La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2024 | FRANCE | N°22DA02675

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 02 avril 2024, 22DA02675


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société AEVIA a demandé au tribunal administratif de Rouen :



1°) d'arrêter le solde du décompte général du marché conclu le 3 août 2018 avec la chambre de commerce et d'industrie territoriale (CCI) Seine Estuaire pour la réalisation des travaux de remplacement des appareils d'appui du viaduc d'accès Sud du pont de Tancarville, à la somme de 1 366 530 euros HT, assortie des intérêts de retard au taux légal majoré de huit points à compter du 18

février 2020, et de la capitalisation de ces intérêts ;



2°) de condamner la CCI Seine Estuai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AEVIA a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'arrêter le solde du décompte général du marché conclu le 3 août 2018 avec la chambre de commerce et d'industrie territoriale (CCI) Seine Estuaire pour la réalisation des travaux de remplacement des appareils d'appui du viaduc d'accès Sud du pont de Tancarville, à la somme de 1 366 530 euros HT, assortie des intérêts de retard au taux légal majoré de huit points à compter du 18 février 2020, et de la capitalisation de ces intérêts ;

2°) de condamner la CCI Seine Estuaire à lui verser la somme de 476 292,60 euros hors taxes (HT), soit 571 551,12 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts de retard au taux légal majoré de huit points à compter du 29 juin 2020 et de la capitalisation de ces intérêts, au titre des travaux et rémunérations supplémentaires réalisés ;

3°) de fixer le montant des pénalités de retard pour dépassement du délai global d'exécution du marché à la somme de 5 000 euros ;

4°) de condamner la CCI Seine Estuaire à lui verser la somme de 261,66 euros d'intérêts moratoires au titre des retards de paiement sur les acomptes constatés ;

5°) de rejeter la demande reconventionnelle de la CCI Seine Estuaire tendant au paiement d'une somme de 66 000 euros TTC comme solde restant dû au titre du décompte général définitif du marché.

Par un jugement n° 2004218 du 4 novembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a fixé le solde du marché à la somme de 20 910 euros TTC au débit de la société AEVIA et l'a condamnée à verser à la CCI Seine Estuaire la somme de 20 910 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2021, avec capitalisation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 décembre 2022, le 27 mars 2023, le 22 juin 2023 et le 19 septembre 2023, la société AEVIA, représentée par Me Wester, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie (CCI) Seine Estuaire à lui verser la somme de 476 292,60 euros HT (571 551,12 euros TTC) au titre des travaux supplémentaires réalisés, assortie des intérêts de retard au taux légal majoré de huit points, à compter du 29 juin 2020, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner la CCI Seine Estuaire à lui verser la somme de 10 590,02 euros au titre des intérêts moratoires sur les retards de paiement sur acomptes constatés ;

4°) de fixer la fin du délai d'exécution contractuel au 3 novembre 2019 ;

5°) de fixer les pénalités de retard à la somme globale de 23 550 euros ;

6°) de fixer, en conséquence, le décompte général du marché (hors travaux et rémunérations supplémentaires) à un solde de 1 366 530,00 euros HT, assorti des intérêts de retard au taux légal majoré de huit points, à compter du 18 février 2020, avec capitalisation des intérêts ;

7°) de rejeter la demande reconventionnelle de la chambre de commerce et d'industrie Seine Estuaire tendant au paiement d'une somme de 66 000,00 euros TTC au titre du décompte général définitif du marché solde restant dû ;

8°) de mettre à la charge de la CCI Seine Estuaire, une somme de 5 000 euros à lui verser, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la CCI a instruit et statué expressément sur ses réclamations, sans lui opposer la moindre irrecevabilité, de sorte que le principe de loyauté contractuelle fait obstacle à ce qu'elle lui oppose l'irrecevabilité de ses demandes ;

- la fin de non-recevoir pour tardiveté de la réclamation opposée par la CCI Seine Estuaire n'est pas fondée ;

- ses demandes financières relatives à la prolongation des délais d'exécution des travaux (117 781,60 euros HT) et à la restitution des pénalités de retard (177 520 euros) sont recevables ; la première somme apparaît dans le projet de décompte général ; si la seconde somme n'y apparaît pas, cela implique implicitement mais nécessairement une réclamation à ce titre ;

- la CCI invoque à tort la forclusion de ses demandes au titre des pénalités dès lors qu'elle se fonde sur l'article 3.8.2 du CCAG-Travaux, inapplicable en l'espèce, les pénalités n'ayant jamais fait l'objet d'ordres de service ;

- le " mémoire en réclamation et décompte général et définitif " doit être regardé comme un projet de décompte final au sens de l'article 51.1.1 du CCAG-Travaux, toutefois, ce projet est intervenu prématurément, avant la réception des travaux, aucune irrecevabilité ne peut dès lors lui être opposée ;

- elle est fondée à obtenir le paiement de 476 292,60 euros HT au titre des travaux non prévus au marché et rémunérations supplémentaires ;

- le délai contractuel d'exécution doit être allongé de 142 jours, portant la fin du délai contractuel du marché au 3 novembre 2019 ; le montant des pénalités pour dépassement du délai contractuel d'exécution des travaux doit être réduit à la somme de 5 000 euros ;

- les demandes reconventionnelles de la CCI ne sont pas fondées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 février 2023, le 11 mai 2023 et le 23 août 2023, la CCI Seine Estuaire, représentée par Me Tendeiro, conclut :

1°) au rejet de la requête de la société AEVIA ;

2°) à ce que le solde du marché soit fixé à la somme de 66 000,00 euros TTC au débit de la société AEVIA, et au crédit de la CCI Seine-Estuaire ;

3°) en conséquence, à ce que la société AEVIA soit condamnée à lui verser la somme de 66 000,00 euros TTC comme solde restant dû au titre du décompte général définitif du marché de la société TSV, majorée de l'intérêt légal calculé à compter de la notification de ce décompte intervenue le 28 mai 2020, dont capitalisation des intérêts dus pour plus d'une année entière et ce jusqu'à parfait paiement des sommes à payer ;

4°) à ce qu'une somme de 18 000 euros soit mise à la charge de la société AEVIA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'action de la société AEVIA est forclose, la société TSV ayant adressé son mémoire en réclamation le 29 juin 2020, soit après l'expiration du délai prévu à l'article 50 du CCAG-Travaux ;

- le mémoire en réclamation n'a pas été adressé à la personne physique habilitée à le recevoir ;

- les postes de réclamation de la société TSV figurant dans le mémoire en réclamation, concernant les pénalités de retard, l'allongement du délai d'exécution et les intérêts moratoires, n'ayant pas été repris dans le projet de décompte final, doivent être rejetés comme étant irrecevables ; en outre, elle n'a pas réservé la cause juridique de ses demandes ;

- la société AEVIA est forclose à solliciter la remise des pénalités appliquées à la société TSV, conformément à l'article 3.8.2 du CCAG-Travaux ;

- ses autres demandes financières sont irrecevables, dès lors qu'elle les avait déjà présentées dans son mémoire en réclamation du 9 décembre 2019, lequel a été rejeté le 6 janvier 2020 ;

- les travaux supplémentaires n'étant indemnisables que s'ils présentent un caractère imprévisible, la société appelante ne peut prétendre à aucune rémunération complémentaire à raison des prestations invoquées dans son mémoire en réclamation ;

- s'agissant des demandes au titre de l'allongement de la durée d'exécution du contrat, la société AEVIA ne démontre aucunement l'existence de difficultés d'exécution qui trouveraient leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ; la société n'établit pas davantage que cet allongement serait imputable à une faute du maître d'ouvrage ;

- le décompte devenu définitif s'établit à un solde au débit de la société TSV de 66 000 euros TTC.

Par une ordonnance du 20 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 12 octobre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouroubat pour la CCI Seine-Estuaire.

Une note en délibéré, enregistrée le 19 mars 2024, a été présentée par la société AEVIA.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 3 août 2018, la CCI Seine-Estuaire a confié à la société TSV (Travaux Spéciaux Vérinage) la réalisation des travaux de remplacement des appareils d'appuis du viaduc d'accès Sud au pont de Tancarville pour un montant total prévisionnel de 1 288 746,00 euros HT, soit une somme de 1 546 495,20 euros TTC. La maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement solidaire constitué des sociétés EGIS Structures et SOFREN Group. La durée prévisionnelle globale du marché étant de 9 mois et demi, les travaux devait s'achever le 14 juin 2019. A la suite de plusieurs prolongations, les travaux, qui devaient être terminés initialement au 20 juin 2019, n'ont été achevés que le 13 novembre 2019. Après avoir adressé un premier projet de décompte final le 11 décembre 2019, rejeté comme prématuré par la CCI Seine Estuaire le 6 janvier 2019, les travaux ayant été réceptionnés le 11 février 2020, la société TSV a notifié un second projet de décompte final le 21 février 2020 pour un montant de 1 842 822,60 euros HT, soit 2 211 387,12 euros TTC. Le maître d'ouvrage a arrêté le décompte général, notifié à l'entreprise titulaire le 20 mai 2020, à un montant de 66 000 euros TTC au débit de la société TSV. Le 25 juin 2020, la société TSV a adressé un mémoire en réclamation, fixant le montant du solde du marché à la somme de 1 819 272,60 euros HT, soit 2 217 267,14 euros TTC, lequel a été rejeté par lettre de la CCI du 23 juillet 2020.

2. La société AEVIA, venue aux droits de la société TSV, a demandé au tribunal administratif de Rouen d'arrêter le solde du décompte général du marché (hors travaux et rémunérations supplémentaires) à la somme de 1 366 530 euros HT et de condamner la CCI Seine Estuaire à lui verser la somme de 476 292,60 euros hors taxes (HT), soit 571 551,12 euros toutes taxes comprises (TTC), assortie des intérêts de retard au taux légal majoré de huit points à compter du 29 juin 2020 et de la capitalisation de ces intérêts, au titre des travaux et rémunérations supplémentaires réalisés, de fixer le montant des pénalités de retard pour dépassement du délai global d'exécution du marché à la somme de 5 000 euros et de condamner la CCI Seine Estuaire à lui verser la somme de 261,66 euros d'intérêts moratoires au titre des retards de paiement sur les acomptes constatés. Par une demande reconventionnelle, la CCI Seine Estuaire a demandé au tribunal le paiement d'une somme de 66 000 euros TTC comme solde restant dû au titre du décompte général définitif du marché.

3. La société AEVIA relève appel du jugement du 4 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a fixé le solde du marché à la somme de 20 910 euros TTC au débit de la société AEVIA et l'a condamnée à verser à la CCI Seine Estuaire la somme de 20 910 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2021 et capitalisation.

Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen :

4. En premier lieu, devant la cour, la CCI oppose à nouveau l'irrecevabilité des demandes formulées par la société AEVIA, de paiement d'intérêts moratoires à hauteur de 261,66 euros au titre de la facture n° 908/017 d'un montant de 170 547,33 euros. Toutefois, il ressort des points 11 et 12 du jugement, que le tribunal a fait droit à cette fin de non-recevoir.

5. En deuxième lieu, d'une part, selon l'article 2 du CCAP : " - Documents contractuels - Les pièces constitutives du contrat sont les suivantes par ordre de priorité décroissante (...) Les pièces particulières prévalent sur les pièces générales. A - Pièces particulières ...Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP) ainsi que ses annexes éventuelles (...) / b - Pièces générales - Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG-Travaux) applicables aux marchés publics de travaux, dans sa version approuvée par l'arrêté ministériel modifié du 8 septembre 2009 publié au J.O.R.R.F du 1er octobre 2009 ; (...) ". En outre, aux termes de l'article 3.4.6 du CCAP " Décompte général définitif et solde " : " Il est dérogé aux dispositions de l'article 13.4 du CCAG-Travaux concernant le décompte général et définitif / (...). Dans un délai de quarante-cinq (45) jours compté à partir de la notification du décompte général, le Titulaire renvoie au représentant du pouvoir adjudicateur, le décompte général revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le Titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. Ce décompte lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires afférents au solde. ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 13 du CCAG-Travaux défini par l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics : " 13.4.3. Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. ". En outre, aux termes de l'article 50.1.1. du même cahier des charges : " Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. ".

7. Il résulte des stipulations de l'article 3.4.6 précitées du CCAP que le titulaire du marché dispose d'un délai de quarante-cinq jours pour faire connaître au représentant du pouvoir adjudicateur, les motifs de son refus de signer le décompte général. Par le même article, les parties contractantes ont par ailleurs expressément indiqué déroger aux stipulations de l'article 13.4 du CCAG-Travaux en ce qui concerne le décompte général définitif. Ce faisant, elles doivent nécessairement être regardées comme ayant entendu déroger aux stipulations de l'article 13.4.3 de ce CCAG qui prévoient que le mémoire en réclamation du titulaire doit être présenté dans un délai de trente jours mais aussi à celles de l'article 50 du CCAG qui prévoient un même délai de trente jours. Et, dès lors qu'en vertu des stipulations de l'article 2 du CCAP, les parties ont donné à ce document priorité sur le CCAG-Travaux, la circonstance invoquée que l'article 12 du CCAP n'indique pas la liste des articles du CCAG auxquels il est dérogé est sans incidence.

8. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, la société TSV disposait d'un délai

de quarante-cinq jours pour contester le décompte général notifié le 28 mai 2020 par la CCI. Dans la mesure où il est constant que son mémoire en réclamation est parvenu à la chambre consulaire le 29 juin 2020, le caractère définitif du décompte général ne peut être opposé à la demande de la société AEVIA venant aux droits de la société TSV.

9. En troisième lieu, la CCI Seine-Estuaire soutient que la société TSV était déjà forclose lorsqu'elle a notifié son mémoire en réclamation le 29 juin 2020 dès lors qu'il faisait suite à un premier mémoire en réclamation en date du 9 décembre 2019 qu'elle avait rejeté comme irrecevable par décision du 6 janvier 2020 devenue définitive. Toutefois, ce projet de décompte final adressé par le titulaire au pouvoir adjudicateur doit être regardé comme prématurément transmis dès lors qu'il est constant qu'il a été adressé avant la notification de la décision de réception de travaux intervenue le 11 février 2020, et n'a ainsi pu faire courir le délai de quarante-cinq jours prévu par l'article 3.4.6 du CCAP.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3.3 du CCAG-Travaux " Représentation du pouvoir adjudicateur " : " Dès la notification du marché, le pouvoir adjudicateur désigne une personne physique habilitée à le représenter auprès du titulaire, pour les besoins de l'exécution du marché. (...) Ce ou ces représentants sont réputés disposer des pouvoirs suffisants pour prendre, dès notification de leur nom au représentant du pouvoir adjudicateur dans les délais requis ou impartis par le marché, les décisions nécessaires engageant le titulaire. ". Aux termes de l'article 1.2 du CCAP : " Le Maître d'Ouvrage est la CCIT Seine Estuaire dûment représentée par sa Présidente, personne signataire du contrat. Cette dernière a délégué sa signature à M. Yves LEFEBVRE,

Vice-président de la CCIT Seine Estuaire, Représentant du pouvoir adjudicateur en vue de l'exécution du présent marché public. Dès la notification du contrat, le Maître d'Ouvrage désigne une personne physique, habilitée à le représenter auprès du Titulaire, pour les besoins de l'exécution du marché, et ce, en application des dispositions de l'article 3.5 du CCAG-Travaux. Les coordonnées du représentant du Maître d'Ouvrage en charge du suivi des travaux sont transmises au stade de la notification ".

11. Il résulte de l'instruction que le mémoire en réclamation de la société TSV a été adressé à l'attention d'un agent du service pôle juridique, achats et marchés publics de la CCI et non au vice-président de cette chambre consulaire désigné par l'article 1.2 du CCAP en tant que représentant du pouvoir adjudicateur. Toutefois, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors que les stipulations précitées n'ont d'autre portée que celle de désigner la personne physique ayant pouvoir de prendre les décisions engageant le pouvoir adjudicateur

vis-à-vis du titulaire du marché.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 13.3.1 du CCAG-Travaux : " Après l'achèvement des travaux, le titulaire établit le projet de décompte final, concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. / Le projet de décompte final est établi à partir des prix initiaux du marché, comme les projets de décomptes mensuels, et comporte les mêmes parties que ceux-ci, à l'exception des approvisionnements et des avances. Ce projet est accompagné des éléments et pièces mentionnés à l'article 13.1.7 s'ils n'ont pas été précédemment fournis. / Le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final. ". L'article 13.3.3 du même cahier prévoit : " Le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final ".

13. La CCI Seine Estuaire, qui ne conteste pas que dans son projet de décompte final la société TSV a bien fait apparaître la somme de 81 381,60 euros correspondant aux frais d'installation et d'encadrement de chantiers liés à l'augmentation du délai contractuel et la somme de 36 400 euros correspondant aux frais de location des échafaudages liés à l'augmentation du délai contractuel, ne saurait utilement reprocher à l'entreprise titulaire de n'avoir pas indiqué les motifs pour lesquels elle considérait que l'allongement du délai d'exécution du délai contractuel ne lui était pas imputable dès lors qu'il résulte des stipulations précitées que le titulaire est seulement tenu d'indiquer le montant des sommes auxquelles il prétend. En outre, le projet de décompte final correspondant aux montants des prestations effectuées par l'entreprise, il n'appartient pas à celle-ci d'y faire figurer le montant des pénalités susceptibles d'être appliquées par le maître d'ouvrage.

14. En dernier lieu, d'une part, aux termes de l'article 2 du CCAG-Travaux : " L'ordre de service est la décision du maître d'œuvre qui précise les modalités d'exécution de tout ou partie des prestations qui constituent l'objet du marché. ". En outre, aux termes de l'article 3.8. " Ordres de service " du même CCAG : " 3.8.1. Les ordres de service sont écrits ; ils sont signés par le maître d'œuvre, datés et numérotés. Le titulaire en accuse réception datée. / 3.8.2. Lorsque le titulaire estime que les prescriptions d'un ordre de service appellent des réserves de sa part, il doit, sous peine de forclusion, les notifier au maître d'œuvre, dans un délai de quinze jours, décompté ainsi qu'il est précisé à l'article 3.2. ".

15. S'il résulte de l'instruction que par des courriers datés du mois de juin 2019, le maître d'œuvre EGIS a notifié à l'entreprise titulaire des états d'acompte mensuels annonçant l'application de pénalités pour divers manquements aux engagements contractuels (non-respect des délais de restitution de l'ouvrage, absence à une réunion de chantier, non-respect du nettoyage et de la sécurité du chantier), de tels courriers ne constituent pas des ordres de service du maître d'œuvre au sens des stipulations précitées, sur lesquelles l'entreprise titulaire aurait dû formuler des réserves dans le délai de quinze jours.

16. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que ces fins de non-recevoir opposées par la CCI Seine-Estuaire ont été écartées par le tribunal.

Sur le règlement du marché :

En ce qui concerne les demandes de paiement de travaux supplémentaires :

17. D'une part, le titulaire d'un marché a droit au paiement des travaux supplémentaires qui lui ont été réclamés par ordre de service ainsi qu'à l'indemnisation de travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service, à la condition toutefois, qu'ils soient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, et alors même que ces travaux supplémentaires n'auraient pas bouleversé l'économie du contrat. Si des travaux ont été commandés verbalement et/ou irrégulièrement à une entreprise par le maître d'ouvrage ou le maître d'œuvre, l'entreprise est fondée à demander le remboursement des dépenses qu'elle a engagées.

18. D'autre part, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

19. En outre, aux termes de l'article 3.4.1 du CCAP : " Par ailleurs, le Titulaire étant tenu à la justesse du quantitatif avant la remise de son offre, aucune réclamation du Titulaire ne pourra être prise en compte après la signature du contrat. Les dépenses supplémentaires imprévues que le Titulaire pourrait avoir à supporter en cours de chantier, par suite de l'application de ce principe, font partie Intégrante de ces aléas et il lui appartient après étude des documents de consultation, d'estimer le risque correspondant et d'en tenir compte pour l'élaboration de son offre et le calcul de son prix. ". Et aux termes des stipulations de l'article 3.4.6 du CCAP : " (...) Dans le cas de travaux absolument imprévisibles mais dont la nécessité serait impérative, il est fait application des dispositions de l'article 14 du CCAG-Travaux. ".

S'agissant des travaux résultant des difficultés rencontrées lors des opérations de carottage sur la culée 8 (C8) pour un montant de 74 600 euros HT :

20. La société AEVIA sollicite le paiement de coûts supplémentaires qu'elle a été contrainte d'engager au cours des opérations de carottage sur la culée C8, en raison de la découverte fortuite, dans le chevêtre, de ferraillages non décelables, assimilable à des sujétions imprévues. En l'occurrence, il résulte de l'instruction que l'interférence des ferraillages avec les implantations de carottage provient d'une disposition des aciers situés en profondeur contraire aux règles de l'art. Toutefois, selon les stipulations du marché, il appartenait au titulaire, préalablement aux opérations de carottage, de mener une campagne de relevé et de repérage, par l'usage d'un radar mais aussi de sondages par carottage, visant à prévenir ce type d'aléa en l'absence de certitude quant à l'emplacement exact des ferraillages. En outre, le sous-article 401.30 du bordereau des prix unitaires (BPU) intitulé " Repérage des aciers - reconnaissances complémentaires par carottage " mentionne que le prix afférant comprend " toutes [les] sujétions liées à la nature des matériaux rencontrés ". Par suite, la malfaçon du ferraillage du chevêtre en acier ne peut être considérée comme imprévue ou imprévisible au sens des stipulations de l'article 3.4.6 du CCAP et le coût supplémentaire en résultant doit être supporté par la société AEVIA.

S'agissant des travaux supplémentaires liés aux difficultés rencontrées à la suite de l'augmentation des charges constatées lors des deux premières opérations de vérinage pour un montant de 73 000 euros HT :

21. Il résulte de l'instruction que, lors des deux premières opérations de vérinage nocturne effectuées les 20 mars et 3 avril 2019, la société TSV a constaté des transferts de charge entre les trois poutres intérieures et les poutres de rive, liés à une répartition des réactions d'appui différentes de celles définies dans les notes de calculs. Ces dysfonctionnements, qui ont entraîné un allongement de la durée de trente minutes, contractuellement prévue pour toute opération de vérinage, a contraint le titulaire à établir de nouvelles notes de calcul et à adapter son dispositif de vérinage sur les poutres de rive aux nouvelles charges constatées lors des opérations précédentes, notamment en recourant à un vérin supplémentaire de capacité de 160 tonnes permettant d'augmenter la capacité totale de levage lors de l'opération. Si la société appelante soutient que ces difficultés n'étaient pas prévisibles dès lors que le maître d'œuvre avait préalablement validé les notes de calcul et la méthode de vérinage, l'article 1.5 du CCTP stipule que " le titulaire est responsable de la méthode d'exécution choisie lors des travaux " et l'article 105 du BPU stipule par ailleurs que " Ce prix rémunère forfaitairement, toutes les études de méthodes et des ouvrages provisoires prévues au C.C.T.P. ou nécessaires à la réalisation des travaux. ... Toute modification dans la méthode est en charge du Titulaire du marché. ". A cet égard, selon un compte-rendu d'une réunion de chantier du 10 avril 2019 le maître d'œuvre a relevé que le principe de vérinage retenu était une variante d'entreprise ne présentant aucune marge de dimensionnement avec des calages au plus juste et des contraintes localisées sur poutre et sommier d'appui très élevées et proches des valeurs admissibles. Il y a donc eu, de la part du titulaire, entreprise spécialisée dans ce domaine, une sous-estimation du nombre de vérins nécessaire pour supporter les reports de charge. Il s'ensuit que les difficultés d'exécution auxquelles la société AEVIA s'est trouvée confrontée lors des premières opérations de vérinage n'étaient ni imprévues ni imprévisibles au sens des stipulations de l'article 3.4.6 précité du CCAP.

S'agissant de la pose d'un revêtement en Sikagard sur les consoles de vérinage pour la protection complémentaire du béton pour un montant de 7 200 euros HT :

22. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'apparition de fissures anormales sur les consoles de vérinage, le maître d'œuvre a, le 6 août 2019, demandé à la société TSV de fournir et poser un revêtement en " Sikagard 675 W Elastocolor " sur les consoles de vérinage pour un montant de 7 200 euros HT. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit à cette demande de rémunération supplémentaire supportée par la société AEVIA, au motif que la preuve d'une mauvaise exécution imputable au titulaire n'était pas apportée. Par la voie de l'appel incident, la CCI le conteste en arguant que la preuve du manquement du titulaire est apportée dans la mesure où la fissuration anormale sur les consoles de vérinage est liée au manque de temps entre le bétonnage des consoles et le vérinage. A cet égard, il ressort du compte-rendu n° 31 de la phase travaux du 6 août 2019, que les travaux en cause sont justifiés par l'apparition de fissures anormales sur les consoles, à la suite d'un choc sur bétons lors de la remise en place des vérins. L'origine des fissures apparues sur le béton résulte ainsi d'une exécution non conforme aux stipulations contractuelles. Dès lors, la CCI est fondée à demander que la somme de 7 200 euros HT soit remise à la charge de la société AEVIA dans le décompte général.

S'agissant des travaux supplémentaires de démolition du béton à l'intérieur de l'ancrage C8 pour un montant de 941 euros HT :

23. La société AEVIA soutient que, pour la réalisation des consoles précontraintes notamment sur la culée C8, les ancrages passifs se trouvent à l'intérieur des culées creuses et qu'en y accédant, la présence de dés en béton et garde-corps ont empêché la réalisation de la prestation conformément à ses plans d'exécution. Cependant, il résulte des stipulations des articles 405.20 et 405.30 du BPU concernant les travaux de mise en place des aciers des consoles que le prix fixé comprend " toutes les sujétions de réalisation des forages, de mise en œuvre du mortier de résine et les sujétions de phasage " ainsi que " toutes les sujétions de réalisation et de phasage des travaux ". Il découle de ces stipulations que toutes les sujétions de réalisation des forages, y compris en phase de préparation des ancrages des armatures passives, doivent être supportées par le titulaire du marché. Aussi, ces travaux de démolition de béton à l'intérieur de l'ancrage de la culée C8 étant réputés prévus au marché, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société AEVIA.

S'agissant de la mise en place d'un balisage lourd lié au phasage pour la réalisation des joints de chaussée par tiers de chaussée pour un montant de 62 400 euros HT :

24. Aux termes de l'article 3.4.1 du CCAP : " Le prix porté à l'Acte dégagement ainsi qu'au Bordereau des Prix et au Détail Estimatif est réputé tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieux où s'exécutent ces travaux, et ce, en application des dispositions de l'article 10.1.1 du CCAG-Travaux, que ces sujétions résultent notamment : (...) Des sujétions techniques d'exécution liées au maintien de la circulation sur l'ouvrage, pendant l'ensemble des travaux, hors interruptions ponctuelles pour vérinage ; (...) ". Aux termes de l'article 1.6.2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché conclu entre la société TSV et la CCI Seine Estuaire : " (...) / En fonction des contraintes de circulation, le changement des joints de chaussée devra pouvoir être effectué sous circulation par demi-chaussée. / (...) ". Le prix n° 503 du bordereau des prix unitaires (BPU) stipule que le prix au titre du remplacement des joints de chaussée comprend : " le transport, le matériau et le matériel nécessaire à la réalisation de cette tâche ; (...) ; les sujétions liées au phasage des travaux, notamment la contrainte de pouvoir changer les joints par demi-chaussée ". En outre, aux termes du troisième alinéa du paragraphe F de l'article 8.4.4 du CCAP : " Si l'exécution des travaux entraîne la déviation de la circulation, le titulaire a la charge, dans les mêmes conditions, de la mise en place et de l'entretien de la signalisation aux extrémités des sections où la circulation est interrompue et de la signalisation des itinéraires déviés. L'article n° 101 du BPU prévoit à ce titre une rémunération au forfait de l'ensemble des installations générales de chantier propres aux travaux de changement de joints de chaussée et toutes les sujétions de balisage ".

25. Il résulte de l'instruction que la réalisation des changements des joints de chaussée en trois phases par tiers de chaussée résulte d'une demande du maître d'œuvre dérogeant expressément aux prescriptions du CCTP, notamment son article 1.6.2 prévoyant que cette opération devait se réaliser par demi-chaussée. Pour contester les conséquences financières induites par la modification des modalités de réalisation de la prestation selon un phasage par tiers de chaussée, la CCI fait valoir que le prix fixé par l'article 503 du BPU indique pour la prestation " dépose et remplacement joints de chaussée " un prix global sur la base d'un mètre linéaire. S'il n'est pas contesté que cette modification n'a pas eu pour effet de porter à plus de trente mètres linéaires la quantité de joints de chaussée devant être remplacés, il résulte de l'instruction, notamment d'un courrier du 24 février 2019 de la société AEVIA, que cette modification a eu des incidences sur l'organisation du chantier, notamment sur sa durée, dès lors qu'un jour de dépose supplémentaire en est résulté, impliquant notamment des heures supplémentaires en main d'œuvre et en immobilisation de matériel. S'il résulte également de l'instruction que pour le changement des joints de chaussée, le maître d'œuvre a exigé un balisage lourd en séparateur modulaire de voie de type métal alors qu'était prévu un balisage plus léger de séparation des voies, l'article n° 101 du BPU prévoit que la mise en place des installations de chantiers, comprenant notamment les sujétions de balisage, constitue une prestation annexe au changement de joints de chaussée, faisant l'objet d'une rémunération forfaitaire autonome. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont limité à la somme de 12 570 euros HT le montant de la rémunération supplémentaire due à la société AEVIA pour la prestation de dépose et de remplacement des joints de chaussée.

S'agissant du balisage de déviation et la fermeture du pont de Tancarville durant les opérations de vérinage pour un montant de 80 200 euros HT :

26. Aux termes de l'article 1.6.2 du CCTP : " Le Titulaire devra réaliser chaque opération de vérinage de nuit, la circulation sur l'ouvrage doit être totalement interrompue. / (...) " et aux termes de son article 1.6.3 : " La signalisation complète du chantier et la mise en place de déviation incombe au Titulaire ; soit la fourniture et la pose de panneaux de chantier et de tous les panneaux nécessaires et réglementaires ". En outre, aux termes de l'article 31.5 du CCAG-Travaux : " Lorsque les travaux intéressent la circulation publique, la signalisation à l'usage du public doit être conforme aux instructions réglementaires en la matière ; elle est réalisée, sous le contrôle des services compétents, par le titulaire, ce dernier ayant à sa charge la fourniture et la mise en place des panneaux et des dispositifs de signalisation, et sans préjudice de l'application de l'article 31.4.4. / Si l'exécution des travaux entraîne la déviation de la circulation, le titulaire a la charge, dans les mêmes conditions, de la mise en place et de l'entretien de la signalisation aux extrémités des sections où la circulation est interrompue et de la signalisation des itinéraires déviés. ".

27. Il résulte clairement des stipulations précitées du CCTP, qui ne dérogent pas à l'article 31. 5 du CCAG-Travaux également applicable, que la mise en place de la signalisation complète du chantier et des déviations rendues nécessaires par l'interruption de la circulation lors des opérations de vérinage, incombe au titulaire du marché. Dès lors, la demande de la société AEVIA afférente aux frais supplémentaires d'un montant de 80 200 euros HT liés à la fourniture et à la mise en place d'une signalisation pour la déviation et la coupure du pont de Tancarville durant les opérations de vérinage ne peut qu'être rejetée.

S'agissant de la modification des descentes d'eau pluviale existantes pour un montant de 27 500 euros HT :

28. Aux termes de l'article 1.6 du CCTP : " Le Titulaire est réputé par le fait de sa soumission, avoir une connaissance parfaite des lieux et terrains où seront réalisés les travaux. Le Titulaire aura pris connaissance de toutes les conditions pouvant, de quelques manières que ce soit, influer l'exécution, la qualité et le prix des opérations à réaliser. ". En outre l'article 1.4 du CCTP relatif à la consistance des travaux stipule : " D'une manière générale, l'entreprise comprend toutes les fournitures et mises en œuvre, nécessaires au changement complet des appareils d'appui objet du présent marché, ainsi que la remise en état des lieux mis à la disposition du Titulaire ou modifiés par le déroulement des travaux ". L'article 200 du BPU précise, s'agissant des prestations de fin de chantier : " Ce prix rémunère, au forfait, la mise en œuvre et le repliement des échafaudages et platelages pour la réalisation des travaux au droit des appuis et à l'intérieur de la pile-culée PC8 et de la culée C0. (...) cette prestation comprend également le démontage, le nettoyage et la remise en état des lieux. ".

29. La société AEVIA, qui a procédé à la dépose des descentes d'eaux pluviales et à leur réfection, demande le versement d'une rémunération supplémentaire de 27 500 euros HT. Pour en justifier, elle expose que les documents du marché n'apportent aucune précision concernant la position des évacuations pluviales existantes en fonte et qu'aucune pièce technique contractuelle ne mentionne cette prestation. Toutefois, il résulte des vues photographiques des lieux que les descentes d'eau pluviale étaient parfaitement visibles de sorte que la visite préalable au dépôt de l'offre lui permettait aisément de les identifier de manière à prendre en considération la contrainte liée à la nécessité de les démonter puis de les remettre en place à l'issue des travaux de remplacement des appareils d'appui du Pont de Tancarville conformément à l'article 1.4 du CCTP. Sa demande de rémunération supplémentaire présentée au titre de la modification des descentes d'eau pluviale ne peut dès lors qu'être rejetée.

S'agissant de la fourniture et de la mise en place de cibles pour le suivi des déplacements de l'ouvrage pour un montant de 20 100 euros HT :

30. Aux termes de l'article 303 du BPU intitulé " Dispositif de suivi et de surveillance " : " Ce prix rémunère au forfait, le suivi des déplacements des piles, des travées, le déplacement relatif appui /tablier et des pressions admises aux vérins. Ce prix comprend notamment : / La fourniture du matériel de suivi, / Le repérage et le suivi des niveaux pour le rétablissement du profil en long. ".

31. Au soutien de sa demande de versement d'une rémunération supplémentaire de 20 100 euros HT, la société AEVIA fait valoir qu'aucune pièce contractuelle ne prévoit la demande de la CCI et du maître d'œuvre quant à la durée du suivi, la répétitivité des mesures, la technologie à employer et que, lors des discussions de mise au point de sa prestation de suivi relatif des déplacements, le représentant de la maîtrise d'ouvrage s'est engagé à rémunérer cette prestation avant de se rétracter. Il résulte cependant des stipulations contractuelles citées au point précédent, qu'il revient au seul titulaire du marché de supporter les coûts, notamment d'acquisition du matériel permettant d'assurer le suivi structurel des ouvrages. A cet égard, comme l'a retenu à bon escient le tribunal, les courriels échangés du 8 au 12 mars 2019 entre le conducteur de travaux de la société TSV et un représentant de la société Sofren Group faisant partie du groupement solidaire de maîtrise d'œuvre constitué avec Egis Structures, ne permettent aucunement d'établir que le maître d'ouvrage aurait décidé de prendre en charge financièrement ce poste. Il en va de même du compte-rendu n° 19 d'une réunion ayant eu lieu le 11 avril 2019 entre les parties concernées qui ne fait qu'évoquer une proposition technique de suivi des déplacements par relevés topographiques pour laquelle la CCI avait sollicité trois devis auprès de géomètres.

S'agissant des surcoûts liés à l'allongement de la durée d'exécution du contrat :

32. La société AEVIA soutient que l'allongement du délai d'exécution du chantier a entraîné des coûts supplémentaires résultant des frais d'installation et d'encadrement de chantier pour un montant de 81 381,60 euros HT et des frais de location des échafaudages pour un montant de 36 400 euros HT. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'allongement de la durée d'exécution des travaux n'est pas imputable au maître d'ouvrage, à l'exception des prestations portant sur la réalisation des changements des joints de chaussée en trois phases par tiers de chaussée. Toutefois, ces derniers travaux supplémentaires ayant déjà fait l'objet d'une indemnisation pour un montant de 12 750 euros HT, il n'y a pas lieu de les indemniser une seconde fois au titre de l'allongement de la durée d'exécution du marché. Au demeurant, la société appelante ne justifie pas du lien de causalité entre l'allongement de la durée contractuelle d'exécution des travaux et les frais d'installation et d'encadrement et de location d'échafaudages. Dans ces conditions, ses demandes présentées au titre des surcoûts liés à l'allongement du chantier doivent être rejetées.

33. Il résulte de tout ce qui précède que la rémunération que la société AEVIA est en droit de demander pour avoir exécuté des prestations supplémentaires non prévues au marché s'élève à la somme de 12 570 euros HT, correspondant à la réalisation des joints par tiers de chaussée.

Sur les pénalités de retard :

En ce qui concerne les délais d'exécution du marché :

34. Il résulte de l'instruction, que la date d'achèvement des travaux initialement fixée au 14 juin 2019 a été reportée au 20 juin 2019 par la CCI Seine Estuaire. Les travaux n'ayant été achevés que le 13 novembre 2019, le maître d'ouvrage a retenu un retard d'exécution contractuel de cent quarante-six jours calendaires. La société AEVIA soutient que le dépassement du délai d'exécution initial du marché résulte des nouvelles demandes du maître d'œuvre et du maître d'ouvrage et qu'elle n'est redevable d'aucune pénalité.

35. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 20 à 32 concernant les faits générateurs invoqués par la société appelante pour justifier d'un allongement de la durée des travaux, que seuls les travaux portant sur le changement des joints par tiers de chaussée doivent être retenus comme ne lui étant pas imputables, soit une prolongation du calendrier d'exécution des travaux de sept jours calendaires, ainsi que l'a déjà jugé le tribunal. En revanche, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il découle de ce qui a été dit au point 22, que la mise en place d'un revêtement en Sikagard sur les consoles de vérinage, est à l'origine d'une prolongation du chantier de six jours calendaires imputable à la société AEVIA.

36. En deuxième lieu, le tribunal a fait droit à la demande d'allongement du délai contractuel d'une durée de sept jours, résultant de l'exécution des travaux supplémentaires nécessaires à l'adaptation de la tuyauterie d'évacuation des joints de chaussée, réalisés par la société TSV à la demande du maître d'œuvre. La CCI Seine Estuaire ne contestant pas ce point, cette durée doit être confirmée.

37. En troisième lieu, si la société AEVIA se prévaut d'une demande, demeurée sans réponse, qui aurait été formulée auprès du maître d'œuvre le 27 juin 2019, correspondant à un allongement de sept jours calendaires (cinq jours ouvrés) supplémentaires, en lien avec une modification du marché, elle ne produit pas le courrier relatif à cette demande. En l'état, sa demande de délai supplémentaire ne peut dès lors qu'être rejetée.

38. En quatrième lieu, la société AEVIA expose que l'hydrodémolition de la console C8, en lien avec les difficultés rencontrées lors des deux premières opérations de vérinage, a conduit à un allongement de la durée d'exécution des prestations équivalent à 21 jours calendaires. Cependant, il ressort du rapport du maître d'œuvre daté du 15 juillet 2020, dont la société appelante ne remet pas utilement en cause le constat, que cette prestation a été nécessaire en raison de la rupture d'un des coffrages de la console C8 pour laquelle la société TSV n'avait pas, préalablement à leur réalisation, fait procéder à la validation préalable des documents de calcul et plan de coffrage. Dès lors que l'allongement de la durée d'exécution lui est imputable, la société titulaire n'est pas fondée à demander la prorogation de la durée contractuelle.

39. En dernier lieu, aux termes de l'article 4.1 du CCAP : " Les délais comprennent en outre : .../ Les intempéries prévisibles détaillées à l'article 3.4.1 du présent CCAP ; / ... le maître d'œuvre est à même d'apprécier la réalité des phénomènes d'intempéries empêchant réellement l'exécution des travaux de l'ouvrage. ". En outre, l'article 3.4.1 de ce CCAP stipule : " ... Le prix porté à l'acte d'engagement ainsi qu'au bordereau des prix et au détail estimatif est réputé tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent ces travaux, et ce, en application des dispositions de l'article 10.1.1 du CCAG-Travaux, que ces sujétions résultent notamment : / ...De phénomènes naturels considérés comme prévisibles normalement lorsqu'ils ne dépassent pas les intensités limites suivantes : a - Gel : - 5°C à 8 h du matin ; b - Vent : 80 km/h à 8 h du matin ; .... ".

40. Pour soutenir que les retards d'exécution de ses prestations sont en partie imputables à dix jours d'intempéries, correspondant à quatorze jours calendaires, la société AEVIA se fonde sur les journaux de chantier, qui font apparaître que le maître d'œuvre, d'une part, en raison du froid, de la neige et de la pluie, a interdit aux ouvriers de monter sur les échafaudages les 30 et 31 janvier 2019, d'autre part, en raison du vent a interdit aux ouvriers de monter sur les échafaudages les 4, 7, 11, 12, 13 et 14 mars 2019. Si les divers journaux de chantier produits ne font ressortir aucunement des conditions météorologiques imprévisibles, qui dépasseraient les intensités mentionnées à l'article 3.4.1 du CCAP, il n'en demeure pas moins que ces journaux révèlent que le maître d'œuvre a estimé qu'il était à même d'apprécier la réalité des phénomènes d'intempéries empêchant réellement l'exécution des travaux de l'ouvrage et décidé que le chantier ne pouvait être exécuté durant huit journées. La société AEVIA peut ainsi seulement prétendre à un allongement de la durée d'exécution du chantier en raison des intempéries à hauteur de huit jours calendaires, comme l'a jugé le tribunal.

41. Il résulte de ce qui précède, que l'allongement de la durée d'exécution de la prestation de la société AEVIA ne lui est pas imputable à hauteur de vingt-deux jours calendaires et non

de vingt-huit jours. Le terme contractuel d'exécution doit dès lors être fixé au 12 juillet 2019.

En ce qui concerne le montant des pénalités applicables :

42. Aux termes de l'article 4.4.1 du CCAP : " (...) En cas de dépassement du délai contractuel d'exécution des travaux, le Titulaire subit une pénalité journalière conformément à l'article 20 du CCAG travaux avec un minimum de 500 euros HT par jour calendaire de retard à compter du premier jour de dépassement du délai contractuel d'exécution (...) ". Aux termes de l'article 4.4.2 du CCAP : " - Pénalités de retard dans la restitution de l'ouvrage à la circulation après vérinage - (...) ". Aux termes de l'article 4.4.3 du CCAP : " En cas d'absence ou de retard aux rendez-vous de chantier, à la réception des travaux et à toute réunion provoquée par le Maître d'Ouvrage et/ou le MOE, une pénalité forfaitaire de 150 euros HT (par absence dûment constatée) est encourue par le Titulaire dûment convoqué (...) ".

43. Il résulte du décompte général et définitif notifié à la société AEVIA, que

la CCI Seine-Estuaire a fixé le montant total des pénalités à la somme de 183 200 euros. La société AEVIA soutient qu'elle n'est redevable des pénalités qu'à hauteur de la somme de 23 550 euros et sollicite la levée des pénalités à hauteur de la somme de 159 650 euros.

44. Par le jugement attaqué, notamment ses points 37 à 39, le tribunal a partiellement fait droit à la demande de la société AEVIA, à hauteur d'une somme de 21 150 euros, correspondant à la décharge, respectivement, d'une pénalité de 150 euros en raison d'une absence à une réunion de chantier non établie, d'une pénalité de 7 000 euros pour retard dans la restitution de l'ouvrage à la circulation dont le lien avec les opérations de vérinage réalisées les 28 mai et 22 août 2019 n'est pas établi, ainsi que d'une pénalité d'un montant de 14 000 euros pour prolongation de la durée d'exécution contractuelle des travaux de vingt-huit jours.

45. D'une part, la CCI n'apporte, devant la cour, aucun élément nouveau de nature à établir la justification de la pénalité d'un montant de 150 euros au titre de l'article 4.4.3 du CCAP et de la pénalité d'un montant de 7 000 euros au titre de l'article 4.4.2 du CCAP, infligées à la société AEVIA. En conséquence, il y a lieu de confirmer la décharge de ces deux pénalités de retard.

46. D'autre part, compte tenu de ce qui a été dit au point 41 en ce qui concerne la prolongation de la durée contractuelle du marché de 22 jours, l'achèvement des travaux est intervenu avec un retard de cent vingt-quatre jours, imputable à la société titulaire. Dès lors, il y a lieu de porter le montant de la pénalité due au titre du non-respect du calendrier d'exécution des travaux, d'un montant de 500 euros journaliers prévu à l'article 4.4.1 du CCAP, de la somme de 59 000 euros retenue par le tribunal à la somme de 62 000 euros.

Sur le solde du marché :

47. Au vu de ce qui précède, le solde du marché, initialement fixé à la somme de 66 000 euros TTC au débit de la société TSV, arrêté par le tribunal administratif de Rouen à la somme de 20 910 euros TTC au débit de la société AEVIA venue aux droits de la société TSV, doit être augmenté d'une somme de 11 640 euros TTC, correspondant, d'une part, à la somme de 7 200 euros HT (8 640 euros TTC) au titre de la mise en place d'un revêtement en Sikagard sur les consoles de vérinage et, d'autre part, à la somme de 3 000 euros correspondant aux pénalités de retard afférentes aux six jours calendaires nécessaires à la réalisation de cette prestation.

48. Par suite, le solde du marché doit être fixé à la somme de 32 550 euros TTC (soit 66 000 euros TTC - 33 450 euros TTC) au débit de la société AEVIA.

49. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, que les conclusions d'appel principal de la société AEVIA doivent être rejetées. En outre, la CCI Seine Estuaire est seulement fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que la société AEVIA soit condamnée à lui verser la somme de 32 550 euros TTC.

Sur les frais liés au litige :

50. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la CCI Seine Estuaire qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante au titre des frais exposés par la société AEVIA et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la CCI Seine Estuaire au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le solde du marché fixé à 20 910 euros TTC au débit de la société AEVIA par l'article 1er du jugement du 4 novembre 2022 du tribunal administratif de Rouen, est porté à la somme de 32 550 euros TTC.

Article 2 : La société AEVIA est condamnée à verser à la CCI Seine Estuaire la somme de 32 550 euros TTC.

Article 3 : Les articles 1er et 2 du jugement du 4 novembre 2022 du tribunal administratif de Rouen sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et des conclusions présentées par la CCI Seine Estuaire est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société AEVIA et à la chambre de commerce et d'industrie (CCI) Seine Estuaire.

Délibéré après l'audience publique du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M-P. Viard

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

F. Cheppe

No 22DA02675 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02675
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SCP CASTON TENDEIRO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;22da02675 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award