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26/03/2024 | FRANCE | N°22DA02464

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 26 mars 2024, 22DA02464


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme F... B..., agissant en qualité d'ayant-droit de son époux, E... B..., et en son nom personnel, a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 104 916,95 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant de l'accident médical non fautif subi par E... B...,

lequel est décédé le 11 juin 2014, ainsi qu'une somme de 2 500 euros au titre de l'art...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B..., agissant en qualité d'ayant-droit de son époux, E... B..., et en son nom personnel, a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 104 916,95 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des préjudices résultant de l'accident médical non fautif subi par E... B..., lequel est décédé le 11 juin 2014, ainsi qu'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001735 du 10 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille a condamné l'ONIAM à verser une somme de 21 135 euros à la succession de E... B... au titre des préjudices subis par lui avant son décès et une somme de 83 781,95 euros à Mme F... B... au titre de ses préjudices personnels. Il a assorti ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 et de leur capitalisation à la date du 8 novembre 2018 et à chaque échéance annuelle. Enfin, il a mis à la charge de l'ONIAM le versement à Mme F... B... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 novembre 2022 et 3 janvier 2023, Mme F... B..., représentée par Me Vincent Potié, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation prononcée à l'encontre de l'ONIAM au titre de ses préjudices personnels à la somme de 83 781,95 euros ;

2°) à titre principal, de porter cette condamnation à la somme de 239 022,86 euros ;

3°) à titre subsidiaire, de la porter à la somme de 117 957,48 euros ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de réévaluer seulement l'indemnité allouée au titre de son préjudice d'affection à 30 000 euros ;

5°) en tout état de cause, d'assortir la condamnation prononcée à l'encontre de l'ONIAM des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 et de leur capitalisation à la date du 8 novembre 2018 et à chaque échéance annuelle et de mettre à sa charge le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des frais engagés par elle dans le cadre de la présente instance d'appel et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale, prévues au II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, sont réunies dès lors que le décès de E... B... est consécutif à l'accident médical non fautif dont il a été victime au cours de l'intervention du 2 juin 2014 et que le dommage présente un caractère anormal et grave ;

- les premiers juges ont fait une juste appréciation des préjudices subis par E... B... avant son décès et transmis à sa succession ; il y a donc lieu de confirmer les indemnités qu'ils ont allouées à ce titre, soit : 135 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 20 000 euros au titre des souffrances endurées et 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

- elle est fondée à solliciter, au titre des préjudices personnels qu'elle a subis en raison du décès de son époux, les indemnités suivantes : 30 000 euros au titre du préjudice d'affection, compte tenu en particulier de la durée importante de la communauté de vie avec son époux ; 200 704,22 euros au titre du préjudice économique ; 7 971,64 euros au titre des frais d'obsèques ; 347 euros au titre des frais de déplacement ;

- les intérêts légaux doivent courir à compter de la date de l'avis rendu par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) du 8 novembre 2017 et être capitalisés au terme d'un délai d'un an suivant cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2022, l'ONIAM, représenté par Me Olivier Saumon, conclut :

1°) à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a liquidé les postes de préjudices " déficit fonctionnel temporaire ", " souffrances endurées " et " préjudice économique de Mme B... " et en tant qu'il a assorti sa condamnation des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2017 ;

2°) à ce que l'indemnité totale à verser à Mme B... au titre des postes de préjudices précités soit ramenée à de plus justes proportions, sans pouvoir excéder la somme totale de 20 546,92 euros, et à ce que les intérêts au taux légal courent seulement à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) en tout état de cause, à la confirmation du jugement attaqué sur tous les autres points et au rejet des conclusions présentées par Mme B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice esthétique temporaire de E... B..., des frais d'obsèques, des frais de déplacement et du préjudice d'affection de Mme F... B... ;

- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire doit être écartée dès lors que la durée d'hospitalisation subie par E... B... est inhérente à l'intervention du 2 juin 2014 et est sans lien avec l'accident médical non fautif ;

- les souffrances endurées par E... B... doivent être indemnisées prorata temporis et, pour leur évaluation, il y a lieu de tenir compte de la date de son décès ; il s'ensuit que l'indemnité à allouer à ce titre doit être ramenée à 1 287,67 euros ;

- Mme B... n'a subi, du fait du décès de son époux, aucune perte de revenus avant son départ à la retraite au 1er juillet 2016 ; la perte de revenus subie à compter de cette date s'établit au maximum à 19 259,25 euros ; c'est le montant de l'indemnité qu'il y a lieu d'accorder au titre du préjudice économique ;

- dès lors qu'il dispose légalement d'un délai de quatre mois après l'avis de la CRCI pour émettre une offre d'indemnisation et qu'il a en l'espèce adressé une telle offre, les intérêts légaux ne pouvaient courir à compter de la saisine de la CRCI mais uniquement à compter de la date de la décision du tribunal.

Par ordonnance du 3 janvier 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, et notamment son article 60 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Mme D... A..., élève avocate, formulées avec l'autorisation du président de la formation de jugement et en présence de Me Vincent Potié, maître de stage, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. E... B..., né le 14 mars 1953, a été transféré le 2 mars 2014 par le SAMU au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille à la suite d'une sensation de malaise. Les examens réalisés ont diagnostiqué une arythmie complète par fibrillation auriculaire ainsi qu'un anévrisme de l'aorte ascendante de 50 mm sur la valve aortique tricuspide. Il a été hospitalisé au sein de cet établissement de santé du 6 au 11 mars 2014 afin que soit réalisé un bilan préopératoire. Le 2 juin 2014, il a subi une intervention chirurgicale consistant dans le remplacement prophylactique de l'aorte descendante et la réimplantation des coronaires selon la méthode dite de Tirone David. Lors de la sortie de la salle d'opération, il a souffert d'un arrêt cardiaque en raison d'une obstruction du tronc commun de la coronaire gauche. En dépit de la réalisation de cinq interventions chirurgicales, son état de santé n'a cessé de se dégrader jusqu'à son décès le 11 juin 2014.

2. Mme F... B..., épouse de E... B..., et d'autres ayants droit de celui-ci ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) des Hauts-de-France le 19 septembre 2016, qui a sollicité une expertise médicale, dont le rapport a été rendu le 17 août 2017. Par un avis du 8 novembre 2017, la CRCI a conclu à la survenue d'un accident médical non fautif dont la réparation incombe à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). En mars 2018, ce dernier a formulé une offre d'indemnisation d'un montant total de 43 727,72 euros, que Mme B... a refusée. Par un jugement du 10 octobre 2022, le tribunal administratif de Lille, saisi par Mme B..., a condamné l'ONIAM à verser une somme de 21 135 euros à la succession de E... B... au titre des préjudices subis par lui avant son décès et une somme de 83 781,95 euros à Mme B... au titre de ses préjudices personnels.

3. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation prononcée à l'encontre de l'ONIAM au titre de ses préjudices personnels à la somme de 83 781,95 euros et demande à la cour de majorer le montant de cette condamnation. Par ses conclusions, qui doivent être regardées comme des conclusions d'appel principal dès lors qu'elles ont été présentées avant l'expiration du délai d'appel contre le jugement attaqué, l'ONIAM demande, pour sa part, à la cour de ramener le montant des condamnations prononcées à son encontre à de plus justes proportions et de fixer le début des intérêts légaux à compter de la date de l'arrêt à intervenir.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'indemnisation au titre de la solidarité nationale :

4. Mme B... réitère que son époux, E... B..., doit être regardé comme ayant été victime d'un accident médical non fautif ayant emporté des conséquences graves et anormales au sens des dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, de la regarder comme étant fondée à demander que l'ONIAM soit condamné à indemniser les préjudices ayant résulté de cet accident au titre de la solidarité nationale, ce que celui-ci n'a au demeurant jamais contesté.

En ce qui concerne les préjudices subis par E... B... avant son décès et transmis à sa succession :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

5. Si E... B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total pendant son hospitalisation du 1er au 11 juin 2014, il ne résulte pas de l'instruction que la durée de celle-ci aurait été plus courte si l'accident médical non fautif dont il a été victime ne s'était pas produit au cours de l'intervention du 2 juin 2014. Il s'ensuit que le déficit fonctionnel temporaire total qu'il a subi doit être regardé comme étant inhérent à l'intervention et qu'il l'aurait subi même si celle-ci s'était passée sans aucune complication. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à demander l'indemnisation de ce préjudice.

S'agissant des souffrances endurées :

6. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 14 août 2017, que du fait de l'accident médical non fautif qui s'est produit au cours de l'intervention du 2 juin 2014, E... B... a rencontré pas moins de trois complications exceptionnelles graves : une obstruction du tronc commun de la coronaire gauche, un hématome compressif en arrière de l'oreillette gauche et une tamponnade péricardique. Dans le cadre de la prise en charge de ces complications, il a subi des manœuvres de réanimation, des défibrillations externes, la pose d'une assistance circulatoire ainsi que cinq réinterventions chirurgicales lourdes en quelques jours. Cette prise en charge n'a pas permis d'améliorer la situation et l'ensemble de ses fonctions vitales se sont rapidement dégradées pour aboutir à son décès le 11 juin 2014. Il en résulte des souffrances endurées, qui ont été évaluées à 6 sur une échelle de 1 à 7 dans le rapport d'expertise médicale du 14 août 2017. Dans ces conditions, en tenant compte de la nature des souffrances ainsi endurées par E... B... mais également de leur durée, il en sera fait une juste appréciation en allouant une indemnité de 20 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique temporaire :

7. Aucune des parties ne conteste en appel l'indemnité de 1 000 euros allouée par les premiers juges au titre du préjudice esthétique temporaire, qu'il y a dès lors lieu de confirmer.

En ce qui concerne les préjudices personnels de Mme B... :

S'agissant du préjudice d'affection :

8. Mme B... est fondée à demander à être indemnisée du préjudice d'affection qu'elle a subi du fait du décès de son époux. Compte tenu de l'ancienneté de leur communauté de vie et de l'âge que E... B... avait au moment des faits, il sera fait une juste appréciation de son préjudice en lui allouant la somme de 21 000 euros.

S'agissant du préjudice économique :

9. Il résulte de l'instruction, notamment des avis d'impôt sur les revenus des trois dernières années précédant celle au cours de laquelle le dommage est survenu, que E... B..., alors retraité, a perçu une pension d'un montant moyen de 24 498 euros par an. Mme B... a perçu, quant à elle, sur la même période, des revenus salariaux d'un montant moyen de 21 389 euros par an. Après son admission à la retraite le 1er juillet 2016, il résulte des décomptes de l'assurance retraite du 23 juin 2016 et de l'Arrco du 5 mai 2017 produits par Mme B... que sa pension de retraite personnelle, déduction faite de la pension de réversion qu'elle a perçue en raison du décès de son époux, s'est établie à 15 326 euros par an. Il s'ensuit que, si le dommage ne s'était pas produit et en tenant compte de ce que E... B... consacrait 30% des revenus du ménage à sa consommation personnelle, Mme B... pouvait compter sur un revenu disponible de 32 120,90 euros par an jusqu'à son départ à la retraite et de 27 876,60 euros par an à compter de son départ à la retraite. Or, il résulte de l'instruction, notamment des avis d'impôt sur les revenus produits par Mme B..., qu'elle a perçu, compte tenu en particulier de la pension de réversion, des revenus supérieurs. Elle a en outre perçu à l'été 2014, de l'organisme mutualiste auquel son époux était affilié, un capital-décès de 6 870 euros qui a pour objet de compenser, notamment, les pertes de revenus subies. Dès lors, les pertes de revenus ne sont pas établies et Mme B... n'est pas fondée à demander l'indemnisation de ce poste de préjudice.

S'agissant des frais d'obsèques :

10. Mme B... demande l'indemnisation des frais d'obsèques qu'elle a exposés à raison du décès prématuré de son époux. Elle produit une facture du 14 août 2014 d'un montant de 5 050,80 euros correspondant aux soins de conservation du corps, à la cérémonie, aux frais de transport et à l'aménagement d'un caveau de deux places ainsi qu'une facture du 18 octobre 2014 d'un montant de 4 000 euros correspondant à la fourniture et à la pose d'un monument funéraire incluant une stèle gravée à la feuille d'or, une croix en bronze et une lanterne en bronze avec son lumignon électrique. Compte tenu, d'une part, de ce que les frais d'aménagement du caveau et du monument funéraire ne peuvent être pris en compte qu'à raison de la place occupée par l'époux de Mme B... dans la sépulture et, d'autre part, de l'âge que ce dernier avait au moment de son décès ainsi que de la gravité de la pathologie dont il était atteint, il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation du montant des frais d'obsèques indemnisables en allouant à Mme B... une indemnité de 5 000 euros.

S'agissant des frais de déplacement :

11. Mme B... demande une indemnité de 347 euros au titre des frais de déplacement qu'elle a exposés pour se rendre quotidiennement au chevet de son époux pendant son hospitalisation et pour se rendre à la réunion d'expertise qui s'est tenue au centre hospitalier d'Argenteuil le 18 avril 2017. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, il ne résulte pas de l'instruction que la durée de l'hospitalisation de E... B... aurait été plus courte si l'accident médical non fautif dont il a été victime ne s'était pas produit au cours de l'intervention du 2 juin 2014. Il s'ensuit que les déplacements de Mme B... au CHRU de Lille doivent être regardés comme étant imputables non pas au fait dommageable mais à l'intervention du 2 juin 2014 elle-même, dont elle n'est pas fondée à demander l'indemnisation. En revanche, il résulte de l'instruction que Mme B... s'est rendue au centre hospitalier d'Argenteuil le 18 avril 2017 pour assister à la réunion d'expertise organisée dans le cadre de la procédure engagée devant la CRCI des Hauts-de-France. La distance la plus courte entre son domicile et cet établissement de santé est de 221 kilomètres. Il ressort du certificat d'immatriculation produit que son véhicule a une puissance fiscale de sept chevaux. Le barème kilométrique de l'administration fiscale applicable à un véhicule de sept chevaux fiscaux ou plus en 2017 était de 0,595. Il sera, dès lors, fait une juste appréciation des frais de déplacement exposés par Mme B... en lui allouant la somme de 262,99 euros.

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM doit seulement être condamné à verser une indemnité totale de 21 000 euros au titre des préjudices subis par E... B... avant son décès et transmis à sa succession ainsi qu'une indemnité totale de 26 262,99 euros au titre des préjudices personnels subis par son épouse. Il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, la requête d'appel de Mme B..., tendant à la majoration de l'indemnité allouée par les premiers juges au titre de ses préjudices personnels, doit être rejetée. L'ONIAM est, quant à lui, fondé à demander que les indemnités qu'il a été condamné à verser au titre des préjudices de E... B... et de ceux de Mme B... soient ramenées à respectivement 21 000 euros et 26 262,99 euros.

Sur les intérêts légaux et la capitalisation des intérêts :

13. D'une part, aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. / Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte (...) ". Aux termes de l'article 1343-2 du même code : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ".

14. D'autre part, aux termes de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique : " Lorsque la commission régionale estime que le dommage est indemnisable au titre du II de l'article L. 1142-1, ou au titre de l'article L. 1142-1-1 l'office adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis. / (...) ".

15. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux deux points précédents que l'ONIAM dispose d'un délai de quatre mois après la réception de l'avis de la CRCI concluant à la mise en jeu de la solidarité nationale pour adresser une offre d'indemnisation. Il doit être regardé comme saisi d'une demande tendant au paiement de la créance de la victime ou de ses ayants-droits au plus tard au terme de ce délai de quatre mois. Ce terme doit, pour l'application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, être considéré comme le point de départ des intérêts. La circonstance qu'une offre d'indemnisation ait été refusée par la victime ou ses ayants-droits est sans influence sur le point de départ des intérêts.

16. En l'espèce, Mme B... a saisi la CRCI des Hauts-de-France le 19 septembre 2016. Par un avis du 8 novembre 2017, la CRCI a conclu à la survenue d'un accident médical non fautif dont la réparation incombe à l'ONIAM. En application des principes rappelés au point précédent, l'ONIAM doit être regardé comme ayant été saisi d'une demande tendant au paiement de la créance de E... B... et des victimes indirectes au terme du délai qui lui était imparti pour faire une offre, soit le 8 mars 2018. Dès lors, c'est cette dernière date qui doit être retenue comme étant celle du point de départ des intérêts.

17. En outre, la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois le 27 février 2020, dans la requête introductive d'instance devant le tribunal administratif de Lille. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande. Ainsi, les intérêts échus à la date du 27 février 2020 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : La somme de 21 135 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à la succession de M. B... est ramenée à la somme de 21 000 euros (vingt-et-un mille euros), assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2018. Les intérêts échus à la date du 27 février 2020 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La somme de 83 781,95 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme B... est ramenée à la somme de 26 262,99 euros (vingt-six mille deux cent soixante-deux euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes), assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2018. Les intérêts échus à la date du 27 février 2020 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le jugement n° 2001735 du 10 octobre 2022 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience publique du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

Anne-Sophie VILLETTE

2

N°22DA02464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02464
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : THIEFFRY

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;22da02464 ?
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