente pour avoir assisté à la signature de l'acte de cession, de sorte que cette omission déclarative ne pouvait pas résulter d'une simple erreur mais démontrait une volonté délibérée de minorer ses bases d'imposition.

24. En premier lieu, ces considérations de droit et de fait constituent, pour la majoration en cause, une motivation suffisante au regard de l'exigence posée par les dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales.

25. En deuxième lieu, en faisant valoir ces motifs, qui ne sont pas utilement contestés par M. A..., qui se borne à soutenir que les actes de cession d'actions ne font pas toujours mention d'un prix et, sans apporter aucun élément au soutien de cette allégation, qu'il a remboursé à la SARL Elitex une partie des sommes qu'elle lui avait versées, l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé M. A... et, par suite, du bien-fondé de la majoration litigieuse.

26. M. A... n'est, à cet égard, pas fondé à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n°30 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 sous la référence BOI-CF-INF-10-20-20, qui ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application.

27. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

28. Par voie de conséquence, les conclusions que M. A... présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence du dégrèvement d'un montant de 19 978 euros prononcé, en pénalités, en cours d'instance, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2015.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 22 février 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. HeinisLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

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N°23DA00286

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00286
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS SEJEF

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;23da00286 ?
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